Cela fait longtemps qu'on parle des &ebooks;, même si la mode semble un
peu passée (elle avait culminé en 2000, même Jacques Attali s'y était
mis, avec un projet fumeux et vite avorté). Pourquoi une si
bonne idée n'a t-elle jamais marché ?
Comme beaucoup d'utilisateur de l'Internet,
je lis beaucoup de textes trouvés en ligne et mon environnement de
travail habituel, un PC, ne me convient pas
forcément pour lire des textes longs. C'est en partie parce que la
lecture sur écran me fatigue mais aussi parce que, contrairement à un
livre-papier, le PC ne peut pas être lu couché, ou assis dans le
train, ou debout dans le métro. Je souhaiterai une solution plus
légère pour la simple tâche de lecture. C'est le principe du
livre électronique.
Le mot
&ebook; désigne tantôt le
lecteur, l'appareil qui sert à lire les textes et tantôt
les textes eux-mêmes. Comme je ne vois pas pourquoi les textes
auraient besoin d'un mot spécifique (ce sont des textes, point, des
textes numériques si on veut être précis), je n'emploie le mot que
pour parler du lecteur.
La technique ayant beaucoup progressé, il devrait être relativement
simple aujourd'hui de fabriquer un tel lecteur, ayant des propriétés
analogues à celles d'un livre papier :
Peu cher, de façon à ce qu'une perte ou un vol ne soient pas une
catastrophe,Simple d'utilisation, ne nécessitant pas, par exemple, des mises
à jour de sécurité, Ces propriétés éloignent le &ebook; de
l'ordinateur portable. Mais le
&ebook; pourrait aussi emprunter au monde de
l'informatique des caractéristiques utiles :
Capacité à lire différents formats de fichiers (texte seul, bien sûr, de préférence en
Unicode, mais aussi PDF,
HTML, etc),Capacité à se connecter à l'Internet, pas uniquement au site de
e-vente du vendeur du e-book mais aussi à n'importe
quel serveur de fichiers (un client HTTP dans
le &ebook; est la moindre des choses).
Alors, les &ebooks; ont-ils ces caractéristiques ? Non. Ils sont
très chers, des prix qui évoquent plutôt les
PDA que les livres de poche, ils sont
étonnemment pauvres en fonctions (beaucoup ne peuvent pas lire le
texte seul donc, par exemple, pas les
RFC). Et surtout, ils sont en général plombés
par les DRM, de façon à ne pouvoir lire que les
textes vendus par le cyber-boutique ayant signé des accords avec le
fabricant. (Voir à ce sujet l'excellent article de Laurent Chemla.)
Pourtant, il existe sur Internet une quantité de textes dont
l'accès est gratuit, et qui sont souvent, en prime, distribués sous
une licence libre. Ce sont des textes
techniques, bien sûr, normes, documentations, cours mais aussi des
romans (comme ceux que distribuent Gutenberg et
ABU) ou des articles d'encyclopédie comme ceux
de Wikipédia. Uniquement avec ces
textes d'accès libre, on pourrait passer 24 heures par jour à
lire.
Mais les fabricants de &ebooks; ne prennent jamais en compte cette
formidable bibliothèque numérique gratuite. Ils ne communiquent que
sur la possibilité de lire le dernier Tom Clancy acheté sur leur e-boutique et tellement truffé de
DRM qu'il ne peut pas être prêté à un copain,
et parfois même pas lu à haute voix (oui, c'est dans la licence des
textes distribués par Adobe comme
Alice au pays des merveilles, ouvrage pourtant
dans le domaine public).
Les &ebooks; actuels, même promus par des visionnaires
auto-proclamés comme Attali sont donc des archaïsmes : ils
correspondent à une époque où la culture n'était pas largement
distribuée en ligne. Leur échec commercial est donc bien
mérité. Malheureusement, le poids des compagnies de média est tel que,
pour l'instant, aucun industriel ne s'est lancé dans un &ebook; ciblé
spécialement pour lire les textes librement accessibles.
Au moment où je termine ce texte, le Monde publie un article sur le
dernier truc de Sony, le Sony
Reader. Il semble donc que le &ebook; revienne à la
mode. Il n'y a évidemment aucun détail concret sur le site de Sony
mais, selon l'article du Monde, le Sony Reader
pourra lire le texte seul. En revanche, le seul mode de distribution
cité est la cyber-shop de Sony, aucune allusion n'est faite à la
capacité à récupérer des documents distribués sur le Web.
Notons un excellent
article de Bob DuCharme sur le même sujet, critiquant un autre
modèle d&ebook; (le Kindle d'Amazon) qui a
exactement les mêmes problèmes que celui de Sony. (Sans compter les
pratiques dégueulasses d'Amazon qui supprime
les fichiers de ses clients à distance.) Autre excellent
article, celui de Steve Bellovin qui explique pourquoi
il n'a pas de ebook. Cet article date originellement de 2006 mais, en 2011, la situation n'est pas meilleure.