Chaque jour, des candidats à l'immigration
vers les pays riches accomplissent des exploits inouïs, surmontent des
épreuves terribles, se heurtent à mille obstacles, risquent dix fois
leur vie et, non seulement ils ne sont pas considérés comme des héros,
mais ils sont méprisés et insultés.
Avec des voyages bien moins difficiles,
Ulysse ou Xénophon sont
devenus immortels. Pourtant, comme le fait remarquer
Jean-François Deniau dans son excellent roman,
« La mer est ronde », Ulysse a mis dix ans à faire le voyage de
Troie à Ithaque, voyage
qui prend dix jours à un plaisancier amateur. Et Xénophon était un
mercenaire vaincu, qui a su transformer par son talent de conteur, un
engagement douteux et une retraite devant l'ennemi, en un exploit
inoubliable.
Pourquoi personne n'a t-il encore écrit
l'Odyssée ou l'Anabase des immigrés qui tentent la traversée
du Sahara, puis celle de la Méditerrannée ou de
l'Atlantique ? Ce n'est pas par manque
d'épreuves, de tempêtes, de méchants brutaux recontrés sur le
chemin. Est-ce simplement parce que les protagonistes de ces voyages ne sont pas
des Européens mâles et morts ?
[À propos de littérature, notez un excellent roman sur ce sujet, « Eldorado » de Laurent Gaudé.]