Ce blog n'a d'autre prétention que de me permettre de mettre à la disposition de tous des petits textes que j'écris. On y parle surtout d'informatique mais d'autres sujets apparaissent parfois.
Auteur(s) du livre : Jacques Favier, Benoît
Huguet, Adli Takkal Bataille
Éditeur : Dunod
9-782-100-784646
Publié en 2018
Première rédaction de cet article le 30 décembre 2018
Le Bitcoin suscite toujours autant de passions, et les informations à son sujet varient toujours de l'enthousiasme délirant aux enterrements prématurés. Il est amusant de noter que les uns comme les autres utilisent souvent les mêmes arguments qu'il y a dix ans, au moment du lancement de la cryptomonnaie. Au contraire, le livre de Favier, Huguet et Bataille se demande « où en est le Bitcoin aujourd'hui ? » Certainement pas au même point qu'en 2008.
J'avais déjà parlé du précédent livre de ces auteurs. Celui-ci est destiné à un public plus informé, qui connait déjà le Bitcoin et souhaite s'informer sur les derniers développements.
Comme dans leur livre antérieur, les auteurs n'hésitent pas à nager à contre-courant du discours dominant. Depuis deux ou trois ans, la mode est à dire « le Bitcoin, c'est pas bien mais la chaîne de blocs, c'est la solution à tous les problèmes de l'humanité ». Pour eux, au contraire, le Bitcoin reste la meilleure solution à bien des problèmes pour lesquels on crée de nouvelles chaînes de blocs, et ils sont très confiants dans sa capacité à évoluer pour répondre aux défis d'aujourd'hui. Les auteurs suggèrent que ce discours bruyant sur la chaîne de blocs sert à évacuer le caractère disrupteur du Bitcoin et à ramener le torrent des cryptomonnaies dans son lit, un lit bien contrôlé et bien régulé.
Les auteurs notent bien que la grande majorité des articles sur le Bitcoin sont très médiocres, juste une compilation de clichés (Law, les tulipes et Ponzi). Parfois, la malhonnêteté intellectuelle va plus loin, comme le reportage de France 2 sur le Bitcoin se terminant par… un envol de pigeons. Comme le notent Favier, Huguet et Bataille, « illustre-t-on un reportage sur une banque centrale par des photos de poulets en batterie ? »
Un autre exemple de la propagande contre les cryptomonnaies concerne les ICO, un mécanisme de financement où une entreprise débutante vend des jetons d'une cryptomonnaie… qui n'existe pas encore. Les ICO sont systématiquement diabolisés dans les médias, qui ne parlent que du risque de perdre son argent, si l'entreprise se casse la figure. Mais, comme le disent les auteurs « pourquoi est-il admis qu'on puisse perdre de l'argent avec la Française des Jeux et pas avec les ICO ? »
À juste titre, les auteurs sont hostiles au concept de « chaîne de blocs privée » (ou « chaîne de blocs à permission ») en notant qu'il s'agit soit de banales bases de données partagées, rebaptisées chaîne de blocs pour des raisons marketing, soit d'erreurs techniques où on utilise une chaîne de blocs pour un problème où elle n'est pas la meilleure solution. En effet, tout l'intérêt de Bitcoin est de fournir de la confiance dans un état alors même que les participants ne se connaissent pas. Si les participants se connaissent et ont déjà une structure en place ou, pire, si le seul participant est une entreprise spécifique, la chaîne de blocs n'a guère d'intérêt.
Et pendant ce temps, Bitcoin ne reste pas inactif : si le logiciel et le protocole n'évoluent qu'avec prudence, la communauté autour du Bitcoin, elle, a beaucoup changé et, au milieu de nombreuses crises, a prouvé sa faculté à s'adapter, dans un environnement impitoyable.
Le gros du livre tourne autour d'un enjeu technique essentiel pour toute chaîne de blocs : le passage à l'échelle. Vu que la taille de blocs de Bitcoin est limitée (notamment pour éviter certaines attaques par déni de service) et que l'écart de temps entre deux blocs est fixe, Bitcoin ne peut pas traiter un nombre illimité de transactions. Une chaîne de blocs qui ne mettrait pas de limite aurait d'autres problèmes, notamment la croissance illimitée de la chaîne, que tous les pairs doivent charger. Bref, on ne peut pas envisager, avec le Bitcoin classique, un monde où chacun paierait son café à la machine avec des bitcoins. Il faut donc améliorer le passage à l'échelle. Ce sujet est bouillonnant en ce moment dans le monde Bitcoin. (Le livre remarque que cela évoque l'époque où les experts auto-proclamés répétaient que l'Internet n'avait pas d'avenir, qu'il s'écroulerait dès qu'on essaierait de s'en servir vraiment, pendant que les vrais experts travaillaient à améliorer l'Internet, afin qu'il puisse assurer le service qu'en attendaient les utilisateurs.)
Les auteurs décrivent donc les solutions comme les « chaînes de côté » (sidechains, comme par exemple Blockstream ou RootStock) où une chaîne ayant moins de limites sert pour les transactions courantes, et son état final est mis de temps en temps sur une chaîne principale, par exemple celle de Bitcoin. Ainsi, la chaîne de côté croît vite mais on n'a pas besoin de la garder éternellement. Autre possibilité, les échanges hors-chaîne mais reportés sur la chaîne comme avec le Lightning Network. Cette partie du livre est plus difficile à lire, reflétant le caractère très mouvant de ces innovations.
Le livre couvre également en détail le cas des scissions, notamment la plus grosse qui a affecté Bitcoin depuis deux ans, et qui est toujours en cours, Bitcoin Cash (sans compter Bitcoin SV.)
Le cas des contrats automatiques est aussi traité, en exprimant un certain scepticisme quant à la possibilité d'en produire sans bogues. Mais, surtout, le livre note que la plupart des problèmes « intéressants » qu'on pourrait traiter avec des contrats automatiques nécessitent de l'information sur le monde extérieur à la chaîne. Si le déroulement d'un contrat automatique d'assurance dépend du temps, par exemple, il faudra bien accéder à des informations météorologiques, et cela ne sera plus pair-à-pair, cela ne pourra pas se faire entièrement sur la chaîne de blocs. (Il faudra utiliser ce qu'Ethereum appelle des oracles, qui ne sont pas pair-à-pair, donc posent un problème de confiance.)
Le monde Bitcoin, sans même parler des autres cryptomonnaies, est très actif en ce moment et des nouvelles propositions émergent tous les jours et d'innombrables essais sont lancés. Ce livre est donc un document utile pour avoir une vision relativement synthétique de l'état actuel de Bitcoin et de ses dernières évolutions. J'ai apprécié le côté ouvert de ce livre, qui présente des changements en cours, sans essayer d'imposer une vision unique.
Note : j'ai reçu (sans engagement) un exemplaire gratuit de ce livre par l'éditeur.
Auteur(s) du livre : Clément Oubrerie (Dessin), Cépanou
(Scénario)
Éditeur : Rue de Sèvres
9-782369-815266
Publié en 2018
Première rédaction de cet article le 29 décembre 2018
Première (?) BD à parler de cybersécurité et de cyberguerre, « Cyberfatale » est une bonne introduction au monde de la lutte « cyber » entre États.
Il est significatif de l'état de la communication et de l'information en matière de « cyber » qu'une BD soit plus sérieuse et mieux informée que la plupart des livres supposés sérieux sur le sujet. Pas de sensationnalisme dans « Cyberfatale », juste une bonne description des attaques (de la plus triviale, un site Web de l'État défiguré, à la plus ennuyeuse, un engin de guerre piraté informatiquement) et des réactions (qui sont, on n'en sera pas surpris, surtout axées sur la communication : « si ça sort, on est morts »). L'un des personnages doit à un moment rédiger un texte officiel sur la cyberdéfense et, après avoir aligné les poncifs dans son texte, se dit « c'est incompréhensible, c'est parfait ».
Il est recommandé de connaitre un peu le sujet, pour comprendre les clins d'œil mais, sinon, l'auteur a pensé aux débutants avec un excellent glossaire, très drôle, et a inventé un personnage d'officière débutante dans le « cyber », excellent prétexte pour donner des explications au lecteur / à la lectrice.
J'ai particulièrement apprécié que le livre fasse une place importante à la question de l'attribution des attaques. Si l'exemple d'analyse d'un logiciel malveillant est ultra-simplifié (mais c'est une BD, pas un livre de rétro-ingénierie), en revanche, la difficulté à être sûr de l'identité de l'attaquant est bien rendue.
Ah, et comme rien n'est parfait, un reproche : le texte utilise à tort le terme « crypter ».
Première rédaction de cet article le 26 décembre 2018
Tout a commencé par une panne d'un Eurostar. Immobilisé sur la voie, il bloquait toute la ligne à grande vitesse du nord de Paris. Mon TGV pour Lille a eu une heure et demie de retard. En attendant ce TGV, je pouvais perdre du temps sur des réseaux sociaux futiles, ou bien lire les vrais penseurs qui écrivent sur du papier. J'ai donc acheté un hors-série de la revue Books, « Internet, pièges et maléfices ». Conseil : n'achetez pas cette revue. Il faut le faire une fois pour savoir mais, après, on peut s'abstenir, c'est très mauvais.
Le hors-série est consacré aux problèmes liés à l'Internet, ou plutôt essentiellement aux GAFA car c'est presque tout ce que les auteurs connaissent de l'Internet. La plupart des textes sont de la simple propagande anti-Internet, style Finkielkraut ou Joffrin, mais traduits de l'anglais, et publiés initialement dans des revues intellectuelles états-uniennes prestigieuses (genre The New York Review of Books ou The New Yorker), avant d'être rassemblés par Books dans ce hors-série.
Cela peut paraitre bizarre de parler de « propagande ». Après tout, l'Internet n'est ni un parti politique, ni une idéologie. Mais pourtant, la plupart des articles collectés ici ne sont effectivement pas du niveau de l'argumentaire mais de celui de la propagande : aucune référence précise, aucune vérification des faits, aucune mise en perspective. Ainsi, l'inévitable article sur le darknet ne manque pas de reprendre le cliché classique « tous les groupes terroristes ont une présence sur Internet » (p. 65), ce qui est factuellement exact (de même que « tous les terroristes utilisent une voiture ou le métro » ou bien « tous les terroristes boivent de l'eau ») mais n'offre aucune information, à l'époque où tout le monde a une présence sur Internet.
Books se veut intellectuel donc la propagande est légèrement plus subtile que sur BFM TV. Ainsi, l'article sur le darknet reconnait à mots couverts que le recrutement de tueurs à gages sur le darknet est une légende urbaine. C'est un des rares cas où il y a eu un scrupule tardif de l'auteur.
Mais autrement, tous les clichés se succèdent. On y trouve la traditionnelle bulle de filtres, comme si, avant Internet, le militant communiste lisait autre chose que l'Humanité et le patron autre chose que le Figaro, comme si, au café du commerce, on ne parlait pas déjà uniquement avec des gens proches, comme si les intellectuels qui passent à la télé allaient de temps en temps sur les rondspoints pour parler avec des gilets jaunes. On y voit le méchant Internet tuer les artistes car tout est gratuit. Bien sûr, Wikipédia n'est pas fiable et est trumpiste, puisque prétendant que toutes les vérités se valent. On y trouve les jeunes qui ne lisent plus, l'ordiphone qui rend bête, etc. On reconnait les deux ou trois mêmes personnes qui sont systématiquement cités dans les articles anti-Internet, Morozov et Lanier. Notez que je ne les compare pas : Morozov dit des choses qui font réfléchir, lui. Lanier n'est cité que parce que la propagande aime bien les repentis.
Bref, rien d'original ou de nouveau, pour une revue qui parait fin 2018 (certains articles sont des reprises et sont plus anciens). Question clichés, il ne manque que celui comme quoi les dirigeants de la Silicon Valley mettraient leurs enfants dans des écoles sans ordinateurs.
Critiquer Internet est chic dans certains cercles intellectuels, aux États-Unis comme en France. Par contre, critiquer le capitalisme est tabou : pas question de dire que Google est une entreprise capitaliste, et que cela explique mieux son comportement que de fumeuses références au transhumanisme. Critiquer le capitalisme, ou même simplement l'appeler par son nom, vous fait tout de suite classer chez les affreux communistes. Il faut donc prendre les devants et plusieurs articles de la revue mentionnent les pays de l'ex-URSS, notamment la Biélorussie, en décrivant l'horreur des régimes staliniens, pour bien enfoncer le clou « nous attaquons l'Internet mais nous n'attaquons pas le capitalisme, nous ne sommes pas des communistes, rassurez-vous ». Seul l'interview de Chris Hedges (par ailleurs très réactionnaire) nomme simplement les choses, en disant que Facebook et Google agissent comme ils agissent parce que ce sont des entreprises capitalistes.
Et, pour les lecteurs paresseux qui, contrairement à moi, n'auraient pas lu tous les articles, l'introduction anonyme fournit une synthèse toute faite « Books a été parmi les tout premiers organes de presse à attirer l'attention sur les risques que le développement d'Internet fait peser sur les démocraties ».
Tous les articles de ce numéro ne sont pas aussi caricaturaux que ceux que j'ai résumés ici. L'article de Frank Furedi sur la surinformation est une bonne synthèse historique. L'auteur y fait bien remarquer qu'à chaque saut technologique (notamment l'écriture et l'imprimerie), les contemporains ont eu peur de cet « excès d'information ». Et il analyse à juste titre que cette peur vient du fait qu'on n'a pas tout de suite les outils (techniques et intellectuels) pour gérer cet afflux d'information rendu possible par la nouvelle technique. De même, James Gleick sur les Anonymous, et Ben Jackson sur le harcèlement ont fait de bons articles qui ne sont pas unilatéraux dans leurs conclusions.
Mais cela ne devait pas plaire à la rédaction : les articles exprimant un point de vue nuancé sont systématiquement dotés d'encadrés qui les contredisent. (Une belle violation du droit moral, à mon avis, que ces pavés placés au milieu de l'article d'un auteur et qui prennent le contrepied de l'article !) Et, alors que les articles sont signés, ces encadrés sont anonymes (juste signés « Books »). Frank Furedi a même droit à deux encadrés.
La passion du propagandiste va jusqu'à accompagner l'article d'Edward Luttwak consacré à Edward Snowden d'un texte (p. 39) qui affirme que Snowden est lié à la Russie et en donnant pour preuve le fait qu'il encourage à utiliser Tor (stupidement qualifié de « moteur de recherche ») ajoutant que Tor est financé par la Russie ! Dans le monde réel, Tor est financé par l'armée états-unienne, ce que dit d'ailleurs bien un autre article (p. 62). Mais personne ne fait de vérification chez Books. On voit donc que les mensonges à des fins de propagande ne sont pas une exclusivité de RT.
La rédaction ne s'est pas acharnée uniquement à coups d'encadrés dans les articles qui ne convenaient pas au discours souhaité. Elle a aussi utilisé les chapeaux. Ainsi dans un article sur le darknet, le chapeau affirme que Bitcoin est « intraçable », alors que l'article, p. 64, explique à juste titre que c'est le contraire (à propos de l'enquête Silk road).
Autre malhonnêteté intellectuelle utilisée dans cette revue, c'est l'allusion. Au contraire des mensonges francs et clairs (le financement de Tor par la Russie…), l'allusion n'affirme rien de précis, mais laisse entendre. Ainsi, p. 63, le Bitcoin est critiqué car ne reposant pas sur l'or ou l'argent (ce qui est exact, mais est également vrai de toutes les autres monnaies), et laisse entendre que les monnaies fiat (celles des États), elles, le seraient.
Enfin, la revue use largement de formules jolies mais ne reposant pas sur des faits précis et vérifiables. On lit par exemple que Bitcoin repose sur une « formule mathématique obscure ». On joue ici sur l'aversion des médias pour la mathématique, présentée comme difficile et obscure, pour éviter que les citoyens ne se penchent sur les questions compliquées, afin de laisse entendre qu'il y aurait un secret caché dans Bitcoin. Ce n'est pas le cas, le logiciel est libre, on peut vérifier qu'il utilise de la cryptographie classique et bien connue. Certaines cryptomonnaies comme Monero ou Zcash utilisent en effet des algorithmes cryptographiques moins connus et difficiles à appréhender, mais, comme pour le Bitcoin, ils n'ont rien d'obscur et sont largement documentés. Mais l'effet visé était purement rhétorique : « obscur » (comme le dark de darknet) fait peur.
Date de publication du RFC : Octobre 2018
Auteur(s) du RFC : J. Kunze (California Digital
Library), J. Littman (Stanford
Libraries), E. Madden (Library of
Congress), J. Scancella, C. Adams (Library of Congress)
Pour information
Première rédaction de cet article le 20 décembre 2018
Le format BagIt, très utilisé dans le monde des bibliothèques (monde d'où sont issus les auteurs de ce RFC), décrit une série de conventions pour un ensemble de fichiers décrivant un contenu numérique quelconque. En fait, BagIt n'est pas vraiment un format (on ne peut pas le comparer à tar ou à zip), il définit juste les fichiers qui doivent être présents dans l'archive.
Une archive BagIt est appelée un sac (bag). Elle est composée des fichiers de contenu, qui sont d'un format quelconque, et des fichiers de métadonnées, qui décrivent le contenu (ces fichiers de métadonnées se nomment tags). BagTit met l'accent sur le contrôle de l'intégrité des données (les tags contiennent un condensat cryptographique des données) et sur la facilité d'accès à un fichier donné (les fichiers de données ne sont pas sérialisés dans un seul grand fichier, comme avec tar ou zip, ils restent sous la forme d'une arborescence).
La section 2 du RFC décrit la structure d'un sac :
bagit.txt
qui indique le numéro de version
BagIt, et manifest-HASHALGO.txt
qui contient
les condensats.data/
sous lequel se
trouvent les fichiers de données.
Voici un exemple d'un sac, contenant deux fichiers de données,
Makefile
et
bortzmeyer-ripe-atlas-lapaz.tex
:
% find /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/manifest-sha512.txt /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/data /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/data/Makefile /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/data/bortzmeyer-ripe-atlas-lapaz.tex /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/manifest-sha256.txt /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/tagmanifest-sha256.txt /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bag-info.txt /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/tagmanifest-sha512.txt /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bagit.txt % cat /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bagit.txt BagIt-Version: 0.97 Tag-File-Character-Encoding: UTF-8 % cat /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bag-info.txt Bag-Software-Agent: bagit.py v1.7.0 <https://github.com/LibraryOfCongress/bagit-python> Bagging-Date: 2018-12-20 Contact-Email: stephane+atlas@bortzmeyer.org Contact-Name: Stéphane Bortzmeyer Payload-Oxum: 6376.2 % cat /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/manifest-sha256.txt 6467957fa9c06d30c1a72b62d13a224a3cdb570e5f550ea1d292c09f2293b35d data/Makefile 3d65d66d6abcf1313ff7af7f94b7f591d2ad2c039bf7931701a936f1305ac728 data/bortzmeyer-ripe-atlas-lapaz.t
Les condensats ont été faits avec SHA-256.
Le fichier obligatoire bagit.txt
doit
indiquer le numéro de version et
l'encodage. Le RFC décrit la version 1.0
mais, comme vous pouvez le voir plus haut, j'ai utilisé un outil un
peu ancien pour fabriquer le sac. Le répertoire
data/
contient les fichiers de données, non
modifiés (BagIt les traite comme du contenu binaire, copié au bit
près). manifest-sha256.txt
contient une ligne
par fichier de données, indiquant le condensat. Notez qu'il peut y
avoir plusieurs manifestes, avec des
algorithmes différents. Cela permet, si un nouvel algorithme de
condensation plus
solide apparait, d'ajouter le manifeste au sac. Les noms
d'algorithmes de condensation sont tirés du registre
IANA du RFC 6920. Quant aux fichiers
(non obligatoires) dont le nom commence par
tagmanifest
, ils indiquent les condensats des
fichiers de métadonnées :
% cat /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/tagmanifest-sha256.txt 16ed27c2c457038ca57536956a4431de4ac2079a7ec8042bab994696eb017b90 manifest-sha512.txt b7e3c4230ebd4d3b878f6ab6879a90067ef791f1a5cb9ffc8a9cb1f66a744313 manifest-sha256.txt 91ca8ae505de9266e37a0017379592eb44ff0a2b33b240e0b6e4f2e266688a98 bag-info.txt e91f941be5973ff71f1dccbdd1a32d598881893a7f21be516aca743da38b1689 bagit.txt
Enfin, le facultatif bag-info.txt
contient des
métadonnées qui ne sont typiquement prévues que pour les humains,
pas pour être analysées automatiquement. La syntaxe est la classique
Nom: Valeur
. Certains des noms sont
officiellement réservés (Contact-Name
,
Bagging-Date
…) et on peut en ajouter d'autres à
volonté.
Le sac est un répertoire, pas un fichier, et ne peut donc pas être transporté simplement, par exemple avec le protocole HTTP. On peut utiliser rsync, ou bien le sérialiser, par exemple en zip.
Il est amusant de noter qu'un sac peut être incomplet : des
fichiers de données peuvent être stockés à l'extérieur, et récupérés
dynamiquement lorsqu'on vérifie l'intégrité du sac. Dans ce cas, le
condensat dans le manifeste permettra de vérifier qu'on a bien
récupéré le contenu attendu. Les URL où
récupérer ce contenu supplémentaire seront dans un fichier
fetch.txt
.
Un sac peut être complet (ou pas) et ensuite
valide (ou pas). La section 3 de notre RFC
définit ces termes : un sac est complet s'il contient tous les
fichiers obligatoires, et que tous les fichiers dans les manifestes
sont présents, et que les fichiers comme
bagit.txt
ont une syntaxe correcte. Un sac est
valide s'il est complet et que tous les
condensats sont corrects.
La section 5 du RFC détaille quelques questions de sécurité liées à BagIt :
/../../../
. (Une suite
de tests existe, avec plusieurs sacs… intéressants,
permettant de tester la robustesse d'une mise en œuvre de BagIt.)Sans que cela soit forcément un problème de sécurité, d'autres différences entre systèmes d'exploitation peuvent créer des surprises (section 6 du RFC), par exemple l'insensibilité à la casse de certains systèmes de fichiers, ou bien la normalisation Unicode. La section 6 est d'ailleurs une lecture intéressante sur les systèmes de fichiers, et leurs comportements variés.
Passons maintenant aux programmes disponibles. Il en existe en plusieurs langages de programmation. Le plus répandu semble bagit-python, en Python. Il a été développé à la bibliothèque du Congrès, un gros utilisateur et promoteur de BagIt. La documentation est simple et lisible. On installe d'abord :
% pip3 install bagit Collecting bagit Downloading https://files.pythonhosted.org/packages/ee/11/7a7fa81c0d43fb4d449d418eba57fc6c77959754c5c2259a215152810555/bagit-1.7.0.tar.gz Building wheels for collected packages: bagit Running setup.py bdist_wheel for bagit ... done Stored in directory: /home/bortzmeyer/.cache/pip/wheels/8d/77/f7/8f91043ef3c99bbab558f578d19ce5938896e37e57609f9786 Successfully built bagit Installing collected packages: bagit Successfully installed bagit-1.7.0
On peut ensuite utiliser cette bibliothèque depuis Python :
% python3 Python 3.5.3 (default, Sep 27 2018, 17:25:39) [GCC 6.3.0 20170516] on linux Type "help", "copyright", "credits" or "license" for more information. >>> import bagit >>> bag = bagit.make_bag('/tmp/toto', {'Contact-Name': 'Ed Summers'}) >>>
Le répertoire /tmp/toto
aura été transformé en
sac.
Cette bibliothèque vient aussi avec un outil en ligne de commande. J'ai créé le premier sac d'exemple de cet article avec :
% bagit.py --contact-name 'Stéphane Bortzmeyer' --contact-email 'stephane+atlas@bortzmeyer.org' \ /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia
Et ce même outil permet de vérifier qu'un sac est valide :
% bagit.py --validate /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia 2018-12-20 16:16:09,700 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/data/bortzmeyer-ripe-atlas-lapaz.tex 2018-12-20 16:16:09,700 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/data/Makefile 2018-12-20 16:16:09,701 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/manifest-sha256.txt 2018-12-20 16:16:09,701 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/manifest-sha512.txt 2018-12-20 16:16:09,701 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bagit.txt 2018-12-20 16:16:09,701 - INFO - Verifying checksum for file /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia/bag-info.txt 2018-12-20 16:16:09,702 - INFO - /tmp/RIPE-Atlas-Bolivia is valid
Il existe d'autres mises en œuvre comme bagit ou bagins en Go. L'article « Using BagIt in 2018 » donne des informations utiles dans d'autres langages.
