Il y a déjà eu d'innombrables livres, articles dans la presse
papier et sur les blogs, bavardages à la radio, pontifications à la
télé, sur l'identité nationale. En sait-on plus
sur ce concept flou, désormais ? Pas sûr. Mona Ozouf l'aborde par le biais de
l'autobiographie. Elle décrit son enfance en
Bretagne dans les années 30, et en profite pour se demander ce que
signifie « être française ».
C'est que son identité n'est pas évidente : la petite Mona Sohier
est fille d'un militant
breton, à la fois partisan déterminé de la liberté de la
Bretagne, mais aussi instituteur à une époque
où l'école républicaine et laïque participait activement à la
destruction des langues régionales. Ce père qu'elle a peu connu,
quelles étaient exactement ses opinions politiques ? À part sur la
langue bretonne, elles ont varié,
épousant la difficulté de se définir lorsque on est breton et
progressiste, coincé entre la France dominatrice et nivelleuse, et la réaction
bretonne et catholique. Mort trop tôt, Yann Sohier n'a pas eu
l'occasion de se déterminer par rapport à l'occupant nazi, certains militants
bretons choisissant la collaboration, d'autres
la résistance. Les pages les
plus intéressantes sont consacrées à des questions politiques comme
« Qu'aurait fait mon père en 1940 ? »
Mona Ozouf a donc été surtout élevée par sa mère, qui, elle, était
bretonnophone de naissance (son
père, né en pays gallo, avait appris le breton
plus tard) et qui était également institutrice. Un rève
d'ascenseur social puisque les
arrière-grands-parents étaient simples paysans, les grands parents
(tout) petits commerçants, les parents instituteurs (Anne le Den
terminera directrice d'école) et Mona Ozouf sera, elle, chercheuse au
CNRS. Mais cette ascension sociale ne se fera
pas dans la joie et bien des choses devront être abandonnées en cours
de route. Était-ce nécessaire ?
C'est là qu'on revient à l'identité nationale. En caricaturant un
peu (ce que l'auteur fait rarement mais, ici, c'est mon blog), on peut
dire qu'il y a deux façons de définir « la France ». L'une est que
c'est plus ou moins un hasard, la réunion de peuples divers qui
n'étaient pas forcément volontaires. L'autre est que c'est un choix
délibéré effectué par ses habitants, comme si « la France » était un
parti politique, dont tous les membres partageraient les mêmes choix
(sans qu'on dise jamais lesquels : l'amour du
football ?). Cette seconde vision sert surtout
à intimer aux immigrés l'ordre de s'« intégrer », là encore sans qu'on sache
trop bien ce que cela peut être, à part qu'on est traité de
« communautariste » dès qu'on exprime son scepticisme.
Mona Ozouf considère qu'il ne faut pas chercher trop d'idéologie
dans la construction d'un pays : celle-ci s'est faite en bricolant, en
agrégeant des gens divers et qui le sont parfois restés, et que
chercher un sens, un but, à un pays, revient souvent à enfermer ses
habitants dans l'idéologie dominante.
Ah, et il n'y a pas que la politique, c'est aussi un très beau
livre sur l'enfance, sans nostalgie (à cette époque, être enfant
n'était pas toujours drôle, on ne se sentait pas obligé de leur
fournir des distractions et des activités...) mais sans rancœur.