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Mon livre « Cyberstructure »

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Fiche de lecture : La réputation

Auteur(s) du livre : Laure Daussy
Éditeur : Les échappés
978-2-35766-198-1
Publié en 2023
Première rédaction de cet article le 26 novembre 2023


Ce livre parle d'un féminicide, l'assassinat de Shaïna Hansye en 2019. Et regarde de près l'environnement où ce crime a eu lieu. Ce n'était pas un fait isolé, mais le produit de plusieurs phénomènes, dont le sexisme et les injonctions à la « pureté » contre les filles et femmes.

Le meurtre a eu lieu à Creil et l'assassin était le « petit ami » de la victime. La journaliste Laure Daussy est allé interroger les parents de Shaïna, ses amies, les enseignants, les associations pour comprendre ce qui s'est passé. Creil cumule les problèmes : services publics supprimés ou défaillants, chômage massif, montée de l'islamisme, etc. Pour ne citer qu'un exemple, la maternité, où les jeunes filles pouvaient avoir des conseils sur la contraception et l'IVG a fermé, les habitantes sont censées aller à Senlis, ville avec laquelle il n'y a pas de liaison par transports en commun. Les jeunes filles sans permis de conduire sont donc privées de toute information, sauf si leurs parents acceptent de les emmener (ce qui n'est pas toujours facile à demander !). Les « territoires perdus de la République », dont les médias aiment bien parler, c'est aussi ça : une ville abandonnée des pouvoirs publics. Un autre exemple est donné par l'incroyable passivité de la police lorsque Shaïna, deux ans avant le meurtre, était allé porter plainte pour un viol. Beaucoup de femmes n'osent pas porter plainte, craignant (à juste titre) qu'elles se retrouvent accusées ou stigmatisées ou bien que cela ne serve à rien. Ici, l'enquête de la police et l'instruction judiciaire se sont déroulées avec lenteur, le jugement n'ayant eu lieu qu'après le meurtre de la victime.

Mais l'un des principaux problèmes n'est pas directement lié à cet abandon. C'est la question de la réputation, qui donne son titre à l'enquête. Des hommes ont décidé de contrôler la vie des femmes et notamment par le biais du contrôle de leur vie affective et sexuelle. Une jeune fille qui vit un peu librement peut vite se retrouver marquée par l'étiquette « fille facile ». Souvent, il n'est même pas nécessaire de vouloir vivre sa vie, toute fille peut se retrouver ainsi étiquetée, par exemple parce qu'un homme a voulu se « venger » d'elle. Si personne, parlant à la journaliste, n'a osé défendre ouvertemement le meurtre de Shaïna, en revanche plusieurs de ses interlocuteurs ont relativisé ce meurtre, le justifiant par le statut de « fille facile » de la victime.

Le terme revient souvent lorsque les hommes (et parfois aussi les femmes) parlent à l'auteure. Le poids des préjugés, celui, grandissant, de la religion, le sexisme se combinent pour enfermer les femmes de Creil. Toutes portent en permanence le poids de cette injonction à la réputation.


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Fiche de lecture : Ni Web, ni master

Auteur(s) du livre : David Snug
Éditeur : Nada
9-791092-457513
Publié en 2022
Première rédaction de cet article le 20 novembre 2023


J'avoue, j'ai acheté cette BD pour le titre, référence à un ancien slogan anarchiste. Il y a d'autres jeux de mots dans ce livre. Mais le point important est que c'est une critique vigoureuse du Web commercial et de ses conséquences sur la société.

L'inconvénient des librairies comme Quilombo est qu'une fois qu'on y va pour quelque chose de précis, on se laisse prendre et on achète des livres pas prévus. En l'occurrence, la librairie a pas mal de livres luddites, assez variés. Cette BD imagine un auteur un peu âgé, fan de toutes les possibilités du Web commercial, et qui rencontre son moi du passé qui a voyagé dans le temps pour voir comment était le futur. Le David Snug du passé découvre donc Amazon, Uber Eats, Spotify, etc.

J'aime le style des dessins, et la vision de la ville moderne, où tout le monde est accroché à son ordiphone sonne juste. De même, l'auteur dénonce avec précision les conséquences concrètes du Web commercial, comme l'exploitation des travailleurs sans-papier pour la livraison des repas. C'est souvent très drôle, et rempli de jeux de mots mêlant termes du monde numérique et vieux slogans anarchistes. (Il y en a même un sur les noms de domaine.) C'est parfois, comme souvent avec les luddites, un peu trop nostalgique (« c'était mieux avant ») mais, bon, le fait que le passé connaissait déjà l'exploitation de l'homme par l'homme n'excuse pas le présent.

