Le 12 janvier, Marc Tessier a remis au
Ministère de la Culture son très intéressant
rapport sur « La numérisation du patrimoine
écrit », rapport qui s'inscrit dans le vieil affrontement entre les
propositions de Google de numériser le fonds
des bibliothèques (tout en mettant la main dessus) et les projets
nationaux comme Gallica, riches en
proclamations martiales et pauvres en contenu accessible.
Le titulaire actuel du poste de
ministre, qui avait signé la lettre de mission, est un
abyssal zéro, qui s'est récemment fait connaître par des déclarations «
à la chinoise » sur les dangers des blogs (tous anonymes, forcément
anonymes) pour l'harmonie de la société. Mais cela n'enlève rien à
l'intérêt du document.
Le rapport ménage la chèvre et le chou, comme souvent dans les
rapports officiels mais c'est déjà un progrès par rapport à un certain
discours « astérixien » où les
français ont toujours raison et où tout le mal vient des États-Unis,
patrie du profit (comme si les éditeurs français n'étaient pas
également des capitalistes ne pensant qu'au profit). L'ancien directeur de la BNF, Jeanneney, s'était fait une spécialité de ce discours.
Ainsi, l'offre de Google de numérisation des bibliothèques n'est
plus, dans ce rapport, diabolisée bêtement, mais analysée
sérieusement, avec ses forces (les moyens matériels de Google) et ses
faiblesses (un certain désintérêt pour les
métadonnées, puisque Google compte surtout sur
son moteur de recherche plein texte). Comme pour tout partenariat avec
une entreprise capitaliste, le rapport appelle à la prudence lors des
négociations et demande que celles-ci se fassent sur une base
d'égalité entre partenaires. Aujourd'hui, Google approche souvent les
bibliothèques comme un donateur approche des
SDF, alors que Marc Tessier insiste sur le fait
que chacun des partenaires a une compétence spécifique à apporter. Il
demande également que les fichiers résultant de la numérisation soient
distribuables par d'autres que Google, et critique les accords secrets
imposés par Google.
À noter qu'une très bonne annexe concrète du rapport, l'annexe 3,
faite par Alban Cerisier, rappelle
les points techniques essentiels liés à la numérisation et aide à
comprendre certaines questions qui pourraient paraître byzantines.
Surtout, ce qui est la première fois dans un rapport officiel, la
supériorité de Google sur des offres franco-françaises comme
Gallica n'est plus simplement présentée comme
injuste mais aussi analysée comme le résultat des faiblesses de
l'offre françaises. Les grands projets pilotés de manière
ultra-bureaucratique, avec profusion d'acteurs et de réunions, puis délégation du vrai
travail à une SSII n'ont pas toujours engendré
une offre de qualité... Le rapport cite Gallica qui n'a toujours pas
d'URL stables et référençables.
C'est ainsi que le rapport note à juste titre que
Europeana n'est qu'une page d'accueil, une
étiquette qui s'applique à plusieurs projets existants mais qui n'a
aucun contenu propre. Bref, les européens ont du pain sur la planche.