La question du
L'auteure sait hélas de quoi elle parle : comme la grande
majorité des femmes qui s'expriment publiquement, avec des
opinions affirmées, elle a été victime de plusieurs campagnes de
harcèlement. (Un exemple est décrit ici.) Je dis bien de harcèlement, pas juste de critiques
(qui seraient parfaitement légitimes) de son engagement ou de ses
idées politiques, mais des insultes sur son physique, des
menaces de viol ou de torture, etc. La publication de son livre ne
va évidemment pas faire changer les harceleurs, qui critiquent
déjà sur les réseaux sociaux sa « position victimaire » (les
victimes qui dénoncent les agressions cherchent toutes à augmenter
leur nombre de followers
Ayant été témoin des déchainements contre Stéphanie de Vanssay, j'ai noté que le point de départ était souvent une question pédagogique. Car l'auteur est enseignante et parle souvent de questions d'éducation. Apparemment, cela ne plait pas à une horde vindicative qui dénonce les « pédagogistes » (et, à leurs yeux, est « pédagogiste » quiconque estime que l'enseignant n'a pas toujours raison et que les méthodes d'enseignement n'ont pas forcément à rester ce qu'elles étaient dans un lycée militaire au 19e siècle). Bref, cette horde est composée en partie d'enseignants et, en tant qu'ex-parent d'élève, je ne peux pas m'empêcher de trouver inquiétant le fait que certaines personnes chargées de l'éducation des enfants soient aussi agressifs en ligne (et, je le souhaite, seulement en ligne). En tout cas, il est sûr que le harcèlement en ligne n'est pas seulement pratiqué par des islamistes et des bas-du-front votant Trump, des bac+quelquechose le font aussi, hélas.
Je l'ai dit au début, la question du harcèlement en ligne est,
heureusement, aujourd'hui reconnue comme une question politique
importante. Mais cela ne veut pas dire que toutes les réponses
suggérées soient bonnes. Ainsi, comme c'est souvent le cas pour
les questions de sécurité, le harcèlement en ligne est souvent
utilisé comme prétexte pour rogner les libertés. C'est par exemple
le cas en France en ce moment avec le projet présidentiel
d'interdire l'
Mais assez parlé du contexte, parlons du livre de Stéphanie de
Vanssay, plutôt. Elle connait très bien le sujet et ne propose
donc pas de ces pseudo-solutions répressives et à
l'emporte-pièce. D'abord, l'auteure est modeste : il s'agit
d'aider les victimes de harcèlement à se défendre, sans prétendre
régler tous les cas de harcèlement, notamment les plus graves
(comme, par exemple, celui dont avait été victime
L'essentiel du livre parle de ce que les victimes peuvent faire elles-mêmes et eux-mêmes. La force du troll ou du harceleur est que la victime se croit impuissante. Stéphanie de Vanssay montre que ce n'est pas complètement le cas, et qu'il existe diverses stratégies pour lutter contre les trolls.
La plus évidente est le fameux « ne nourrissez pas les trolls »
(ne leur répondez pas, ignorez-les en espérant que le problème
disparaitra de lui-même),
conseil souvent donné mais avec lequel l'auteure n'est pas trop
d'accord. D'abord, si le troll dit des choses vraiment
inacceptables (des propos racistes, par exemple), cela ne doit pas
être ignoré mais combattu. Et, dans certains cas, le troll peut
être neutralisé par l'humour et la solidarité (des autres
participants : l'auteure insiste que la victime doit être
consciente qu'elle n'est pas seule). Mais dans certains cas, cette
tactique d'ignorer le harceleur peut être préférable. Voir par exemple dans le livre
le témoignage de
Stéphanie de Vanssay tord le cou à pas mal d'idées
reçues. Contrairement au discours médiatique dominant, elle fait
remarquer que le harcèlement n'est pas apparu avec
Stéphanie de Vanssay explique aussi que pour protéger les enfants des dangers qui les menacent en ligne, les solutions simplistes souvent assénées ne sont pas idéales. Ne pas leur permettre un accès à l'Internet, solution souvent citée, revient à les boucler à la maison pour les protéger des dangers de la rue. Et cela les rendra encore plus vulnérables quand ils finiront par y accéder.
Peu de mentions des
Je vous laisse lire le livre pour voir les stratégies de défense que conseille l'auteur, toujours avec nuance et en sachant bien qu'aucune n'est parfaite. Personnellement, je ne suis pas tellement d'accord avec l'approche (revendiquée) « développement personnel », comme si la lutte contre les harceleurs consistait essentiellement à s'améliorer soi-même mais la question est délicate de toute façon : il faut à la fois aider les victimes à se défendre, sans pour autant les culpabiliser si elles n'y arrivent pas. Globalement, je trouve que ce livre se tire bien de cet exercice très difficile, et je souhaite qu'il serve à de nombreuses victimes à être plus fortes.
Quelques lectures en plus :
Et l'habituel instant « déclaration de conflit d'intérêt » : j'ai reçu un exemplaire de ce livre gratuitement, en tant que blogueur.