Auteur(s) du livre : Valérie Schafer
Éditeur : INA
9-782869-382534
Publié en 2018
Première rédaction de cet article le 19 décembre 2018
Derrière un titre qui évoque les fameuses mentions « En construction » du début du Web, un ouvrage d'une historienne spécialisée dans l'histoire de l'Internet. Valérie Schafer décrit les débuts de l'Internet et du Web en France, au cours des années 1990.
On y trouve les débats franco-français « Minitel ou Internet », qui agitaient les gens d'en haut de 1994 à 1997 (les gens d'en bas avaient tranché depuis longtemps), les absurdités des intellectuels français face à un phénomène qu'ils ne comprennent pas, l'incompréhension des médias officiels (voir d'ailleurs l'excellente compilation de reportages télévisés faite par l'auteure), l'histoire de Fnet et d'autres acteurs, puis l'explosion de l'intérêt pour l'Internet, passant par les phases successives (on ignore, puis on ricane, puis on en fait des éloges démesurés), les problèmes concrets (kits de connexion, documentations incompréhensibles, compensées par le fait que les utilisateurs étaient des passionné·e·s, décidé·e·s à réussir), les débuts des sites Web (au HTML fait à la main), les relations avec les nouveaux utilisateurs qui arrivent en masse (le septembre sans fin), les premières censures, et les combats pour la liberté, par exemple le rôle de l'AUI, etc.
À propos de documentation, celle de l'accès au
CNAM par modem,
citée p. 55 et suivantes, est en ligne, en trois fichiers : acces-cnam-modems-1.pdf
, acces-cnam-modems-2.pdf
et acces-cnam-modems-3.pdf
.
Question absurdités, le rapport Théry est évidemment mentionné, mais je pense que la prime revient à Philippe Val qui écrivait dans Charlie Hebdo en 2001 (p. 26 du livre) : « Qui est prêt à dépenser de l'argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel ? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs [...] » Comme vous êtes en train de lire un « petit site personnel », je vous laisse chercher dans quelle(s) catégorie(s) est son auteur…
Les sources sont systématiquement citées, ce qui est normal pour une historienne, mais n'est pas toujours fait dans les livres parlant d'histoire de l'Internet. (Et qui répètent parfois en boucle des légendes, du genre c'est en France qu'on a inventé l'Internet. De telles légendes sont fréquentes dans les « histoires d'Internet », contrairement à ce livre, qui est très rigoureux.) Plus étonnant, des sources informelles sont très utilisées, notamment Usenet. C'est tout à fait justifié, vu le peu de sources formelles sur cette époque, mais c'est rare, Usenet est ignoré de la majorité des ouvrages et articles parlant d'Internet.
Pour ces citations tirées d'Usenet, Schafer n'a pas mis le nom de l'auteur·e de la citation. Le problème est complexe, car il faut arbitrer entre le droit d'auteur (citer l'auteur), la valeur historique du témoignage (qui dépend de qui parle) et le droit à la vie privée. Contrairement à un livre ou à un article dans un journal formel, l'auteur·e d'un message sur Usenet ne pensait pas forcément être retrouvé·e vingt ans après. Si vous voulez approfondir la question, l'auteure du livre recommande « Ethics and the Archived Web Presentation: “The Ethics of Studying GeoCities” » ou « Par-delà la dichotomie public/privé : la mise en visibilité des pratiques numériques et ses enjeux éthiques ».
Le fameux logo « En construction » orne logiquement la couverture du livre :
Notez enfin que le site de l'Armada de la Liberté, mentionné p. 73, a été récemment remis en ligne à partir d'une sauvegarde personnelle dans le cadre d'une page d'histoire du CNAM à l'occasion d'une conférence. J'ai appris dans le livre de Valérie Schafer (p. 80) que le site Web du CNAM n'avait pas été le premier serveur Web en France, contrairement à ce que je répétais tout le temps. Heureusement que les historien·ne·s sont là pour vérifier.
Déclaration d'éventuel conflit d'intérêts : j'ai reçu (sans engagement) un exemplaire gratuit de ce livre par l'auteur.
Date de publication du RFC : Octobre 2018
Auteur(s) du RFC : L. Song (Beijing Internet
Institute), D. Liu (Beijing Internet
Institute), P. Vixie (TISF), A. Kato
(Keio/WIDE), S. Kerr
Pour information
Première rédaction de cet article le 17 décembre 2018
Ce RFC décrit une expérience, celle qui, de mai 2015 à décembre 2018, a consisté à faire tourner une racine DNS alternative nommée Yeti. Contrairement aux racines alternatives commerciales qui ne sont typiquement que des escroqueries visant à vendre à des gogos des TLD reconnus par personne, Yeti était une expérience technique ; il s'agissait de tester un certain nombre de techniques qu'on ne pouvait pas se permettre de tester sur la « vraie » racine.
Parmi ces techniques, l'utilisation d'un grand nombre de
serveurs
racine (pour casser la légende comme quoi l'actuelle
limite à 13 serveurs aurait une justification technique),
n'utiliser qu'IPv6, jouer avec des
paramètres DNSSEC différents, etc. J'ai
participé à ce projet, à la fois comme gérant de deux des serveurs
racine, et comme utilisateur de la racine Yeti, reconfigurant des
résolveurs DNS pour utiliser Yeti. Les deux serveurs racines
dahu1.yeti.eu.org
et
dahu2.yeti.eu.org
appartenaient au groupe
Dahu, formé par l'AFNIC (cf. cet
article sur le site de l'AFNIC),
Gandi et eu.org. (Le
nom vient d'un animal aussi
mythique que le yéti.)
Outre l'aspect technique, un autre intéret de Yeti était qu'il s'agissait d'un projet international. Réellement international, pas seulement des états-uniens et des européens de divers pays ! Yeti est d'inspiration chinoise, la direction du projet était faite en Chine, aux États-Unis et au Japon, et parmi les équipes les plus impliquées dans le projet, il y avait des Russes, des Indiens, des Français, des Chiliens… Le projet, on l'a dit, était surtout technique (même si certains participants pouvaient avoir des arrière-pensées) et la zone racine servie par Yeti était donc exactement la même que celle de l'IANA, aux noms des serveurs et aux signatures DNSSEC près. Un utilisateur ordinaire de Yeti ne voyait donc aucune différence. Le projet étant de nature expérimentale, les utilisateurs étaient tous des volontaires, conscients des risques possibles (il y a eu deux ou trois cafouillages).
L'annexe E du RFC est consacrée aux controverses sur le principe même du projet Yeti. Le projet a toujours été discuté en public, et présenté à de nombreuses réunions. Mais il y a toujours des râleurs, affirmant par exemple que ce projet était une racine alternative (ce qui n'est pas faux mais attendez, lisez jusqu'au bout) et qu'il violait donc le RFC 2826. Outre que ce RFC 2826 est très contestable, il faut noter qu'il ne s'applique pas à Yeti ; il concerne uniquement les racines alternatives servant un contenu différent de celui de la racine « officielle » alors que Yeti a toujours été prévu et annoncé comme servant exactement la même racine (comme le faisait ORSN). Rien à voir donc avec ces racines alternatives qui vous vendent des TLD bidons, que personne ne pourra utiliser. Comme le disait Paul Vixie, Yeti pratique le Responsible Alternate Rootism. Notez quand même que certains participants à Yeti (notamment en Chine et en Inde) avaient des objectifs qui n'étaient pas purement techniques (s'insérant dans le problème de la gouvernance Internet, et plus spécialement celle de la racine).
La racine du DNS est quelque chose d'absolument critique pour le bon fonctionnement de l'Internet. Quasiment toutes les activités sur l'Internet démarrent par une ou plusieurs requêtes DNS. S'il n'y a plus de résolution DNS, c'est à peu près comme s'il n'y avait plus d'Internet (même si quelques services pair-à-pair, comme Bitcoin, peuvent encore fonctionner). Du fait de la nature arborescente du DNS, si la racine a un problème, le service est sérieusement dégradé (mais pas arrêté, notamment en raison des mémoires - les « caches » - des résolveurs). On ne peut donc pas jouer avec la racine, par exemple en essayant des idées trop nouvelles et peu testées. Cela n'a pas empêché la racine de changer beaucoup : il y a eu par exemple le déploiement massif de l'anycast, qui semblait inimaginable il y a dix-sept ans, le déploiement de DNSSEC (avec le récent changement de clé, qui s'est bien passé), ou celui d'IPv6, plus ancien. Le fonctionnement de la racine était traditionnellement peu ou pas documenté mais il y a quand même eu quelques documents utiles, comme le RFC 7720, la première description de l'anycast, ou les documents du RSSAC, comme RSSAC 001. Celle ou celui qui veut se renseigner sur la racine a donc des choses à lire.
Mais le point important est que la racine est un système en production, avec lequel on ne peut pas expérimenter à loisir. D'où l'idée, portée notamment par BII, mais aussi par TISF et WIDE, d'une racine alternative n'ayant pas les contraintes de la « vraie » racine. Yeti (section 1 du RFC) n'est pas un projet habituel, avec création d'un consortium, longues réunions sur les statuts, et majorité du temps passé en recherches de financement. C'est un projet léger, indépendant d'organismes comme l'ICANN, géré par des volontaires, sans structure formelle et sans budget central, dans la meilleure tradition des grands projets Internet. À son maximum, Yeti a eu 25 serveurs racine, gérés par 16 organisations différentes.
Au passage, puisqu'on parle d'un projet international, il faut noter que ce RFC a été sérieusement ralenti par des problèmes de langue. Eh oui, tout le monde n'est pas anglophone et devoir rédiger un RFC en anglais handicape sérieusement, par exemple, les Chinois.
Parmi les idées testées sur Yeti (section 3 du RFC) :
root-servers.net
),root-servers.net
n'est pas signé),La section 4 du RFC décrit l'infrastructure de Yeti. Elle a
évidemment changé plusieurs fois, ce qui est normal pour un
service voué aux expérimentations. Yeti utilise l'architecture
classique du DNS. Les serveurs racine sont remplacés par ceux de
Yeti, les autres serveurs faisant autorité (ceux de
.fr
ou
.org
, par exemple) ne
sont pas touchés. Les résolveurs doivent évidemment être
reconfigurés pour utiliser Yeti (d'une manière qui est documentée sur le site Web du projet). Au
démarrage, un résolveur ne connait en effet que la liste des noms
et adresses IP des serveurs de la racine. La racine « officielle »
est configurée par défaut et doit ici être remplacée (annexe A du RFC). Il faut
aussi changer la clé de la racine (la root trust
anchor) puisque Yeti signe avec sa propre clé.
Voici la configuration de mon résolveur à la maison, avec Knot sur une Turris Omnia :
config resolver 'common' option keyfile '/etc/kresd/yeti-root.keys' option prefered_resolver 'kresd' config resolver 'kresd' option rundir '/tmp/kresd' option log_stderr '1' option log_stdout '1' option forks '1' option include_config '/etc/kresd/custom.conf'
et custom.conf
contient la liste des serveurs
racine :
hints.root({ ['bii.dns-lab.net.'] = '240c:f:1:22::6', ['yeti-ns.tisf.net .'] = '2001:4f8:3:1006::1:4', ['yeti-ns.wide.ad.jp.'] = '2001:200:1d9::35', ['yeti-ns.as59715.net.'] = '2a02:cdc5:9715:0:185:5:203:53', ['dahu1.yeti.eu.org.'] = '2001:4b98:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b', ['ns-yeti.bondis.org.'] = '2a02:2810:0:405::250', ['yeti-ns.ix.ru .'] = '2001:6d0:6d06::53', ['yeti.bofh.priv.at.'] = '2a01:4f8:161:6106:1::10', ['yeti.ipv6.ernet.in.'] = '2001:e30:1c1e:1::333', ['yeti-dns01.dnsworkshop.org.'] = '2001:1608:10:167:32e::53', ['yeti-ns.conit.co.'] = '2604:6600:2000:11::4854:a010', ['dahu2.yeti.eu.org.'] = '2001:67c:217c:6::2', ['yeti.aquaray.com.'] = '2a02:ec0:200::1', ['yeti-ns.switch.ch.'] = '2001:620:0:ff::29', ['yeti-ns.lab.nic.cl.'] = '2001:1398:1:21::8001', ['yeti-ns1.dns-lab.net.'] = '2001:da8:a3:a027::6', ['yeti-ns2.dns-lab.net.'] = '2001:da8:268:4200::6', ['yeti-ns3.dns-lab.net.'] = '2400:a980:30ff::6', ['ca978112ca1bbdcafac231b39a23dc.yeti-dns.net.'] = '2c0f:f530::6', ['yeti-ns.datev.net.'] = '2a00:e50:f15c:1000::1:53', ['3f79bb7b435b05321651daefd374cd.yeti-dns.net.'] = '2401:c900:1401:3b:c::6', ['xn--r2bi1c.xn--h2bv6c0a.xn--h2brj9c.'] = '2001:e30:1c1e:10::333', ['yeti1.ipv6.ernet.in.'] = '2001:e30:187d::333', ['yeti-dns02.dnsworkshop.org.'] = '2001:19f0:0:1133::53', ['yeti.mind-dns.nl.'] = '2a02:990:100:b01::53:0' })
Au bureau, avec Unbound, cela donnait :
server: auto-trust-anchor-file: "/var/lib/unbound/yeti.key" root-hints: "yeti-hints"
Et yeti-hints
est disponible en
annexe A du RFC (attention, comme le note la section 7 du RFC, à
utiliser une source fiable, et à le récupérer de manière sécurisée).
Comme Yeti s'est engagé à ne pas modifier le contenu de la zone racine (liste des TLD, et serveurs de noms de ceux-ci), et comme Yeti visait à gérer la racine de manière moins concentrée, avec trois organisations (BII, TISF et WIDE) signant et distribuant la racine, le mécanisme adopté a été :
Voici le SOA Yeti :
% dig SOA . ... ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 45919 ;; flags: qr rd ra ad; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 ... ;; ANSWER SECTION: . 86400 IN SOA www.yeti-dns.org. bii.yeti-dns.org. ( 2018121600 ; serial 1800 ; refresh (30 minutes) 900 ; retry (15 minutes) 604800 ; expire (1 week) 86400 ; minimum (1 day) ) . 86400 IN RRSIG SOA 8 0 86400 ( 20181223050259 20181216050259 46038 . BNoxqfGq5+rBEdY4rdp8W6ckNK/GAOtBWQ3P36YFq5N+ ... ;; Query time: 44 msec ;; SERVER: 127.0.0.1#53(127.0.0.1) ;; WHEN: Sun Dec 16 16:01:27 CET 2018 ;; MSG SIZE rcvd: 369
(Notez que l'adresse du responsable de la zone indique le
DM qui a été utilisé par ce résolveur particulier. Un autre
résolveur pourrait montrer un autre SOA, si le DM était différent.)
Comme les serveurs racine « officiels » n'envoient pas de message
NOTIFY
(RFC 1996) aux
serveurs Yeti, la seule solution est d'interroger régulièrement
ces serveurs officiels. (Cela fait que Yeti sera toujours un peu
en retard sur la racine « officielle », cf. section 5.2.2.) Plusieurs de ces serveurs acceptent le
transfert de zone (RFC 5936), par exemple
k.root-servers.net
:
% dig @k.root-servers.net AXFR . > /tmp/root.zone % head -n 25 /tmp/root.zone ; <<>> DiG 9.11.3-1ubuntu1.3-Ubuntu <<>> @k.root-servers.net AXFR . ; (2 servers found) ;; global options: +cmd . 86400 IN SOA a.root-servers.net. nstld.verisign-grs.com. ( 2018121600 ; serial 1800 ; refresh (30 minutes) 900 ; retry (15 minutes) 604800 ; expire (1 week) 86400 ; minimum (1 day) ) . 172800 IN DNSKEY 256 3 8 ( AwEAAdp440E6Mz7c+Vl4sPd0lTv2Qnc85dTW64j0RDD7 ...
De son côté, l'ICANN gère deux machines qui
acceptent le transfert de zone,
xfr.cjr.dns.icann.org
et
xfr.lax.dns.icann.org
. On peut enfin
récupérer cette zone par FTP.
Pour l'étape de signature de la zone, Yeti a testé plusieurs façons de répartir le travail entre les trois DM (Distribution Masters) :
Dans les deux cas, Yeti supprime la totalité des signatures de la racine « officielle » avant d'apposer la sienne. Il a été suggéré (mais pas testé) d'essayer d'en conserver une partie, pour faciliter la vérification du fait que Yeti n'avait pas ajouté ou retiré de TLD.
La configuration chez les DM et leur usage de git (les risques de sécurité que cela pose sont discutés en section 7) pour se synchroniser quand c'est nécessaire est documentée ici.
Les serveurs racine de Yeti n'ont plus ensuite qu'à récupérer la zone depuis un des DM ; chaque serveur racine peut utiliser n'importe quel DM et en changer, de façon à éviter de dépendre du bon fonctionnement d'un DM particulier. Voici par exemple la configuration d'un serveur NSD :
server: ip-address: 2001:4b98:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b nsid: "ascii_dahu1.yeti.eu.org" # RFC 8201 ipv6-edns-size: 1460 zone: name: "." outgoing-interface: 2001:4b98:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b # We use AXFR (not the default, IXFR) because of http://open.nlnetlabs.nl/pipermail/nsd-users/2016-February/002243.html # BII request-xfr: AXFR 240c:f:1:22::7 NOKEY allow-notify: 240c:f:1:22::7 NOKEY # TISF request-xfr: AXFR 2001:4f8:3:1006::1:5 NOKEY allow-notify: 2001:4f8:3:1006::1:5 NOKEY # WIDE request-xfr: AXFR 2001:200:1d9::53 NOKEY allow-notify: 2001:200:1d9::53 NOKEY
Notez que la configuration réseau était un peu plus complexe, la
machine ayant deux interfaces, une de service, pour les requêtes
DNS, et une d'aministration, pour se connecter via
ssh. Il fallait s'assurer que les messages
DNS partent bien par la bonne interface réseau, donc faire du
routage selon l'adresse IP source. Le fichier de configuration
Linux pour cela est
.
yeti-network-setup.sh
Contrairement aux serveurs de la racine « officielle », qui
sont tous sous le domaine root-servers.net
,
ceux de Yeti, ont des noms variés. Le suffixe identique permet,
grâce à la compression des noms (RFC 1035,
section 4.1.4 et RSSAC
023)
de gagner quelques octets sur la taille des messages DNS. Yeti
cherchant au contraire à tester la faisabilité de messages DNS
plus grands, cette optimisation n'était pas utile.
Une des conséquences est que la réponse initiale à un résolveur (RFC 8109) est assez grande :
% dig @bii.dns-lab.net. NS . ... ;; SERVER: 240c:f:1:22::6#53(240c:f:1:22::6) ;; MSG SIZE rcvd: 1591
On voit qu'elle dépasse la MTU
d'Ethernet. Certains serveurs, pour
réduire la taille de cette réponse, n'indiquent pas la totalité
des adresses IP des serveurs racine (la colle) dans la
réponse. (BIND, avec
minimum-responses: yes
n'envoie même aucune
adresse IP, forçant le résolveur à effectuer des requêtes pour les
adresses IP des serveurs). Cela peut augmenter la latence avant
les premières résolutions réussies, et diminuer la robustesse (si
les serveurs dont l'adresse est envoyée sont justement ceux en
panne). Mais cela n'empêche pas le DNS de fonctionner et Yeti,
après discussion, a décidé de ne pas chercher à uniformiser les
réponses des serveurs racine.
Au moment de la publication du RFC, Yeti avait 25 serveurs racine gérés dans 16 pays différents (section 4.6 du RFC), ici vus par check-soa (rappelez-vous qu'ils n'ont que des adresses IPv6) :
% check-soa -i . 3f79bb7b435b05321651daefd374cd.yeti-dns.net. 2401:c900:1401:3b:c::6: OK: 2018121400 (334 ms) bii.dns-lab.net. 240c:f:1:22::6: OK: 2018121400 (239 ms) ca978112ca1bbdcafac231b39a23dc.yeti-dns.net. 2c0f:f530::6: OK: 2018121400 (170 ms) dahu1.yeti.eu.org. 2001:4b98:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b: OK: 2018121400 (18 ms) dahu2.yeti.eu.org. 2001:67c:217c:6::2: OK: 2018121400 (3 ms) ns-yeti.bondis.org. 2a02:2810:0:405::250: OK: 2018121400 (24 ms) xn--r2bi1c.xn--h2bv6c0a.xn--h2brj9c. 2001:e30:1c1e:10::333: OK: 2018121400 (188 ms) yeti-ns.as59715.net. 2a02:cdc5:9715:0:185:5:203:53: OK: 2018121400 (43 ms) yeti-ns.datev.net. 2a00:e50:f155:e::1:53: OK: 2018121400 (19 ms) yeti-ns.ix.ru. 2001:6d0:6d06::53: OK: 2018121400 (54 ms) yeti-ns.lab.nic.cl. 2001:1398:1:21::8001: OK: 2018121400 (228 ms) yeti-ns.switch.ch. 2001:620:0:ff::29: OK: 2018121400 (16 ms) yeti-ns.tisf.net. 2001:4f8:3:1006::1:4: OK: 2018121400 (175 ms) yeti-ns.wide.ad.jp. 2001:200:1d9::35: OK: 2018121400 (258 ms) yeti-ns1.dns-lab.net. 2400:a980:60ff:7::2: OK: 2018121400 (258 ms) yeti-ns2.dns-lab.net. 2001:da8:268:4200::6: OK: 2018121400 (261 ms) yeti-ns3.dns-lab.net. 2400:a980:30ff::6: OK: 2018121400 (268 ms) yeti.aquaray.com. 2a02:ec0:200::1: OK: 2018121400 (4 ms) yeti.bofh.priv.at. 2a01:4f8:161:6106:1::10: OK: 2018121400 (31 ms) yeti.ipv6.ernet.in. 2001:e30:1c1e:1::333: OK: 2018121400 (182 ms) yeti.jhcloos.net. 2001:19f0:5401:1c3::53: OK: 2018121400 (108 ms) yeti.mind-dns.nl. 2a02:990:100:b01::53:0: OK: 2018121400 (33 ms)
Notez que l'un d'eux a un nom IDN,
मूल.येती.भारत
(affiché par
check-soa
comme
xn--r2bi1c.xn--h2bv6c0a.xn--h2brj9c
). 18 des
serveurs sont des VPS, le reste étant des
machines physiques. 15 utilisent le noyau
Linux, 4 FreeBSD, 1
NetBSD et 1 (oui, oui) tourne sur
Windows. Question logiciel, 16 utilisent
BIND, 4 NSD, 2
Knot, 1 Bundy
(l'ex-BIND 10), 1 PowerDNS et 1
Microsoft DNS.
Pour tester que la racine Yeti fonctionnait vraiment, il ne suffisait évidemment pas de faire quelques dig, check-soa et tests avec les sondes RIPE Atlas. Il fallait un trafic plus réaliste. Certains résolveurs (dont les miens, à la maison et au bureau) ont été configurés pour utiliser la racine Yeti et fournissaient donc un trafic réel, quoique faible. En raison des caches des résolveurs, le trafic réel ne représentait que quelques dizaines de requêtes par seconde. Il était difficile d'augmenter ce nombre, Yeti étant une racine expérimentale, où des choses risquées étaient tentées, on ne pouvait pas utiliser des résolveurs de production. Il a donc fallu aussi injecter du trafic artificiel.
Tout le trafic atteignant les serveurs racines Yeti était capturé (c'est une autre raison pour laquelle on ne pouvait pas utiliser les résolveurs de production ; Yeti voyait toutes leurs requêtes à la racine) et étudié. Pour la capture, des outils comme dnscap ou pcapdump (avec un petit patch) étaient utilisés pour produire des pcap, ensuite copiés vers BII avec rsync.
