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Premiers jours d'utilisation du Neo Freerunner avec Openmoko

Première rédaction de cet article le 3 septembre 2008


J'ai reçu en rentrant de vacances mon Neo Freerunner, un téléphone portable équipé de la plate-forme logicielle Openmoko. Ce téléphone entièrement libre, matériel et logiciel, tiendra t-il ses promesses ?

Le monde de la téléphonie mobile est aujourd'hui dominé par des engins totalement fermés dont le plus extrême est sans doute l'iPhone d'Apple. Ces appareils font tourner un système d'exploitation complètement privateur mais, surtout, ils ne permettent pas toujours de faire tourner dessus les applications qu'on veut. C'est ainsi que la machine favorite des ignorants, l'iPhone, refuse les applications non approuvées par Apple et ne permet d'utiliser qu'un seul opérateur de téléphone mobile. (Cf. Problems of typical "closed" phones. Autres articles sur l'iPhone : Apple interdit aux développeurs d'applications refusées de publier ce refus et Apple censure à sa guise les contenus qui lui déplaisent.)

Ces appareils sont donc bien plus fermés qu'un PC avec MS-Windows. Au moins, Steve Ballmer ne m'empêche pas de faire tourner n'importe quel logiciel, par exemple Firefox et Open Office sur son système « fermé » ! Il est curieux de voir des gens critiquer vertement le géant états-unien du logiciel et se précipiter ensuite chez le petit Satan pour acheter très cher un engin dont le degré de fermeture ferait envie à Microsoft.

Il n'est donc pas étonnant qu'un gros effort marketing soit en cours pour nous convaincre que l'avenir de l'accès à Internet est dans la téléphonie mobile : l'Internet est un symbole d'ouverture et le refermer est une priorité pour beaucoup.

Pourtant, la téléphonie mobile n'est pas forcément synonyme de fermeture. Il existe plusieurs plate-formes qui sont relativement ouvertes (comme le fameux Android de Google) et surtout un système totalement ouvert, Openmoko. Avec Openmoko, non seulement le téléphone ne fait tourner que du logiciel libre mais, en outre, la partie matérielle repose également sur des composants dont les schémas sont publiés et réutilisables pour d'autres fabricants (pour des raisons légales, la partie GSM n'est pas dans ce cas). C'est donc un projet très (trop ?) ambitieux ; il offrirait plus de liberté que mon PC/Debian de la maison, où seul le logiciel est libre.

Il existe aujourd'hui un téléphone construit pour Openmoko, le Neo Freerunner. Il est distribué en France par Bearstech.

Son noyau est un Linux mais ce n'est pas cela qui compte : la Freebox a un Linux aussi et elle est extrêmement fermée. Par contre, la séquence de boot avec les messages du noyau de 0,4 mm de hauteur vaut le coup d'œil.

Qu'en est-il après quelques jours d'essais ? Si le matériel est très soigné (vous pouvez lire un excellent récit illustré du déballage et de la mise en route), le logiciel n'est pas à la hauteur. D'abord, il faut bien comprendre que l'état actuel d'Openmoko est franchement beta, voire alpha. Il n'est pas utilisable par des simples utilisateurs, et n'a pas vraiment d'intérêt même pour des geeks, si ces derniers ne sont pas des développeurs pour cette plate-forme. Quelques exemples : la partie GPS est très difficile à faire marcher, la dernière version officielle, Om 2008.8, ne permet pas de téléphoner sans un insupportable écho, l'application de gestion des contacts (stockés sur la carte SIM) n'a pas de fonction de recherche, le clavier virtuel a une touche d'effacement très complexe (les problèmes d'ergonomie sont fréquents sur Openmoko), etc.

Surtout, le logiciel est très peu stable : les Freerunner sont livrés avec une image, Om 2007.2, qui n'est plus maintenue et que personne n'utilise. Le nouvel utilisateur doit donc commencer par en flasher une nouvelle. Il existe plusieurs images possibles, radicalement différentes (Qtopia, FSO, Debian, Om) et il est donc difficile de partager des expériences. La seule documentation d'usage concerne Om 2007.2 (Om 2008.8 est complètement différent). Le seul fait de signaler une bogue est un travail difficile.

Bref, le projet est intéressant mais encore peu avancé. Si j'apprécie de pouvoir me connecter avec ssh sur mon téléphone pour y taper ls, cela ne suffit pas encore pour remplacer mon téléphone ordinaire. Enfin, cela permet de frimer :

root@om-gta02:~# uname -a
Linux om-gta02 2.6.24 #1 PREEMPT Thu Apr 24 08:23:36 CST 2008 armv4tl unknown

root@om-gta02:~# traceroute www.google.com
traceroute: warning: www.google.com has multiple addresses; using 74.125.39.104
traceroute to www.l.google.com (74.125.39.104), 30 hops max, 38 byte packets
 1  192.168.0.200 (192.168.0.200)  0.871 ms  3.278 ms  1.697 ms
 2  192.168.2.254 (192.168.2.254)  5.235 ms  4.121 ms  4.520 ms
 3  88.189.152.254 (88.189.152.254)  37.890 ms  35.868 ms  49.363 ms
 4  78.254.1.62 (78.254.1.62)  36.765 ms  37.107 ms  39.220 ms
 5  seg75-1.v902.intf.nra.proxad.net (78.254.255.37)  37.450 ms  36.687 ms  37.085 ms
 6  inv75-1-v900.intf.nra.proxad.net (78.254.255.33)  35.948 ms  37.212 ms  37.182 ms
...

Bien sûr, il faut voir où sont les responsabilités : le monde de la téléphonie est corporatiste et ultra-fermé. Les licences pour des puces 3G coûtent des millions de dollars (sans compter le coût de fabrication de la puce elle-même) et ne sont données qu'en échange de NDA léonins. Même chose pour le monde du multimédia, où des entreprises prédatrices ont acquis de nombreux brevets logiciels et harcèlent ceux qui utilisent les formats (peut-être) couverts par ces brevets.

J'espère que l'argent que j'ai dépensé sera utile pour les futurs développements mais je n'ai pas actuellement davantage de temps à y consacrer.

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