Frédéric AmielLes éditions de l'Atelier20212022-08-03
Si, comme moi, vous abusez du chocolat,
ce livre va peut-être vous être
désagréable : il explique l'évolution de la
mondialisation pour le cas particulier du
chocolat. Ce n'est pas toujours très rose.
On commence évidemment au Mexique, où les
conquérants européens découvrent le chocolat (que les
Aztèques consommaient sans sucre mais avec du
piment) et le rapportent en Europe. La substance suit le parcours de
beaucoup d'autres produits rapportés d'Amérique : méfiance
(médicale, mais aussi religieuse, quelque chose d'aussi bon doit
être une création du diable), engouement, snobisme (rare et cher, le
chocolat pouvait être un marqueur de distinction sociale). Puis la
faible production mexicaine ne suffit plus et les Européens vont
commencer à cultiver le chocolat de manière plus massive. D'abord
aux Antilles puis en Amérique du Sud. Mais si on veut produire beaucoup de chocolat, il ne
faut pas seulement avoir beaucoup de
cacaoyers, il faut aussi traiter les
fèves
et, à la main, c'est long et difficile. Le parcours du chocolat
croise donc celui de James Watt : ses
machines à vapeur permettent de commencer à mécaniser le
traitement. On n'est plus à la production artisanale, le chocolat
est devenu une industrie. On croise dans le livre des entrepreneurs variés, comme
Menier, un des promoteurs du paternalisme.
Puis la production de chocolat passe en Afrique. Le livre suit le développement d'une
production de plus en plus importante, notamment sur l'ile de
São Tomé, puis sur le continent. Un nouveau
problème se pose alors : la production, grâce à la mondialisation de
la production et à l'industrialisation, est devenue abondante et bon
marché. Il faut donc convaincre de nouveaux consommateurs, pour
faire du chocolat un produit de masse. Au 19e siècle, l'industrie
chocolatière est donc une des plus friandes de
publicité. L'exemple le plus connu de
publicité pour le chocolat est, en France, le
tirailleur sénégalais de
Banania.
Et dans les pays producteurs ? Les cours du cacao sur les marchés
mondiaux ne sont pas stables et ces pays connaissent des alternances
de prospérité et de vaches maigres. Bien des gouvernements, après
l'indépendance des colonies, ont cherché à stabiliser la situation,
avec des succès variables. Car, entre temps, le cacao était passé
des marchés de produits physiques aux marchés financiers. Désormais,
au lieu de vendre et d'acheter du cacao, on achète et on vend des
titres ayant un rapport plus ou moins lointain avec le cacao. (Note
au passage : quand des gens, en 2022, reprochent aux
cryptomonnaies d'être « virtuelles » et
« déconnectées de l'économie réelle », ils ont quelques dizaines
d'années de retard. Cela fait bien longtemps que les échanges sur
les marchés sont déconnectés des produits et services.)
L'auteur se penche ensuite sur les alternatives : est-ce que du
chocolat bio ou
équitable (ou, soyons fous, les deux à la fois)
permettrait au consommateur d'avoir de meilleurs produits et aux
producteurs de vivre
mieux ? La question des labels est compliquée ; certains n'ont guère
de valeur car ils sont spécifiques à une entreprise, qui décide des
critères et fait leur « vérification ». Difficile pour le
consommateur de s'y retrouver !
Bref, un livre très lisible et très pédagogique, expliquant en
détail tous les aspects de la production d'une marchandise, dans un
monde où c'est devenu très compliqué.