Date de publication du RFC : Mars 2022
Auteur(s) du RFC : T. Pauly, E. Kinnear (Apple), D. Schinazi (Google)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF quic
Première rédaction de cet article le 1 avril 2022
Le protocole QUIC fournit, comme son
concurrent TCP, un canal fiable d'envoi de données. Mais
certaines applications n'ont pas impérativement besoin de cette
fiabilité et se contenteraient très bien d'un service de type
datagramme. Ce nouveau RFC ajoute donc un nouveau
type de trame QUIC, DATAGRAM
, pour fournir un
tel service.
Dit comme cela, évidemment, ça semble drôle, de bâtir un service non fiable au-dessus du service fiable que rend QUIC. Mais cela permet plusieurs choses très intéressantes, notamment si deux machines qui communiquent ont besoin des deux types de service : elles pourront utiliser une seule session QUIC pour les deux.
Un petit rappel (mais relisez le RFC 9000
pour les détails) : dans une connexion QUIC sont envoyés des paquets
et chaque paquet QUIC contient une ou plusieurs trames. Chaque trame
a un type et ce type indique si la trame sera retransmise ou non en
cas de perte. Le service habituel (utilisé par exemple par
HTTP/3) se sert de trames de type
STREAM
, qui fournissent un service fiable (les
données perdues sont retransmises par QUIC). Mais toutes les
applications ne veulent pas d'une telle fiabilité ou, plus
précisement, ne sont pas prêtes à en payer le coût en termes de
performance. Ces applications sont celles qui préféraient utiliser
UDP (RFC 768) plutôt que TCP. Pour rajouter de la sécurité,
elles utilisaient DTLS (RFC 6347). Si
QUIC remplace TCP, comment remplacer
UDP+DTLS ?
D'ailleurs, faut-il le remplacer ? La section 2 du RFC donne les raisons suivantes :
Ces raisons sont particulièrement importantes pour le streaming audio/vidéo, pour les jeux en ligne, etc. Les datagrammes dans QUIC peuvent aussi être utiles pour un service de VPN. Là aussi, le VPN a besoin à la fois d'un canal fiable pour la configuration de la communication, mais peut se satisfaire d'un service de type datagramme ensuite (puisque les machines connectées via le VPN auront leur propre mécanisme de récupération des données perdues). Permettre la création de VPN au-dessus de QUIC est le projet du groupe de travail MASQUE.
Bien, normalement, maintenant, vous êtes convaincu·es de
l'intérêt des datagrammes au-dessus de QUIC. Pour en envoyer, il
faut toutefois que les deux parties qui communiquent soient
d'accord. C'est le rôle du paramètre de transport QUIC
max_datagram_frame_size
, à utiliser lors de
l'établissement de la session. (Ce paramètre est enregistré
à l'IANA.) S'il est absent, on ne peut pas envoyer de
datagrammes (et le partenaire coupe la connexion si on le fait quand
même). S'il est présent, il indique la taille maximale acceptée,
typiquement 65 535 octets. Sa valeur peut être stockée dans la
mémoire d'une machine, de façon à permettre son utilisation lors du
0-RTT (commencer une session QUIC directement sans perdre du temps
en négociations). Un paquet QUIC 0-RTT peut donc inclure des trames
de type DATAGRAM
.
Ah, justement, ce type DATAGRAM
. Désormais
enregistré
à l'IANA parmi les types de trames QUIC, il sert à indiquer
des trames qui seront traitées comme des datagrammes, et qui ont la
forme suivant :
DATAGRAM Frame { Type (i) = 0x30..0x31, [Length (i)], Datagram Data (..), }
Le champ de longueur est optionnel, sa présence est indiquée par le dernier bit du type (0x30, pas de champ Longueur, 0x31, il y en a un). S'il est absent, la trame va jusqu'au bout du paquet QUIC (rappelons qu'un paquet QUIC peut contenir plusieurs trames).
Maintenant qu'on a des datagrammes comme QUIC, comment les
utilise-t-on (section 5 du RFC) ? Rien d'extraordinaire,
l'application envoie une trame DATAGRAM
et
l'application à l'autre bout la recevra. Si la trame n'est pas
arrivée, l'émetteur ne le saura pas. La trame peut se retrouver avec
d'autres trames (du même type ou pas) dans un même paquet QUIC (et
plusieurs paquets QUIC peuvent se retrouver dans un même datagramme
IP). La notion de
ruisseau (stream) n'existe pas pour les
trames-datagrammes, si on veut pouvoir les démultiplexer, c'est à
l'application de se débrouiller. (Une version préliminaire de cette
extension à QUIC prévoyait un mécanisme de démultiplexage,
finalement abandonné.) Comme toutes les trames QUIC, les trames
DATAGRAM
sont protégées par la
cryptographie. Le service est donc équivalent à celui d'UDP+DTLS,
pas UDP seul.
Un service de datagrammes est non fiable, des données peuvent se
perdre. Mais si les trames de type DATAGRAM
ne
sont pas réémises (pas par QUIC, en tout cas), elles entrainent
néanmoins l'émission d'accusés de réception (RFC 9002, sections 2 et 3). Une bibliothèque QUIC peut ainsi
(mais ce n'est pas obligatoire) notifier l'application des
pertes. De la même façon, elle a la possibilité de dire à
l'application quelles données ont été reçues par le QUIC à l'autre
bout (ce qui ne garantit pas que l'application à l'autre bout les
aient bien reçues, si on a besoin d'informations sûres, il faut le
faire au niveau applicatif).
Comme l'émetteur n'estime pas
crucial que toutes les données arrivent, une optimisation possible
pour QUIC est que l'accusé de réception d'un paquet ne contenant que
des trames DATAGRAM
ne soit pas émis tout de
suite, il peut attendre le paquet suivant.
Cette extension existe déjà dans plusieurs mises en œuvre de QUIC, mais je ne l'ai pas testée.
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