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RFC 8105: Transmission of IPv6 Packets over DECT Ultra Low Energy

Date de publication du RFC : Mai 2017
Auteur(s) du RFC : P. Mariager, J. Petersen (RTX A/S), Z. Shelby (ARM), M. Van de Logt (Gigaset Communications GmbH), D. Barthel (Orange Labs)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF 6lo
Première rédaction de cet article le 3 mai 2017


Tout le monde connait DECT, la technique utilisée, depuis vingt ans, entre votre téléphone sans fil à la maison, et sa base. DECT ne sert pas que pour la voix, il peut aussi être utilisé pour transmettre des données, par exemple de capteurs situés dans une « maison intelligente ». DECT a une variante « basse consommation », DECT ULE (pour Ultra Low Energy) qui est spécialement conçue pour des objets connectés ayant peu de réserves d'énergie. Elle vise donc la domotique, s'appuyant sur la vaste distribution de DECT, la disponibilité de composants bon marché et très diffusés, de fréquences dédiées, etc. Il ne restait donc plus qu'à faire passer IPv6 sur DECT ULE. C'est ce que normalise ce RFC, qui réutilise les techniques 6LoWPAN (RFC 4919).

DECT est normalisé par l'ETSI sous le numéro 300.175 (et la norme est en ligne). ULE s'appuie sur DECT pour le cas particulier des engins sans guère de réserves énergétiques. Il est normalisé dans les documents ETSI 102.939-1 et 102.939-2. Dans la terminologie DECT, le FP (Fixed Part) est la base, le PP (Portable Part) le téléphone sans fil (ou bien, dans le cas d'ULE, le capteur ou l'actionneur ). Le FP peut être connecté à l'Internet (et c'est évidemment là qu'IPv6 est important).

Un réseau DECT ULE typique serait une maison où des capteurs (les PP) mesureraient des informations et les transmettraient au FP qui, étant doté de capacités de calcul et de réserves d'énergie suffisantes, les traiterait, en ferait des jolis graphiques, aurait une interface Web, etc. Le RFC cite un autre exemple où une personne âgée serait munie d'un pendentif qui enverrait des signaux de temps en temps (consommant peu d'énergie) mais permettrait d'établir une liaison vocale avec le FP (et, de là, avec les services médicaux) en cas d'urgence.

Et IPv6 ? Il permettrait d'avoir une communication avec tous les équipements IP. IPv6 fonctionne déjà sur une autre technologie similaire, IEEE 802.15.4, avec le système 6LoWPAN (RFC 4944, RFC 6282 et RFC 6775). Comme DECT ULE ressemble à 802.15.4 (mais est un protocole différent, attention), ce RFC décrit comment faire passer de l'IPv6, en s'inspirant de ce qui marchait déjà pour 802.15.4.

La section 2 du RFC rappelle ce qu'il faut savoir de DECT et d'ULE. ULE permet le transport de la voix et des données mais ce RFC ne se préoccupe que des données. Le protocole utilise les bandes de fréquence entre 1880 et 1920 MHz, à 1,152 Mbauds. La topologie théorique est celle d'un réseau cellulaire mais, en pratique, DECT est la plupart du temps organisé en étoile, un FP (la base) au « centre » et des PP (téléphones et capteurs) qui lui sont rattachés. Toute session peut commencer à l'initiative du FP ou d'un PP mais attention : avec ULE, bien des PP seront des engins aux batteries limitées, qui dormiront pendant l'essentiel du temps. Au minimum, il y aura une sérieuse latence s'il faut les réveiller.

Comme, dans le cas typique, le FP est bien moins contraint que le PP (connecté au courant électrique, processeur plus puissant), ce sera le FP qui jouera le rôle de 6LBR (6LoWPAN Border Router, voir RFC 6775), et le PP celui de 6LN (6LoWPAN Node, même RFC). Contrairement à 802.15.4, DECT ULE ne permet que des liens directs, pour aller au delà, il faut un routeur (le FP). Tous les PP connectés à un FP forment donc un seul lien, leurs adresses seront dans le même préfixe IPv6.