Bref, c'est un livre que je peux conseiller pour des gens qui n'ont pas perçu le côté obscur du Web commercial. (Si, par contre, vous lisez tous les articles du Framablog, vous n'apprendrez sans doute rien, mais vous passerez quand même un bon moment.) Je regrette quand même que l'auteur ne semble connaitre de l'Internet que le Web et du Web que les GAFA. Ainsi, Wikipédia est expédié en une phrase, pas très correcte.

Un conseil pour finir : ne lisez pas la postface qui, elle est franchement conservatrice et défend une vision passéiste du monde, d'un courant politique qu'on peut qualifier d'« anarchiste primitiviste ». Encore pire, la bibliographie, qui va des réactionnaires comme Michel Desmurget à l'extrême-droite, avec Pièces et Main d'Œuvre. C'est là qu'on se rend compte que le courant luddite a du mal à trancher avec les défenseurs de l'ordre naturel sacré.


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Fiche de lecture : Ada & Zangemann

Auteur(s) du livre : Matthias Kirschner, Sandra Brandstätter
Éditeur : C&F Éditions
978-2-37662-075-4
Publié en 2023
Première rédaction de cet article le 8 novembre 2023


Ce livre pour enfants a pour but de sensibiliser au rôle du logiciel dans nos sociétés. Difficile aujourd'hui d'avoir quelque activité que ce soit, personnelle ou professionnelle, sans passer par de nombreux programmes informatiques qui déterminent ce qu'on peut faire ou pas, ou, au minimum, encouragent ou découragent certaines actions. Les enfants d'aujourd'hui vont vivre dans un monde où ce sera encore plus vrai et où il est donc crucial qu'ils apprennent deux ou trois choses sur le logiciel, notamment qu'il existe du logiciel libre.

Le livre est originellement écrit en allemand, je l'ai lu dans la traduction française, publiée chez C&F Éditions. Il a été écrit à l'initiative de la FSFE.

Donc, l'histoire. Zangemann (un mélange de Jobs, Gates, Zuckerberg et Musk) est un homme d'affaires qui a réussi en fabriquant entre autres des objets connectés dont il contrôle complètement le logiciel, et il ne se prive pas d'appliquer ses règles suivant sa volonté du moment. Les utilisateurices des objets sont désarmé·es face à ces changements. Ada est une petite fille qui commence par bricoler du matériel (c'est plus facile à illustrer que la programmation) puis comprend le rôle du logiciel et devient programmeuse (de logiciels libres, bien sûr). Je ne vous raconte pas davantage, je précise juste, pour mes lecteurices programmeur·ses que ce n'est pas un cours de programmation, c'est un conte pour enfants. Le but est de sensibiliser à l'importance du logiciel, et d'expliquer que le logiciel peut être écrit par et pour le peuple, pas forcément par les Zangemann d'aujourd'hui.

Le livre est sous une licence libre. J'ai mis une illustration sur cet article car la licence est compatible avec celle de mon blog, et cela vous permet de voir le style de la dessinatrice : ada-zangemann.png

Je n'ai par contre pas aimé le fait que, à part pour les glaces à la framboise, les logiciels ne soient utilisés que pour occuper l'espace public sans tenir compte des autres. Zangemann programme les planches à roulette connectées pour ne pas rouler sur le trottoir et donc respecter les piétons ? Ada écrit du logiciel qui permet aux planchistes d'occuper le trottoir et de renverser les personnes âgées et les handicapé·es. L'espace public est normalement un commun, qui devrait être géré de manière collective, et pas approprié par les valides qui maitrisent la programmation. Le film « Skater Girl » représente bien mieux cette tension entre planchistes et autres utilisateurs. Un problème analogue se pose avec les enceintes connectées où la modification logicielle va permettre de saturer l'espace sonore (un comportement très macho, alors que le livre est censé être féministe) et de casser les oreilles des autres. Remarquez, cela illustre bien le point principal du livre : qui contrôle le logiciel contrôle le monde.

Le livre parait en français le premier décembre. La version originale est déjà disponible, ainsi que la version en anglais.