La section 5 du RFC décrit les problèmes opérationnels qu'a
connu Yeti. Si vous voulez tous les détails, vous pouvez regarder
les
archives de la liste de diffusion du projet, et le blog du
projet. D'abord, ce qui concerne
IPv6. Comme d'habitude, des ennuis sont
survenus avec la fragmentation. En raison
du nombre de serveurs racine, et de l'absence de schéma de nommage
permettant la compression, les réponses Yeti sont souvent assez
grandes pour devoir être fragmentées (1 754 octets avec toutes les
adresses des serveurs racine, et 1 975 avec le mode « une ZSK par
DM »). Cela ne serait pas un problème (la fragmentation des
datagrammes étant spécifiée dans
IPv4 et IPv6 depuis
le début) si tout le monde configurait son réseau
correctement. Hélas, beaucoup d'incompétents et de maladroits ont
configuré leurs systèmes pour bloquer les fragments IP, ou pour
bloquer les messages ICMP nécessaires à la
découverte de la MTU du chemin (RFC 8201). Ce triste état des choses a été décrit dans le
RFC 7872, dans draft-taylor-v6ops-fragdrop
, et dans
« Dealing
with IPv6 fragmentation in the DNS ». Il a même
été proposé de ne jamais
envoyer de datagrammes de taille supérieure à 1 280
octets.
En pratique, le meilleur contournement de ce problème est de réduire la taille maximale des réponses EDNS. Par exemple, dans NSD :
ipv6-edns-size: 1460
Les réponses resteront à moins de 1 460 octets et ne seront donc en général pas fragmentées.
Les transferts de zone depuis les DM ont levé quelques
problèmes. Les zones sont légèrement différentes d'un DM à l'autre
(SOA et surtout signatures). Les transferts de zone
incrémentaux (IXFR, RFC 1995), ne peuvent
donc pas être utilisés : si un serveur racine interroge un DM,
puis un autre, les résultats seront incompatibles. Ce cas, très
spécifique à Yeti, n'est pas pris en compte par les logiciels. Les serveurs
doivent donc utiliser le transfert complet (AXFR) uniquement (d'où
le AXFR
dans la configuration du serveur
racine NSD vue plus haut). Ce
n'est pas très grave, vu la petite taille de la zone racine.
Lors des essais de remplacement de la KSK (on sait que, depuis
la parution de ce RFC, la KSK
de la racine « officielle » a été successivement
remplacée le 11 octobre 2018) quelques problèmes sont
survenus. Par exemple, la documentation de BIND n'indiquait pas,
lorsque le résolveur utilise l'option
managed-keys
, que celle-ci doit être configurée
dans toutes les vues. (Au passage, j'ai toujours trouvé que les vues sont
un système compliqué et menant à des erreurs déroutantes.)
La capture du trafic DNS avec les serveurs racine Yeti a
entrainé d'autres problèmes (section 5.4 du RFC). Il existe
plusieurs façons d'enregistrer le trafic d'un serveur de noms, de
la plus courante (tcpdump avec l'option
-w
) à la plus précise
(dnstap). dnstap étant encore peu répandu
sur les serveurs de noms, Yeti a utilisé une capture « brute » des
paquets, dans des fichiers pcap qu'il
fallait ensuite analyser. L'un des problèmes avec les fichiers
pcap est qu'une connexion TCP, même d'une seule requête, va se
retrouver sur plusieurs paquets, pas forcément consécutifs. Il
faudra donc réassembler ces connexions TCP, par exemple avec un
outil développé pour Yeti, PcapParser
(décrit plus longuement dans l'annexe D de notre RFC).
Les serveurs racine changent de temps en temps. Dans la racine
« officielle », les changements des noms sont très rares. En
effet, pour des raisons politiques, on ne peut pas modifier la
liste des organisations qui gèrent un serveur racine. Vouloir
ajouter ou retirer une organisation déclencherait une crise du
genre « pourquoi lui ? ». L'ICANN est donc
paralysée sur ce point. Mais les serveurs changent parfois
d'adresse IP. C'est rare, mais ça arrive. Si les résolveurs ne
changent pas leur configuration, ils auront une liste
incorrecte. Un exemple de la lenteur avec laquelle se diffusent
les changements d'adresses IP des serveurs racine est le cas de
j.root-servers.net
qui, treize
ans après son changement d'adresse IP, continue
à recevoir du trafic à l'ancienne adresse. Ceci dit, ce
n'est pas très grave en pratique, car, à l'initialisation du
résolveur (RFC 8109), le résolveur reçoit du
serveur racine consulté une liste à jour. Tant que la liste qui
est dans la configuration du résolveur ne dévie pas trop de la
vraie liste, il n'y a pas de problème, le résolveur finira par
obtenir une liste correcte.
Mais Yeti est différent : les changements sont beaucoup plus
fréquents et, avec eux, le risque que la liste connue par les
résolveurs dévie trop. D'où la création d'un outil spécial, hintUpdate
(personnellement, je ne l'ai jamais utilisé, je modifie la
configuration du résolveur, c'est tout). Un point intéressant
d'hintUpdate est qu'il dépend de DNSSEC
pour vérifier les informations reçues. Cela marche avec Yeti, où
les noms des serveurs racine sont (théoriquement) signés, mais cela ne
marcherait pas avec la racine officielle,
root-servers.net
n'étant pas signé.
Dernier problème, et rigolo, celui-ci, la compression inutile. En utilisant le logiciel Knot pour un serveur racine, nous nous sommes aperçus qu'il comprimait même le nom de la zone racine, faisant passer sa taille de un à deux octets. Une compression négative donc, légale mais inutile. À noter que cela plantait la bibliothèque Go DNS. Depuis, cette bibliothèque a été rendue plus robuste, et Knot a corrigé cette optimisation ratée.
La conclusion du RFC, en section 6, rappelle l'importance de disposer de bancs de test, puisqu'on ne peut pas faire courir de risques à la racine de production. La conclusion s'achève en proposant de chercher des moyens de rendre le DNS moins dépendant de la racine actuelle. Et, vu la mode actuelle, le mot de chaîne de blocs est même prononcé…
Première rédaction de cet article le 13 décembre 2018
Dernière mise à jour le 31 mars 2019
Les 11 et 12 décembre 2018, à Paris (enfin, à Montrouge), s'est tenue une édition des API Days, conférence consacrée aux API. J'y ai parlé (en anglais) d'Internet et de ses rapports avec les droits humains.
Globalement, API days verse un peu trop dans le techno-optimisme et la cyber-béatitude : les API vont sauver le monde, la société va devenir « programmable », l'Estonie est le modèle (comme l'était l'URSS pour les communistes, l'Estonie est toujours présentée comme modèle par les startupeurs et les partisans du E-nimportequoi). Les orateurs sont heureux, actifs, ont des titres rigolos (API evangelist…), ont un sourire de publicité pour dentifrice, et répètent en boucle que tout est amazing.
Heureusement, il y a quelques séances moins consensuelles. J'ai particulièrement apprécié la keynote de fin par Jean-Marc Jancovici, sur l'énergie et le climat. Jancovici est un remarquable conférencier, très amateur de petites phrases qui claquent, et illustre son exposé de nombreux chiffres et diagrammes. Il a démoli l'idée qu'on pourrait éviter ou limiter le changement climatique avec juste quelques mesurettes, comme aiment annoncer certaines entreprises du secteur de l'informatique. Notre dépendance aux énergies fossiles, et à des matériaux rares comme l'indium est profondément enracinée et changer les choses va nécessiter des sacrifices douloureux (l'alternative étant une crise climatique grave, avec guerres, on voit que le conférencier était un optimiste). Les machines sont tellement utiles et tellement puissantes, qu'à part des mesures brutales et immorales, comme de rétablir l'esclavage (et encore : les esclaves sont beaucoup moins productifs que les machines), la limitation du réchauffement planétaire va être difficile. (L'orateur ne croit pas aux énergies renouvelables, très insuffisantes par rapport à la demande. Elles sont réalistes - après tout, l'humanité a vécu pendant la plus grande partie de l'histoire en ne consommant que des ressources renouvelables - mais pas adaptées à notre mode de vie.)
Jancovici a aussi démoli la théorie cyber-optimiste comme quoi l'informatique pourrait aider à lutter contre le changement climatique, par exemple par une meilleure allocation des ressources. C'est le contraire qui est vrai : l'informatique, outre sa consommation propre, qui n'est pas nulle, permet une plus grande consommation de ressources non-renouvelables. Ainsi, en permettant un trafic aérien intense, elle contribue à un secteur, le transport, qui est un des plus gros responsables de l'émission de gaz à effet de serre. Jancovici a estimé qu'au contraire, il allait falloir réduire les usages, changer moins souvent d'ordiphone, et ne pas déployer certaines technologies gaspilleuses comme la 5G.
Mon exposé était nettement plus banal, il portait sur les rapports entre l'Internet et les droits humains. Les supports sont en anglais. Voici la version PDF, et le source en LaTeX. Tout a été filmé et est disponible sur le site Web d'API days et sur YouTube.
Première rédaction de cet article le 12 décembre 2018
Comme vous avez pu le voir dans un autre article, j'ai écrit un livre nommé « Cyberstructure » et qui parle des relations entre l'architecture technique de l'Internet et les questions politiques. Ce nouvel article est destiné uniquement aux détails techniques de l'écriture, pour ceux et celles qui se demandent « tu as utilisé quel logiciel pour faire ce livre ? ». Je ne parlerai donc pas ici du contenu du livre.
D'abord, pour les outils utilisés, il faut bien voir que l'auteur n'a pas une liberté complète puisqu'un livre est un travail collectif. Il faut donc une discussion avec l'éditeur, du moins si, comme moi, on a un éditeur qui se penche sur le texte, au lieu de demander à l'auteur des images qu'on imprimera telles quelles. D'autre part, dans mon cas, la mise en page était faite par l'éditeur (avec InDesign), donc je n'avais pas à me soucier du rendu, je pouvais me concentrer sur le texte. Enfin, certains choix ne concernaient que moi, puisqu'ils ne changeaient rien à ce qui était échangé avec l'éditeur.
Les choix importants, après cette discussion, étaient :
Pourquoi ces choix ? Commençons par le format XML. C'est un format simple pour l'auteur, bien adapté au texte (contrairement à JSON) grâce notamment à la possibilité de mélanger élements structurés et texte, comme par exemple :
<p>L'ARJEL, l'autorité de régulation des jeux en ligne, a été, sauf erreur, la première autorité ayant ce droit de censurer, sur la base du décret <cite url="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2011/12/30/BCRB1120950D/jo/texte">n° 2011-2122 du 30 décembre 2011 relatif aux modalités d'arrêt de l'accès à une activité d'offre de paris ou de jeux d'argent et de hasard en ligne non autorisée</cite>. [...] C'est ainsi que des sites distribuant des fichiers « torrent » <ref target="bittorrent">pour une explication</ref> comme The Pirate Bay ou T411 ont fait l'objet de décisions de justice imposant leur blocage.</p>
Et, contrairement à JSON, on peut y mettre des commentaires, ce qui aide beaucoup l'auteur au long des mois de réécriture et de modifications. La discussion avec l'éditeur a permis de s'assurer qu'InDesign pouvait importer du XML sans mal, et le choix de XML a donc été en partie guidé par l'éditeur. (Par exemple, il n'y avait pas de moyen simple d'importer du LaTeX. LaTeX repose sur un langage de programmation complet, qui est donc difficile à importer, sauf à utiliser le moteur TeX. XML, au contraire, ce ne sont que des données, sans programme.)
La mise en page étant faite par l'éditeur, il était important
que je me limite au marquage sémantique. Par exemple
<p>Le RFC 7962, <work xml:lang="en"
url="https://www.rfc-editor.org/info/rfc7962">Alternative
Network Deployments: Taxonomy, Characterization, Technologies, and
Architectures</work>
, sans préjuger de comment
serait rendu le titre du document cité : on indique que c'est un
titre, on indique la langue, et la personne qui fera la mise en
page pourra suivre les bonnes pratiques de la mise en page,
indépendamment du contenu. Les éléments XML possibles et leurs
relations sont mises dans un schéma, écrit en Relax
NG. Ce schéma est conçu uniquement pour ce livre, et je
n'ai pas cherché à le faire beau ou propre ou général. Si vous
voulez le voir, il est dans le fichier livre.rnc
. Je teste la conformité du texte au schéma avec
rnv :
% rnv livre.rnc livre-noent.xml %
Un autre avantage de XML par rapport à LaTeX, dans ce contexte,
est qu'il est facile de développer des outils traitant le XML et
effectuant certaines opérations. Par exemple, j'ai fait un
programme XSLT pour n'extraire que le texte
du livre, afin de compter caractères et mots. En revanche, LaTeX
est certainement imbattable quand il faut faire une jolie sortie
PDF ou papier sans trop y passer de
temps. Et la plupart des relecteurs, à commencer par moi, ont
préféré travailler sur cette sortie que sur le source XML. Pas de
difficulté, encore un autre programme XSLT, pour convertir le XML
en LaTeX, qui était ensuite traité. Voici ce programme : tolatex.xsl
, mais rappelez-vous que ce n'est pas lui qui a
été utilisé pour le rendu final du livre. (Pour faire tourner ce
programme XSLT, j'ai utilisé xsltproc, dans
la
libxslt. Au passage, certains des
outils étaient d'usage compliqué donc j'ai utilisé le classique
make pour orchestrer leur exécution.)
Notez que les techniques utilisée pour le livre étaient assez proches, voire identiques, à celles de mon blog ce qui n'est évidemment pas un hasard. Les techniques du blog sont déjà documentées.
Apparemment, la plupart des auteurs de livres utilisent plutôt un gros cliquodrome comme Word ou LibreOffice. Mais je n'aime pas ces logiciels (j'avais déjà critiqué leur approche afterword il y a plus de dix-sept ans.)
Le XML a l'avantage, comme JSON ou LaTeX, d'être un format texte, donc qui peut être traité avec tous les outils existants. C'est par exemple le cas du choix de l'éditeur (l'éditeur de textes, pas l'éditeur du livre). Pas besoin de concertation, cette fois, ce choix de l'éditeur de textes est purement local et n'affecte pas ce qui est envoyé à l'éditeur du livre. J'ai donc utilisé mon éditeur préféré, emacs. On peut écrire du XML avec le mode de base d'Emacs mais ce n'est pas très amusant (taper le début de l'élement XML, sa fin, penser à bien fermer tout ce qui a été ouvert), il vaut donc mieux utiliser un mode Emacs adapté au XML. J'ai utilisé nxml-mode. À part le fait qu'il économise du temps de frappe, et qu'il affiche le source XML proprement coloré (les noms des éléments en bleu, les commentaires en rouge, pour les distinguer du texte), le gros avantage de nxml-mode est qu'il connait Relax NG, et qu'une fois configuré pour utiliser mon schéma, il peut guider l'écriture, indiquant quels sont les éléments XML acceptables à l'endroit où se trouve le curseur, et validant le résultat au fur et à mesure. Grâce à cela, la validation XML complète, faite avec rnv, était quasiment inutile.
Le schéma XML que j'avais fait me semblait raisonnable, avec un
usage intelligent des éléments et des attributs XML (un sujet toujours
passionnel dans le monde XML). Mais lors de l'importation dans InDesign, un
problème est apparu : sauf exception, InDesign
ne permet pas de mettre du contenu dans les attributs. Il a donc fallu transformer plusieurs attributs en éléments,
avec le programme XSL toindesign.xsl
.
Contrairement à mon blog, où certains articles ont été écrits d'une seule traite, ce livre a fait l'objet de retours, de révisions, de critiques et de remords. Il a donc fallu le modifier plusieurs fois, et parfois remettre en place des paragraphes que j'avais effacé quelques jours plus tôt. L'outil idéal pour cela est évidemment le VCS. Comme VCS, j'ai choisi darcs. Il est moins connu que git mais bien plus facile à utiliser. Il ne fournit pas de mécanisme de coopération pratique, mais ce n'est pas grave ici, puisque j'étais seul à travailler sur le texte. Le reproche que j'ai le plus entendu sur darcs est qu'il n'a pas le concept de branches. Cela me parait plutôt un avantage : d'abord, les branches sont très compliquées à utiliser, et ensuite un VCS décentralisé, comme git ou darcs, n'a pas vraiment besoin de branches : il suffit de faire des dépôts différents.
Comme tous les VCS, darcs permet de voir l'historique d'un travail :
patch f1c1609a11c27b0a125057f3afe0e91d537f1fdb Author: stephane@sources.org Date: Sun Dec 10 17:54:48 CET 2017 * Traduction en XML de plan, avant-propos et middleboxes, rédaction de utilisateurs patch 28b1ff5fef2d627f662d41cabda249bb585fec69 Author: stephane@sources.org Date: Sun Dec 10 12:20:17 CET 2017 * Début de la version XML patch 7e38de35163eccb6365502ec0ad189dcd3af5446 Author: stephane@sources.org Date: Wed Nov 29 10:16:05 CET 2017 * Questions à l'éditeur patch 67e7a11537ccc3d5d0b02d4bf83a3ae051bca25d Author: stephane@sources.org Date: Wed Nov 22 16:20:17 CET 2017 * Article middleboxes patch 3e71659b7b880f5cad02a441368a0e753b36de15 Author: stephane@sources.org Date: Sun Nov 5 17:13:40 CET 2017 * Début du travail sur le livre
Cela permet aussi de voir combien de commits sont faits :
% darcs changes . --count Changes to Livre: 485
(Oui, on aurait pu faire darcs changes . | grep Date | wc -l
.)
Comme toutes les métriques quantitatives d'un travail humain, ce
chiffre n'a guère de signification ; il dépend de si on commite
souvent ou seulement à la fin de la journée, par exemple. C'est
juste amusant.
Un avantage important d'un VCS réparti (comme darcs ou git) est que chaque copie locale est un historique complet du travail. Tout est donc automatiquement réparti sur chaque machine (le PC fixe à la maison, le portable en déplacement, plus une ou deux machines hébergées à l'extérieur, et une clé USB…), ce qui est une forme efficace de sauvegarde. J'ai vu plus d'une fois un étudiant perdre toute sa thèse parce que les fichiers se trouvaient sur une seule machine, en panne, perdue ou volée, pour ne pas avoir envie de faire comme eux. Et l'utilisation du VCS réparti pour cela est moins pénible que la plupart des systèmes de sauvegarde.
J'ai dit plus haut que les métriques quantitatives n'avaient guère de sens ; l'avancement du travail ne se mesure pas au nombre de caractères tapés ! Si ces métriques sont assez ridicules quand des chefs de projet prétendent les utiliser pour suivre le travail de leurs subordonnés, elles sont quand même utiles à l'auteur qui :
J'ai donc écrit quelques scripts très simples pour compter quelques trucs
que je trouve utiles. Pour compter le nombre de caractères, je me
sers d'un programme XSLT, totext.xsl
, qui garde
uniquement le texte avant de passer à wc (utiliser wc
sur le fichier XML compterait en trop toutes les balises XML) :
% make count xsltproc totext.xsl livre-noent.xml > livre.txt wc -c livre.txt 577930 livre.txt
Je marque les choses à faire dans le texte avec la chaîne de
caractères « TODO » (à faire). Il y a donc aussi des scripts pour
compter ces TODO. Par exemple, make count
comptait aussi les TODO :
% make count xsltproc totext.xsl livre-noent.xml > livre.txt wc -c livre.txt 432717 livre.txt Encore 59 TODO
Le source du livre était découpé en plusieurs fichiers, donc il était utile pour moi de savoir quels fichiers avaient le plus de TODO, avec grep et sort :
% make todo grep -c TODO *xml | grep -v ':0$' | sort -r -n -t: -k 2 neutralite.xml:8 censure.xml:7 technique.xml:6 gouvernance.xml:5 blockchain.xml:5 droitshumains.xml:4 securite.xml:3 plateformes.xml:3 adresse-ip-exposee.xml:3 acces.xml:3 ...
Il était également utile pour moi de compter la proportion de TODO par fichier (certains sont plus gros que d'autres) :
% ./todo-pct.sh protocoles.xml:3 gouvernance.xml:2 finances.xml:0 ...
(Oui, le script est disponible ici.)
Le livre bénéficie d'un site Web d'accompagnement,
. C'est un site Web statique,
utilisant le générateur de sites statique Pelican. Comme promis dans le
livre, le serveur HTTP (Apache) n'enregistre pas votre adresse IP ou le type de navigateur
Web utilisé. La configuration d'Apache correspondante est :
https://cyberstructure.fr/
LogFormat "%u %t \"%r\" %>s %O \"%{Referer}i\" %v" minimum CustomLog /var/log/apache2/access_cyberstructure.log minimum
Ce qui donne dans le journal des lignes comme :
- [19/Dec/2018:01:33:31 +0100] "GET / HTTP/1.1" 200 6420 "https://www.bortzmeyer.org/livre-publie.html" cyberstructure.fr
Je n'ai pas utilisé de correcteur orthographique. Il en existe en logiciel libre comme aspell mais je les trouve peu utiles : je fais relativement peu de fautes d'orthographe, j'ai d'excellents correcteurs humains, et il y a beaucoup de termes techniques dans le livre que le correcteur informatique ne connait pas, ce qui aurait rendu son utilisation pénible. (Il faut ajouter plein de mots à la première utilisation.)
% aspell check -l FR livre.txt
(Il faut avoir installé le paquetage
aspell-fr
pour avoir les mots français.)
Je ne suis pas bon pour les dessins (disons même que je suis franchement nul). Les schémas ont donc été faits de manière sommaire avec Asymptote, puis refaits proprement par un graphiste professionnel.
D'autres articles écrits par des auteurs de livre ayant des cahiers des charges comparables :
Date de publication du RFC : Juillet 2018
Auteur(s) du RFC : P. Hoffman (ICANN)
Pour information
Première rédaction de cet article le 11 décembre 2018
Le format des messages DNS circulant sur le réseau est un format binaire, pas forcément évident à analyser. Pour beaucoup d'applications, il serait sans doute préférable d'utiliser un format normalisé et plus agréable, par exemple JSON, dont ce nouveau RFC décrit l'utilisation pour le DNS.
Non seulement le format des messages DNS est du binaire (RFC 1035, section 4) et non pas du texte comme par exemple pour SMTP, XMPP ou HTTP, mais en plus il y a des pièges. Par exemple, la longueur des sections du message est indiquée dans un champ séparé de la section, et peut ne pas correspondre à la vraie longueur. La compression des noms n'arrange rien. Écrire un analyseur de messages DNS est donc difficile.
Il y a un million de formats pour des données structurées mais, aujourd'hui, le format texte le plus populaire pour ces données est certainement JSON, normalisé dans le RFC 8259. L'utilisation de JSON pour représenter les messages DNS (requêtes ou réponses) suit les principes suivants (section 1.1 du RFC) :
QNAME
, le nom de domaine
demandé, soit présent, cf. section 6 du RFC.)La section 2 du RFC donne la liste des membres (au sens JSON de
« champs d'un objet ») d'un objet DNS. Voici un exemple d'un tel
objet, une requête DNS demandant l'adresse IPv4 (code 1, souvent
noté A) d'example.com
:
{ "ID": 19678, "QR": 0, "Opcode": 0, "AA": 0, "TC": 0, "RD": 0, "RA": 0, "AD": 0, "CD": 0, "RCODE": 0, "QDCOUNT": 1, "ANCOUNT": 0, "NSCOUNT": 0, "ARCOUNT": 0, "QNAME": "example.com", "QTYPE": 1, "QCLASS": 1 }
Les noms des membres sont ceux utilisés dans les
RFC DNS, même s'ils
ne sont pas très parlants (RCODE
au lieu
ReturnCode
).
On note que les différents membres qui sont dans le DNS
représentés par des entiers le sont également ici, au lieu
d'utiliser les abréviations courantes. Ainsi,
Opcode
est marqué 0 et pas Q
(query), et QTYPE
(query type) est marqué 1 et pas A (adresse
IPv4). Cela permet de représenter des valeurs inconnues, qui n'ont
pas d'abréviation textuelle, même si ça rend le résultat peu
lisible si on ne connait pas les valeurs des
paramètres DNS par coeur.
Les valeurs d'un seul bit (booléens) sont représentés par 0 ou
1, pas par les false
ou
true
de JSON. (J'avoue ne pas bien comprendre ce choix.)
