On le sait, le monde de la recherche scientifique est très pointilleux sur le mécanisme
d'évaluation du travail des chercheurs. On n'est évalué (et donc on
n'a la possibilité de progresser) que si on publie des sacro-saints
« papiers dans une revue avec comité de lecture ». Les chercheurs qui
sortent des chemins battus, par exemple parce qu'ils veulent mettre
leur travail sur l'Internet sans passer par les
fourches caudines d'Elsevier ou autres
parasites intermédiaires risquent de voir leur travail non pris en
compte, par exemple par les divers comités qui décident de leur
avancement.
Et si on publie un RFC ? Est-ce que ça peut
compter pour la carrière d'un chercheur ? Peut-on le citer dans sa
bibliographie ? C'est le point de départ de l'article de Brian
Carpenter et Craig Partridge, « Internet
RFCs as scholarly publications » qui démontre
brillament que les RFC, dans leur processus de publication, reçoivent
au moins autant de peer review que les publications
scientifiques traditionnelles.
Le point important devrait en effet être, non pas la publication
sur papier, non pas le fait de passer par une revue « officielle »,
mais la vérification par les pairs, par les autres experts. C'est ce qui fait la différence
entre un travail scientifique et, par exemple, ce blog, certes de
qualité, mais dont la grande majorité des articles n'ont pas été relus
avant publication (et certains même pas après) et qui n'a aucun mécanisme
d'évaluation formelle, je ne publie que ce qui me plait, comme ça me plait.
Les RFC, eux, suivent un parcours bien différent, expliquent les
auteurs. Si les premiers d'entre eux (comme le ) étaient écrits dans une salle de bains et publiés « à
la volée », depuis, le processus s'est beaucoup durci. Les RFC ont
désormais un statut formel (le plus ancien ayant le statut de norme
est le ) et ce statut ne s'obtient
qu'après un long examen par des experts (cf. ).
L'article décrit ensuite cet examen, dans sa forme actuelle,
spécifiée dans le . Si un
Internet-Draft peut être publié sans formalité par
n'importe qui, il ne devient RFC qu'après un parcours du combattant,
nécessitant, dans certains cas, une décision de
l'IESG. Même les RFC de la « voie
indépendante » (), a priori les moins
formels, font l'objet d'un examen, au moins équivalent à celui des
articles scientifiques traditionnels, et qui est en outre effectué
publiquement, ce qui permet à tout lecteur d'évaluer l'évaluation.
Une question plus délicate est de déterminer à partir de quand on
peut dire que tout RFC a été évalué par les pairs. Pour ceux qui sont
sur le « chemin des normes », comme le
cité plus haut, cela a toujours été le cas. Pour les autres, on peut
dire que cette évaluation a été systématique au moins depuis le en 1994.
La culture des auteurs de RFC étant très orientée vers les
applications pratiques, il n'est pas étonnant que l'article se termine
par des suggestions sur le format de citation des RFC dans un article,
et par un exemple en BibTeX. Je le modifie
légèrement pour utiliser un autre RFC comme exemple, le :
@ARTICLE{rfc5198,
AUTHOR = "J. Klensin and M. Padlipsky",
TITLE = "{Unicode Format for Network Interchange}",
JOURNAL = {Internet RFCs, ISSN 2070-1721},
VOLUME = "RFC 5198",
YEAR = {2008},
MONTH = MAR,
URL = {http://www.rfc-editor.org/rfc/rfc5198.txt}
}