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Fiche de lecture : Géopolitique du numérique

Auteur(s) du livre : Ophélie Coelho
Éditeur : Éditions de l'Atelier
978-2-7082-5402-2
Publié en 2023
Première rédaction de cet article le 10 septembre 2023


D'innombrables livres (sans compter les colloques, séminaires, journées d'études, articles et vidéos) ont déjà été consacrés à la géopolitique du numérique, notamment à l'Internet. Ce livre d'Ophélie Coelho se distingue par son côté pédagogique (il vise un public exigeant mais qui n'est pas forcément déjà au courant des détails) et par sa rigueur (beaucoup de ces livres ont été écrits par des gens qui ne connaissent pas le sujet). Il couvre les enjeux de pouvoir autour des services de l'Internet (qui ne se limite pas à Facebook !). Le livre est vivant et bien écrit (malgré l'abondance des notes de bas de page, ce n'est pas un livre réservé aux universitaires).

J'apprécie le côté synthétique (le livre fait 250 pages), qui n'empêche pourtant pas de traiter en détail des sujets pas forcément très présents quand on parle de ce sujet (comme le plan Marshall, un exemple de soft power). À propos de ce plan, on peut également noter que le livre s'inscrit dans le temps long et insiste sur des déterminants historiques, comme l'auteure le fait dans son analyse du Japon.

Le livre, je l'ai dit, est clair, mais cela ne l'empêche pas de parler de questions complexes et relativement peu connues (le slicing de la 5G, par exemple, qui a été très peu mentionné dans les débats sur la 5G).

J'ai aussi beaucoup aimé le concept de « passeur de technologie » qui permet bien de comprendre pourquoi, alors que les discours « au sommet » sont souverainistes, à la base, des milliers de passeurs au service des GAFA promeuvent (gratuitement !) les technologies étatsuniennes. Le rôle de tous ces commerciaux bénévoles est souvent sous-estimé.

Ce livre ne se limite pas à analyser l'importance des acteurs du numérique (qui ne sont pas du tout des purs intermédiaires techniques), notamment du Web, mais propose également des solutions, comme le recours aux logiciels libres mais aussi et surtout une indispensable éducation au numérique (éducation critique, pas uniquement apprendre à utiliser Word et TikTok !). L'utilisateurice ne doit pas être un simple « consommateur d'interfaces » mais doit être en mesure d'exercer ses droits de citoyen·ne, même quand cet exercice passe par des ordinateurs.

L'auteure ne manque pas de critiquer plusieurs solutions qui ont largement fait la preuve de leur inefficacité, comme les grands projets étatiques qui, sous prétexte de souveraineté, servent surtout à arroser les copains (par exemple Andromède).

Des reproches ? Il n'y a pas d'index, ce qui aurait été utile, et quelques erreurs factuelles sont restées (Apollo ne s'est posé sur la Lune qu'en 1969, l'ICANN n'a pas un rôle aussi important que ce qui est présenté). Je ne suis pas non plus toujours d'accord avec certaines présentations de l'histoire de l'Internet. Par exemple, le fait que le Web soit « ouvert » (spécifications librement disponibles et implémentables, code de référence publié) n'est pas du tout spécifique au Web et était la règle dans l'Internet de l'époque. Mais que ces critiques ne vous empêchent pas de lire le livre : sauf si vous êtes un·e expert·e de la géopolitique du numérique, vous apprendrez certainement beaucoup de choses.

À noter que le livre est accompagné d'un site Web, http://www.geoponum.com/.

Autres article parlant de ce livre :


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Fiche de lecture : Artificial intelligence and international conflict in cyberspace

Auteur(s) du livre : Fabio Cristano, Dennis Broeders, François Delerue, Frédérick Douzet, Aude Géry
Éditeur : Routledge
978-1-03-225579-8
Publié en 2023
Première rédaction de cet article le 1 août 2023


L'IA est partout (même si le terme est très contestable, et est utilisé à toutes les sauces sans définition rigoureuse) et il est donc logique de se demander quel sera son rôle dans les conflits (notamment les guerres). Cet ouvrage universitaire collectif rassemble divers points de vue sur la question, sous l'angle du droit, et de la géopolitique.

Bon, justement, c'est un ouvrage collectif (dont la coordination a été assurée en partie par des chercheuses de GEODE, dont je recommande le travail). Comme tous les ouvrages collectifs, les points de vue, le style, et les méthodes sont variées. Et puis, commençons par cela, le sujet est relativement nouveau, il a produit beaucoup de fantasmes et de délires mais encore peu de travaux sérieux donc ce livre est une exploration du champ, pas un ensemble de réponses définitives. Attention, il est plutôt destiné à des universitaires ou en tout cas à un public averti.

