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Mon livre « Cyberstructure »

Ève

50 ans

Première rédaction de cet article le 1 janvier 2020


Non, ce n'est pas mon âge. Mais, aujourd'hui, l'« epoch » d'Unix et de l'Internet a cinquante ans.

J'ai toujours été fasciné par les calendriers. C'est un intérêt courant chez les informaticiens, d'autant plus que la quasi-totalité des logiciels qui manipulent des dates sont bogués, en partie en raison de la complexité du problème.

Tous les calendriers commencent par une date spéciale. Cela peut-être la naissance d'un prophète, le début de sa prédication, une insurrection, une proclamation, un serment, une grande bataille, ou un autre événement important, réel ou imaginé. Il y a avant et puis après. Ainsi, le calendrier légal en France, comme dans la plupart des pays du monde, est fondé sur la date de naissance (supposée…) de Jésus-Christ. Pour le laïciser un peu, on parle désormais d'« ère commune » et nous sommes donc le 1 janvier 2020 de l'ère commune (en anglais, CE, pour « common era ».)

Cette date spéciale se nomme en anglais « epoch » et nous allons parler ici d'une « epoch » intéressante, le premier janvier 1970.

Car le choix de la date spéciale est crucial. Elle sépare l'histoire en deux, avant, âge de ténèbres, d'ignorance et d'oppression, et après, âge du bonheur et de la lumière. D'où le choix d'événements grandioses pour distinguer l'avant et l'après.

Mais les ordinateurs ne sont pas romantiques. Ils se moquent des grands sentiments et des passions humaines, ils sont gérés par la pure rationalité. Quand on a besoin de définir une « epoch », pour les ordinateurs, il n'est pas nécessaire d'utiliser une date émouvante. Et, comme on a rarement besoin, sauf si l'ordinateur est utilisé par un historien, de manipuler dans un programme informatique des dates très anciennes, autant prendre une « epoch » récente. Le premier janvier 1970, certains lecteurs et lectrices de ce texte étaient déjà nés, ainsi que l'auteur de ces lignes (mais je n'avais pas encore mon bac).

C'est ainsi que le système d'exploitation (logiciel de base de la machine) le plus utilisé dans le monde, Unix, utilise comme « epoch », comme date spéciale, le 1 janvier 1970, il y a juste cinquante ans. Cette date a été choisie simplement parce qu'elle était, au moment du choix, située dans un passé récent et qu'elle était facile à mémoriser.

Unix compte tous les temps en secondes écoulées depuis le 1 janvier 1970 à 0h0mn, temps universel. Évidemment, ce n'est que la représentation interne, dans la mémoire du système. Les applications destinées aux utilisateurs affichent la date d'une manière plus habituelle. La très forte prévalence d'Unix dans l'Internet (la quasi-totalité des serveurs, et la grande majorité des clients) fait que cette epoch est également, de facto, celle de l'Internet, qui a commencé à peu près au même moment. (Jérôme Mainaud, merci à lui, me fait remarquer que le protocole de synchronisation d'horloges NTP, très répandu sur l'Internet, a une autre epoch, le 1 janvier 1900.)

Si vous êtes en ce moment sur une machine Unix dotée d'un « shell », d'un interpréteur de commandes, et que vous avez le programme « GNU date » (sur des systèmes comme Ubuntu ou Mint, c'est le programme date par défaut), vous pouvez afficher le nombre de secondes écoulées depuis l'« epoch » en tapant :

date +%s

Le premier janvier 2020, à 0h0mn en temps universel, il affiche 1 577 836 800.

Une lecture recommandée : « Calendrical calculations », d'Edward Reingold et Nachum Dershowitz (Cambridge University Press).

Merci à Hervé Le Crosnier (C&F Éditions) pour l'inspiration pour cet article.

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