W. George (Time Warner Cable)C. Donley (Cablelabs)C. Liljenstolpe (Telstra)L. Howard (Time Warner Cable)April20122012-04-13
Il y a plusieurs façons de présenter ce RFC
qui décrète que toute machine IP doit être
capable de faire de l'IPv6. Le meilleur angle,
je trouve, est de dire que c'est un RFC contre la publicité
mensongère : dans l'Internet d'aujourd'hui, IP
ne veut plus seulement dire IPv4. Vendre une
machine ou un logiciel comme étant capable de parler IP, alors qu'elle
ou il ne fait pas d'IPv6 est mensonger.
Bien sûr, en pratique, il est peu probable que ce RFC change
grand'chose : les vendeurs continueront à fourguer des produits
incapables de parler IPv6, protocole pourtant normalisé depuis seize
ans, avec la sortie du (depuis
remplacé par le ). Mais, au moins, ils
ne pourront plus dire qu'il y avait une ambiguité et que certains RFC anciens
parlent de « IP » pour désigner IPv4. Désormais, il est clair que
« IP » veut dire IPv6 et (bien que le RFC ne le spécifie pas), si on
est seulement IPv4, cela doit être annoncé comme tel et non pas sous
l'étiquette « IP ».
Le succès d'IPv4 est incontestable. Il est désormais déployé
absolument partout, malgré les vigoureuses oppositions des
telcos traditionnels, relayés par pas mal de
gouvernements (souvenez-vous des ridicules campagnes de promotion de
l'ATM, censé barrer la route à IP). Mais c'est
ce succès même qui a condamné IPv4. Le stock d'adresses disponibles
est désormais épuisé. Un certain nombre de
techniques ont été développées par acharnement thérapeutique, pour
essayer de gagner encore quelques années, comme le NAT444. Toutes ont de sérieux
inconvénients (cf. pour un
exemple).
La solution correcte, qui évite de fragiliser
l'Internet par l'empilement de techniques de
transition et/ou de coexistence est donc de déployer IPv6. Mais
cela ne s'est pas fait tout seul. L'absence, ou la mauvaise qualité,
de mise en œuvre d'IPv6 dans les logiciels a longtemps retardé ce
protocole. Beaucoup de fournisseurs de logiciels se sont comportés
comme si « IP » se réduisait à IPv4, IPv6 étant une addition possible
mais facultative. Pendant de nombreuses années,
Cisco exigeait une licence supplémentaire
payante pour l'activation d'IPv6 dans
IOS... Bref, des engins étaient vendus comme
« IP » alors qu'ils n'étaient qu'« IPv4 ». Le problème continue
aujourd'hui, empêchant la migration de progresser.
C'est particulièrement gênant dans le domaine des équipements
proches du consommateur : ce dernier, à juste titre, ne se soucie pas
de la version du protocole IP installé. IPv6 a été conçu justement
pour ne pas changer le modèle de fonctionnement d'IP et il n'y a donc
aucun avantage, pour M. Toutlemonde, à migrer vers IPv6. La migration,
décision technique, ne devrait pas dépendre d'un choix explicite du
consommateur, surtout si on le fait payer pour cela, comme le faisait
Cisco. La migration devrait se faire au fur et à mesure que les
vieilles machines et vieux logiciels sont remplacés, sans que
M. Toutlemonde ne s'en rende compte.
À la décharge des vendeurs, il faut noter que tous les RFC, même
ceux encore en vigueur, ne sont
pas clairs là-dessus. Par exemple, le ,
qui établit les règles pour les routeurs IPv4, utilise souvent le
terme IP pour désigner IPv4. Même chose pour le , qui normalise les machines terminales et ne mentionne
pas IPv6. Aujourd'hui, le terme « IP », dans un RFC, peut indiquer
IPv4 seul, IPv6 seul ou bien les deux.
À noter qu'IPv6 a aussi ses RFC de résumé des exigences, comme les et .
La section 2 de notre RFC pose donc la règle : « IP implique
IPv6 ». Plus précisément :
Les nouvelles mises en œuvre d'IP (ou les mises à jour
majeures) doivent inclure
IPv6.La qualité du support IPv6 doit être égale ou supérieure à celle
d'IPv4. On en est très loin aujourd'hui : poussés par des cahiers des
charges qui exigent IPv6, certains vendeurs ajoutent un support
minimum, permettant de cocher la case « IPv6 » lors de la réponse à un
appel d'offres, mais en fournissant du logiciel bogué et lent.L'activation ou la configuration d'IPv4 ne doit pas être
nécessaire.
Évidemment, ce n'est qu'un RFC. Bien des vendeurs
l'ignoreront. Espérons toutefois qu'il contribuera à une meilleure
information des consommateurs.
Ce document était loin d'être consensuel à l'IETF. Beaucoup de gens
critiquaient le principe même d'un document d'exhortation, qui risque
fort de n'être qu'un rappel de plus. Toutefois, les partisans de ce
document étaient actifs et les opposants ne voyaient pas
d'inconvénients graves à la publication.