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L'ARJEL, ou la censure au service du fric

Première rédaction de cet article le 2 janvier 2012


Si l'ARJEL est moins connue des internautes que l'HADOPI, les gens qui suivent de près l'actualité de l'Internet savent qu'elle est à la pointe de la censure, ayant été la première organisation en France à ordonner le bloquage de sites Web aux FAI. Mais dans quels buts ?

Après l'affaire Stan James, qui avait fait connaître l'ARJEL aux internautes, cette organisation vient de récidiver avec un décret (« n° 2011-2122 du 30 décembre 2011 relatif aux modalités d'arrêt de l'accès à une activité d'offre de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne non autorisée ») qui impose aux FAI de bloquer l'accès aux sites de jeux d'argent en ligne listés par ladite ARJEL. Sur le moment, les commentateurs ont surtout noté que ce décret était le premier texte de censure à mentionner explicitement le DNS et à l'imposer comme mécanisme de blocage.

Mais cette remarque, quoique factuellement exacte, ne répond pas à la question « pourquoi faut-il bloquer l'accès à ces sites ? ». On le fait pour la pédo-pornographie (loi LOPPSI qui, en théorie, limite la censure à cette raison), ou pour défendre le modèle d'affaires des ayant-trop-de-droits (dans le contexte de la loi HADOPI, même si celle-ci ne mentionne pas explicitement de censure). La pédo-pornographie, c'est grave, aucun doute là-dessus. Même chose sur la baisse des revenus de l'industrie du divertissement. C'est très grave et il faut réprimer impitoyablement ceux qui voudraient partager la culture.

Mais l'ARJEL, qui ne s'occupe pas de pédo-pornographie ou de show business, pourquoi veut-elle censurer ? Parce que les jeux d'argent sont immoraux, avec la pression qu'ils exercent sur les plus faibles, pour les pousser à jeter leur argent en l'air dans des jeux qui ne leur rapportent rien, que des déceptions ? Mais non, voyons, ce n'est pas la raison, puisqu'il existe des jeux légaux. Prendre l'argent dans les poches des plus vulnérables a été pendant longtemps un monopole de la Française des Jeux mais, désormais, d'autres acteurs peuvent participer. À condition de verser une part des revenus de leur sale métier à l'État (pardon, on dit « payer des impôts »). Et c'est là que la censure intervient. Pour protéger le business de ceux qui paient une part à l'État, il faut interdire les autres. Le décret cité plus haut permet donc cette censure.

L'ARJEL fait valoir que les sites de jeux en ligne légaux ne sont pas uniquement légaux parce qu'ils paient mais aussi parce qu'ils respectent certaines obligations, comme d'afficher un petit avertissement « attention, le jeu est dangereux ». Mais c'est un argument très hypocrite : on sait que le jeu est dangereux, mais on gagne de l'argent avec.

À noter que cette extension des impôts via les jeux en ligne fait l'objet d'un fort consensus gauche-droite, la gauche a déjà sa place à l'ARJEL, via la responsable des questions numériques chez François Hollande, qui avait pourtant essayé de cacher son rôle à l'ARJEL (à l'ENA, personne ne l'avait prévenue qu'il était difficile en 2011 de garder secrètes ce genre d'informations ?).

Cet article a été repris par le Monde et par l'Informaticien qui l'ont tous les deux attribué, bien à tort, à mon employeur (qui n'y est pour rien). Apparemment, la même chose arrive à Tristan Nitot donc je ne me plains pas.

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