Tous les articles ne concernent d'aileurs pas directement le sujet promis par le titre. (L'article de Arun Mohan Sukumar, par exemple, article par ailleurs très intéressant, ne parle d'IA que dans son titre, et ne concerne pas vraiment les conflits internationaux.) C'est en partie dû au fait que le terme flou d'IA regroupe beaucoup de choses, pas clairement définies. On peut aussi noter que certains articles incluent de l'IA mais sont en fait plus généraux : l'article de Jack Kenny sur l'intervention de pays étrangers dans les processus électoraux en est un bon exemple (le fait que le pays qui intervient utilise ou pas l'IA ne me semble qu'un détail).

Pour les articles qui parlent d'IA, de nombreux sujets sont abordés : éthique de l'IA dans la guerre (mais je n'ai pas de réponse à la question « est-ce que les humains font mieux, sur le champ de bataille ? »), régulation (sujet difficile en droit international ; et puis il est bien plus difficile de contrôler les IA que des missiles, qui sont difficiles à dissimuler), souveraineté numérique, etc.

Bref, il me semble que la question est loin d'être épuisée. Non seulement on ne peut pas s'appuyer sur une définition claire de ce qui est inclus sous l'étiquette « IA » mais on n'a pas encore bien décrit en quoi l'IA changeait les choses et justifiait un traitement particulier. Lorsqu'un drone se dirige vers sa cible, en quoi le fait que son logiciel soit qualifié d'« IA » est-il pertinent, pour les questions d'éthique et de droit de la guerre ? Une réponse évidente est « lorsqu'il peut choisir sa cible, et pas seulement se diriger vers celle qu'on lui a affecté ». Mais cela restreindrait sérieusement le nombre de systèmes qu'on peut qualifier d'« IA ».

Le livre en version papier est plutôt cher (déclaration : j'ai eu un exemplaire gratuitement) mais on peut aussi le télécharger gratuitement. Chaque article a une longue bibliographie donc vous aurez beaucoup de lecture cet été.


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Fiche de lecture : Catalogue des vaisseaux imaginaires

Auteur(s) du livre : Stéphane Mahieu
Éditeur : Éditions du Sandre
9-782358-211505
Publié en 2022
Première rédaction de cet article le 21 mars 2023


Un livre qui donne envie de voyager et de lire : l'auteur a dressé un catalogue de bateaux qui apparaissent dans des œuvres de fiction. Chaque entrée résume le bateau, sa carrière, son rôle dans le roman, et est l'occasion de passer d'œuvres archi-connues à des textes bien moins célèbres.

On y trouve le Titan, du roman « Le naufrage du Titan » (avec des notes mettant en avant, non pas les ressemblances avec le Titanic, comme souvent, mais les différences), le Fantôme du « Loup des mers » (un roman politique bien plus qu'un livre d'aventures maritimes), et bien sûr le Nautilus. Mais l'auteur présente aussi des vaisseaux issus de romans plus obscurs (en tout cas en France), comme l'Étoile polaire (dans le roman d'Obroutchev), le Leviatán, issu de l'imagination de Coloane ou le Rose-de-Mahé, créé par Masson.

À noter que la bande dessinée n'est pas représentée (ni le cinéma, d'ailleurs). L'entrée pour la Licorne ne décrit pas le vaisseau du chevalier de Hadoque mais elle parle d'un recueil d'histoires anciennes (le livre est sur le projet Gutenberg).

Bref, plein d'idées de lectures vont vous venir en parcourant ce livre… Mettez votre ciré, vérifiez les provisions de bord (et les armes !) et embarquez.


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Fiche de lecture : Plutôt nourrir

Auteur(s) du livre : Clément Osé, Noémie Calais
Éditeur : Tana
979-10-301-0424-0
Publié en 2022
Première rédaction de cet article le 20 mars 2023


Le débat sur la consommation de viande est souvent binaire, entre d'un côté les partisans de l'agriculture industrielle et de l'autre des animalolâtres qui refusent toute utilisation des animaux. Ce livre raconte le point de vue d'une éleveuse de porcs, qui essaie de faire de l'élevage de viande en échappant aux logiques industrielles.

