Date de publication du RFC : Mai 2025
Auteur(s) du RFC : P. Spinosa, E. Francesconi (National Research Council of Italy (CNR)), C. Lupo
Pour information
Première rédaction de cet article le 21 mai 2025
Les textes de loi (et assimilés : décrets, par exemple) ne sont
pas évidents à trouver et donc à citer. Ce RFC crée un espace URN (RFC 8141), lex
, pour pouvoir identifier
les textes juridiques. S'il est largement adopté par les juristes
(ce n'est pas gagné…), il facilitera les références aux textes
légaux. Ainsi,urn:lex:fr:etat:loi:2011-03-22;2011-302
pourrait identifier la loi
n° 2011-302 portant diverses dispositions d'adaptation de la
législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de
travail et de communications électroniques, par exemple (elle
change entre autres le régime applicable aux noms de domaine).
Comme toujours avec les URN (RFC 8141) et avec les URI en général, le but est d'attribuer des identificateurs uniques désignant une source de loi. Cette source peut être une loi, un décret, un texte d'une autorité de régulation, un jugement, etc. En revanche, les opinions et commentaires des juristes ne sont pas prévus. Comme avec tous les URN, l'identificateur ne dépend pas de la localisation en ligne d'un document (c'est un URN, pas un URL), ou même d'ailleurs de si le document est en ligne ou pas. Le but est que l'identificateur soit unique, et stable sur le long terme.
Le projet est né en Italie, sur la base du projet NormeInRete, datant de 2001. Des projets similaires existent dans d'autres pays. (Voir le livre « Technologies for European Integration; Standards-based Interoperability of Legal Information Systems ». Au niveau européen, voir « Law via the Internet; Free Access, Quality of Information, Effectiveness of Rights ».) Au niveau mondial, on peut noter que le document « Access to Foreign Law in Civil and Commercial Matters » pronait « State Parties are encouraged to adopt neutral methods of citation of their legal materials, including methods that are medium-neutral, provider-neutral and internationally consistent. ». Un tel système d'identificateurs est évidemment d'autant plus indispensable que l'inflation législative fait qu'on dépend tout le temps de textes de lois, et qu'on a besoin de les référencer dans de nombreux contextes. Toute ambiguïté dans cette référence serait bien sûr très gênante.
En pratique, le problème n'est pas trivial. Le mécanisme pour créer ces identificateurs doit être assez rigide pour assurer l'interopérabilité mais en même temps assez souple pour s'adapter aux évolutions futures. Et il doit être décentralisé car il n'y a pas d'institution mondiale supervisant les lois de tous les pays et chaque pays (voire davantage, notamment dans les États fédéraux) a déjà un mécanisme d'identification des lois.
L'approche choisie est donc un système hiérarchique, indiquant
successivement le pays (via son TLD, ou via un nom de second niveau comme
un.org
pour l'ONU qui,
curieusement, n'utilise pas son
.int
), la juridiction
émettrice et enfin le document. On ne change donc pas les systèmes
existants et on n'oblige pas les juridictions locales à adopter un
système radicalement différent. La référence locale du document suit
donc un schéma qui dépend de la juridiction, schéma qu'il n'est pas
prévu d'uniformiser. Ainsi,
urn:lex:eu:commission:directive:2010-03-09;2010-19-EU
sera un texte européen (le eu
), émis par la Commission, plus
précisément ce sera une directive, la 2010-19-EU
(la directive « modifiant la directive 91/226/CEE du Conseil et la
directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil afin de les
adapter aux progrès techniques dans le domaine des systèmes
antiprojections de certaines catégories de véhicules à moteur et de
leurs remorques »). Et
urn:lex:be:conseil.etat:decision:2024-08-29;260.536
sera une décision du Conseil d'État belge (demande
l’annulation de « la décision de non-classement et de non-retenue de
la candidature notifiée par la partie adverse le 14 mars 2022 à la
partie requérante »). Pour un pays
fédéral, on aura une indication de l'entité
qui émet le texte, par exemple
urn:lex:br;sao.paulo:governo:decreto
précédera
l'identificateur d'un décret de l'État de São
Paulo. (Notez le point-virgule,
certains caractères sont réservés pour séparer des sous-champs dans
l'URN, cf. section 3.2.)
Il devrait y avoir dans le futur un registre (pas un registre IANA) des codes identifiants les juridictions (section 2.2) du RFC mais, en septembre 2024, il n'était pas encore créé. Sa politique d'enregistrement sera « Examen par un expert » (« Expert review » du RFC 8126). Même en cas de changement géopolitique (fusion de deux pays, par exemple), les codes ne sont jamais réattribués, puisque les URN doivent être stables sur le long terme.