On note également que les longueurs des sections sont indiquées
explicitement, ici QDCOUNT
(Query
Count, et ne me demandez pas à quoi sert le D après le
Q, le RFC 1035 ne l'explique pas). En JSON,
cela n'est pas obligatoire (la longueur d'un tableau, en JSON,
n'est pas spécifiée explicitement) mais, comme expliqué plus haut,
cela a été décidé pour permettre de représenter des messages DNS
anormaux, par exemple ayant un QDCOUNT
de 0
et une question dans la section Question (cf. section 8 du RFC sur
les conséquences que cela peut avoir pour la sécurité). De tels messages
arrivent assez souvent dans le trafic DNS réel vu par les serveurs
connectés à l'Internet ; attaque délibérée ou bien logiciel écrit
avec les pieds ?
Et voici un exemple de réponse (QR
= 1)
DNS en JSON. La requête a été un succès
(RCODE
= 0) :
{ "ID": 32784, "QR": 1, "AA": 1, "RCODE": 0, "QDCOUNT": 1, "ANCOUNT": 2, "NSCOUNT": 1, ARCOUNT": 0, "answerRRs": [ { "NAME": "example.com.", "TYPE": 1, "CLASS": 1, "TTL": 3600, "RDATAHEX": "C0000201" }, { "NAME": "example.com.", "TYPE": 1, "CLASS": 1, "TTL": 3600, "RDATAHEX": "C000AA01" } ], "authorityRRs": [ { "NAME": "ns.example.com.", "TYPE": 1, "CLASS": 1, "TTL": 28800, "RDATAHEX": "CB007181" } ]
La réponse contient un ensemble d'adresses IP
(TYPE
= 1 identifie une adresse IPv4),
192.0.2.1
et 192.0.170.1
. Leur
valeur est encodée en hexadécimal. C'est
moins joli que si on avait mis l'adresse IP en clair mais c'est
plus général : cela permet d'inclure immédiatement de nouveaux
types de données, au détriment de la lisibilité pour les anciens
types.
Le format de ce RFC permet aussi de décrire l'association entre
une requête et une réponse (section 3 du RFC). On les met dans un
objet JSON ayant un membre queryMessage
et un
responseMessage
.
Si on représente une suite continue de messages DNS, faire un objet JSON avec son accolade ouvrante et la fermante correspondante peut ne pas être pratique. On utilise alors les séquences du RFC 7464, décrites dans la section 4 de notre RFC.
Notre RFC spécifie également (section 7) un type
MIME pour le DNS en JSON, application/dns+json
.
Notez qu'il ne s'agit pas de la première description du DNS en
JSON. Par exemple, j'avais décrit un format pour cela dans le
brouillon draft-bortzmeyer-dns-json
. Ce format
est mis en œuvre dans le DNS Looking
Glass. Mon format était plus joli, car utilisant
toujours des noms plus parlants ("Type": "AAAA"
au lieu du "QTYPE": 28
). Notez toutefois que
le RFC 8427 le permet également ("QTYPEname":
"AAAA"
). Le format plus joli ne peut de toute façon pas
être utilisé systématiquement car il ne permet pas de représenter
les types inconnus. Et mon format ne permet pas non plus de
représenter les messages malformés. (Par exemple, le
ANCOUNT
est toujours implicite.)
Un autre exemple de représentation des données DNS est donné par les sondes RIPE Atlas. Le fichier des résultats d'une mesure est en JSON (ce qui permet le traitement par les outils JSON habituels comme jq). Voici un exemple (si vous voulez un exemple complet, téléchargez par exemple le résultat de la mesure #18061873) :
"resultset": [ { ... "result": { "ANCOUNT": 1, "ARCOUNT": 0, "ID": 38357, "NSCOUNT": 0, "QDCOUNT": 1, "abuf": "ldWBgAABAAEAAAAADmN5YmVyc3RydWN0dXJlAmZyAAAcAAHADAAcAAEAAVGAABAgAUuYDcAAQQIWPv/+Jz0/", "rt": 103.7, "size": 63 }, },
On note que seule une petite partie des
champs de la réponse (ANCOUNT
,
ID
…) est exprimée en JSON, la majorité de la requête
étant dans un membre abuf
qui est la
représentation binaire de la réponse.
Le service de DNS sur HTTPS de Google produit également du JSON (on le passe à jq pour qu'il soit plus joliment affiché) :
% curl -s https://dns.google.com/resolve\?name=laquadrature.net\&type=MX | jq . { "Status": 0, "TC": false, "RD": true, "RA": true, "AD": false, "CD": false, "Question": [ { "name": "laquadrature.net.", "type": 15 } ], "Answer": [ { "name": "laquadrature.net.", "type": 15, "TTL": 475, "data": "5 pi.lqdn.fr." } ] }
en utilisant un format
spécifique à Google.
On notera que le protocole DoH, normalisé dans le RFC 8484, n'utilise pas JSON (et le
service de Google, contrairement à ce qu'on voit parfois écrit,
n'utilise pas DoH) mais le format binaire du DNS, utilisant le
type MIME application/dns-message
. Le RFC 8484 prévoit
toutefois la possibilité de se servir de JSON pour le futur (section
4.2 du RFC 8484).
Première rédaction de cet article le 4 décembre 2018
Je viens d'écrire un livre nommé « Cyberstructure / Internet, un espace politique » et qui parle des relations entre l'architecture technique de l'Internet et la politique, notamment les droits humains. Il est publié chez C & F Éditions. Pour les différents moyens de l'acheter, vous pouvez regarder le site web d'accompagnement.
Vous n'y trouverez pas la Nième diatribe sur les méchants GAFA, leurs impôts et leurs pratiques de surveillance. D'abord, cela a déjà été largement décrit ailleurs, et je n'avais pas grand'chose d'original à ajouter sur ce point. Mais, surtout, j'avais envie de parler d'autre chose, des parties moins visibles de l'Internet, de son infrastructure. C'est donc forcément un peu technique mais ce livre n'est normalement pas destiné aux informaticiens. Il comporte une première moitié d'explications sur le fonctionnement de l'Internet (si vous lisez les RFC, vous connaissez probablement déjà le contenu de cette première partie). Et la seconde moitié est composée d'une série d'études de cas sur des sujets politiques que je trouve pas assez traités, perdus dans les débats sur Facebook et Google.
Pourquoi avoir écrit un livre, alors que je pouvais tout mettre sur mon blog ? Un avertissement d'abord : je ne partage pas du tout le point de vue conservateur comme quoi seuls les livres et les articles du Monde sont sérieux, le reste étant du travail d'amateur internaute. (Et les plus conservateurs des conservateurs sont encore pires, considérant que le livre n'a ses propriétés magiques que s'il est imprimé sur papier. Le contenu ne compte pas, pour eux, seule la forme papier est importante.) Il y a des tas de livres ridicules et inutiles, et plein d'articles de blog (ou de fils de discussion sur les réseaux sociaux) remarquables et qui font réfléchir. Par contre je ne pense pas non plus que tout est pareil : un livre a des propriétés différentes de celles d'une série d'articles de blog (pas supérieures ou inférieures, différentes).
Il y avait donc plusieurs raisons pour faire un livre (si vous vous intéressez au contenu du livre et pas aux états d'âme de l'auteur, vous pouvez arrêter cet article ici et aller vous procurer le livre et le lire) :
Notez bien qu'un livre n'est pas forcément sur papier. Les réactionnaires qui déplorent la disparition du livre au profit du méchant numérique font parfois un éloge nostalgique du papier, supposé avoir des propriétés merveilleuses. En fait, les arguments que j'ai donnés plus haut en faveur du livre sont pour la plupart tout aussi vrais pour le livre numérique que pour le livre papier. La forme papier a des tas d'avantages (lecture en plein soleil, dans son bain, pas de dépendance vis-à-vis du courant électrique, probablement une meilleure conservation sur le long terme), mais un livre ce n'est pas juste une forme physique ! C'est avant tout le travail des personnes qui ont écrit, relu, corrigé, discuté, mis en page, et ce travail est ce qui fait la valeur du livre. (Pour une excellente étude sur les usages de l'objet livre, je vous recommande Le livre-échange, chez le même éditeur.)
Après ces considérations générales, comment s'est passée la réalisation de ce livre particulier ? D'abord, un conseil général aux auteurs (personne n'écoute les conseils, et à juste titre) : cela prend toujours plus de temps que prévu. Je croyais que ce serait l'affaire de deux ou trois mois, mais cela a été bien plus long :
Le livre, à son arrivée :
À plusieurs reprises, je me suis dit « là, c'est bon, c'est terminé », avant qu'un·e relect·eur·rice ne me fasse des remarques précises dont la prise en compte nécessitait un sérieux travail. Bref, écrire est un marathon, pas un sprint.
Les lect·eurs·crices de mon blog verront que certaines sections du livre ont été recopiées depuis mon blog. C'est le cas par exemple de celle sur la neutralité. De même, la section sur l'internationalisation a été reprise depuis l'ouvrage collectif Net.Lang, avec l'autorisation de l'éditeur. Mais la plus grande partie du contenu est originale.
Si vous vous intéressez à la partie technique du travail (quel logiciel j'ai utilisé, etc), voyez mon autre article.
Et le contrat avec l'éditeur ? C'est un document de sept pages, évidemment à lire soigneusement. Parmi les différent articles du contrat, j'ai noté :
Cet article est l'occasion de remercier une nouvelle fois celles et ceux qui ont contribué à ce livre, à commencer par Hervé le Crosnier, qui s'est beaucoup démené pour que ce livre naisse. Un livre n'est pas fait que par un·e auteur·e. De même que, dans la programmation, les gens qui signalent des bogues et font des rapports de bogue détaillés sont un élément indispensable du succès, de même relecteur·e·s, éditeur·e·s, maquettistes et imprimeur·e·s méritent les chaleureux remerciements que j'envoie ici.
En conclusion ? Malgré le discours à la mode comme quoi les gens n'arrivent plus à lire quoi que ce soit de plus long qu'un tweet, malgré la tendance à ne mettre comme documentation, même technique, que des vidéos, on ne peut pas dire que le livre soit menacé de disparition : il y en a toujours autant d'écrits, et les salons consacrés aux livres ne désemplissent pas. Sont-ils lus ? Je ne sais pas, mais comme dit plus haut, l'auteur de livre n'est pas rationnel : il ou elle écrit car il ou elle veut écrire.
Date de publication du RFC : Octobre 2018
Auteur(s) du RFC : A. Mayrhofer (nic.at GmbH)
Expérimental
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF dprive
Première rédaction de cet article le 2 décembre 2018
Chiffrer pour assurer la confidentialité, c'est bien. Pour le DNS, c'est ce que permet le RFC 7858 (DNS sur TLS). Mais un problème de TLS et de pas mal d'autres protocoles cryptographiques est qu'il ne dissimule pas les métadonnées, et notamment la taille des messages échangés sur le réseau. Dans un monde public comme celui du DNS, c'est un problème. En effet, l'attaquant peut facilement mesurer la taille des réponses chiffrées (en envoyant lui-même une requête), voir la taille des réponses, et en déduire les questions qui avaient été posées. La solution classique en cryptographie face à ce risque est le remplissage, normalisé, pour le DNS, dans le RFC 7830. Mais le RFC 7830 ne normalisait que le format, pas le mode d'emploi. Il faut remplir jusqu'à telle taille ? Comment concilier un remplissage efficace pour la confidentialité avec le désir de limiter la consommation de ressources réseaux ? Ce RFC décrit plusieurs stratégies possibles, et recommande un remplissage jusqu'à atteindre une taille qui est le multiple suivant de 468 (octets).
Ce nouveau RFC tente de répondre à ces questions, en exposant les différentes politiques possibles de remplissage, leurs avantages et leurs inconvénients. Le RFC 7830 se limitait à la syntaxe, notre nouveau RFC 8467 étudie la sémantique.
D'abord, avant de regarder les politiques possibles, voyons les choses à garder en tête (section 3 du RFC). D'abord, ne pas oublier de mettre l'option EDNS de remplissage (celle du RFC 7830) en dernier dans la liste des options (car elle a besoin de connaitre la taille du reste du message).
Ensuite, il faut être conscient des compromis à faire. Remplir va améliorer la confidentialité mais va réduire la durée de vie de la batterie des engins portables, va augmenter le débit qu'on injecte dans le réseau, voire augmenter le prix si on paie à l'octet transmis. Lors des discussions à l'IETF, certaines personnes ont d'ailleurs demandé si le gain en confidentialité en valait la peine, vu l'augmentation de taille. En tout cas, on ne remplit les messages DNS que si la communication est chiffrée : cela ne servirait à rien sur une communication en clair.
Enfin, petit truc, mais qui montre l'importance des détails quand on veut dissimuler des informations, le remplissage doit se faire sans tenir compte des deux octets qui, avec certains protocoles de transport du DNS, comme TCP, peut faire fuiter des informations. Avec certaines stratégies de remplissage, les deux octets en question peuvent faire passer de l'autre côté d'un seuil et donc laisser fuiter l'information qu'on était proche du seuil.
Ensuite, après ces préliminaires, passons aux stratégies de remplissage, le cœur de ce RFC (section 4). Commençons par celle qui est la meilleure, et recommandée officiellement par notre RFC : remplissage en blocs de taille fixe. Le client DNS remplit la requête jusqu'à atteindre un multiple de 128 octets. Le serveur DNS, si le client avait mis l'option EDNS de remplissage dans la requête, et si la communication est chiffrée, remplit la réponse de façon à ce qu'elle soit un multiple de 468 octets. Ainsi, requête et réponse ne peuvent plus faire qu'un nombre limité de longueurs, la plupart des messages DNS tenant dans le bloc le plus petit. Voici un exemple vu avec le client DNS dig, d'abord sans remplissage :
% dig +tcp +padding=0 -p 9053 @127.0.0.1 SOA foobar.example ... ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 29832 ;; flags: qr aa rd; QUERY: 1, ANSWER: 1, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 ... ;; OPT PSEUDOSECTION: ; EDNS: version: 0, flags: do; udp: 4096 ; COOKIE: dda704b2a06d65b87f0493105c03ca4d2b2c83f2d4e25680 (good) ;; QUESTION SECTION: ;foobar.example. IN SOA ;; ANSWER SECTION: foobar.example. 600 IN SOA ns1.foobar.example. root.foobar.example. ( 2015091000 ; serial 604800 ; refresh (1 week) 86400 ; retry (1 day) 2419200 ; expire (4 weeks) 86400 ; minimum (1 day) ) ... ;; MSG SIZE rcvd: 116
La réponse fait 116 octets. On demande maintenant du remplissage, jusqu'à 468 octets :
% dig +tcp +padding=468 -p 9053 @127.0.0.1 SOA foobar.example ... ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 2117 ;; flags: qr aa rd; QUERY: 1, ANSWER: 1, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 ;; WARNING: recursion requested but not available ;; OPT PSEUDOSECTION: ; EDNS: version: 0, flags: do; udp: 4096 ; COOKIE: 854d2f29745a72e5fdd6891d5c03ca4b5d5287daf716e327 (good) ; PAD (348 bytes) ;; QUESTION SECTION: ;foobar.example. IN SOA ;; ANSWER SECTION: foobar.example. 600 IN SOA ns1.foobar.example. root.foobar.example. ( 2015091000 ; serial 604800 ; refresh (1 week) 86400 ; retry (1 day) 2419200 ; expire (4 weeks) 86400 ; minimum (1 day) ) ;; MSG SIZE rcvd: 468
La réponse fait 468 octets, grâce aux 348 octets de remplissage
(notez la ligne PAD (348 bytes)
).
Les avantages de cette méthode est qu'elle est facile à mettre en œuvre, assure une confidentialité plutôt bonne, et ne nécessite pas de générateur de nombres aléatoires. Son principal inconvénient est qu'elle permet de distinguer deux requêtes (ou deux réponses) si elles ont le malheur d'être remplies dans des blocs de taille différente. Mais il ne faut pas chercher une méthode idéale : rappelez-vous qu'il faudra faire des compromis. Cette méthode a un faible coût pour le défenseur, et élève les coûts sensiblement pour l'attaquant, c'est ça qui compte.
Notez que les chiffres 128 et 468 ont été obtenus empiriquement, en examinant du trafic DNS réel. Si DNSSEC continue à se répandre, les tailles des réponses moyennes augmenteront, et il faudra peut-être réviser ces chiffres.
Une autre statégie est celle du remplissage maximal. On met autant d'octets qu'on peut. Si un serveur a une taille maximale de réponse de 4 096 octets (la valeur par défaut la plus courante) et que le client accepte cette taille, on remplit la réponse jusqu'à ce qu'elle fasse 4 096 octets. L'avantage évident de cette méthode est qu'elle fournit la meilleure confidentialité : toutes les réponses ont la même taille. L'inconvénient évident est qu'elle est la méthode la plus consommatrice de ressources. En outre, ces grandes réponses vont souvent excéder la MTU, pouvant entrainer davantage de problèmes liés à la fragmentation.
Autre stratégie envisageable : remplissage aléatoire. On tire au sort le nombre d'octets à ajouter. Cela fournit une bonne distribution des tailles (par exemple, une réponse courte peut désormais être plus grande qu'une réponse longue, ce qui n'arrive jamais avec les deux stratégies précédentes). Inconvénient : comme ça ne change pas la limite de taille inférieure, un attaquant qui voit beaucoup de messages pourrait en déduire des informations. Et cela oblige à avoir un générateur de nombres aléatoires, traditionnellement un problème délicat en cryptographie.
Enfin, une dernière méthode raisonnable est de combiner le remplissage dans des blocs et le tirage au sort : on choisit au hasard une longueur de bloc et on remplit jusqu'à atteindre cette longueur. Contrairement à la précédente, elle n'a pas forcément besoin d'une source aléatoire à forte entropie. Mais c'est sans doute la technique la plus compliquée à mettre en œuvre.
La section 7 du RFC ajoute quelques points supplémentaires qui peuvent mettre en péril la confidentialité des requêtes. Par exemple, si le client DNS remplit correctement sa requête, mais que le serveur ne le fait pas, un attaquant pourra déduire la requête de la réponse (c'est d'autant plus facile, avec le DNS, que la question est répétée dans la réponse). Dans une communication de client à résolveur DNS, il faut bien choisir son résolveur.
Et le remplissage ne brouille qu'une seule des métadonnées. Il y en a d'autres comme l'heure de la question, le temps de réponse ou comme la succession des requêtes/réponses, qui restent accessibles à un éventuel attaquant. La protection contre la fuite d'informations via ces métadonnées nécessiterait d'injecter « gratuitement » du trafic de couverture (qui, lui aussi, éleverait la consommation de ressources réseau).
Et pour terminer le RFC, l'annexe A est consacrée aux mauvaises politiques de remplissage, celles qui non seulement ne sont pas recommandées mais sont activement déconseillées. (Mais on les trouve parfois dans du code réel.) Il y a l'évidente stratégie « pas de remplissage du tout ». Son principal intérêt est qu'elle fournit le point de comparaison pour toutes les autres stratégies. Avantages : triviale à implémenter, il suffit de ne rien faire, et aucune consommation de ressources supplémentaires. Inconvénient : la taille des requêtes et des réponses est exposée, et un observateur malveillant peut en déduire beaucoup de choses.
Une autre méthode inefficace pour défendre la vie privée est celle du remplissage par une longueur fixe. Elle est simple à implémenter mais ne protège rien : une simple soustraction suffit pour retrouver la vraie valeur de la longueur.
Ces différentes stratégies ont été analysées empiriquement (il n'y a pas vraiment de bon cadre pour le faire théoriquement) et le travail est décrit dans l'excellente étude de Daniel Kahn Gillmor (ACLU), « Empirical DNS Padding Policy » présentée à NDSS en 2017. Si vous aimez les chiffres et les données, c'est ce qu'il faut regarder !
Testons un peu les mises en œuvres du remplissage des messages DNS (une liste plus complète figure sur le site du projet).
Essayons avec BIND version 9.13.4. Il
fournit le client de débogage dig et son
option +padding
. Avec un
+padding=256
, le
datagramme va faire 264 octets, incluant
les ports source et
destination d'UDP). Vu par tshark, cela donne :
<Root>: type OPT Name: <Root> Type: OPT (41) UDP payload size: 4096 Higher bits in extended RCODE: 0x00 EDNS0 version: 0 Z: 0x8000 1... .... .... .... = DO bit: Accepts DNSSEC security RRs .000 0000 0000 0000 = Reserved: 0x0000 Data length: 213 Option: COOKIE Option Code: COOKIE (10) Option Length: 8 Option Data: 722ffe96cd87b40a Client Cookie: 722ffe96cd87b40a Server Cookie: <MISSING> Option: PADDING Option Code: PADDING (12) Option Length: 197 Option Data: 000000000000000000000000000000000000000000000000... Padding: 000000000000000000000000000000000000000000000000...
Cela, c'était la requête du client. Mais cela ne veut pas dire que le serveur va accepter de répondre avec du remplissage. D'abord, il faut qu'il soit configuré pour cela (BIND 9.13.4 ne le fait pas par défaut). Donc, côté serveur, il faut :
options { ... response-padding {any;} block-size 468; };
(any
est pour accepter le remplissage pour
tous les clients.) Mais cela ne suffit pas, BIND ne répond avec du
remplissage que si l'adresse IP source est raisonnablement sûre
(TCP ou biscuit du RFC 7873, pour éviter les attaques par amplification). C'est pour cela qu'il y a une option
+tcp
dans les appels de dig plus haut. On
verra alors dans le résultat de dig le PAD (392
bytes)
indiquant qu'il y a eu remplissage. La taille
indiquée dans response-padding
est une taille
de bloc : BIND enverra des réponses qui seront un multiple de cette
taille. Par exemple, avec response-padding {any;}
block-size 128;
, une courte réponse est remplie à 128
octets (notez que la taille de bloc n'est pas la même chez le
serveur et chez le client) :
% dig +tcp +padding=468 -p 9053 @127.0.0.1 SOA foobar.example ... ; PAD (8 bytes) ... ;; MSG SIZE rcvd: 128
Alors qu'une réponse plus longue (notez la question
ANY
au lieu de SOA
) va
faire passer dans la taille de bloc au
dessus (128 octets est clairement une taille de bloc trop petite,
une bonne partie des réponses DNS, même sans
DNSSEC, peuvent la dépasser) :
% dig +tcp +padding=468 -p 9053 @127.0.0.1 ANY foobar.example ... ; PAD (76 bytes) ... ;; MSG SIZE rcvd: 256
On voit bien ici l'effet de franchissement du seuil : une taille de bloc plus grande doit être utilisée.
BIND n'est pas forcément que serveur DNS, il peut être client,
quand il est résolveur et parle aux serveurs faisant autorité. La
demande de remplissage dans ce cas se fait dans la configuration
par serveur distant, avec padding
. (Je n'ai
pas testé.)
Le résolveur Knot fait également le
remplissage (option net.tls_padding
) mais, contrairement à BIND, il ne le fait que lorsque
le canal de communication est chiffré (ce qui est logique).
La bibliothèque pour développer des clients DNS getdns a également le remplissage. En revanche, Unbound, dans sa version 1.8.1, ne fait pas encore de remplissage. Et, comme vous avez vu dans l'exemple tshark plus haut, Wireshark sait décoder l'option de remplissage.
Première rédaction de cet article le 30 novembre 2018
Dernière mise à jour le 27 décembre 2018
Des conférences sur la sécurité informatique, il y en a trois par jour en France, parfois dans la même ville. On peut passer sa vie professionnelle à aller à de telles conférences. Mais elles sont plus ou moins intéressantes. La Journée de la Sécurité Informatique en Normandie fait partie de celles qui sont intéressantes. J'y ai présenté une réflexion en cours sur le débat « sécurité et liberté » dans le contexte de la sécurité informatique.
La JSecIN s'est tenue à Rouen le 29 novembre 2018, dans les locaux banlieusards de l'Université Rouen-Normandie (et co-organisée avec l'INSA). Le public était donc très majoritairement composé d'étudiants en informatique (dont une très faible proportion de femmes), avec quelques professionnels. Les exposés étaient tous intéressants. On a commencé avec Renaud Echard (ANSSI). Il a rappelé des bases en sécurité informatique, comme le fait qu'il faut utiliser le chiffrement systématiquement. Des bases vraiment basiques, certes, mais pas encore appliquées partout. L'orateur estime d'ailleurs que « 80 % des attaques seraient évitées avec l'application de quelques mesures simples d'hygiène numérique ». (La formation est donc un point-clé.)
