Zones / La découverteMichel PinçonMonique Pinçon-Charlot20102011-01-02
Les sociologuesMichel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont désormais à la retraite et leur
dernier livre, « Le président des riches », est nettement moins
technique que les précédents (comme l'excellent « Les
ghettos du gotha ») et plus militant. Il s'agit d'expliquer
le fonctionnement de la présidence Sarkozy et
de la façon dont le gouvernement de ce dernier pratique une politique
pro-riche (ce qui n'est pas nouveau) et s'en vante lourdement (c'est,
par contre, une innovation).
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot décrivent en détail plusieurs affaires
emblématiques de la France de
Sarkozy : le bouclier fiscal, la gestion de l'EPAD (où la
nomination du fils à papa n'était que l'aspect
le plus spectaculaire mais pas forcément le plus important), la
gestion de la publicité sur les chaînes de télévision publiques, le
cumul d'une activité politique et d'une activité d'avocat d'affaires
par Sarkozy, la soi-disant suppression des
paradis fiscaux, etc. À
chaque fois, un lien directeur, « Les riches, premiers servis ». Si
cette politique n'est pas originale (et les auteurs notent qu'il y a
peu de chances que le Parti Socialiste fasse
différemment, s'il arrive au pouvoir), Sarkozy est de loin le
président qui l'a revendiqué le plus ouvertement, gênant même les
familles riches traditionnelles par sa grossièreté de nouveau riche
bling-bling (« Si on n'a pas une
Rolex à cinquante ans, on a raté sa vie »,
comme le dit un de ses fidèles
soutiens).
Michel Pinçon et Monique
Pinçon-Charlot font un utile travail de retour sur les événements
lorsqu'il s'agit de sujets sur lesquels les annonces sensationnalistes
avaient rarement été suivies de bilans précis. Ainsi, bien que Sarkozy
ait annoncé en octobre 2009 qu'il avait supprimé les paradis fiscaux,
peu de journalistes sont allés enquêter un ou deux ans après : ils
auraient pourtant pu constater que les supprimés étaient bien actifs
comme avant... De même, leur étude très fouillée de la gestion de
la Défense montre que la candidature ridicule
et népotiste de Jean Sarkozy a aussi servi de
cirque médiatique, permettant de
masquer la mainmise de l'État et de la Sarkozie sur le site et sur les
communes environnantes, dépouillées de toute prérogative dans la
gestion de leur propre territoire.
Que faire, se demandent les auteurs à la fin ? Simplement faire comme les
riches, la seule classe sociale qui applique strictement les principes
marxistes-léninistes : conscience de soi, réglement des conflits en
interne (avez-vous vu comme l'affaire
Bettencourt a disparu des gros titres ?), parti
politique représentant ses intérêts, militantisme très actif dans tous
les lieux de pouvoir possibles... Si les autres classes sociales
faisaient preuve de la même solidarité, le changement serait possible.