Les URN n'ont
pas de mécanisme de résolution standard. Si on veut, à partir d'un
URN, accéder à une ressource en ligne, il faut une méthode
spécifique à chaque espace sous les URN. Pour
lex
, il est envisagé d'utiliser le DNS, en transformant l'URN en
un URL,
contenant un nom de
domaine (section 10 du RFC, commentée plus loin). C'est
d'ailleurs pour faciliter la correspondance avec les noms de domaine
que le RFC (à tort, à mon avis), déconseille (section 3.4)
d'utiliser des caractères non-ASCII dans les URN
lex
et donc d'utiliser un système de
correspondance, depuis la langue de la juridiction concernée
(urn:lex:de:stadt.muenchen:rundschreiben:...
au
lieu de
urn:lex:de:stadt.münchen:rundschreiben:...
). Si
c'est assez évident pour l'italien ou le français (ministère →
ministere), cela va nécessiter des correspondances plus élaborées
dans d'autres cas. Si c'est vraiment trop difficile, le RFC
recommande d'utiliser Unicode et, si on
utilise le DNS et qu'on fait une correspondance en nom de domaine,
de se servir de Punycode.
Quant au nom des juridictions, le RFC recommande de ne pas
utiliser d'abréviations (même si elles sont courantes dans les
textes juridiques), car elles ne sont pas toujours cohérentes. Donc,
ministere
et pas
min.
. Toujours pour des raisons d'uniformité,
les dates doivent être en ISO 8601. [Encore
une mauvaise idée : contrairement à ce qu'on lit souvent, cette
norme ne garantit pas un format unique, loin de là. Utiliser le RFC 3339 aurait été une meilleure idée. Mais, en
fait, le RFC suggère un profil réduit de ISO 8601 donc, en pratique,
cela devrait marcher.]
Parmi les pièges amusants, il y a le fait que certains textes
sont issus de plusieurs juridictions. C'est le cas des traités
internationaux, par exemple. Si l'Espagne et le Portugal signent un
accord, doit-il être sous urn:lex:es
ou bien
urn:lex:pt
? La solution du RFC (section 5.5)
est simple : le texte a plusieurs URN (deux dans l'exemple ibérique
ci-dessus). D'autres cas peuvent d'ailleurs se produire où un texte
légal a plusieurs URN donc il n'y a pas d'URL « canonique » pour un
texte. La fonction URN → texte est sans ambiguïté mais il n'y a pas
de fonction texte → URN.
Maintenant, un peu de bureaucratie (section 9). Si je veux
enregistrer un ou plusieurs URN lex
, quelle est
la marche à suivre ? D'abord, trouver le code de juridiction (en
général le TLD du pays) puis l'organisation
(registrar dans le RFC) chargée de gérer ce
code. (Rappelez-vous que cette infrastructure n'existe pas encore.)
Ces organisations doivent être stables sur le long terme, si on veut
assurer la stabilité des identificateurs. Ensuite, comme chacune de
ces organisations a sa propre politique, il faut suivre la politique
en question.
Bon, c'est bien joli d'avoir des identificateurs stables. Mais,
de nos jours, la plupart des utilisateurices voudraient
davantage. Ils voudraient de l'opérationnel : je mets (je tape, je
copie/colle…) un identificateur dans un navigateur et pouf, j'ai une
jolie page avec le texte de loi ainsi identifié. Pour que ce beau
projet fonctionne, il faut un système de
résolution (section 10), qui va prendre en
entrée un URN dans l'espace lex
et nous donner
un identificateur de plus bas niveau, un URL, par exemple, utilisable par le
logiciel pour récupérer un contenu. La conception d'un tel système
n'est pas triviale, entre autres parce que certains des URN
lex
seront invalides, par exemple lorsqu'ils
auront été fabriqués automatiquement ou semi-automatiquement à partir
de références informelles.
La méthode proposée dans cette section 10 (mais rappelez-vous
que, pour l'instant, tout cela n'existe que sur le papier) est de
s'appuyer sur le DNS et plus précisément sur les enregistrements
de type NAPTR (normalisés dans le RFC 3404). Cela passera par le nom (déjà créé,
cf. section 12 du RFC) lex.urn.arpa
:
% dig lex.urn.arpa NAPTR … ;; ANSWER SECTION: lex.urn.arpa. 86400 IN NAPTR 100 10 "" "" "" lex-nameserver.nic.it.
Du point de vue gouvernance, il est prévu que le
CNR maintienne la racine du système,
notamment le serveur lex-nameserver.nic.it
mentionné plus haut (ne cherchez pas à l'interroger, il semble ne
pas avoir de données encore). Quand tout cela fonctionnera, un URN
lex
sera traduit en un
URL (RFC 3405), par
exemple quand le Brésil aura mis en place son
système, et envoyé au CNR les informations nécessaires,
urn:lex:br:senado:…
sera traduit via les NAPTR en
https://lex.senado.gov.br/…
qui sera ensuite
utilisé, par exemple par un navigateur.
L'espace lex
a été enregistré (section 12)
dans le registre
des espaces de noms pour les URN via cette
demande.
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