On a vu bien sûr la classique (mais toujours vraie et utile) photo « le triptyque de la sécurité » : une porte blindée, avec un vérin de fermeture (la technique), un mot « cette porte doit rester fermée » (l'organisation) et une canette de Coca écrasée qui la tient ouverte (l'humain). Autre remarque pertinente : « Il vaut mieux une procédure simple qu'une procédure de 40 pages que personne ne lit. » L'orateur a également insisté sur l'importance de techniques simples : si le type qui fait la promotion d'une solution de sécurité ne peut pas vous l'expliquer simplement, c'est que le système est trop compliqué pour être auditable, et est donc peu sûr.
On a eu droit aussi à un peu de bureaucratie de la sécurité comme ce bon résumé de la différence entre OIV (Opérateur d'Importance Vitale, par exemple en Normandie, celui de l'énergie qui est au bord de la mer) et OSE (Opérateur de Service Essentiel) : « Un OSE est un OIV-light ». Et à la difficulté de l'attribution des cyberattaques : « Si vous me demandez d'où vient l'attaque, je vous dirais de me poser la question en privé. Et, là, je vous répondrais que je ne peux pas le dire. » Et une anecdote pour finir : dans les aéroports et gares français, de nombreux engins portables sont volés chaque jour. L'ANSSI recommande officiellement les autocollants sur le portable (pour rendre plus difficile les substitutions discrètes.)
Puis Solenn Brunet (CNIL) a présenté le paysage de la protection des données personnelles à l'heure du RGPD. Un exposé très riche (peut-être trop) car le sujet est complexe et nécessite de nombreuses explications. L'oratrice rappelle que le RGPD reprend l'essentiel de la loi Informatique & Libertés de 1978. Les gens qui se sont angoissés de certaines obligations du RGPD (minimisation des données, par exemple) ont donc 40 ans de retard. Principaux changements du RGPD : sanctions accrues, partage des responsabilités (donneur d'ordres et sous-traitants), recours collectifs… Depuis le RGPD, 6000 plaintes ont été déposées à la CNIL dont trois plaintes collectives, par La Quadrature, NOYB et Privacy International. Conclusion : la CNIL est là pour vous aider (pas seulement pour sanctionner), allez la voir pour conseil/accompagnement/etc.
Ensuite, les gens d'Exodus Privacy (tellement privé que leurs noms de l'état civil n'ont pas été donné) ont présenté leur travail d'analyse des applications sur Android, et notamment des innombrables pisteurs dont elles sont truffées. (Voir par exemple celle de l'Obs alors que ce journal explique régulièrement que les GAFA sont méchants.) Les développeurs ne mettent pas toujours les pisteurs délibérement. Ils utilisent des bibliothèques, et beaucoup incluent les pisteurs [disons franchement : les mouchards]. Vous utilisez le SDK Facebook, il y a un pisteur Facebook dedans. Programmeu·r·se·s : attention donc à ce que vous embarquez dans votre application.
Un excellent mais terrible exemple était celui de l'application « Baby + » (application de suivi de grossesse) qui transmettait des données personnelles à Facebook : le fœtus avait un compte Facebook avant même sa naissance. (Alors que personne n'avait utilisé Facebook sur cet ordiphone.) Pour aider l'excellent travail d'analyse d'Exodus Privacy, c'est par ici.
Puis Gaetan Ferry (Synacktiv) a parlé d'obscurcissement des programmes. Il s'agit de transformer un programme en quelque chose d'illisible (pas mal de développeurs PHP y arrivent très bien sans disposer de ces outils…) Cette technique ne sert qu'au logiciel privateur et aux attaquants qui veulent faire passer un logiciel malveillant à travers les protections du réseau (ce ne sont pas forcément des malhonnêtes, cela peut être des pentesteurs). Ce n'est donc pas forcément utile, mais c'est rigolo techniquement.
Les analyses théoriques de l'obscurcissement de programmes
montrent que ça ne marche pas. Mais en pratique, ça marche
suffisamment pour les buts souhaités (rendre l'analyse plus
difficile, voire impossible en pratique). On obscurcit les noms en
remplaçant les noms des classes/variables/fonctions. Cette perte
d'informations est irrémédiable. Évidemment, ça ne suffit pas, il
faut aussi brouiller la structure du code. (Mais ça peut casser le
programme s'il fait de l'introspection.) On utilise par exemple
la « chenxification » : remplacer tout le programme par un énorme
switch. Et pour
obscurcir les données, on les remplace par des résultats de
fonctions (par exemple on remplace false
par
n > n
, bon évidemment, en vrai, c'est plus
compliqué). À noter que déboguer une bogue dans l'obscurcisseur
est difficile puisque le programme produit est obscur…
Enfin, Pierre Blondeau (Université de Caen) a présenté un système de boot sécurisé mais automatique d'une machine Linux dont le disque est chiffré. Le cahier des charges imposait qu'on puisse démarrer la machine même en l'absence de son utilisateur (et donc sans connaitre la phrase de passe). Donc, dans initramfs, il a ajouté un client qui s'authentifie (cryptographie asymétrique) auprès d'un serveur local qui lui donne la clé de déchiffrement du disque. Un méchant qui volerait une des machines ne pourrait pas la démarrer. Le logiciel est disponible en ligne.
Mon exposé à cette conférence portait sur « La sécurité est-elle l'amie ou l'ennemie des droits humains ? ». Les supports de l'exposé sont disponibles ici en PDF, il y a aussi une version pour l'impression sur papier, et, si vous lisez le LaTeX, le source. Une transcription de l'exposé a été faite par l'APRIL (merci à eux pour cet énorme travail, fait avec soin !) et est désormais en ligne. (Pendant cet exposé, j'ai cité Zittrain donc c'est l'occasion de dire que j'avais parlé de son livre.)
Tout (sauf l'exposé du représentant de l'ANSSI) a été filmé et
les vidéos se trouvent sur la plateforme de
l'Université. La mienne est
.https://webtv.univ-rouen.fr/videos/jsecin-la-securite-est-elle-lamie-ou-lennemie-de-droits-humains-stephane-bortzmeyer/
Merci à Magali Bardet, Romain Hérault, et tous les autres organisateurs (et aux spectacteurs).
Date de publication du RFC : Mai 2018
Auteur(s) du RFC : R. Winter (University of Applied Sciences
Augsburg), M. Faath (Conntac
GmbH), F. Weisshaar (University of Applied Sciences
Augsburg)
Pour information
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF intarea
Première rédaction de cet article le 29 novembre 2018
Plusieurs protocoles applicatifs utilisent la diffusion, par exemple pour la découverte d'un service, et envoient donc des messages qui vont toucher toutes les machines du réseau local. Cela a des conséquences pour la vie privée : un observateur, même purement passif, peut apprendre plein de choses en écoutant. Il est donc important lorsqu'on conçoit des protocoles applicatifs de veiller à ne pas être trop bavard.
La diffusion, c'est envoyer à tout le monde. Comme il n'existe pas (heureusement !) de mécanisme fiable pour envoyer à tout l'Internet, en pratique, la diffusion se limite au réseau local. Mais c'est déjà beaucoup ! Connecté dans un café ou dans un autre endroit à WiFi, les messages diffusés arrivent à un groupe inconnu : un nombre potentiellement grand de machines. (L'utilisation d'un commutateur ne protège pas, si c'est de la diffusion.) La diffusion est très importante pour certaines fonctions (auto-configuration lorsqu'on ne connait pas sa propre adresse IP, ou bien résolution locale de noms ou d'adresses). La diffusion est tellement pratique (cf. RFC 919 et RFC 3819) qu'elle est utilisée par beaucoup d'applications.
Mais la diffusion est dangereuse ; à la conférence TRAC 2016, les auteurs du RFC avaient, dans un excellent exposé, publié un premier résultat de leurs travaux sur la question (Faath, M., Weisshaar, F., et R. Winter, How Broadcast Data Reveals Your Identity and Social Graph, 7th International Workshop on TRaffic Analysis and Characterization IEEE TRAC 2016, September 2016). En une journée à écouter le trafic diffusé sur leur université, ils avaient récolté 215 Mo de données. Les protocoles les plus bavards : 1) mDNS 2) SSDP 3) LLMNR 4) NetBIOS 5) Dropbox. Le seul client Dropbox diffuse à la cantonade l'ID du client, et celui des shares où il se connecte. Il est facile de faire un graphe des utilisateurs en mettant ensemble ceux qui se connectent au même share. Les mêmes auteurs avaient mené une expérience à grande échelle en écoutant le trafic diffusé lors de la réunion IETF 93 à Prague, et cela avait suscité bien des débats, notamment juridico-légaux (a-t-on le droit d'écouter du trafic qui est diffusé à tous ?) Comme en médecine, la science ne justifie pas tout et il est nécessaire de se pencher sur les conséquences de ses expériences.
Bien sûr, du moment qu'on envoie des données sur un réseau, elles peuvent être écoutées par des indiscrets. Mais la diffusion aggrave le problème de deux façons :
Il est donc justifié de se préoccuper de près des conséquences de la diffusion sur la confidentialité (RFC 6973).
Pour certains protocoles conçus à l'IETF, il y a déjà eu des réflexions sur les problèmes de vie privée liés à leur usage de la diffusion. C'est évidemment le cas pour DHCP, dont les RFC 7819 et RFC 7824 ont pointé la grande indiscrétion. C'est aussi le cas des mécanismes de génération des adresses IPv6, expliqué dans le RFC 7721. Mais il y a également beaucoup de protocoles non-IETF qui utilisent imprudemment la diffusion, comme celui de Dropbox, présenté à la conférence TRAC. Ces protocoles privés sont en général peu étudiés, et la préservation de la vie privée est située très bas sur l'échelle des préoccupations de leurs auteurs. Et ils sont souvent non documentés, ce qui rend difficile toute analyse.
La section 1.1 de notre RFC résume les différents types de
diffusion qui existent dans le monde
IP. IPv4 a la
diffusion générale (on écrit à
255.255.255.255
, cf. section 5.3.5.1 du RFC 1812) et la diffusion dirigée (on écrit à une
adresse qui est celle du préfixe du réseau local, avec tous les
bits « machine » à 1, cf. section 5.3.5.2 du même
RFC). IPv6, officiellement, n'a pas de
diffusion mais uniquement du
multicast mais c'est
jouer avec les mots : il a les mêmes possibilités qu'IPv4 et les
mêmes problèmes de confidentialité. Si une machine IPv6 écrit à
ff02::1
, cela donnera le même résultat que si
une machine IPv4 écrit à
255.255.255.255
. Parmi les protocoles
IETF qui utilisent ces adresses de
diffusion, on trouve mDNS (RFC 6762), LLMNR (RFC 4795), DHCP pour IPv4 (RFC 2131),
DHCP pour IPv6 (RFC 8415), etc.
La section 2 détaille les problèmes de vie privée que l'envoi de messages en diffusion peut entrainer. D'abord, le seul envoi des messages, même sans analyser ceux-ci, permet de surveiller les activités d'un utilisateur : quand est-ce qu'il est éveillé, par exemple. Plus les messages sont fréquents, meilleure sera la résolution temporelle de la surveillance. Notre RFC conseille donc de ne pas envoyer trop souvent des messages périodiques.
Mais un problème bien plus sérieux est celui des identificateurs stables. Bien des protocoles incluent un tel identificateur dans leurs messages, par exemple un UUID. Même si la machine change de temps en temps d'adresse IP et d'adresse MAC (par exemple avec macchanger), ces identificateurs stables permettront de la suivre à la trace. Et si l'identificateur stable est lié à la machine et pas à une de ses interfaces réseau, même un changement de WiFi à Ethernet ne suffira pas à échapper à la surveillance. C'était le cas par exemple du protocole de Dropbox qui incluait dans les messages diffusés un identificateur unique, choisi à l'installation et jamais changé ensuite. D'une manière générale, les identificateurs stables sont mauvais pour la vie privée, et devraient être utilisés avec prudence, surtout quand ils sont diffusés.
Ces identificateurs stables ne sont pas forcément reliés à
l'identité étatique de la personne. Si on ne connait pas la
sécurité, et qu'on ne sait pas la différence entre
anonymat et
pseudonymat, on peut penser que diffuser
partout qu'on est
88cb0252-3c97-4bb6-9f74-c4c570809432
n'est
pas très révélateur. Mais outre que d'avoir un lien entre
différentes activités est déjà un danger, certains protocoles font
qu'en plus ce pseudonyme peut être corrélé avec des informations
du monde extérieur. Par exemple, les iPhone
diffusent fièrement à tout le réseau local « je suis l'iPhone de
Jean-Louis » (cf. RFC 8117). Beaucoup d'utilisateurs donnent à leur machine leur
nom officiel, ou leur prénom, ou une autre caractéristique
personnelle. (C'est parfois fait automatiquement à l'installation,
où un programme demande « comment vous appelez-vous ? » et nomme
ensuite la machine avec ce nom. L'utilisateur n'est alors pas
conscient d'avoir baptisé sa machine.) Et des protocoles diffusent cette information.
En outre, cette information est parfois accompagnés de détails sur le type de la machine, le système d'exploitation utilisé. Ces informations peuvent permettre de monter des attaques ciblées, par exemple si on connait une vulnérabilité visant tel système d'exploitation, on peut sélectionner facilement toutes les machines du réseau local ayant ce système. Bref, le RFC conseille de ne pas diffuser aveuglément des données souvent personnelles.
Comme souvent, il faut aussi se méfier de la corrélation. Si
une machine diffuse des messages avec un identificateur stable
mais non parlant (qui peut donc être ce
700a2a3e-4cda-46df-ad6e-2f062840d1e3
?), un
seul message donnant une autre information (par exemple nom et
prénom) est suffisant pour faire la corrélation et savoir
désormais à qui se réfère cet identificateur stable
(700a2a3e-4cda-46df-ad6e-2f062840d1e3
, c'est
Jean-Louis). Lors de l'expérience à Prague citée plus haut, il
avait été ainsi possible aux chercheurs de récolter beaucoup
d'informations personnelles, et même d'en déduire une partie du
graphe social (la machine de Jean-Louis demande souvent en
mDNS celle de Marie-Laure, il doit y avoir
un lien entre eux).
La plupart des systèmes d'exploitation n'offrent pas la possibilité de faire la différence entre un réseau supposé sûr, où les machines peuvent diffuser sans crainte car diverses mesures de sécurité font que tout le monde n'a pas accès à ce réseau, et un réseau public complètement ouvert, genre le WiFi du McDo, où tout est possible. Il serait intéressant, affirme le RFC, de généraliser ce genre de service et d'être moins bavard sur les réseaux qui n'ont pas été marqués comme sûrs.
La section 3 du RFC note que certains points d'accès WiFi permettent de ne pas passer systématiquement la diffusion d'une machine à l'autre, et de ne le faire que pour des protocoles connus et supposés indispensables. Ainsi, les requêtes DHCP, terriblement indiscrètes, pourraient ne pas être transmises à tous, puisque seul le point d'accès en a besoin. Évidemment, cela ne marche que pour des protocoles connus du point d'accès, et cela pourrait donc casser des protocoles nouveaux (si on bloque par défaut) ou laisser l'utilisateur vulnérable (si, par défaut, on laisse passer).
En résumé (section 4 du RFC), les conseils suivants sont donnés aux concepteurs de protocoles et d'applications :
Première rédaction de cet article le 25 novembre 2018
Bon, comme la Terre entière, je suis passé à Let's Encrypt. Ce blog est désormais systématiquement en HTTPS pour tout le monde.
Il y a plus de quatre ans que ce blog est accessible en HTTPS, à la fois pour assurer la confidentialité (pas des réponses, puisque le contenu est public, mais des requêtes) et protéger contre toute modification en route. J'utilisais une autorité de certification gratuite, contrôlée par ses utilisateurs, et très simple à utiliser, CAcert. J'en suis satisfait mais CAcert n'est pas intégré dans le magasin de certificats de la plupart des systèmes d'exploitation et/ou navigateurs Web. (Alors que des AC gouvernementales ayant déjà émis des faux certificats y sont, mais c'est une autre histoire.)
Cette non-présence dans les magasins d'AC obligeait les
utilisateurs à ajouter CAcert manuellement, ce qu'évidemment peu
faisaient. Résultat, je ne pouvais pas publier un URL en
https://
sans recevoir des messages « c'est
mal configuré », et je ne pouvais pas utiliser de bonnes pratiques
comme de rediriger automatiquement les visiteurs vers la version
sûre. D'où ce passage de CAcert à
Let's Encrypt. La sécurité n'y
gagne rien, mais ce sera plus pratique pour les
utilisateurs. Notez que cela a des conséquences stratégiques pour
l'Internet : la quasi-totalité des sites Web non-commerciaux (et
beaucoup de commerciaux) utilisent la même AC, dont tout le monde
est désormais dépendant.
Bon, il y a quand même un petit progrès technique, CAcert ne permettait pas de signer les certificats utilisant la cryptographie à courbes elliptiques (RFC 8422), alors que Let's Encrypt le permet. Voici ce certificat ECDSA avec la courbe elliptique P256, vu par le journal crt.sh (cf. RFC 6962), ou bien vu par GnuTLS :
% gnutls-cli www.bortzmeyer.org - Certificate type: X.509 - Certificate[0] info: - subject `CN=www.bortzmeyer.org', issuer `CN=Let's Encrypt Authority X3,O=Let's Encrypt,C=US', serial 0x03ae1eb1664c8652d50d7213900d5c935dbe, EC/ECDSA key 256 bits, signed using RSA-SHA256, activated `2018-11-13 19:29:41 UTC', expires `2019-02-11 19:29:41 UTC', key-ID `sha256:74d7df20684d3854233db36258d327dfce956720b836fd1f2c17f7e67ae84db9' Public Key ID: sha1:45600c1f3141cf85db95f5dac74ec1066bafb5b9 sha256:74d7df20684d3854233db36258d327dfce956720b836fd1f2c17f7e67ae84db9 Public key's random art: +--[SECP256R1]----+ | .+O+.... o.| | o.*.. * .| | . +o + +.| | .. o o+.| | S .o=| | oo+| | . o.| | .| | E | +-----------------+ - Certificate[1] info: - subject `CN=Let's Encrypt Authority X3,O=Let's Encrypt,C=US', issuer `CN=DST Root CA X3,O=Digital Signature Trust Co.', serial 0x0a0141420000015385736a0b85eca708, RSA key 2048 bits, signed using RSA-SHA256, activated `2016-03-17 16:40:46 UTC', expires `2021-03-17 16:40:46 UTC', key-ID `sha256:60b87575447dcba2a36b7d11ac09fb24a9db406fee12d2cc90180517616e8a18' - Status: The certificate is trusted.
Le certificat a été généré par :
% openssl ecparam -out blog.pem -name prime256v1 -genkey % openssl req -new -key blog.pem -nodes -days 1000 -subj '/CN=www.bortzmeyer.org' -reqexts SAN -config <(cat /etc/ssl/openssl.cnf <(printf "[SAN]\nsubjectAltName=DNS:www.bortzmeyer.org")) -out blog.csr
La solution simple pour la deuxième commande (openssl
req -new -key blog.pem -nodes -days 1000 -out blog.csr
)
n'était pas bonne car elle ne met pas de SAN (Subject
Alternative Name) dans le CSR, ce qui perturbe
le client Let's Encrypt dehydrated.
La plupart des utilisateurs de Let's Encryt ne s'embêtent pas avec ces commandes OpenSSL. Ils utilisent un client Let's Encrypt comme certbot qui fait ce qu'il faut pour générer la CSR et la faire signer par l'AC Let's Encrypt. Je ne l'ai pas fait car je voulais contrôler exactement le certificat. J'ai choisi le client Let's Encrypt dehydrated. Après avoir vérifié la CSR :
% openssl req -text -in blog.csr Certificate Request: Data: Version: 1 (0x0) Subject: CN = www.bortzmeyer.org Subject Public Key Info: Public Key Algorithm: id-ecPublicKey Public-Key: (256 bit) pub: 04:34:ce:8a:50:e4:d0:bb:61:12:e6:39:98:cd:24: 13:59:47:83:bb:1c:5a:ae:96:be:49:d1:0f:cf:e0: 0b:96:b7:e6:fe:51:2c:ee:0f:bf:48:d4:73:5e:e5: e5:79:0d:8e:f7:9b:5d:8d:d3:91:dd:fd:23:96:1f: da:c2:46:03:b0 ASN1 OID: prime256v1 NIST CURVE: P-256 Attributes: Requested Extensions: X509v3 Subject Alternative Name: DNS:www.bortzmeyer.org ...
J'ai fait signer mon certificat ainsi :
% dehydrated --signcsr ./blog.csr > blog.crt
Une des raisons pour lequelles je voulais contrôler de près le certificat était que je veux publier la clé publique dans le DNS (technique DANE, RFC 6698), DANE étant une meilleure technique de sécurisation des certificats. J'ai donc un enregistrement TLSA :
% dig TLSA _443._tcp.www.bortzmeyer.org ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 62999 ;; flags: qr rd ra ad; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 7, ADDITIONAL: 17 ... ;; ANSWER SECTION: _443._tcp.www.bortzmeyer.org. 86400 IN TLSA 1 1 1 ( 74D7DF20684D3854233DB36258D327DFCE956720B836 FD1F2C17F7E67AE84DB9 ) _443._tcp.www.bortzmeyer.org. 86400 IN RRSIG TLSA 8 5 86400 ( 20181206024616 20181121161507 50583 bortzmeyer.org. w04TM3ZKesaNrFrJMs9w4B8/V+vHDnaUxfO2lWlQTHZH ...
Et évidemment je l'ai testé avant de publier cet article :
% tlsa --verify www.bortzmeyer.org SUCCESS (Usage 1 [PKIX-EE]): Certificate offered by the server matches the one mentioned in the TLSA record and chains to a valid CA certificate (204.62.14.153) SUCCESS (Usage 1 [PKIX-EE]): Certificate offered by the server matches the one mentioned in the TLSA record and chains to a valid CA certificate (2001:4b98:dc0:41:216:3eff:fe27:3d3f) SUCCESS (Usage 1 [PKIX-EE]): Certificate offered by the server matches the one mentioned in the TLSA record and chains to a valid CA certificate (2605:4500:2:245b::42)
(On peut aussi tester
en ligne.) L'usage de DANE nécessite de ne pas changer la
clé publique à chaque renouvellement du certificat (ce que fait
dehydrated par défaut). J'ai donc mis dans
/etc/dehydrated/config
:
PRIVATE_KEY_RENEW="no"
Let's Encrypt impose une durée de validité de trois mois pour le certificat. C'est court. Cela veut dire que le renouvellement doit être automatique. Par exemple, on met typiquement dans la configuration de cron un :
dehydrated --cron --hook /etc/dehydrated/hook.sh
Et tous les jours (dans mon cas), dehydrated va tourner, regarder
les certificats dont l'expiration est dans moins de N jours
(cf. paramètre RENEW_DAYS
dans la
configuration de dehydrated), les
renouveller auprès de l'AC et exécuter les commandes situées dans /etc/dehydrated/hook.sh
.
De nombreux sites Web utilisant Let's Encrypt ont eu
la mauvaise surprise de découvrir au bout de trois mois que leur
certificat était expiré parce que le renouvellement n'avait pas
marché (cron pas configuré, ou bien mal configuré). Le problème
est d'autant plus fréquent que le discours « marketing » disant
« Let's Encrypt, c'est super, tout est automatique » affaiblissait
la vigilance des administrateurs
système. Il est donc crucial, en plus de bien
configurer son cron, de superviser l'expiration de ces
certificats. Par exemple, ma configuration
Icinga contient, entre autres :
vars.http_vhosts["blog-cert"] = { http_uri = "/" http_vhost = "www.bortzmeyer.org" http_ssl = true http_ssl_force_tlsv1_1_or_higher = true http_sni = true http_certificate = "7,4" }
Avec cette règle, Icinga envoie un avertissement s'il reste moins de sept jours, et une alarme critique s'il reste moins de quatre jours de vie au certificat. De même, on doit superviser DANE.
Comme certains visiteurs du site Web essaient d'abord en HTTP
(sans TLS), et comme les anciens liens en
http://
ne vont pas disparaitre du jour au
lendemain, j'ai également mis en place une redirection, utilisant
le code de retour HTTP 301
(RFC 7231, section 6.4.2). Dans la configuration
d'Apache, cela donne :
<VirtualHost *:80> ServerName www.bortzmeyer.org Redirect permanent / https://www.bortzmeyer.org/ </VirtualHost>
La redirection elle-même n'est pas sécurisée puisqu'on se connecte d'abord au serveur sans la protection qu'offre TLS. IL est donc prudent d'utiliser également HSTS (RFC 6797), pour dire « utilisez HTTPS systématiquement, dès le début ; je m'engage à ce qu'il reste actif ». Dans Apache, cela se fait avec :
Header set Strict-Transport-Security "max-age=7776000; includeSubDomains"
Comme tout le monde, j'ai testé la configuration TLS avec SSLlabs, CryptCheck et Internet.nl. Un peu de gamification : SSLlabs me donne un A. CryptCheck me donne également un A (et me fait remarquer j'autorise le vieux TLS 1.0). SSLlabs, comme Internet.nl, me reprochent la durée trop courte de HSTS (c'est encore un peu expérimental).
