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RFC 6390: Guidelines for Considering New Performance Metric Development

Date de publication du RFC : Octobre 2011
Auteur(s) du RFC : A. Clark (Telchemy Incorporated), B. Claise (Cisco Systems)
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF pmol
Première rédaction de cet article le 6 octobre 2011


Le groupe de travail IETF PMOL était chargé de travailler à la définition de métriques de haut niveau, proche de l'utilisateur (le groupe IPPM s'occupant, lui, des couches plus basses). Désormais fermé, il condense son expérience dans ce RFC, qui explique comment définir de nouvelles métriques, comme PMOL l'avait fait dans les RFC 5814 sur MPLS et RFC 6076 sur SIP. La section 3 résume ce but de ce RFC, définir un cadre utile.

La section 1 rappelle l'importance de la mesure, pour pouvoir améliorer les performances d'un système. Pour que ces mesures soient vraiment efficaces, il faut qu'elles s'appuient sur des métriques normalisées, une métrique étant une définition rigoureuse de la grandeur qu'on veut mesurer. Il faut aussi définir une méthode concrète pour faire la mesure et un format pour publier cette mesure. Pour les métriques « applicatives » de PMOL, ces mesures concernent des choses comme le temps de transfert d'un fichier, le temps de réponse d'un serveur DNS à une requête, etc (section 2.3).

Comme la plupart des RFC, on commence avec un peu de terminologie (section 2). D'abord, l'IETF aura désormais une Direction des Performances (Performance Metrics Directorate). C'est quoi ? Comme les autres Directions, c'est un organe transversal, composé d'experts du domaine, qui doit garder un œil sur tout travail IETF lié à la définition de métriques de performance. Ensuite, le RFC définit la qualité de service (QoS pour Quality of service) et la qualité du vécu (QoE pour Quality of Experience). J'ai déjà écrit sur la différence entre QoS et QoE et je trouve les définitions du RFC très embrouillées, et ne permettant pas de saisir la différence entre les deux concepts (la QoE vient d'une norme UIT, la E.800). Heureusement, la section 4 clarifie cette question. En gros, la QoS est une mesure scientifique de paramètres qui influencent le service rendu (par exemple, la latence ou la gigue), la QoE est la vision de l'utilisateur, qui peut être influencée par divers facteurs, y compris psychologiques. Bien sûr, la QoE va dépendre en partie de la QoS (par exemple, un taux de perte de paquets élevé va sérieusement baisser le débit TCP atteignable) mais le lien n'est pas évident (la norme UIT P.800 donne un exemple de reconstruction de QoE à partir de la QoS). Il y a aussi des facteurs techniques à la différence entre QoS et QoE, comme l'application utilisée : elle peut, indépendamment du bon ou mauvais comportement du réseau, influencer la QoE. Il y a enfin le contexte : tel problème de VoIP passera inaperçu pendant une communication de bavardage mais sera intolérable s'il s'agit d'un appel d'urgence.

La section 5 est le cœur du RFC, les conseils concrets sur la définition de nouvelles métriques. Premier point, déterminer le public visé (section 5.1). Qui va utiliser la métrique et pourquoi ? Est-elle destinée au laboratoire ou bien aux mesures sur des réseaux de production ? Quelle degré d'approxmation peut être accepté ? Et autres questions fondamentales.

Ensuite, la métrique elle-même (section 5.2). Pour qu'elle soit utile, il faut étudier si son absence causerait une sérieuse perte d'information, et si elle est corrélée au vécu de l'utilisateur (par exemple, un taux de pertes élevé - cf. RFC 7680 - entraine une baisse très nette de la capacité du « tuyau » TCP, attristant ainsi l'utilisateur). Mais certaines applications peuvent tolérer des pertes isolées tout en étant intolérantes à des moments de pertes massives. Dans ce cas, une meilleure métrique incluerait non seulement le taux de pertes moyen, mais sa distribution dans le temps (voir par exemple le RFC 3611).

