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Mon livre « Cyberstructure »

Ève


Fiche de lecture : CultureNum

Auteur(s) du livre : Ouvrage collectif coordonné par Hervé le Crosnier
Éditeur : C&F
978-2-915825-31-2
Publié en 2013
Première rédaction de cet article le 19 octobre 2013


Ce livre rassemble un certain nombre de textes de réflexions autour de la notion de « Culture numérique ». Le numérique (en pratique, le livre parle beaucoup, mais pas uniquement, de l'Internet) est souvent abordé sous l'angle technique (les routeurs, les serveurs, les câbles, les logiciels...) ou sous l'angle anecdotique, rarement sous celui des réelles pratiques de ses innombrables utilisateurs. Ce livre vise à aborder le numérique d'une autre façon : les utilisateurs ne se comportent pas comme le voudraient les marketeux, ils ne se limitent pas aux quelques excès ou délires pointés par le presse à sensation. Mais, alors, ils font quoi ?

Comme la plupart des ouvrages collectifs, celui-ci n'a guère d'unité, à part cette volonté de considérer que l'Internet est aussi défini par les choix de ses utilisateurs. « L'Internet est trop souvent vécu comme un réseau dominé par des acteurs industriels et des décisions institutionnelles [par exemple dans les débats sur la gouvernance], alors que ce sont les usagers qui forment l'élement majeur du succès du numérique » (p. 8).

Ainsi, si de nombreux penseurs ont glosé sur le numérique chez les adolescents, peu sont allés étudier ce que faisaient vraiment lesdits ados. Élisabeth Schneider est allé enquêter et raconte ses trouvailles (j'ai bien aimé la moyenne des 15 SMS envoyés par heure de cours, p. 22...) Karine Aillerie est partie voir ces mêmes ados pour regarder comment ils recherchent et s'informent sur l'Internet. Si leur usage de Google est souvent cité, celui de Wikipédia l'est moins, notamment sur le pourquoi de la confiance accordée (Wikipédia est vue par les ados comme une « marque », immédiatement reconnaissable, et cohérente dans toute ses pages, cf. p. 61). L'auteur note bien, comme l'ont déjà fait d'autres, que tous ces outils ne dispensent pas d'« apprendre à chercher », chose très rare aujourd'hui (p. 67).

Laurent Matos se demande dans ce livre comment les bibliothèques peuvent s'adapter au numérique, par exemple en prêtant des liseuses. Mais la complexité technique de l'offre, la variété des formats et bien sûr les DRM forment des obstacles colossaux à une implication plus grande des bibliothèques dans le numérique (p. 82-83). Guénaël Boutouillet, lui, a voulu renouveler les traditionnels ateliers d'écriture en les faisant via le Web (p. 87), notant le paradoxe que ces ateliers, la plupart du temps, n'utilisent pas les outils qui sont le quotidien de tous (écran et clavier).

Le livre, je l'ai signalé, est à plusieurs voix, et ces voix ne chantent pas tous en chœur. On trouve même un long texte corporatiste d'Alain Charriras de défense des ayant-droits (p. 108). Le problème est complexe mais bien expliqué par l'auteur, qui défend la taxe « copie privée » sans nuances. Mais il note aussi que la nullité de l'offre légale est une des principales explications de la copie illégale.

Le numérique envahit aussi la radio et Xavier de la Porte a un excellent article (p. 116) sur la mutation de « la radio la plus vieillotte » (France Culture). De l'époque des Nagra emportés en reportage, au montage d'interviews sur ordinateur et ses conséquences. Le fait que les interviews ne soient plus coupés par le changement de bande magnétique ne permet plus de s'arrêter pour réflechir... Le fait que les moteurs de recherche n'indexent pas le son limite la visibilité des émissions de radio sur l'Internet...

Un exemple typique où le contenu est créé par les utilisateurs et non pas consommé passivement par eux est le fansubbing (les passionnés d'une série télévisée étrangère qui en assurent eux-mêmes le sous-titrage pour leurs compatriotes moins polyglottes), couvert par Brigitte Chapelain avec plusieurs autres pratiques créatives du numérique (p. 142). J'en profite pour remercier « Honey Bunny » qui fait un travail très rapide (quoique pas toujours très rigoureux mais même ses coquilles sont amusantes comme « va sceller mon cheval ») de sous-titrage de Game of Thrones.