Comment attribuer cette adresse ? Alors, là, faites attention, c'est un point délicat et important. Chaque PP a un IPEI (International Portable Equipment Identity) de 40 bits, qui est l'identifiant DECT. Les FP ont un RFPI (Radio Fixed Part Identity, également 40 bits). Les messages envoyés entre PP et FP ne portent pas l'IPEI mais le TPUI (Temporary Portable User Identity, 20 bits). Pas mal de mises en œuvre de DECT attribuent répétitivement le même TPUI à une machine, même si ce n'est pas obligatoire. Il peut donc être un identifiant stable, en pratique, comme le sont IPEI et RFPI.

L'adresse IPv6 est composée du préfixe du réseau et d'un identifiant d'interface, qu'on peut construire à partir de l'adresse MAC (les équipements DECT peuvent aussi avoir une adresse MAC, en sus des identificateurs déjà cités). Adresse MAC, IPEI, RFPI ou TPUI, tout ce qui est stable pose des problèmes de protection de la vie privée (RFC 8065), et n'est pas recommandé comme identifiant d'interface par défaut.

Un petit mot aussi sur la MTU : les paquets DECT ne sont que 38 octets, bien trop petit pour IP. Certes, DECT fournit un mécanisme de fragmentation et de réassemblage, qui fournit une MTU « virtuelle » qui est, par défaut, de 500 octets. La MTU minimum exigée par IPv6 étant de 1 280 octets (RFC 2460, section 5), il faudra donc reconfigurer le lien DECT pour passer à une MTU de 1 280. Ainsi, les paquets n'auront jamais besoin d'être fragmentés par IP. Évidemment, plus le paquet est gros, plus le coût énergétique de transmission est élevé, au détriment de la durée de vie de la batterie.

Place maintenant à la spécification elle-même, en section 3 du RFC. La base (alias FP, alias 6LBR) et l'objet (alias PP, alias 6LN) vont devoir se trouver et établir une session DECT classique. On aura alors une couche 2 fonctionnelle. Ensuite, on lancera IPv6, qui fournira la couche 3. La consommation de ressources, notamment d'énergie, étant absolument cruciale ici, il faudra s'appuyer sur les technologies IPv6 permettant de faire des économies, notamment RFC 4944 (IPv6 sur un autre type de réseau contraint, IEEE 802.15.4), RFC 6775 (optimisation des mécanismes de neighbor discovery pour les 6LoWPAN) et RFC 6282 (compression des paquets et notamment des en-têtes).

Comme indiqué plus haut, les PP ne peuvent parler qu'au FP, pas directement de l'un à l'autre. Si tous les PP d'un même FP (d'une même base) forment un sous-réseau IPv6 (choix le plus simple), le modèle sera celui d'un NBMA. Lorsqu'un PP écrira à un autre PP, cela sera forcément relayé par le FP.

Les adresses IPv6 des PP seront formées à partir du préfixe (commun à tous les PP d'un même FP) et d'un identifiant d'interface. Pour les adresses locales au lien, cet identifiant d'interface dérivera des identifiants DECT, les IPEI et RFPI, complétés avec des zéros pour atteindre la taille requise. Le bit « unique mondialement » sera à zéro puisque ces identifiants ne seront pas uniques dans le monde (ils ont juste besoin d'être uniques localement, ce fut un des points les plus chauds lors de l'écriture de ce RFC).

Pour les adresses globales des PP, pas question d'utiliser des identificateurs trop révélateurs (RFC 8065), il faut utiliser une technique qui préserve la vie privée comme les CGA (RFC 3972), les adresses temporaires du RFC 8981 ou les adresses stables mais opaques du RFC 7217.

Le FP, la base, a une connexion avec l'Internet, ou en tout cas avec d'autres réseaux IP, et routera donc les paquets, s'ils viennent d'un PP et sont destinés à une adresse extérieure au sous-réseau (idem avec les paquets venus de l'extérieur et destinés au sous-réseau.) Au fait, comment est-ce que la base, qui est un routeur IPv6, obtient, elle, le préfixe qu'elle va annoncer ? Il n'y a pas de méthode obligatoire mais cela peut être, par exemple, la délégation de préfixe du RFC 8415, ou bien le RFC 4193.

Question mises en œuvre, il semble que RTX et Gigaset en aient déjà, et que peut-être l'alliance ULE va produire une version en logiciel libre.


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