L'alsacien est désormais enregistré dans le registre
IETF/IANA des langues, après un processus qu'il est intéressant de décrire.
Le spécifie un registre des langues, hébergé à
l'IANA. Ce registre s'appuie largement sur des
normes ISO comme ISO 639
(dont la version 3 est parue l'année dernière)
ou ISO 15924. Mais, pour l'instant, aucune norme ISO
n'enregistre les dialectes, les
langues donnant déjà assez de travail à
l'agence de maintenance, SIL. Le registre
IETF/IANA est donc le seul à permettre l'enregistrement de dialectes (en attendant la future norme ISO 639-6),
par son mécanisme de variant (le premier enregistré
ayant été le valencien).
Rappelons que le mot « dialecte » n'a rien de péjoratif. Un
dialecte est une variante d'une langue, qui ne forme pas une langue
séparée (l'intercompréhension entre les
différents dialectes demeure, alors qu'il n'y a pas intercompréhension
entre les langues). Bien sûr, en pratique, la frontière est souvent
floue (SIL a ainsi reclassifié le
languedocien ou le
provençal en dialectes de
l'occitan alors qu'ils étaient d'abord
considérés comme langues séparées) et c'est pour cela qu'un examen
attentif par un expert, le Language Subtag Reviewer
(actuellement Michael Everson)
est nécessaire pour l'enregistrement d'une nouvelle étiquette.
La situation avec les dialectes est d'autant plus délicate que, si
certaines langues, comme le français ou le japonais, sont assez normalisées par un État, une Académie,
des médias nationaux, les dialectes, eux, ne sont pratiquement jamais
spécifiés rigoureusement.
La procédure complète pour enregistrer une nouvelle
étiquette de langue est décrite dans le . Une version simplifiée figure en . C'est cette
procédure qui a été appliquée au début pour l'alsacien
dont voici la première demande (retirée par la suite).
L'alsacien désigne ici un dialecte
particulier de l'alémanique. L'alémanique (code
ISO gsw) est
une langue germanique distincte de l'allemand (code ISO
de), parlée en Allemagne,
en Suisse, en Autriche et en
France. Comme la plupart des langues non
étatiques, elle n'a pas une forme unique, ni même de forme officielle,
« de référence », elle est plutôt une
collection de dialectes. Celui qui nous intéresse est surtout parlé en
France, l'Alsace étant française depuis des
siècles. L'alsacien est surtout parlé mais on trouve aussi des livres
écrits dans le dialecte, comme un livre de la série Martine, que son dessinateur, Marcel Marlier est venu dédicacer à Strasbourg le 24 novembre 2007 :
. Microsoft avait
annoncé la disponibilité
de Office en alsacien.
On notera qu'il existe également des sous-dialectes selon les
régions d'Alsace et aussi des dialectes en Alsace qui ne sont pas
alémaniques mais franciques, voire
romans, comme le
welche. La demande d'enregistrement ne concerne
que le dialecte alémanique, d'où le préfixe gsw
qui indique que l'étiquette complète pour l'alsacien, si la demande
avait été acceptée, aurait été gsw-alsatian.
La discussion a été très animée sur la liste ietf-languages,
où sont examinées les demandes d'enregistrement. Il faut dire que les
langues germaniques sont un sujet complexe, qui défie les
classifications, comme l'a montré une demande, faite un peu plus tard,
pour l'enregistrement de l'Erzgebirgisch. Beaucoup de personnes ayant
participé à la discussion suggéraient, plutôt que d'enregistrer la
nouvelle étiquette alsatian, de se contenter des
étiquettes existantes et d'identifier l'alsacien avec
gsw-FR (alémanique parlé en France). Le terme
« alsacien » n'est en effet utilisé qu'en France (même si les
frontières linguistiques et politiques ne coïncident pas). Reste la
question de savoir comment les utilisateurs de l'alsacien trouveront
cette étiquette, si le terme « alsacien » n'apparait pas dans le
registre. Fin janvier 2008, j'ai retiré la demande originelle, une
demande officielle ayant été faite
à l'agence de maintenance de ISO 639-2 (qui avait
enregistré le code gsw) pour ajouter
explicitement l'alsacien dans la description de l'alémanique. Cette
demande a été
acceptée au bout de quelques semaines. « Alsacien » est
désormais listé comme nom pour le code gsw. Il
restait à la transcrire dans le registre des langues, ce qui a fait
l'objet de la demande suivante, un
PRR (proposed revised record), normalement, juste
une formalité. En effet, cette demande a finie par être enregistrée
par l'IANA le 26 mars 2008, marquant la fin du processus. Désormais,
la description de l'alémanique, code gsw, inclus
officiellement le fait que ce code s'applique à l'alsacien.
Merci à l'Office pour la Langue et la Culture d'Alsace
pour son aide et sa documentation, mais la demande d'enregistrement
est éditée par moi et ne représente pas forcément leur point de
vue. Merci aussi à François Martin pour son aide érudite.