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E-books, pourquoi n'ont-ils pas encore décollé ?

Première rédaction de cet article le 16 octobre 2006


Cela fait longtemps qu'on parle des e-books, même si la mode semble un peu passée (elle avait culminé en 2000, même Jacques Attali s'y était mis, avec un projet fumeux et vite avorté). Pourquoi une si bonne idée n'a t-elle jamais marché ?

Comme beaucoup d'utilisateur de l'Internet, je lis beaucoup de textes trouvés en ligne et mon environnement de travail habituel, un PC, ne me convient pas forcément pour lire des textes longs. C'est en partie parce que la lecture sur écran me fatigue mais aussi parce que, contrairement à un livre-papier, le PC ne peut pas être lu couché, ou assis dans le train, ou debout dans le métro. Je souhaiterai une solution plus légère pour la simple tâche de lecture. C'est le principe du livre électronique.

Le mot e-book désigne tantôt le lecteur, l'appareil qui sert à lire les textes et tantôt les textes eux-mêmes. Comme je ne vois pas pourquoi les textes auraient besoin d'un mot spécifique (ce sont des textes, point, des textes numériques si on veut être précis), je n'emploie le mot que pour parler du lecteur.

La technique ayant beaucoup progressé, il devrait être relativement simple aujourd'hui de fabriquer un tel lecteur, ayant des propriétés analogues à celles d'un livre papier :

  • Peu cher, de façon à ce qu'une perte ou un vol ne soient pas une catastrophe,
  • Simple d'utilisation, ne nécessitant pas, par exemple, des mises à jour de sécurité,

Ces propriétés éloignent le e-book de l'ordinateur portable. Mais le e-book pourrait aussi emprunter au monde de l'informatique des caractéristiques utiles :

  • Capacité à lire différents formats de fichiers (texte seul, bien sûr, de préférence en Unicode, mais aussi PDF, HTML, etc),
  • Capacité à se connecter à l'Internet, pas uniquement au site de e-vente du vendeur du e-book mais aussi à n'importe quel serveur de fichiers (un client HTTP dans le e-book est la moindre des choses).

Alors, les e-books ont-ils ces caractéristiques ? Non. Ils sont très chers, des prix qui évoquent plutôt les PDA que les livres de poche, ils sont étonnemment pauvres en fonctions (beaucoup ne peuvent pas lire le texte seul donc, par exemple, pas les RFC). Et surtout, ils sont en général plombés par les DRM, de façon à ne pouvoir lire que les textes vendus par le cyber-boutique ayant signé des accords avec le fabricant. (Voir à ce sujet l'excellent article de Laurent Chemla.)

Pourtant, il existe sur Internet une quantité de textes dont l'accès est gratuit, et qui sont souvent, en prime, distribués sous une licence libre. Ce sont des textes techniques, bien sûr, normes, documentations, cours mais aussi des romans (comme ceux que distribuent Gutenberg et ABU) ou des articles d'encyclopédie comme ceux de Wikipédia. Uniquement avec ces textes d'accès libre, on pourrait passer 24 heures par jour à lire.

Mais les fabricants de e-books ne prennent jamais en compte cette formidable bibliothèque numérique gratuite. Ils ne communiquent que sur la possibilité de lire le dernier Tom Clancy acheté sur leur e-boutique et tellement truffé de DRM qu'il ne peut pas être prêté à un copain, et parfois même pas lu à haute voix (oui, c'est dans la licence des textes distribués par Adobe comme Alice au pays des merveilles, ouvrage pourtant dans le domaine public).

Les e-books actuels, même promus par des visionnaires auto-proclamés comme Attali sont donc des archaïsmes : ils correspondent à une époque où la culture n'était pas largement distribuée en ligne. Leur échec commercial est donc bien mérité. Malheureusement, le poids des compagnies de média est tel que, pour l'instant, aucun industriel ne s'est lancé dans un e-book ciblé spécialement pour lire les textes librement accessibles.

Au moment où je termine ce texte, le Monde publie un article sur le dernier truc de Sony, le Sony Reader. Il semble donc que le e-book revienne à la mode. Il n'y a évidemment aucun détail concret sur le site de Sony mais, selon l'article du Monde, le Sony Reader pourra lire le texte seul. En revanche, le seul mode de distribution cité est la cyber-shop de Sony, aucune allusion n'est faite à la capacité à récupérer des documents distribués sur le Web.

Notons un excellent article de Bob DuCharme sur le même sujet, critiquant un autre modèle de-book (le Kindle d'Amazon) qui a exactement les mêmes problèmes que celui de Sony. (Sans compter les pratiques dégueulasses d'Amazon qui supprime les fichiers de ses clients à distance.) Autre excellent article, celui de Steve Bellovin qui explique pourquoi il n'a pas de ebook. Cet article date originellement de 2006 mais, en 2011, la situation n'est pas meilleure.

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