Les partisans de l'agriculture industrielle reprochent souvent à leux opposants animalistes de ne rien connaitre à l'agriculture et au monde paysan. Ce n'est pas faux, mais, justement, ce livre est écrit, à deux mains, par des personnes qui vivent à la campagne, et qui travaillent la terre. Noémie Calais, l'éleveuse, a quitté son travail de consultante internationale pour s'occuper de porcs dans le Gers. Le travail quotidien est difficile (être paysanne n'a rien de romantique), et plein de questions se bousculent : a-t-on le droit d'élever des animaux pour finalement les tuer, comment faire une agriculture bio (ou à peu près) sans faire venir des kiwis, certes bios, mais transportés par avion depuis l'autre bout du monde, comment essayer de faire les choses proprement dans un environnement légal et économique où tout pousse à la concentration et à l'agriculture industrielle, avec toutes ses horreurs (pour les humains, comme pour les animaux). Les auteurs n'esquivent aucune question. Oui, il est légitime de manger les animaux, non, cela ne veut pas dire qu'il faut faire n'importe quoi.

Le livre va du quotidien d'une paysanne aux questions plus directement politiques, comme la réglementation délirante qui, sous couvert de protéger les consommateurs, crée tellement de normes et de certifications abstraites et déconnectées du terrain que seuls les gros, donc en pratique l'agriculture industrielle, ont des chances d'arriver à les respecter. Les arguments sanitaires, par exemple, peuvent être un prétexte pour démolir les circuits locaux. (Le cas n'est pas dans ce livre mais, par exemple, les règles de respect de la chaine du froid pour les fromages, qui sont les mêmes pour le fromage industriel sous plastique qui vient de l'autre bout du pays, et pour les dix ou vingt fromages de chèvre produits à deux kilomètres du marché sont un exemple typique.)

À lire avant d'aller au supermarché faire ses achats !


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Fiche de lecture : Datamania - le grand pillage de nos données personnelles

Auteur(s) du livre : Audric Gueidan, Halfbob
Éditeur : Dunod
978-2-10-083732-1
Publié en 2023
Première rédaction de cet article le 15 mars 2023


La plupart des lecteurices de ce blog savent que, sur l'Internet, on laisse des traces partout et que nos données personnelles sont peu protégées. (Le discours policier « l'Internet, c'est l'anonymat » est de la pure propagande.) Mais bien que ce fait soit largement connu et documenté, même au-delà des lecteurices de ce blog, on ne constate pas de changement de comportement des utilisateurices. Ceux et celles-ci continuent à distribuer trop largement leurs données personnelles. Il y a de nombreuses raisons à cet état de fait et je ne vais pas toutes les discuter. Mais une des raisons, pensent les auteurs de ce livre, est le manque d'information ; les utilisateurices ont bien entendu dire qu'il y avait des problèmes avec les données personnelles mais ielles ne mesurent pas complètement l'ampleur de ces problèmes, ni les formes qu'ils prennent. Comment leur expliquer ? Les auteurs tentent une BD, « Datamania ».

Alors, une BD, c'est du texte et du dessin. Personnellement, je ne suis pas très enthousiaste pour ce style de dessin (vous pouvez voir certains de ces dessins dans l'article de GeekJunior) mais comme les goûts artistiques varient, je n'argumenterai pas sur ce point. Le texte est léger et amusant, et couvre bien les sujets. Aucune erreur technique, les auteurs font preuve de beaucoup de rigueur. L'idée est d'expliquer à des gens qui n'ont pas envie de lire tous les rapports de la CNIL. Est-ce réussi ? Bon, il est clair que je ne suis pas le cœur de cible, le livre vise des gens pas très informés. Mais, justement, je trouve que le livre n'explique pas assez et qu'il abuse des private jokes. Certaines de ces allusions sont expliquées dans l'annexe « Avez-vous remarqué ? » mais j'avoue que je me suis demandé si un·e lecteurice ordinaire ne va pas rester perplexe. (Les lecteurices qui connaissent le sujet peuvent s'amuser, sans lire cette annexe, à repérer toutes les allusions à des personnes ou organisations connues.)

Le sujet, il est vrai, est très riche et très complexe. Le livre parle de surveillance, de logiciel libre, de cookies, de chiffrement et de beaucoup d'autres choses, et ne peut évidemment pas tout traiter en détail. (Un gros plus pour avoir cité Exodus Privacy.) Je conseillerai de l'utiliser comme introduction, ou comme support à des ateliers mais je ne suis pas sûr qu'il puisse être utilisé en autonomie par des utilisateurices ordinaires. (Bon, après, c'est vrai que je suis exigeant ; qu'en pensent d'autres personnes ? Voyez l'article de GeekJunior ou celui de Médias-Cité.)

Note : j'ai reçu un exemplaire gratuit du livre de la part des auteurs.


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