Le 16 octobre 2019, les APDEN
(association de professeur·e·s documentalistes de l'éducation
nationale) franciliennes tenaient une
journée d'études au lycée
Janson-de-Sailly. Le thème était l'enseignement de
l'informatique au lycée, notamment suite à la nouvelle option SNT
(Sciences Numériques et Technologie) au lycée. Je parlais quant à
moi de l'enseignement de l'Internet.
Les professeur·e·s documentalistes ne
sont pas une espèce très connue. Pas mal d'élèves, et de parents
d'élèves, ignorent que la « dame du CDI »
est une professeure comme les autres. Pour le nouvel enseignement SNT,
comme une bonne partie du programme porte sur la recherche
d'informations, les professeur·e·s documentalistes sont aussi bien
équipés que les autres pour l'enseigner. Si vous souhaitez
connaitre le programme, il est disponible
en ligne (et le
PDF est là.) Tout le monde dans cette journée était
d'accord pour dire qu'il est ambitieux. Voici deux manuels de cet
enseignement, consultables en ligne : celui
de Nathan, et celui d'Hachette.
Commençons par un café :
Bon, je vais utiliser le féminin dans le reste de cet article,
pour parler des professeures documentalistes car, en pratique,
c'est un métier essentiellement féminin.
J'ai parlé de ma vision de ce qu'il fallait enseigner sur
l'Internet. Voici les supports (et leur source).
Autrement, Véronique Bonnet, professeure de philosophie et
militante de l'APRIL nous a parlé de
philosophie du document (Montaigne disait
qu'il fallait pilloter les livres comme
les abeilles pillotaient les fleurs…). Elle nous a également fait
réfléchir sur les représentations visuelles d'Ada
Lovelace. Sur ses portraits, elle n'a pas l'air d'une
nerd, est-ce une bonne
ou une mauvaise chose ? Est-ce que ça encourage à l'imiter ? (On
n'a que des portraits officiels d'elle. On ne sait pas à quoi elle
ressemblait quand elle travaillait dans son bureau.)
Tristan Nitot a ensuite parlé de souveraineté numérique,
notamment avec l'exemple de Qwant. Qwant ne
mémorise pas ses visiteurs : « c'est un guichetier amnésique ». Il y
a de la publicité, mais purement liée à la recherche en cours, pas
aux recherches précédentes. Plusieurs enseignantes ont fait
remarquer que leurs élèves ne semblaient pas sensibles au flicage
fait par les GAFA, estimant que la
publicité ciblée était même une bonne chose. D'autres ont fait
remarquer que le sevrage n'était pas facile : « J'ai essayé
d'abandonner Google, j'ai tenu 10 jours. » (Et je rajoute que c'est
d'autant plus vrai que les résultats de Qwant sont bien plus
mauvais que ceux de Google.) Quant aux
objets connectés, notamment aux assistants
vocaux, Tristan Nitot a noté que « nous sommes plus
crétins que les Troyens, car nous payons les caméras et les
micros connectés que nous introduisons dans nos salons. Au moins,
les Troyens n'avait pas payé pour le cheval. »
Nous avons eu aussi une présentation par Thierry Bayoud de son
documentaire « LOL ; le
logiciel libre, une affaire sérieuse », qui cherche
actuellement un distributeur. (Le documentaire n'est pas distribué
librement. Certains festivals exigent, pour envisager la possible
remise d'un prix, d'être en première. Si le film a été diffusé
avant, même accidentellement, c'est fichu.).
La journée se terminait avec une table ronde sur l'enseignement
SNT (Sciences Numériques et Technologie) : quelle perspective pour
les professeurs documentalistes ? Il y avait deux excellents
récits d'expériences concrètes, sur le terrain. Céline Caminade a
raconté son expérience avec l'implémentation du programme de SNT
en lycée. Parmi les difficultés pratiques : les profs sont censés
enseigner la programmation en
Python mais ne savent pas forcément
programmer (et ça ne s'apprend pas en deux semaines). Mais j'ai
bien aimé qu'il y ait eu une sortie au théâtre pour voir la pièce
« La Machine de Turing », de
Benoit Solès, avec la prof d'anglais et la
prof de maths. Amélie Chaumette, elle, avait fait une expérience
(en dehors de l'enseignement SNT, qui n'existait pas encore) d'enseignement de la
cryptographie en classe de
première. Histoire (de César à
Enigma, en passant par
Vigenère) puis protection des données
personnelles puis travaux divers pour les élèves.
Merci à Habib pour m'avoir invité, et à toutes les
intervenantes et participantes, c'était passionnant, et j'ai
appris plein de choses.
Ah, et le plaisir de se retrouver dans un vieux lycée parisien pittoresque…