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Fiche de lecture : Adventures in the bone trade

Auteur(s) du livre : Jon Kalb
Éditeur : Copernicus books
0-387-98742-8
Publié en 2001
Première rédaction de cet article le 12 mai 2009


Si vous aimez la science, l'aventure et la vie au grand air, précipitez vous sur ce pavé (380 pages) où Jon Kalb raconte ses recherches en Éthiopie, à fouiller la dépression de l'Afar, à la recherche de fossiles. Si vous voulez garder de la science l'image d'une activité pure et désintéressée, par contre, passez votre chemin, car vous aurez droit dans ce livre à pas mal de réglements de compte entre les différents camps qui se sont violemment affrontés en Afrique orientale, pour la découverte de fossiles humains (car personne ne s'intéresse aux autres).

Commençons par la science : la dépression de l'Afar est située en plein sur le rift africain et est très riche en fossiles. Dans les années 1970, de nombreux chercheurs s'y sont précipités, pour dresser la carte de son originale géologie et pour trouver des fossiles humains car l'âge des terrains qui émergent est à peu près celle de l'apparition de l'homme. Cette course a culminé dans la découverte de la fameuse Lucy en 1974. Outre les australopithèques, l'Afar, aujourd'hui très stérile, recèle des fossiles d'innombrables animaux dont beaucoup d'éléphants, bien pratiques car leurs dents sont de grande taille, se conservent bien, et sont très différentes d'une espèce à l'autre. On peut donc facilement dater un terrain dès qu'on y trouve des molaires d'éléphant. L'Afar est donc, malgré les conditions climatiqus qui y règnent, un paradis pour les paléontologues.

Continuons avec l'aventure : les conditions de travail sont évidemment mauvaises. Il faut se déplacer dans des régions peu cartographiées, arides, au milieu des nomades turbulents et prompts à considérer (souvent à juste titre) l'arrivée des blancs comme prémisse de gros problèmes. Les Land Rover tombent souvent en panne, les voleurs attaquent le camp la nuit, les rivières sont à sec quand on a soif et débordent soudainement en pleine nuit.

L'aventure serait belle si elle se déroulait dans un climat de fraternité entre tous ces hommes de science attirés uniquement par le désir de connaitre. Mais ce n'est pas le cas : les rivalités professionnelles, l'influence d'un pays où le fusil est souvent la seule loi, et la dureté des conditions de vie, finissent par corrompre les meilleurs, et les ramener souvent à la mentalité de la jungle. Les affrontements sont fréquents, les haines se développent. Après avoir travaillé ensemble, Kalb et Johanson (le découvreur de Lucy) sont devenus ennemis et aucune mesquinerie de leurs conflits ne sera épargnée au lecteur. Personnages secondaires dans le livre, les français Maurice Taïeb et Yves Coppens en prennent également pour leur grade, surtout le premier. Il doit être intéressant de comparer leurs livres avec celui de Kalb... La dynastique famille Leakey est par contre traitée plus favorablement.

Et la politique ? Deux fils s'entrecroisent dans le livre, la fin de l'empire éthiopien, avec les dernières années du règne d'Hailé Sélassié, puis la chute de l'ancien régime, puis la prise du pouvoir par le dictateur Mengistu, et, second fil, les utilisations de la politique locale, ou de celle des organismes de recherche aux États-Unis, pour mettre des bâtons dans les roues des concurrents. Le tout se terminera, comme souvent aux États-Unis, par un procès en bonne et due forme de Kalb contre la NSF, qui avait refusé de financer ses fouilles, après une campagne de Johanson. Dans des pays comme l'Éthiopie ou le Kenya, qui ne sont pas des états de droit, il est bien tentant d'utiliser les autorités locales pour bloquer les demandes de permis de fouille des autres, voire les faire expulser du pays.

J'apprécie le récit très détaillé des fouilles, des subtiles difficultés techniques de l'identification d'un squelette, du problème de faire fonctionner des équipes multinationales ou de mener une vie de famille à Addis-Abeba. Quant à la violence des relations entre chercheurs, je la préfère dans la fiction, comme dans l'excellente nouvelle The gift, du même auteur.

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