À noter que j'ai conservé CAcert pour les serveurs SMTP (pour lesquels on ne peut pas valider facilement avec Let's Encrypt, et, de toute façon, les serveurs SMTP ont en général des certificats tellement problématiques que DANE - RFC 7672 - est la seule façon de les sécuriser). Même chose pour des sites internes, non accessibles depuis l'Internet et donc non vérifiables par l'AC Let's Encrypt.
Le remplacement automatique du certificat posait un autre
problème : ce blog, www.bortzmeyer.org
est
sur deux serveurs (trois
adresses IP en tout). Il fallait donc recopier le nouveau
certificat sur tous les serveurs. (Mais pas la clé privée qui,
elle, est stable.) D'abord, j'ai choisi quel serveur ferait
tourner dehydrated et donc recevrait le nouveau
certificat. Ensuite, Let's Encrypt vérifie l'identité du serveur
par un système de défi : lorsqu'il
est sollicité (via le protocole ACME, normalisé dans le RFC 8555),
Let's Encrypt génère un texte imprévisible qu'il envoie au
client. Celui-ci doit alors le déposer à un endroit où Let's
Encrypt pourra le récupérer. Donc, si une machine demande à l'AC Let's Encrypt un
certificat pour www.bortzmeyer.org
, Let's
Encrypt va chercher si le texte est bien sur
https://www.bortzmeyer.org/.well-known/acme-challenge
. Le
client prouve ainsi qu'il est légitime, qu'il peut recevoir les requêtes HTTP envoyées au
nom. Le problème est que Let's Encrypt risque de se connecter sur
un autre serveur que celui où le texte imprévisible a été
déposé.
Pour éviter cela, j'ai configuré les autres serveurs pour
relayer les requêtes HTTP
allant vers .well-known/acme-challenge
en
direction du serveur qui fait tourner dehydrated. Avec
Apache, cela se fait avec le module mod_proxy :
ProxyRequests Off ProxyPass /.well-known/acme-challenge/ https://ACME-MACHINE.bortzmeyer.org/.well-known/acme-challenge/ ProxyPreserveHost On
Cela permet à la machine qui lance dehydrated de toujours recevoir les requêtes de vérification, et donc de récupérer le certificat.
(Notez que la vérification par Let's Encrypt de l'identité du demandeur ne se fait pas forcément en HTTP. On peut aussi utiliser le DNS, ce qui serait une piste intéressante à explorer. Il y a aussi une méthode basée sur ALPN.)
Il reste ensuite à recopier le certificat nouvellement acquis sur tous les serveurs. J'ai utilisé SSH pour cela, avec du scp vers un compte sans mot de passe. Sur les serveurs Web, on crée le compte, et les répertoires où on copiera le certificat :
% sudo adduser copykey % sudo -u copykey mkdir ~copykey/keys % sudo -u copykey chmod 700 ~copykey/keys
Sur la machine ACME (celle où il y a dehydrated), on crée une clé SSH sans mot de passe (puisque tout doit pouvoir tourner depuis cron, pas d'interactivité) :
% ssh-keygen -t ed25519 -P ""
Et sur le serveur Web, on autorise les connexions depuis le
détenteur de cette clé (root, a priori), mais
seulement avec la commande scp vers le bon répertoire. On met dans
~copykey/.ssh/authorized_keys
:
command="/usr/bin/scp -t keys",restrict ssh-ed25519 AAAAC3Nza... root@acme-machine
(Notez, et c'est amusant, que l'option -t
indiquant le répertoire n'est apparemment pas
documentée.)
Il reste alors, dans le fichier
/etc/dehydrated/hook.sh
, où se trouvent les
commandes à exécuter lorsque le certificat est renouvellé, à
effectuer la copie vers les serveurs Web :
function deploy_cert { ... for server in ${WEBSERVERS}; do scp /var/lib/dehydrated/certs/www.bortzmeyer.org/* ${REMOTEACCOUNT}@${server}:keys done }
Enfin, dernière étape, les fichiers (notamment le certificat) ont
été copiés sur le serveur Web mais il reste à les mettre là où le
serveur les attend et à dire au serveur HTTP
d'en tenir compte. On aurait pu copier les fichiers directement
dans le répertoire final mais il aurait fallu être
root pour cela et je n'avais pas envie de
mettre PermitRootLogin yes
dans le
sshd_config
, pour des raisons de sécurité. On
copie donc vers un compte ordinaire (le
copykey
vu plus haut) et root sur le serveur
Web a une tâche lancée par cron qui récupère
les fichiers et relance le serveur HTTP :
% cat /etc/cron.d/copykeys # Look for and copy TLS keys every 5 minutes 3-58/5 * * * * root /usr/local/sbin/copy-keys.sh % cat /usr/local/sbin/copy-keys.sh #!/bin/sh OLDFILE=/etc/ssl/certs/www.bortzmeyer.org.fullchain.pem NEWFILE=/home/copykey/keys/fullchain.pem PATH=/sbin:/usr/sbin:${PATH} OLDHASH=$(sha256sum ${OLDFILE} | cut -d' ' -f1) if [ -z "${OLDHASH}" ]; then echo "Cannot find ${OLDFILE}" >&2 exit 1 fi NEWHASH=$(sha256sum ${NEWFILE} 2> /dev/null | cut -d' ' -f1 ) if [ ! -z "${NEWHASH}" ] && [ "${OLDHASH}" != "${NEWHASH}" ]; then cp -v ${NEWFILE} ${OLDFILE} apache2ctl graceful fi
Date de publication du RFC : Juillet 2018
Auteur(s) du RFC : K. Moriarty (Dell EMC), A. Morton
(AT&T Labs)
Pour information
Première rédaction de cet article le 23 novembre 2018
La vie privée sur l'Internet fait aujourd'hui l'objet d'innombrables attaques et l'une des techniques de défense les plus efficaces contre ces attaques est le chiffrement des données. Il protège également contre une autre menace, la modification des données en transit, comme le font certaines FAI (par exemple Orange Tunisie). Il y a de nombreuses campagnes de sensibilisation pour promouvoir le chiffrement (voir par exemple le RFC 7258), avec des bons résultats. Évidemment, ce chiffrement gène ceux qui voudraient espionner et modifier le trafic, et il fallait donc s'attendre à voir une réaction. Ce RFC est l'expression de cette réaction, du côté de certains opérateurs réseau, qui regrettent que le chiffrement empêche leurs mauvaises pratiques.
Dès le début, ce RFC était basé sur une hypocrisie : prétendre être purement descriptif (une liste de pratiques que certains opérateurs réseau utilisent, et qui sont impactées par le chiffrement), sans forcément en conclure que le chiffrement était mauvais. Mais, en réalité, le RFC porte un message souvent répété : le chiffrement gène, et il ne faudrait pas en abuser. On note par exemple que le RFC ne s'indigne pas de certaines des pratiques citées, alors que beaucoup sont scandaleuses. Le discours est « il faut trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et la capacité des opérateurs à gérer leurs réseaux ». Une telle référence à l'équilibre m'a toujours énervé : non, il ne faut pas d'équilibre entre le bien et le mal, il faut faire ce qu'on peut pour gêner la surveillance. Certaines des pratiques citées dans le RFC sont mauvaises et tant mieux si le chiffrement les rend difficiles. Certaines autres sont plus neutres, mais devront quand même s'adapter, les révélations de Snowden ont largement montré que la surveillance de masse est un fait, et qu'elle justifie des mesures radicales de protection. (Notez que les premières versions de ce RFC étaient bien pires, et qu'il a été affadi par les discussions successives, et suite à l'opposition rencontrée.)
Hypocritement, les textes sacrés comme le RFC 1958, RFC 1984, RFC 2804, et bien sûr les RFC 7258 et RFC 7624 sont cités, hommage du vice à la vertu. Mais tout en le faisant, ce nouveau RFC 8404 déforme ces textes. Quand le RFC 7258 dit qu'évidemment, il faut que les opérateurs puissent continuer à gérer leurs réseaux, ce RFC 8404 lui fait dire qu'il faut donc limiter le chiffrement, comme si « gérer un réseau » voulait forcément dire « accéder aux communications ». De même, on trouve une référence au principe de bout en bout (RFC 2775, RFC 3724, RFC 7754), alors même que le reste de ce RFC ne fait que citer des pratiques violant ce principe.
Ce RFC 8404 se veut, on l'a dit, une description de pratiques actuelles, et prétend hypocritement « ne pas forcément soutenir toutes les pratiques présentées ici ». En effet, tous les exemples cités par la suite sont réellement utilisées mais pas forcément par tous les opérateurs. C'est une des choses les plus désagréables de ce RFC que de laisser entendre que tous les opérateurs seraient unanimes dans leur désir de lire les communications de leurs clients, voire de les modifier. (Par exemple en utilisant le terme tribal de community pour parler des opérateurs réseau, comme s'ils étaient un clan unique, d'accord sur l'essentiel.)
Il est exact qu'au début de l'Internet, rien ou presque n'était chiffré. Tout circulait en clair, en partie parce que la perte de performances semblait excessive, en partie parce que les États faisaient tout pour décourager le chiffrement et limiter son usage, en partie parce que la menace semblait lointaine (même les plus paranoïaques des experts en sécurité ne se doutaient pas que la surveillance atteignait les proportions révélées par Snowden.) Certains opérateurs ont alors pris de mauvaises habitudes, en examinant en détail les communications, à des fins plus ou moins innocentes. Les choses changent aujourd'hui, avec un déploiement plus important du chiffrement, et ces mauvaises pratiques doivent donc disparaitre, ce que les auteurs du RFC ont du mal à avaler.
Des premiers exemples de ces mauvaises pratiques sont données
en section 1.2. Par exemple, le RFC cite un rapport
de l'EFF montrant que certains opérateurs inséraient des
données dans les flux SMTP, notamment à des
fins de suivi des utilisateurs, et, pour empêcher ces flux d'être
protégés par TLS, retiraient la commande
STARTTLS
de la négociation (ce qu'on nomme le
SSL stripping, cf. RFC 7525, section 3.2). Le RFC ose même dire que pour
certains, c'était « considéré comme une attaque » comme si cela
n'était pas évident que c'est une attaque ! Notant que le
chiffrement systématique empêcherait cette attaque, le RFC demande
qu'on fournisse à ces opérateurs réseau malhonnêtes une
alternative à leurs pratiques de piratage des sessions !
Un autre exemple donné est celui des réseaux d'entreprise où il y a, dit le RFC, un « accord » pour que le contenu du trafic des employés soit surveillé par le patron (dans la réalité, il n'y a pas d'accord, cette surveillance est une condition de l'embauche). Ce serait donc un cas radicalement différent de celui des réseaux publics, via le FAI, où il n'y a pas de tel « accord » et, pourtant, déplore le RFC, le chiffrement rend cette surveillance plus difficile. (Ce point particulier a fait l'objet de nombreux débats lors de la mise au point de la version 1.3 du protocole TLS, qui visait en effet à rendre la surveillance plus difficile. Cf. RFC 8446.)
À partir de la section 2, commence le gros du RFC, les études de cas. Le RFC est très détaillé et je ne vais pas tout mentionner ici. Notons que la section 2 commence par du chantage : si on ne donne pas accès aux opérateurs au contenu des communications, ils « vont déployer des méthodes regrettables du point de vue de la sécurité », et il faut donc leur donner les données, pour éviter qu'ils n'utilisent des moyens encore pires.
D'abord, ce sont les chercheurs qui effectuent des mesures sur l'Internet (par exemple CAIDA) qui sont mentionnés pour expliquer que le chiffrement va rendre ces études bien plus difficiles. (Au passage, puisque le RFC ne le dit pas, signalons que la science ne justifie pas tout et que ces études doivent se conformer à l'éthique, comme tout le monde.) Le RFC oublie de dire que beaucoup de ces études n'utilisent que l'en-tête IP, et parfois les en-têtes TCP et UDP, qui ne sont pas affectés par le chiffrement. Comme cette réthorique est souvent présente dans ce RFC, cela vaut la peine de préciser : les techniques de chiffrement les plus déployées aujourd'hui (TLS et, loin derrière, SSH) laissent intacts les en-têtes IP et TCP, que les chercheurs peuvent donc regarder comme avant. IPsec, lui, masque l'en-tête TCP (et, dans certains cas, une partie de l'information venue de l'en-tête IP), mais il est très peu utilisé dans l'Internet public (à part une partie de l'accès au VPN de l'entreprise). QUIC, s'il sera un jour déployé massivement, dissimulera également une partie de l'information de couche 4. Bref, aujourd'hui, la partie en clair du trafic donne déjà plein d'information.
Après les chercheurs, le RFC cite les opérateurs qui regardent en détail un flux réseau pour déboguer des problèmes applicatifs. Là encore, l'exemple est très malhonnête :
Le RFC ne mentionne pas assez que le développement du chiffrement est en bonne partie le résultat des pratiques déplorables de certains opérateurs. Si on fait tout passer sur le port 443 (celui de HTTPS), et en chiffré, c'est précisément parce que des opérateurs se permettaient, en violation du principe de neutralité, de traiter différemment les applications, se fiant au port TCP utilisé pour reconnaitre les différentes applications. Refusant de comprendre ce problème, le RFC déplore au contraire que « tout le monde étant sur le port 443, on ne peut plus détecter certains applications afin de les prioriser », et affirme que cela justifie le DPI. Pas un seul questionnement sur la légitimité de ce traitement différencié. (Notez également un truc réthorique très malhonnête : parler de prioriser certaines applications. Comme la capacité du réseau est finie, si on en priorise certaines applications, on en ralentit forcément d'autres. Mais c'est plus vendeur de dire qu'on priorise que d'admettre qu'on discrimine.) Pour éviter de dire ouvertement qu'on viole la neutralité du réseau, le RFC la redéfinit en disant qu'il n'y a pas violation de la neutralité si on différencie entre applications, seulement si on différencie entre utilisateurs.
Il n'y a évidemment pas que les opérateurs réseau qui sont responsables de la surveillance et de l'interférence avec les communications. La section 2.4 du RFC rappelle à juste titre que les opérateurs travaillent dans un certain cadre légal et que l'État les oblige souvent à espionner (ce qui s'appelle en novlangue « interception légale ») et à censurer. Par exemple, en France, les opérateurs sont censés empêcher l'accès aux sites Web présents sur la liste noire (secrète) du ministère de l'intérieur. Le chiffrement rend évidemment plus difficile ces activités (c'est bien son but !) Le RFC note par exemple que le filtrage par DNS menteur, la technique de censure la plus commune en Europe, est plus difficile si on utilise le chiffrement du RFC 7858 pour parler à un résolveur DNS externe, et traite cela comme si c'était un problème, alors que c'est au contraire le résultat attendu (s'il n'y avait pas de surveillance, et pas d'interférence avec le trafic réseau, le chiffrement serait inutile).
Mais le RFC mélange tout par la suite, en citant comme exemple de filtrage légitime le contrôle parental. Il n'y a nul besoin qu'il soit fait par le FAI, puisqu'il est souhaité par le client, il peut être fait sur les machines terminales, ou dans le routeur de la maison. C'est par exemple ce qui est fait par les bloqueurs de publicité, qui ne sont pas une violation de la neutralité du réseau puisqu'ils ne sont pas dans le réseau, mais sur la machine de l'utilisateur, contrôlée par elle ou lui.
Un autre exemple où le RFC déplore que le chiffrement empêche une pratique considérée par l'opérateur comme utile est celui du zero rating, cette pratique où l'accès à certains services fait l'objet d'une tarification réduite ou nulle. Le chiffrement, note le RFC, peut servir à dissimuler les services auxquels on accède. Là encore, on peut se demander si c'est vraiment un problème : le zero rating est également une violation de la neutralité du réseau, et ce n'est pas forcément mauvais qu'il devienne plus difficile à déployer.
Mais l'exemple suivant est bien pire, et beaucoup plus net. La section 2.3.4 du RFC décrit la pratique de modification des flux HTTP, notamment l'insertion d'en-têtes. Plusieurs vendeurs de matériel fournissent des équipements permettant d'« enrichir » les en-têtes, en ajoutant des informations personnelles, comme le numéro de téléphone, permettant un meilleur ciblage par les publicitaires. Et ils n'en ont même pas honte, annonçant cyniquement cette capacité dans leurs brochures. Et le RFC décrit cette pratique en termes neutres, sans préciser qu'elle est mauvaise, devrait être interdite, et que le chiffrement permet heureusement de la rendre plus difficile ! La soi-disant neutralité de la description mène donc à décrire des pratiques scandaleuses au même niveau que l'activité normale d'un opérateur réseaux. Le RFC cite bien le RFC 8165, qui condamne cette pratique, mais n'en tire pas les conséquences, demandant, là encore, qu'on fournisse aux opérateurs malhonnêtes un moyen de continuer ces opérations (par exemple par une insertion des données personnelles directement par le logiciel sur la machine du client, ce qui est possible dans le monde du mobile, beaucoup plus fermé et contrôlé), et ce malgré le chiffrement.
La section 3.1.2 du RFC revient sur les buts de la surveillance, lorsqu'on gère un réseau. Elle mentionne plusieurs de ces buts, par exemple :
La section 3.2 du RFC mentionne d'autres exemples d'usages actuels que le chiffrement massif peut gêner. Par exemple, elle cite la lutte contre le spam en notant que le chiffrement du courrier (par exemple avec PGP ou DarkMail) empêche un intermémdiaire (comme le serveur de messagerie) de lutter contre le spam. (La bonne solution est évidemment de faire l'analyse du spam sur la machine finale, par exemple avec bogofilter.)
Les révélations de Snowden ont montré que l'espionnage des liaisons internes aux organisations était une pratique courante de la NSA. Pendant longtemps, beaucoup d'administrateurs réseau ont considéré que « pas besoin d'utiliser HTTPS, c'est un site Web purement interne ». C'était une grosse erreur technique (l'attaquant est souvent interne, et les attaques contre le DNS ou le routage peuvent donner accès aux communications censées être internes) et elle a donc logiquement été exploitée. Aujourd'hui, les organisations sérieuses chiffrent systématiquement, même en interne.
Mais en même temps, beaucoup d'entreprises ont en interne des règles qui autorisent la surveillance de toutes les communications des employés. (En France, il existe des limites à cette surveillance, mais pas aux États-Unis. Le RFC rappelle juste que certaines politiques définies par le patron autorisent des accès protégés contre la surveillance, par exemple pour se connecter à sa banque. Écrit avec un point de vue très états-unien, le RFC ne mentionne que les politiques de la direction, pas les limites légales.) Techniquement, cela passe, par exemple, par des relais qui terminent la session TLS, examinent le contenu de la communication, puis démarrent une nouvelle session avec le serveur visé. Cela permet par exemple de détecter le logiciel malveillant que la machine Windows télécharge via une page Web piégée. Ou bien une attaque XSS que l'utilisateur n'a pas vue. (Notez que, par une incohérence fréquente en entreprise, la sécurité est présentée comme absolument essentielle, mais les postes de travail tournent sur Windows, certainement la cible la plus fréquente de ces logiciels malveillants.) Mais cela permet aussi de surveiller les communications des employés.
Si le but est de se protéger contre le logiciel malveillant, une solution simple est de faire l'examen des messages suspects sur la machine terminale. Cela peut être plus compliqué à déployer mais, normalement, c'est faisable à la fois juridiquement puisque cette machine appartient à l'entreprise, et techniquement puisqu'elle est a priori gérée à distance.
La section 5 du RFC détaille certaines techniques de surveillance pour des systèmes particuliers. Par exemple, les fournisseurs de messagerie examinent les messages, notamment pour déterminer s'il s'agit de spam. SMTP sur TLS ne gêne pas cette technique puisqu'il est de serveur à serveur, pas de bout en bout. Même PGP ou S/MIME n'empêchent pas l'examen des métadonnées, qui peuvent être suffisante pour détecter le spam.
De même (section 6 du RFC), TLS ne masque pas tout et permet quand même certaines activités de surveillance. Ainsi, le nom du serveur contacté, indiqué dans l'extension TLS SNI (Server Name Indication, section 3 du RFC 6066) n'est pas chiffré et peut donc être vu. (Des efforts sont en cours actuellement à l'IETF pour boucher cette faille dans la protection de la vie privée, et semblent bien avancer.)
En résumé, ce RFC, qui a commencé comme très « anti-chiffrement » a été un peu modifié lors des très vives discussions qu'il a généré à l'IETF, et essaie désormais de ménager la chèvre et le chou. La tonalité demeure quand même hostile au chiffrement sérieux, mais on y trouve suffisamment d'éléments techniques précis pour que tout le monde puisse y trouver une lecture intéressante.
Première rédaction de cet article le 21 novembre 2018
Dernière mise à jour le 22 novembre 2018
On entend parfois, dans les discussions autour des licences logicielles, des affirmations du genre « tel logiciel n'est pas libre mais il est open source ». Quelle est la différence ? Y en a-t-il une, d'ailleurs ?
Commençons par les textes originaux. Le concept de logiciel libre a été popularisé par Richard Stallman et la Free Software Foundation. Le logiciel libre se définit par quatre libertés :
On notera que la gratuité n'est pas mentionnée. En anglais, le terme de free software a parfois engendré des malentendus, free pouvant vouloir dire « libre » mais aussi « gratuit ». Comme souvent en politique, ces malentendus étaient parfois de bonne foi, et malhonnêtes dans d'autres, certains faisant semblant de ne pas comprendre que la liberté n'a rien à voir avec la gratuité.
Stallman aime donc répéter que, dans free software, c'est free as in free speech, not free as in free beer. Bonne explication, mais difficile à traduire en français puisque, justement, en français, il y a deux mots différents pour « libre » et « gratuit ».
Et open source ? Notons que ce n'est pas un hasard si le terme en anglais est populaire chez les gens dont le métier est d'embrouiller le langage, les vendeurs ou les politiciens, par exemple. Utiliser un terme en anglais permet de rester dans le flou, et d'essayer de plaire à tout le monde, en n'utilisant pas de termes précis. Le terme a été popularisé par Eric Raymond et quelques autres en 1998. Ils avançaient deux arguments essentiels en faveur de ce nouveau terme : l'ambiguité entre « libre » et « gratuit » (qui, on l'a vu, n'existe pas en français, rendant tout à fait inutile l'utilisation du terme open source), et surtout le fait que la liberté faisait peur, notamment au patronat, et que, si on voulait populariser le logiciel libre auprès des gens qui ont la main sur la carte de crédit de l'entreprise, il fallait changer le nom. (Il y avait bien sûr également des raisons non avouées, comme essayer de remplacer Stallman au poste de symbole du logiciel libre.)
Le terme a clairement été un grand succès, malgré le fait qu'il soit tout aussi ambigu que l'autre (open source ou « source ouverte » désignait déjà tout à fait autre chose). Que mettaient-ils derrière ce terme ? Les promoteurs du terme open source ont produit une définition. Elle est moins percutante que les « quatre libertés », et plus longue, mais elle revient quasiment au même. Notamment, elle précise clairement qu'open source ne veut pas uniquement dire qu'on a accès au code source.
Les deux définitions sont très proches, justifiant que Stallman, paraphrasant Shakespeare, rappelle que « un logiciel libre, sous un autre nom, serait tout aussi libre ». N'est-ce donc qu'une question de terminologie, sans conséquences pratiques ?
Si on regarde la liste des licences libres reconnues par la FSF, et qu'on la compare avec celle des promoteurs du terme open source, on ne voit en effet pas de différence. On cite parfois la question de l'obligation de réciprocité (copyleft en anglais, ou « partage à l'identique » - Share Alike - dans les licences Creative Commons) comme différence entre logiciel libre et open source. Mais cette distinction n'est jamais faite par des gens qui participent au logiciel libre, elle n'arrive que dans des raccourcis médiatiques. L'obligation de réciprocité (un individu ou une entreprise peuvent distribuer le logiciel, même modifié, et même le vendre, mais on a l'obligation de reconnaitre au destinataire les mêmes libertés que celles dont ils ont bénéficié) n'est en effet pas mentionnée dans les quatre libertés qui définissent le logiciel libre. Les personnes qui ne se sont pas renseignées avant et qui disent que le logiciel libre requiert l'obligation de réciprocité sont donc plus stricts sur la définition que Richard Stallman lui-même, alors qu'il est généralement considéré comme un modèle de strictitude.
