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Le sans-fil, une chance pour l'Afrique ?

Première rédaction de cet article le 28 août 2005


Dans les discussions, les colloques ou les sommets sur le développement des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) en Afrique, on présente souvent les techniques sans-fil comme la solution aux problèmes de connectivité de l'Afrique.

Cela inclut les réseaux locaux (avec la technique Wi-Fi), les réseaux métropolitains (avec des liaisons radio plus classiques) et les réseaux à grande distance, via les satellites (technique VSAT, par exemple, qui a toujours bénéficié d'un lobbying assez lourd).

Pour comprendre les avantages et les limites du sans-fil, il faut revenir sur la situation des télécoms en Afrique. Elle a été largement étudiée et d'innombrables études ont été produites à ce sujet par diverses ONG ou organismes onusiens. Citons par exemple l'excellent livre collectif sous la direction d'Annie Chéneau, "Enjeux des technologies de la communication en Afrique".

En deux mots, la fracture numérique avec le Nord est énorme : l'infrastructure téléphonique filaire est très limitée, de mauvaise qualité et mal entretenue. Obtenir une ligne est un exploit et cela coûte très cher.

Dans la plupart des pays, ce réseau filaire est de trop mauvaise qualité pour permettre le déploiement de services d'accès à l'Internet comme ADSL.

Face à cette situation, il est tentant de vouloir prendre un raccourci et de décréter que le filaire n'était qu'une étape dont l'Afrique pourrait se passer, en sautant directement au sans-fil. Ce choix apparaît purement technique et ne suscite pas en général de débats passionnés.

Mais c'est oublier que les choix d'infrastructures sont en général à très long terme et stratégiques, c'est-à-dire qu'ils exercent une influence qui va au-delà de la technique.

L'infrastructure filaire est en effet tributaire d'une société humaine qui marche : il faut du personnel, des travaux de génie civil, donc des cartes, des corps de métier différents qui coopèrent, une bonne dose d'organisation (pour éviter que d'autres travaux ne détruisent accidentellement le réseau), une certaine stabilité (les réseaux filaires sont vulnérables, par exemple aux voleurs de cuivre, métal relativement cher).

C'est cette société humaine qui est défaillante dans la plupart des pays d'Afrique : toutes les infrastructures au sol (eau, électricité, téléphone) y marchent mal en raison de cette défaillance, pas en raison des particularités techniques du téléphone filaire.

Envisage-t-on de résoudre ce problème ? Non. On envisage seulement de renoncer à avoir une infrastructure stable au sol et on passe par la voie des airs.

Cela a deux conséquences : on renonce à faire marcher des réseaux au sol, alors que l'eau et l'électricité, elles, n'ont pas de solution de rechange.

Et, même en se limitant aux télécommunications, on renonce à fournir un accès de masse au téléphone.

En effet, le sans-fil, avec ses infrastructures au sol limitées, convient bien aux situations d'urgence, aux événéments temporaires, ou bien aux habitats très dispersés. Mais, si on veut connecter la grande majorité de la population, il revient bien plus cher (puisque le coût de chaque abonné ne baisse pas avec le nombre d'abonnés) et il entraine une rude concurrence pour l'accès à la bande passante, qui est partagée entre tous.

Choisir systématiquement le sans-fil, c'est renoncer à l'accès pour tous au profit d'un accès pour un petit nombre, entreprises, ONG, riches particuliers.

En outre, lorsque le sans-fil passe par des satellites, c'est une menace directe pour l'indépendance du pays : les communications internes vont alors passer par un satellite contrôlé par un pays étranger, qui peut augmenter ses tarifs ou tout simplement couper l'accès en cas de désaccord.

Si on vise réellement l'accès de tous aux NTIC, il n'y a donc pas d'alternative au développement d'une infrastructure filaire au sol. Cette infrastructure au sol s'intègre naturellement dans les autres réseaux (eau et électricité notamment), soit parce qu'elle utilise les mêmes tranchées, soit simplement parce qu'elle repose sur la même infrastructure humaine (services techniques des collectivités locales, cartes du sous-sol, etc).

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