Les grandeurs ne sont pas toujours mesurées, elles peuvent aussi être calculées à partir d'autres grandeurs (section 5.3). On trouve ainsi des compositions spatiales de métriques (RFC 5835, RFC 6049), comme lorsqu'on déduit le taux de pertes sur un chemin en faisant le produit du pourcentage de paquets qui passent, sur toutes les composantes du chemin. Il y a aussi des compositions temporelles (RFC 5835), par exemple le calcul d'un minimum en prenant le plus petit résultat d'une série de mesures.

Une fois qu'un a bien défini ce qu'on voulait, on peut écrire la spécification de la métrique (section 5.4). Il faut un nom (mais voir le RFC 6248 qui explique pourquoi il n'y a plus de registre de ces noms), une description (qui inclus les critères d'utilité présentés plus haut), une méthode de mesure, les unités de mesure, et des indications sur le choix des points de mesure (le temps de réponse à une requête SIP n'est pas le même sur l'UAC (logiciel client, le softphone) et l'UAS (logiciel serveur du fournisseur SI de l'abonné). La méthode de mesure doit permettre de répondre aux questions-pièges. Par exemple, la métrique « taux de perte de paquets » semble triviale à définir. On retire de 1 le résultat de la division du nombre de paquets arrivés par le nombre de paquets envoyés. Mais cette définition sommaire est insuffisante. Si des paquets sont dupliqués (c'est possible avec IP), comment les traite-t-on ? Et, pour compter le nombre de paquets arrivés, on les attend combien de temps ? Un retardataire est-il une perte (voir aussi la section 5.5.2) ? Un autre exemple est que la méthode de mesure peut décider délibérement d'éliminer les outliers, ces valeurs très éloignées de la moyenne, qui sont fréquentes sur les réseaux informatiques. C'est ainsi que les opérateurs Internet font en général payer leurs clients en « 95 percentile » (on élimine 5 % de valeurs qui sortent trop du rang, les outliers).

Outre ces points essentiels de la spécification, la définition d'une métrique peut aussi inclure une mise en œuvre (par exemple sous forme de code), des valeurs attendues pour certains cas (pour évaluer la qualité du résultat), etc. Plus délicat, la définition peut inclure des indications sur l'usage de la métrique, par exemple sur les valeurs « raisonnables ». Un utilisateur typique à qui on dit qu'il y a « 1 % de pertes » sur le réseau ne sait pas forcément quoi en faire. Lui dire que les performances de TCP commencent à baisser sérieusement dès 0,5 % de pertes, serait plus utile. De même, annoncer dans un système de transport de la voix un niveau sonore de -7 dBm0 n'est guère utile à l'utilisateur non expert en téléphonie si on n'ajoute pas que les valeurs normales sont entre -18 et -28 dBm0 et que le son est donc ici bien trop fort.

Notre RFC 6390 fournit un exemple complet de définition d'une métrique, en prenant le taux de perte du RFC 3611 comme exemple. Notez que cette définition est un peu floue quant au sort des paquets arrivant tardivement.

Dans le monde réel, aucune mesure n'est parfaite : divers problèmes limitent la qualité des mesures effectuées. La section 5.5 décrit ces problèmes : précision de l'horloge, présence ou non d'une middlebox (RFC 3303) qui fausse les résultats, etc.

Et enfin, la métrique ainsi normalisée doit préciser les différents paramètres utilisés, pour que les utilisateurs puissent comparer deux mesures différentes.

La section 6 est plutôt orientée vers le processus social de développement d'une nouvelle métrique : si on a une idée d'une métrique à normaliser, comment agir dans l'IETF pour augmenter les chances de succès ? Elle insiste par exemple sur la check-list des caractéristiques à vérifier (la métrique est-elle bien définie, par exemple) et sur la rôle de la Direction des Performances, qui va évaluer le futur RFC.

Un peu d'histoire (section 1.1): l'IETF avait déjà travaillé, dans des temps anciens, sur des métriques pour les applications. Ce furent le RFC 4710, centré sur les terminaux mobiles, ou les RFC 3611 ou RFC 6035 sur la téléphonie. Mais, pendant longtemps, les principales métriques développées étaient uniquement pour les couches 3 et 4. Notre RFC 6390 vise donc à élargir le bestiaire des métriques.


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