Bien qu'il existe des cas compliqués de licences qui peuvent être vues comme libres selon une définition et pas selon une autre, ces cas sont très marginaux. L'immense majorité des logiciels libres est sous une licence que les deux définitions classent comme libre. Parmi les exceptions, on note (trouvée par Exagone313) l'amusante licence Foutez ce que vous voulez, apparemment refusée par l'Open Source Initiative mais acceptée par la FSF. Mais elle est peu utilisée. (Si vous avez d'autres références précises d'une exception, d'une licence qui est dans une des listes de licences libres mais pas dans l'autre, je suis preneur. En indiquant des logiciels qui utilisent cette licence, car la plupart des licences candidates pour cet exercice sont peu ou pas utilisées.)
Cette rareté des licences acceptées sous une définition mais pas sous l'autre semble plaider pour une conclusion simple « logiciel libre ou open source, on s'en fiche, c'est pareil ».
À noter que Wikipédia reprend cette définition : « La désignation open source, ou "code source ouvert", s'applique aux logiciels (et s'étend maintenant aux œuvres de l'esprit) dont la licence respecte des critères précisément établis par l'Open Source Initiative, c'est-à-dire les possibilités de libre redistribution, d'accès au code source et de création de travaux dérivés. » Et ajoute « La différence formelle entre open source et logiciel libre (en anglais : free software) n'a quasiment pas de conséquence dans l'évaluation des licences. » (Le bandeau en haut de l'article dit « Ne doit pas être confondu avec Logiciel libre », alors même que l'article explique que c'est pareil...) Le Wiktionnaire dit également que les deux termes sont synonymes.
Mais, évidemment, en matière de langage, les arguments d'autorité et les références aux textes antiques ont leurs limites. Le langage évolue (pas toujours dans le bon sens) et ce qui est important, c'est aussi ce que veulent dire les gens. L'usage compte. Ceux et celles qui utilisent le terme open source veulent-ils dire la même chose que celles et ceux qui disent logiciel libre ? Il est difficile de répondre à cette question. En effet, si on n'utilise pas la définition « officielle », laquelle utilise-t-on ? J'ai la nette impression que les gens qui utilisent open source n'ont pas de définition précise et l'utilisent un peu au petit bonheur la chance. Quand on demande à quelqu'un qui a utilisé le terme open source ce qu'ielle entend par là, on reçoit en général une réponse vague, et souvent fausse (comme par exemple de définir open source par « accès au code source »). Les commerciaux utilisent ce terme pour dire « logiciel libre » mais en moins politique (la liberté, ça fait peur aux clients), les journalistes l'utilisent parce que dans un article sur l'informatique, il faut mettre de l'anglais, beaucoup de gens répètent simplement le terme qu'ils ont entendu dans les médias, sans réfléchir. Si on veut une définition fondée sur l'usage (et non pas sur la définition formelle de l'OSI), on pourrait arriver à quelque chose du genre « quelque chose qui va du logiciel libre [inclus] à diverses formes de logiciels privateurs manifestant un peu d'ouverture ».
En conclusion et résumé :
Première rédaction de cet article le 19 novembre 2018
Dernière mise à jour le 26 novembre 2018
Les 17 et 18 novembre 2018, c'était Capitole du Libre, grand rassemblement annuel de centaines de libristes à Toulouse, dans les locaux de l'ENSEEIHT. À cette occasion, j'y ai fait un exposé sur le thème « Internet et les droits humains, il y a vraiment un rapport ? ».
Si vous voulez lire les supports de cet exposé, il y a une version PDF pour lire sur écran, et une version PDF pour imprimer. Le tout est évidemment sous une licence libre (celle de ce blog, la GFDL) et vous pouvez diffuser et/ou modifier le tout. Si vous voulez le modifier, le source est en LaTeX/Beamer et cette version est disponible également.
Une excellente transcription de mon intervention a été réalisée par l'APRIL, et est disponible sur leur site.
L'exposé a été filmé et la vidéo est disponible via PeerTube, sur l'instance de Jacques ou sur l'instance Vidéos du Libre. (Également sur YouTube, avec les autres vidéos de Capitole du Libre, si vous préferez donner vos données personnelles à Google.)
Ah, et c'était la première annonce publique de mon livre « Cyberstructure ».
Il y avait plein d'autres exposés à Capitole du Libre, dont beaucoup étaient passionnants. Mon préféré était celui de Vincent Privat, sur « André Cros, import Wikimedia d'un fonds d'archive exceptionnel de Toulouse ». André Cros était photographe à Sud Ouest pendant de nombreuses années et a transmis ses photos, avec les droits, à la Mairie de Toulouse, qui est partenaire de Wikimedia. Cela permettait juridiquement de tout mettre sur Wikimedia Commons, avec une licence libre. Les photos étaient déjà numérisées. Il a fallu développer un petit script pour envoyer les photos sur Wikimedia Commons et, surtout, étiqueter et classer chaque photo. On y trouve, entre autre, le premier vol du Concorde, un passage de Sylvie Vartan à Toulouse, la terrible opération de sécurité routière « Une ville rayée de la carte » à Mazamet, les inondations de la Garonne, etc.
Parmi les autres exposés:
Capitole du Libre est remarquablement organisé, avec un gros investissement de la part des bénévoles, donc merci mille fois, c'était extra.
Première rédaction de cet article le 3 novembre 2018
Dernière mise à jour le 17 mai 2021
Dans cet article, je ne vais pas décrire un logiciel ou service existant, ni résumer un RFC. Je voudrais au contraire pointer du doigt un manque dans l'offre existante, à la fois l'offre de services non-commerciaux accessibles au·à la non-geek, et l'offre de logiciel libre. Pourquoi n'y a-t-il pas de système simple pour héberger une zone DNS ? Et, si un·e militant·e de la liberté sur Internet passe par là, ne serait-ce pas une bonne idée d'en créer un ? J'espère que cet article donnera des idées.
Un peu de contexte d'abord. Le DNS est à la base de quasiment toutes les transactions sur l'Internet. Si on se soucie de la liberté et de l'indépendance de l'utilisateur qui veut publier quelque chose, et pas être un·e simple consommat·eur·rice, avoir un nom de domaine à soi est crucial. Acheter/louer un tel nom est simple et peu coûteux (encore qu'il semble qu'il n'existe que très peu, voire pas du tout, de bureaux d'enregistrement non-commerciaux). L'héberger est une autre histoire. L'hébergeur DNS (qui n'est pas forcément le bureau d'enregistrement) joue un rôle crucial. S'il est en panne, plus rien ne marche. S'il enregistre les données, la vie privée est menacée (sur ce risque, voir le RFC 7626). Il faut donc le choisir avec soin.
Or, beaucoup de titulaires de nom de domaine choisissent une entreprise (par exemple Cloudflare) un peu au hasard, sans avoir étudié ses pratiques. Il serait évidemment préférable de faire héberger ses serveurs de noms dans un endroit plus sûr.
Un solution geek existe pour cela,
l'auto-hébergement des serveurs de noms. Ce n'est pas très
compliqué (un logiciel libre comme nsd fait
cela très bien) et cela ne demande que peu de ressources (un
serveur DNS ne représente que peu de trafic, un
Raspberry Pi connecté en
ADSL suffit largement pour la plupart des
zones, d'autant plus que le vrai serveur primaire n'a pas
forcément besoin d'être accessible de tout l'Internet, il peut
être caché, visible uniquement des secondaires). Si on veut
améliorer les choses, on peut demander à des cop·ain·ine·s
d'héberger un serveur secondaire de sa zone. C'est ainsi qu'est
hébergée la zone DNS de ce blog, bortzmeyer.org
.
Mais, évidemment, c'est uniquement une solution pour geek. On ne peut pas demander à toute personne qui publie sur Internet de configurer nsd ou Knot même si, je le répète, c'est relativement simple. Et il faudrait en plus éditer son fichier de zone DNS avec un éditeur de texte, ce qui n'enchante pas le non-geek. Or, la liberté d'expression ne doit pas être réservée aux informaticiens !
Il faudrait donc une solution pour ces utilisateurices. Il y a deux moyens de fournir cette solution, via un service ou via un logiciel. Concentrons-nous d'abord sur les services car, même s'il existait un logiciel tout fait, libre et tout, il resterait à gérer l'administration quotidienne du serveur, et un serveur DNS fait parfois face à des problèmes (voir plus loin dans cet article le problème des dDoS). Des services pour M. ou Mme Toutlemonde, libres, éthiques, non-commerciaux et le reste, existent, ce sont par exemple les CHATONS, dont le plus connu est Framasoft. Mais, à l'heure actuelle, à ma connaissance, aucun CHATON ne propose d'hébergement DNS.
Esquissons brièvement le cahier des charges d'un tel service :
Un tel service, à ma connaissance, n'existe pas aujourd'hui dans le monde associatif. Il faut dire qu'il existe quelques risques :
On peut citer quelques services possibles qui se rapprochent de ce but :
eu.org
, avec
hébergement en plus. De toute façon, le service semble peu maintenu :
Oh ! Une erreur est survenue. scp failed: unable to
fork ssh master: Cannot allocate memory at
/home/ppittoli/dnsmanager/bin/../lib/copycat.pm line
35 (et la seule adresse de contact est sur IRC).nohost.me
, mais, si j'ai
bien compris, c'est utilisable uniquement depuis YunoHost.Cela, c'était pour un service en ligne. Et un logiciel ? Je vois deux cas d'usage :
Ce doit être bien sûr un logiciel libre, qui doit pouvoir être installé relativement facilement, et fournir le service décrit ci-dessus. Pour le premier cas d'usage, le cas individuel, il serait peut-être encore mieux qu'il soit intégré à une plate-forme comme Cozy. Là encore, à ma connaissance, un tel logiciel n'existe pas (il existe plusieurs trucs plus ou moins bricolés, pas évidents à installer sur sa machine, et encore moins à maintenir).
Les logiciels existants qui pourraient servir d'inspiration :
perlbrew install
perl-5.18.0
donne « ERROR: Failed to download
http://www.cpan.org/authors/id/R/RJ/RJBS/perl-5.18.0.tar.bz2 »,
il faut manifestement des compétences
Perl plus pointues que les
miennes.)Mais notez bien que le logiciel ne résout qu'une partie du problème : il faut encore les serveurs. C'est pour cela que je pense que la solution « service hébergé » est plus adaptée aux non-geeks.
Notons enfin qu'un service limité, qui ne fournisse que le serveur secondaire, charge à l'utilisateur d'avoir son propre primaire, serait déjà très utile. Là encore, il n'existe pas grand'chose. Au début, j'avais listé :
puck.nether.net
dans l'ensemble des
enregistrements NS.)Mais j'ai depuis fait un article dédié sur cette question des DNS secondaires.
Je serai ravi d'apprendre que j'ai mal cherché et qu'un tel service ou un tel logiciel existent. N'hésitez pas à me le faire savoir. Et, si je ne me suis pas trompé, si un·e courageu·x·se pouvait le réaliser…
La partie « interface de gestion du contenu » est traitée par le très prometteur projet happyDNS (mais pas encore la partie « hébergement »). Il existe aussi le service d'hébergement deSEC, qui semble très bien, il fait l'hébergement et l'avitaillement (avec interface de gestion du contenu), mais pas la gestion d'un serveur secondaire, il faut complètement leur déléguer sa zone. (La question est discutée.)
Date de publication du RFC : Octobre 2018
Auteur(s) du RFC : P. Hoffman (ICANN), P. McManus
(Mozilla)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF doh
Première rédaction de cet article le 22 octobre 2018
Voici un nouveau moyen d'envoyer des requêtes DNS, DoH (DNS over HTTPS). Requêtes et réponses, au lieu de voyager directement sur UDP ou TCP sont encapsulées dans HTTP, plus exactement HTTPS. Le but ? Il s'agit essentiellement de contourner la censure, en fournissant un canal sécurisé avec un serveur supposé digne de confiance. Et le chiffrement sert également à préserver la vie privée du client. Toutes ces fonctions pourraient être assurées en mettant le DNS sur TLS (RFC 7858) mais DoH augmente les chances de succès puisque le trafic HTTPS est rarement bloqué par les pare-feux, alors que le port 853 utilisé par DNS-sur-TLS peut être inaccessible, vu le nombre de violations de la neutralité du réseau. DoH marque donc une nouvelle étape dans la transition vers un Internet « port 443 seulement ».
La section 1 du RFC détaille les buts de DoH. Deux buts principaux sont décrits :
L'annexe A de notre RFC raconte le cahier des charges du protocole DoH de manière plus détaillée :
Passons maintenant à la technique. DoH est un protocole très simple. Au hackathon de l'IETF en mars 2018 à Londres, les sept ou huit personnes travaillant sur DoH avaient très vite réussi à créer clients et serveurs, et à les faire interopérer (même moi, j'y étais arrivé). Vous pouvez lire le compte-rendu du hackathon, et la présentation quelques jours après au groupe de travail DoH.)
DoH peut s'utiliser de plusieurs façons : c'est une technique, pas une politique. Néanmoins, son principal usage sera entre un résolveur simple, situé sur la machine de l'utilisateur ou quelque part dans son réseau local, et un résolveur complet situé plus loin dans le réseau (section 1 du RFC). Ce résolveur simple peut être un démon comme stubby ou systemd, ou bien l'application elle-même (ce qui me semble personnellement une mauvaise idée, car cela empêche de partager configuration et cache). À l'heure actuelle, les serveurs faisant autorité ne parlent pas DoH et il n'est pas prévu qu'ils s'y mettent à brève échéance. Le schéma suivant montre l'utilisation typique de DoH : l'application (le client final) parle à un résolveur simple, en utilisant le protocole DNS (ce qui évite de mettre du DoH dans toutes les applications), le résolveur simple parlera en DoH avec un résolveur de confiance situé quelque part dans l'Internet, et ce résolveur de confiance utilisera le DNS pour parler aux serveurs faisant autorité (soit il sera lui-même un résolveur complet, soit il parlera à un résolveur classique proche de lui, et le serveur DoH sera alors un proxy comme décrit dans le RFC 5625) :
Les requêtes et réponses DNS (RFC 1034 et RFC 1035) ont leur encodage habituel (le DNS est un protocole binaire, donc je ne peux pas faire de copier/coller pour montrer cet encodage), la requête est mise dans le chemin dans l'URL ou dans le corps d'une requête HTTP (RFC 9113), la réponse se trouvera dans le corps de la réponse HTTP. Toute la sécurité (intégrité et confidentialité) est assurée par TLS (RFC 8446), via HTTPS (RFC 2818). Un principe essentiel de DoH est d'utiliser HTTP tel quel, avec ses avantages et ses inconvénients. Cela permet de récupérer des services HTTP comme la négociation de contenu, la mise en cache, l'authentification, les redirections, etc.
La requête HTTP elle-même se fait avec les méthodes GET ou POST
(section 4 du RFC), les deux devant être acceptées (ce qui fut le
sujet d'une assez longue discussion à l'IETF.) Quand la méthode
utilisée est GET, la variable nommée dns
est
le contenu de la requête DNS, suivant l'encodage habituel du DNS,
surencodée en Base64, plus exactement la
variante base64url normalisée dans le RFC 4648. Et, avec GET, le corps de la requête est vide
(RFC 7231, section 4.3.1). Quand on utilise POST, la
requête DNS est dans le corps de la requête HTTP et n'a pas ce
surencodage. Ainsi, la requête avec POST sera sans doute plus
petite, mais par contre GET est certainement plus apprécié par les
caches.
On l'a dit, DoH utilise le HTTP habituel. L'utilisation de HTTP/2, la version 2 de HTTP (celle du RFC 9113) est très recommandée, et clients et serveurs DoH peuvent utiliser la compression et le remplissage que fournit HTTP/2 (le remplissage étant très souhaitable pour la vie privée). HTTP/2 a également l'avantage de multiplexer plusieurs ruisseaux (streams) sur la même connexion HTTP, ce qui évite aux requêtes DoH rapides de devoir attendre le résultat d'une requête lente qui aurait été émise avant. (HTTP 1, lui, impose le respect de l'ordre des requêtes.) HTTP/2 n'est pas formellement imposé, car on ne peut pas forcément être sûr du comportement des bibliothèques utilisées, ni de celui des différents relais sur le trajet.
Requêtes et réponses ont actuellement le type
MIME application/dns-message
,
mais d'autres types pourront apparaitre dans le futur (par exemple
fondés sur JSON et non plus sur l'encodage
binaire du DNS, qui n'est pas amusant à
analyser en
JavaScript). Le client DoH doit donc
inclure un en-tête HTTP Accept:
pour indiquer
quels types MIME il accepte. En utilisant HTTP, DoH bénéfice également de la négociation de
contenu HTTP (RFC 7231, section 3.4).
Petit détail DNS : le champ ID (identification de la requête) doit être mis à zéro. Avec UDP, il sert à faire correspondre une requête et sa réponse mais c'est inutile avec HTTP, et cela risquerait d'empêcher la mise en cache de deux réponses identiques mais avec des ID différents.
En suivant la présentation des requêtes HTTP du RFC 9113 (rappelez-vous que HTTP/2, contrairement à la première version de HTTP, a un encodage binaire), cela donnerait, par exemple :
:method = GET :scheme = https :authority = dns.example.net :path = /?dns=AAABAAABAAAAAAAAA3d3dwdleGFtcGxlA2NvbQAAAQAB accept = application/dns-message
(Si vous vous le demandez,
AAABAAABAAAAAAAAA3d3dwdleGFtcGxlA2NvbQAAAQAB
est une requête DNS pour l'adresse IPv4 de www.example.com
.)
Et la réponse HTTP ? Aujourd'hui, elle est forcément de type
MIME application/dns-message
, mais d'autres
types pourront apparaitre. En attendant, le corps de la réponse
HTTP est une réponse DNS avec son encodage binaire habituel
normalisé dans le RFC 1035, section 4.1 (tel
qu'utilisé pour UDP ; notez que HTTP
permettant d'indiquer la longueur du message, les deux octets de
longueur utilisés par le DNS au-dessus de
TCP ne sont pas nécessaires et sont donc absents).
Le serveur DoH doit mettre un code de retour HTTP (RFC 7231). 200 signifie que la requête HTTP a bien été traitée. Mais cela ne veut pas dire que la requête DNS, elle, ait connu un succès. Si elle a obtenu une erreur DNS NXDOMAIN (nom non trouvé) ou SERVFAIL (échec de la requête), le code de retour HTTP sera quand même 200, indiquant qu'il y a une réponse DNS, même négative. Le client DoH, en recevant ce 200, devra donc analyser le message DNS et y trouver le code de retour DNS (NOERROR, NXDOMAIN, REFUSED, etc). Le serveur DoH ne mettra un code d'erreur HTTP que s'il n'a pas du tout de réponse DNS à renvoyer. Il mettra 403 s'il refuse de servir ce client DoH, 429 si le client fait trop de requêtes (RFC 6585), 500 si le serveur DoH a une grosse bogue, 415 si le type MIME utilisé n'est pas connu du serveur, et bien sûr 404 si le serveur HTTP ne trouve rien à l'URL indiqué par exemple parce que le service a été retiré. Dans tous ces cas, il n'y a pas de réponse DNS incluse. La sémantique de ces codes de retour, et le comportement attendu du client, suit les règles habituelles de HTTP, sans spécificité DoH. (C'est un point important et général de DoH : c'est du DNS normal sur du HTTP normal). Par exemple, lorsque le code de retour commence par un 4, le client n'est pas censé réessayer la même requête sur le même serveur : elle donnera forcément le même résultat.
Voici un exemple de réponse DoH :
:status = 200 content-type = application/dns-message content-length = 61 cache-control = max-age=3709 [Les 61 octets, ici représentés en hexadécimal pour la lisibilité] 00 00 81 80 00 01 00 01 00 00 00 00 03 77 77 77 07 65 78 61 6d 70 6c 65 03 63 6f 6d 00 00 1c 00 01 c0 0c 00 1c 00 01 00 00 0e 7d 00 10 20 01 0d b8 ab cd 00 12 00 01 00 02 00 03 00 04
La réponse DNS signifie « l'adresse de
www.example.com
est
2001:db8:abcd:12:1:2:3:4
et le
TTL est de 3709 secondes [notez comme il
est repris dans le Cache-control:
HTTP] ».
Comment un client DoH trouve-t-il le serveur ? La section 3 du
RFC répond à cette question. En gros, c'est manuel. DoH ne fournit
pas de mécanisme de sélection automatique. Concevoir un tel
mécanisme et qu'il soit sécurisé est une question non triviale, et
importante : changer le résolveur DNS utilisé par une machine
revient quasiment à pirater complètement cette machine. Cela avait
fait une très longue discussion au sein du groupe de travail DoH à
l'IETF, entre ceux qui pensaient qu'un
mécanisme automatique de découverte du gabarit faciliterait
nettement la vie de l'utilisateur, et ceux qui estimaient qu'un
tel mécanisme serait trop facile à subvertir. Donc, pour
l'instant, le client DoH reçoit manuellement un gabarit d'URI
(RFC 6570) qui indique le serveur DoH à
utiliser. Par
exemple, un client recevra le gabarit
https://dns.example.net/{?dns}
, et il fera
alors des requêtes HTTPS à dns.example.net
,
en passant ?dns=[valeur de la requête]
.
Notez que l'URL dans le gabarit peut comporter un nom de domaine, qui devra lui-même être résolu via le DNS, créant ainsi un amusant problème d'œuf et de poule (cf. section 10 de notre RFC). Une solution possible est de ne mettre que des adresses IP dans l'URL, mais cela peut poser des problèmes pour l'authentification du serveur DoH, toutes les autorités de certification n'acceptant pas de mettre des adresses IP dans le certificat (cf. RFC 6125, section 1.7.2, et annexe B.2).
La section 5 du RFC détaille quelques points liés à
l'intégration avec HTTP. D'abord, les
caches. DNS et HTTP ont chacun son
système. Et entre le client et le serveur aux extrémités, il peut
y avoir plusieurs caches DNS et plusieurs caches HTTP, et ces
derniers ne connaissent pas forcément DoH. Que se passe-t-il si on
réinjecte dans le DNS des données venues d'un cache HTTP ? En général, les réponses aux requêtes POST ne sont pas mises
en cache (elles le peuvent, en théorie) mais les requêtes GET le
sont, et les implémenteurs de DoH doivent donc prêter attention à
ces caches. La méthode recommandée est de mettre une durée de
validité explicite dans la réponse HTTP (comme dans l'exemple plus
haut avec Cache-control:
), en suivant le RFC 9111, notamment sa section 4.2. La durée de
validité doit être inférieure ou égale au plus petit
TTL de la section principale de la réponse
DNS. Par exemple, si un serveur DoH renvoie cette réponse DNS :
ns1.bortzmeyer.org. 27288 IN AAAA 2605:4500:2:245b::42 ns2.bortzmeyer.org. 26752 IN AAAA 2400:8902::f03c:91ff:fe69:60d3 ns4.bortzmeyer.org. 26569 IN AAAA 2001:4b98:dc0:41:216:3eff:fe27:3d3f
alors, la réponse HTTP aura un Cache-Control:
max-age=26569
, le plus petit des TTL.
Si la réponse DNS varie selon le client, le serveur DoH doit en
tenir compte pour construire la réponse HTTP. Le but est d'éviter
que cette réponse adaptée à un client spécifique soit
réutilisée. Cela peut se faire avec Cache-Control:
max-age=0
ou bien avec un en-tête
Vary:
(RFC 7231,
section 7.1.4 et RFC 9111, section 4.1) qui va ajouter une
condition supplémentaire à la réutilisation des données mises en
cache.