Alors, le numérique est-il bon ou mauvais ? Comme le note Hervé le Crosnier (p. 179), il est comme un médicament, soignant certains, en rendant d'autres malades, et le tout dépendant de la dose et de la façon dont elle est administrée et reçue. Il y a eu des promesses délirantes liées au numérique (Hervé le Crosnier démolit les plus ridicules, celles portant sur l'éducation, notamment au e-learning, p. 181 et 183) mais aussi des transformations radicales, souvent dans le sens d'une plus grande participation du peuple.

Avertissement : j'ai reçu un exemplaire gratuit de l'éditeur, mais cela n'a pas affecté mon jugement, je suis incorruptible, d'autant plus qu'il n'y avait pas de chocolats joints à l'envoi.


La fiche

Fiche de lecture : Congo - Une histoire

Auteur(s) du livre : David Van Reybrouck
Éditeur : Actes Sud
978-2-330-00930-4
Publié en 2012
Première rédaction de cet article le 25 février 2013


Ce livre est une histoire complète du Congo, commençant avec la préhistoire (et non pas, comme dans les cours d'histoire du Congo faits pendant la colonisation, avec l'arrivée des Européens...). Très bien documenté, passionnant à lire, c'est un exemple pour l'histoire de l'Afrique (qui est encore loin d'avoir fait l'objet d'autant de travaux que celle de l'Europe).

L'auteur a passé beaucoup de temps sur place, à parler avec les témoins (car les sources écrites d'avant l'indépendance sont presque toutes faites par les colons). Il a même rencontré un témoin qui prétend être né en 1882, avant la colonisation et qui a en tout cas des tas de récits intéressants. Parce que le Congo a eu une histoire compliquée. Lors de la mainmise belge sur le pays, le Congo n'était pas une colonie mais un État indépendant... dont le roi se trouvait être également roi des Belges. Ce dernier, Léopold II, était à Bruxelles un monarque constitutionnel, obligé de tenir compte du parlement, des lois... Mais, en Afrique, il pouvait faire tout ce qu'il voulait, sans aucun contrôle, et ce fut un pillage et des massacres terribles.

La Belgique a fini par annexer l'État indépendant et les habitants ont été nettement mieux traités sous la colonisation officielle... (Au fait, l'auteur, un belge néerlandophone, ne mentionne pas une seule fois Tintin. Il préfère le point de vue des Congolais.)

Ensuite, le Congo a suivi la voie habituelle des pays colonisés. Ses soldats ont joué un rôle important (et largement oublié) pendant les deux guerres mondiales. Pendant la première, ils ont repoussé les troupes allemandes venues de l'Est. Il y a peu de témoins de cette époque sauf la voix d'un soldat congolais, capturé par les Allemands et qui, à Berlin, a été l'objet d'une étude ethnologique avec enregistrement de ses récits dans sa langue maternelle. Une des rares traces du Congo de l'époque se trouve donc en Allemagne.

Et, pendant la seconde guerre mondiale, les soldats congolais ont combattu partout, en Afrique, certes, mais aussi jusqu'en Birmanie. Car, cette fois, il reste des témoins vivants et l'auteur en a retrouvé un, qui avait participé à cette campagne. L'un de ces anciens combattants lui a d'ailleurs confié « c'est la première fois qu'un blanc me demande mes souvenirs de la guerre ».

Puis ce fut l'indépendance et des nouveaux malheurs pour le Congo. Guerre civile, intervention massive de mercenaires aux ordres de telle ou telle puissance européenne ou américaine, dictature de Mobutu et guerre sur la frontière orientale, qui continue encore aujourd'hui.

Pour terminer sur une note plus positive, l'un des meilleurs chapitres du livre est celui où l'auteur a accompagné un groupe de marchands congolais en Chine. Un aspect de la mondialisation pas forcément connu en Europe est que le business se fait désormais entre l'Afrique et la Chine et que, comme le note l'auteur, à Kinshasa, la file d'attente pour les visas est désormais plus longue devant l'ambassade de Chine que devant celle de France.

Au cours de ce voyage, l'auteur entendra un Chinois parler lingala avec ses clients africains, discutera avec des Congolais installés en Chine et pouvant négocier en cantonais, et verra l'achat de nombreuses marchandises, dont plusieurs iPhone contrefaits, qui se retrouveront en vente au Congo. (Au passage, sur cette nouvelle route commerciale Afrique<->Chine, je recommande cet excellent article.)


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