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Fiche de lecture : Petite histoire du compagnonnage

Auteur(s) du livre : François Icher
Éditeur : Cairn
978-2-35068-753-7
Publié en 2019
Première rédaction de cet article le 8 septembre 2022


Vous connaissez le compagnonnage ? Probablement de nom, puisque ce système de formation et d'entraide dans le monde du travail manuel est ancien et souvent cité, par exemple lorsqu'on a parlé des réparations de Notre-Dame de Paris après l'incendie. Mais en dehors de généralités, le compagnonnage n'est pas forcément bien connu, alors qu'il a une longue histoire, résumée dans ce livre.

Le travail de l'historien sur ce sujet est à la fois facile (de nombreux documents sont disponibles) et difficile car il y a tout un folklore compagnonnique, avec ses légendes (les racines du compagnonnage au temps du roi Salomon…) et que les compagnons ne sont pas forcément ravis de voir un historien extérieur documenter leur mouvement. L'auteur se concentre évidemment sur les faits établis, qui font remonter les sources du compagnonnage, non pas au temple de Jérusalem, mais au Moyen Âge, ce qui n'est déjà pas mal. En rupture avec le système médiéval des corporations, devenu figé, voire « aristocratique », le compagnonnage est né de la volonté de certaines catégories de travailleurs manuels de s'entraider et de se former entre eux, par l'échange et le voyage (le fameux « Tour de France »). Ces compagnons ont ensuite développé un certain nombre de traditions (parfois confondues, à tort, avec celles des francs-maçons, mouvement nettement plus bourgeois) et de règles, notamment d'entraide et de fraternité.

On croit souvent qu'il n'y a qu'une sorte de compagnon mais en fait, depuis longtemps, les compagnons sont divisés entre plusieurs obédiences qui, à certaines époques, réglaient leurs divergences par la violence. Le chemin du Tour de France n'était pas un long fleuve tranquille. Les chansons de marche que les compagnons entonnaient pour se donner du courage sur la route étaient fréquemment des chants guerriers dirigés contre les autres obédiences. (Le même auteur a fait le scénario d'une BD sur Agricol Perdiguier, un compagnon du XIXe siècle resté célèbre par sa lutte incessante contre ces affrontements fratricides. Une de ses actions a été d'écrire des chansons pour les marches et les fêtes, qui ne soient pas un appel à la violence. Un feuilleton célèbre de l'ORTF avait son scénario fondé sur ces violences.) Le compagnonnage n'a évidemment jamais échappé aux problèmes politiques de son temps : catholiques stricts contre laïcs au XIXe siècle, par exemple. Mais il y avait aussi des rivalités de boutique (monopole d'accès à certains travaux) et du simple sectarisme.

Le compagnonnage a ensuite été ébranlé par la révolution industrielle, qui a semblé un moment condamner l'artisan qualifié qu'était le compagnon, par le socialisme, qui rejetait ce mouvement qui se voulait souvent élitiste, par les divers soubresauts du XXe siècle (ah, la malheureuse tentative de rénovation du compagnonnage sous le patronage de… Pétain).

Le livre décrit toutes ces aventures du mouvement compagnonnique, et son état actuel. Toujours divisé, avec trois importantes obédiences et plusieurs plus petites, le mouvement existe toujours. L'auteur explique les divergences entre ces obédiences mais je dois dire que ce n'est pas forcément facile à décrypter pour un lecteur situé à l'extérieur du mouvement compagnonnique. Ce mouvement s'est parfois adapté au monde moderne (admission des femmes à partir de 2004), mais reste également fidèle à ses origines, notamment la valorisation du travail manuel, et l'importance de la transmission du savoir.

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