S'il y a un en-tête Age:
dans la réponse
HTTP (qui indique depuis combien de temps cette information était
dans un cache Web, RFC 9111, section 5.1), le client DoH
doit en tenir compte pour calculer le vrai TTL. Si le TTL DNS dans
la réponse est de 600 secondes, mais que Age:
indiquait que cette réponse avait séjourné 250 secondes dans le
cache Web, le client DoH doit considérer que cette réponse n'a
plus que 350 secondes de validité. Évidemment, un client qui veut
des données ultra-récentes peut toujours utiliser le
Cache-control: no-cache
dans sa requête HTTP,
forçant un rafraichissement. (Il est à noter que le DNS n'a aucun
mécanisme équivalent, et qu'un serveur DoH ne saura donc pas
toujours rafraichir son cache DNS.)
La définition formelle du type MIME
application/dns-message
figure en section 6
de notre RFC, et ce type est désormais enregistré
à l'IANA.
La section 8 du RFC est consacrée aux questions de vie privée. C'est à la fois un des principaux buts de DoH (empêcher l'écoute par un tiers) et un point qui a fait l'objet de certaines polémiques, puisque DoH peut être utilisé pour envoyer toutes les requêtes à un gros résolveur public auquel on ne fait pas forcément confiance. Le RFC 7626 traite séparément deux problèmes : l'écoute sur le réseau, et l'écoute effectuée par le serveur. Sur le réseau, DoH protège : tout est chiffré, via un protocole bien établi, TLS. Du fait que le serveur est authentifié, l'écoute par un homme du milieu est également empêchée. DNS sur TLS (RFC 7858) a exactement les mêmes propriétés, mais pour principal inconvénient d'utiliser un port dédié, le 853, trop facile à bloquer. Au contraire, le trafic DoH, passant au milieu d'autres échanges HTTP sur le port 443, est bien plus difficile à restreindre.
Mais et sur le serveur de destination ? Une requête DNS normale
contient peu d'informations sur le client (sauf si on utilise la
très dangereuse technique du RFC 7871). Au
contraire, une requête HTTP est bien trop bavarde :
cookies (RFC 6265), en-têtes User-Agent:
et
Accept-Language:
, ordre des en-têtes sont
trop révélateurs de l'identité du client. L'utilisation de HTTP
présente donc des risques pour la vie privée du client, risques
connus depuis longtemps dans le monde HTTP mais qui sont nouveaux
pour le DNS. Il avait été envisagé, pendant la discussion à
l'IETF, de définir un sous-ensemble de HTTP ne présentant pas ces
problèmes, mais cela serait rentré en contradiction avec les buts
de DoH (qui étaient notamment de permettre l'utilisation du code
HTTP existant). Pour l'instant, c'est donc au client DoH de
faire attention. Si la bibliothèque HTTP qu'il utilise le permet,
il doit veiller à ne pas envoyer de cookies, à
envoyer moins d'en-têtes, etc.
Notez que la question de savoir si les requêtes DoH doivent voyager sur la même connexion que le trafic HTTPS normal (ce que permet HTTP/2, avec son multiplexage) reste ouverte. D'un côté, cela peut aider à les dissimuler. De l'autre, les requêtes HTTP typiques contiennent des informations qui peuvent servir à reconnaitre le client, alors qu'une connexion servant uniquement à DoH serait moins reconnaissable, le DNS étant nettement moins sensible au fingerprinting.
Comme TLS ne dissimule pas la taille des messages, et qu'un observateur passif du trafic, et qui peut en plus envoyer des requêtes au serveur DNS, peut en déduire les réponses reçues, le RFC recommande aux clients DoH de remplir les requêtes DNS selon le RFC 7830.
Le choix de Mozilla d'utiliser DoH pour son navigateur Firefox (voir un compte-rendu de la première expérience) et le fait que, dans certaines configurations, le serveur DoH de Cloudflare était systématiquement utilisé a été très discuté (cf. cette discussion sur le forum des développeurs et cet article du Register). Mais cela n'a rien à voir avec DoH : c'est le choix d'utiliser un résolveur public géré par un GAFA qui est un problème, pas la technique utilisée pour accéder à ce résolveur public. DNS-sur-TLS aurait posé exactement le même problème. Si Mozilla a aggravé les choses avec leur discours corporate habituel (« nous avons travaillé très dur pour trouver une entreprise de confiance »), il faut rappeler que le problème de la surveillance et de la manipulation des requête et réponses DNS par les FAI est un problème réel (essayez de demander à votre FAI s'il s'engage à ne jamais le faire). On a vu plus haut que DoH ne prévoit pas de système de découverte du serveur. Il faut donc que cela soit configuré en dur (un travail supplémentaire pour les utilisateurs, s'il n'y a pas de résolveur par défaut). En tout cas, le point important est que DoH (ou DNS-sur-TLS) ne protège la vie privée que si le serveur DoH est honnête. C'est une limitation classique de TLS : « TLS permet de s'assurer qu'on communique bien avec Satan, et qu'un tiers ne peut pas écouter ». Mais DoH n'impose pas d'utiliser un serveur public, et impose encore moins qu'il s'agisse d'un serveur d'un GAFA.
La section 9 de notre RFC traite des autres problèmes de sécurité. D'abord, sur la relation entre DoH et DNSSEC. C'est simple, il n'y en a pas. DNSSEC protège les données, DoH protège le canal (une distinction que les promoteurs de DNSCurve n'ont jamais comprise). DNSSEC protège contre les modifications illégitimes des données, DoH (ou bien DNS-sur-TLS) protège contre l'écoute illégitime. Ils résolvent des problèmes différents, et sont donc tous les deux nécessaires.
Quant à la section 10 du RFC, elle expose diverses considérations pratiques liées à l'utilisation de DoH. Par exemple, si un serveur faisant autorité sert des réponses différentes selon l'adresse IP source du client (RFC 6950, section 4), utiliser un résolveur public, qu'on y accède via DoH ou par tout autre moyen, ne donnera pas le résultat attendu, puisque l'adresse IP vue par le serveur faisant autorité sera celle du résolveur public, probablement très distincte de celle du « vrai » client. Un exemple similaire figure dans le RFC : une technique comme DNS64 (RFC 6147) risque fort de ne pas marcher avec un résolveur DNS extérieur au réseau local.
Quelles sont les mises en œuvre de DoH ? Le protocole est assez récent donc votre système favori n'a pas forcément DoH, ou alors c'est seulement dans les toutes dernières versions. Mais DoH est très simple à mettre en œuvre (c'est juste la combinaison de trois protocoles bien maitrisés, et pour lesquels il existe de nombreuses bibliothèques, DNS, HTTP et TLS) et le déploiement ne devrait donc pas poser de problème.
Voyons maintenant ce qui existe, question logiciels et
serveurs. On a vu que Cloudflare a un serveur public, le fameux
1.1.1.1
étant
accessible en DoH (et également en DNS-sur-TLS). Je ne
parlerai pas ici de la question de la confiance qu'on peut
accorder à ce serveur (je vous laisse lire sa politique
de vie privée et l'évaluer vous-même), qui avait été
contestée lors de la polémique Mozilla citée plus haut. Cloudflare
fournit également une bonne
documentation sur DoH, avec une explication
de l'encodage. Enfin, Cloudflare fournit un résolveur
simple (comme stubby ou systemd cités plus haut) qui est un client
DoH, cloudflared.
Un autre serveur DoH public, cette fois issu du monde du
logiciel libre, est celui de l'équipe
PowerDNS, https://doh.powerdns.org/
(cf. leur
annonce). Il utilise leur logiciel dnsdist.
Vous trouverez une liste de serveurs DoH publics chez DefaultRoutes ou
bien chez
curl ou encore sur
le portail dnsprivacy.org. Testons ces serveurs DoH
publics avec le programme doh-nghttp.c
, qui avait
été écrit au hackathon IETF 101,
on lui donne l'URL du serveur DoH, et le nom à résoudre, et il
cherche l'adresse IPv4 correspondant à ce nom :
% ./doh-nghttp https://doh.powerdns.org/ www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153 % ./doh-nghttp https://1.1.1.1/dns-query www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153 % ./doh-nghttp https://doh.defaultroutes.de/dns-query www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153 % ./doh-nghttp https://mozilla.cloudflare-dns.com/dns-query www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153
Parfait, tout a bien marché. Un autre serveur DoH a la particularité d'être un résolveur menteur (regardez son nom) :
% ./doh-nghttp https://doh.cleanbrowsing.org/doh/family-filter/ www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153 % ./doh-nghttp https://doh.cleanbrowsing.org/doh/family-filter/ pornhub.com The search had no results, and a return value of 8. Exiting. % ./doh-nghttp https://doh.powerdns.org/ pornhub.com The address is 216.18.168.16
Bon, et si je veux faire mon propre serveur DoH, on a quelles solutions ? Voyons d'abord le doh-proxy de Facebook. On lui indique le résolveur qu'il va utiliser (il n'est pas inclus dans le code, il a besoin d'un résolveur complet, a priori sur la même machine ou le même réseau local) :
% doh-proxy --port=9443 --upstream-resolver=192.168.2.254 --certfile=server.crt --keyfile=server.key --uri=/ 2018-09-27 10:04:21,997: INFO: Serving on <Server sockets=[<socket.socket fd=6, family=AddressFamily.AF_INET6, type=2049, proto=6, laddr=('::1', 9443, 0, 0)>]>
Et posons-lui des questions avec le même client doh-nghttp
:
% ./doh-nghttp https://ip6-localhost:9443/ www.bortzmeyer.org The address is 204.62.14.153
C'est parfait, il a marché et affiche les visites :
2018-09-27 10:04:24,264: INFO: [HTTPS] ::1 www.bortzmeyer.org. A IN 0 RD 2018-09-27 10:04:24,264: INFO: [DNS] ::1 www.bortzmeyer.org. A IN 56952 RD 2018-09-27 10:04:24,639: INFO: [DNS] ::1 www.bortzmeyer.org. A IN 56952 QR/RD/RA 1/0/0 -1/0/0 NOERROR 374ms 2018-09-27 10:04:24,640: INFO: [HTTPS] ::1 www.bortzmeyer.org. A IN 0 QR/RD/RA 1/0/0 -1/0/0 NOERROR 375ms
Au même endroit, il y a aussi un client DoH :
% doh-client --domain 1.1.1.1 --uri /dns-query --qname www.bortzmeyer.org 2018-09-27 10:14:12,191: DEBUG: Opening connection to 1.1.1.1 2018-09-27 10:14:12,210: DEBUG: Query parameters: {'dns': 'AAABAAABAAAAAAAAA3d3dwpib3J0em1leWVyA29yZwAAHAAB'} 2018-09-27 10:14:12,211: DEBUG: Stream ID: 1 / Total streams: 0 2018-09-27 10:14:12,219: DEBUG: Response headers: [(':status', '200'), ('date', 'Thu, 27 Sep 2018 08:14:12 GMT'), ('content-type', 'application/dns-message'), ('content-length', '103'), ('access-control-allow-origin', '*'), ('cache-control', 'max-age=5125'), ('expect-ct', 'max-age=604800, report-uri="https://report-uri.cloudflare.com/cdn-cgi/beacon/expect-ct"'), ('server', 'cloudflare-nginx'), ('cf-ray', '460c83ee69f73c53-CDG')] id 0 opcode QUERY rcode NOERROR flags QR RD RA AD edns 0 payload 1452 ;QUESTION www.bortzmeyer.org. IN AAAA ;ANSWER www.bortzmeyer.org. 5125 IN AAAA 2001:4b98:dc0:41:216:3eff:fe27:3d3f www.bortzmeyer.org. 5125 IN AAAA 2605:4500:2:245b::42 ;AUTHORITY ;ADDITIONAL 2018-09-27 10:14:12,224: DEBUG: Response trailers: {}
Ainsi qu'un résolveur simple (serveur DNS et client DoH).
Il ne faut pas confondre ce doh-proxy écrit en Python avec un logiciel du même nom écrit en Rust (je n'ai pas réussi à le compiler, celui-là, des compétences Rust plus avancées que les miennes sont nécessaires).
Et les clients, maintenant ? Commençons par le bien connu curl, qui a DoH est depuis la version 7.62.0 (pas encore publiée à l'heure où j'écris, le développement est documenté ici.) curl (comme Mozilla Firefox) fait la résolution DNS lui-même, ce qui est contestable (il me semble préférable que cette fonction soit dans un logiciel partagé par toutes les applications). Voici un exemple :
% ./src/.libs/curl -v --doh-url https://doh.powerdns.org/ www.bortzmeyer.org ... [Se connecter au serveur DoH] * Connected to doh.powerdns.org (2a01:7c8:d002:1ef:5054:ff:fe40:3703) port 443 (#2) * ALPN, offering h2 ... * SSL connection using TLSv1.2 / ECDHE-RSA-AES256-GCM-SHA384 * Server certificate: * subject: CN=doh.powerdns.org ... [Envoyer la requête DoH] * Using Stream ID: 1 (easy handle 0x5631606cbd50) > POST / HTTP/2 > Host: doh.powerdns.org > Accept: */* > Content-Type: application/dns-message > Content-Length: 36 ... < HTTP/2 200 < server: h2o/2.2.5 < date: Thu, 27 Sep 2018 07:39:14 GMT < content-type: application/dns-message < content-length: 92 ... [On a trouvé la réponse DoH] * DOH Host name: www.bortzmeyer.org * TTL: 86392 seconds * DOH A: 204.62.14.153 * DOH AAAA: 2001:4b98:0dc0:0041:0216:3eff:fe27:3d3f * DOH AAAA: 2605:4500:0002:245b:0000:0000:0000:0042 ... [On peut maintenant se connecter au serveur HTTP - le but principal de curl - maintenant qu'on a son adresse IP] * Connected to www.bortzmeyer.org (204.62.14.153) port 80 (#0) > GET / HTTP/1.1 > Host: www.bortzmeyer.org > User-Agent: curl/7.62.0-20180927 > Accept: */* >
Pour les programmeurs Go, l'excellente bibliothèque godns n'a hélas pas DoH (pour des raisons internes). Du code expérimental avait été écrit dans une branche mais a été abandonné. Les amateurs de Go peuvent essayer à la place cette mise en œuvre (on notera que ce client sait parler DoH mais aussi le protocole spécifique et non-standard du résolveur public Google Public DNS).
Pour les programmeurs C, la référence
est la bibliothèque getdns (notez que c'est elle
qui a été utilisée pour le client doh-nghttp
cité plus haut). Le code DoH est, à la parution du RFC, toujours
en cours de développement et pas encore dans un dépôt public. Une
fois que cela sera fait, stubby, qui utilise getdns, pourra parler
DoH.
Voilà, si vous n'êtes pas épuisé·e·s, il y a encore des choses à lire :
Première rédaction de cet article le 19 octobre 2018
J'ai récemment dû faire deux sites Web et leur cahier des charges permettait de faire des sites Web statiques, ce qui a de nombreux avantages. Parmi les dizaines de logiciels qui permettent de faire un site Web statique, j'ai choisi Pelican.
Un de ces deux sites (l'autre est privé) est celui de mon livre.
Pourquoi un site Web statique, et non pas généré à la demande via un CMS ? Cela présente plusieurs avantages :
Bref, pas question d'utiliser WordPress ou Drupal. Mais, alors, comment faire ? Une solution évidente est de tout faire à la main, éditant le HTML du site avec un éditeur texte ordinaire. Cette solution n'est pas forcément agréable. Éditer du HTML n'est pas très amusant (même si, au début du Web, tout le monde faisait comme cela car il n'y avait pas le choix), et surtout, cela rend très difficile le maintien d'une apparence cohérente entre toutes les pages du site. Bien sûr, l'utilisation d'un fichier CSS identique pour toutes les pages fera que des questions esthétiques comme la couleur du fond ou comme la police utilisée seront traitées de manière identique pour toutes les pages. Mais cela ne règle pas le cas d'éléments qu'on veut voir partout, et que CSS ne sait pas gérer, ou en tout cas pas facilement avec les navigateurs actuels. Par exemple, si on veut un pied de page identique partout, avec une adresse du webmestre et un menu, faire les pages à la main nécessiterait du copier/coller pénible et, surtout, rendrait difficile toute modification ultérieure de ce pied de page.
Une solution possible serait d'utiliser un CMS pour créer du contenu, ce qui permettrait aux utilisateurs attachés à ces outils de rédiger du contenu, puis de transformer le site Web dynamique en statique, avec un outil comme httrack, et de faire servir ensuite le contenu statique. Mais, ici, comme j'étais le seul à ajouter du contenu, le problème d'utilisation d'un éditeur ne se posait pas, je suis plus à l'aise avec un éditeur de texte qu'avec les éditeurs des CMS.
Les générateurs de site Web statiques utilisent tous le concept de gabarit. On écrit un gabarit que doivent respecter les pages, puis on écrit les pages et le générateur de site Web statique réalise l'incarnation de ces pages en fichiers HTML qui suivent le gabarit. De tels outils sont presque aussi anciens que le Web. Le premier que j'ai utilisé était wml, puis Blosxom a été le plus à la mode, puis Jekyll. Et il en existe aujourd'hui une quantité étonnante, beaucoup de programmeurs ayant apparemment eu envie d'écrire le leur. Pour en choisir un, mon cahier des charges était logiciel libre, et disponible sous forme d'un paquetage dans la version stable de Debian (car je souhaitais réaliser des sites Web, pas passer du temps à de l'administration système et de l'installation de logiciels).
Voyons maintenant les différents générateurs de sites Web statiques que j'ai testé, en commençant par celui que j'ai finalement choisi, Pelican. Pelican est écrit en Python (cela peut avoir son importance si vous souhaitez en étendre les fonctions, et même le fichier de configuration d'un site est en Python). Il est surtout prévu pour des blogs, avec une notion de chronologie, alors que mon utilisation est différente, juste un ensemble de pages. La plupart de ces générateurs de sites statiques sont, comme Pelican, plutôt orientés vers le blog.
Une fois installé (paquetage Debian pelican
),
on crée un répertoire pour les fichiers de son site, on se rend
dans ce répertoire, et on lance la commande
pelican-quickstart
qui va interactivement
vous guider et générer les fichiers nécessaires. Comme toutes les
commandes interactives, c'est pénible à utiliser mais cela peut
être utile aux débutants. La plupart des questions sont simples et
la valeur par défaut est raisonnable, sauf pour les dernières, où
pelican-quickstart
vous demande comment
installer les pages produites sur votre site Web. Il propose
FTP, SSH, et des
commandes spécifiques pour des environnements fermés chez des GAFA
comme Dropbox ou
S3. Personnellement, je n'aime pas que la
réponse à la question « Do you want to specify a URL
prefix? » soit Oui par défaut. Dans ce cas, Pelican
définit une variable SITEURL
dans la
configuration et tous les liens sont préfixés par cet
URL, ce qui empêche de tester le site en
local, un comble pour un générateur de sites statiques. Je réponds
donc Non à cette question (ou bien je mets
RELATIVE_URLS
à True
dans publishconf.py
).
Ensuite, nous pouvons rédiger le premier article. Pelican
accepte des articles faits en Markdown et
reST. Ici,
j'utilise Markdown. J'édite un premier article
content/bidon.md
, et j'y mets :
Title: C'est trop tôt Date: 2018-10-11 Test *bidon*, vraiment.
Les deux premières lignes sont des
métadonnées spécifiques à Pelican. Il faut
indiquer le titre de l'article et la date (rappelez-vous que
Pelican est optimisé pour des blogs, où les articles sont classés
par ordre rétro-chronologique). Si, comme moi, vous faites un site
Web qui n'est pas un blog, la date n'est pas nécessaire (les
détails suivent). Ensuite, pelican-quickstart
ayant créé le Makefile qui va
bien, un simple make publish
suffit à
fabriquer les fichiers HTML, dans le répertoire
./output
. On peut alors pointer son
navigateur Web favori vers
output/index.html
. (pelican
content
donne le même résultat que make
publish
. Tapez make
sans argument
pour voir la liste des possibilités.) Pour copier les fichiers
vers la destination, si vous avez configuré un des mécanismes de
téléversement, vous pouvez faire make
XXX_upload
, où XXX est votre méthode de
téléversement. Par exemple, si vous avez configuré
SSH, ce sera make
ssh_upload
(mais vous pouvez évidemment éditer le
Makefile pour donner un autre nom).
Si vous voulez changer la configuration du site après, les
fichiers de configuration sont eux-même écrits en
Python, donc il est utile de connaitre un
peu ce langage pour éditer pelicanconf.py
et
publishconf.py
. Par exemple, si vous voulez
que les dates soient affichées en français, avoir répondu
fr
aux questions de
pelican-quickstart
ne suffit pas, il faut
ajouter LOCALE = ('fr_FR', 'fr')
à
pelicanconf.py
.
En mode blog, Pelican met chaque article dans une catégorie, indiquée dans les métadonnées (si vous ne mettez rien, comme dans l'exemple de fichier Markdown plus haut, c'est mis dans la catégorie « misc »).
Je l'avais dit, les deux sites Web où j'utilise Pelican ne sont
pas de type blog, mais plutôt des sites classiques, avec un
ensemble de pages, sans notion d'ordre chronologique. Pour cela,
il faut mettre ces pages (Pelican appelle les fichiers d'un blog chronologique
« articles » et les autres fichiers, par exemple les mentions
légales, des « pages ») dans un répertoire
content/pages
, et dire à Pelican sous quel
nom enregistrer l'HTML produit, sinon, ses choix peuvent être
différents de ce qu'on aurait choisi (mais on n'a plus à mettre la
date) :
% mkdir content/pages % emacs content/pages/mentions-legales.md % make publish Done: Processed 3 articles, 0 drafts, 1 page and 0 hidden pages in 0.12 seconds.
Vous voyez que vous avez maintenant « 1 page », en plus des articles. Ces pages apparaitront en haut de la page d'accueil (tout ceci peut évidemment se changer, voyez plus loin quand on parlera des thèmes).
Pour avoir les pages enregistrées sous un nom de fichier de son
choix, on utilise save_as
:
% cat content/pages/mentions-legales.md Title: Mentions légales save_as: legal.html Faites ce que vous voulez avec ce site.
(Voir la bonne
FAQ sur ce sujet.) Évidemment, dans ce cas, le menu
automatique ne marchera plus et il faudra, dans le thème qu'on
développe, mettre son menu à soi. Mais je n'ai pas encore expliqué
les thèmes. Avant cela, notons qu'on peut redéfinir la page
d'accueil de
la même façon, avec save_as:
index.html
.
Alors, les thèmes, c'est quoi ? C'est un ensemble
de gabarits HTML, de
fichiers CSS et d'images qui, ensemble,
vont assurer la cohérence du site Web, ses menus, son apparence
graphique. Si vous avez fait votre propre site en suivant les
instructions ci-dessus, vous avez utilisé le thème par défaut, qui
se nomme « simple » et qui est livré avec
Pelican. C'est lui qui définit par exemple le pied de page
« Proudly powered by Pelican, which takes great advantage
of Python ». S'il ne vous plait pas, vous pouvez avoir
votre propre thème, soit en l'écrivant en partant de zéro (c'est
bien
documenté) soit en utilisant un thème existant (on en
trouve en ligne, par exemple en http://pelicanthemes.com/
). Et, bien sûr, vous pouvez
aussi prendre un thème existant et le modifier. Comme exemple, je
vais faire un thème ultra-simple en partant de zéro.
Appelons-le « red » :
% mkdir -p themes/red % mkdir -p themes/red/static/css % mkdir -p themes/red/templates % emacs themes/red/templates/base.html % emacs themes/red/templates/page.html % emacs themes/red/templates/article.html
Le code de base.html
est disponible dans ce fichier, celui de
page.html
dans celui-ci et enfin celui
de article.html
à cet
endroit. base.html
définit les
éléments communs aux articles et aux pages. Ainsi, il contient
<footer>Mon joli
site.</footer>
, qui spécifie le pied qu'on
trouvera dans tous les fichiers HTML.
Pelican permet également d'utiliser des variables et des tests,
avec le moteur de gabarit Jinja. C'est ainsi qu'on spécifie le titre
d'un article : {{ SITENAME }} - {{ article.title
}}
indique que le titre comprend d'abord le nom du site
Web, puis un tiret, puis la variable
article.titre
, obtenue via la métadonnée
Title:
mise plus haut dans le source
Markdown.
Une fois le thème créé, on peut l'utiliser en le spécifiant sur la ligne de commande :
% pelican -t themes/red content
Ou bien si on veut utiliser make publish
comme avant, on ajoute juste dans
pelicanconf.py
:
THEME = 'themes/red'
Notez qu'on n'est pas obligé de mettre le thème dans un
sous-dossier de themes
. Si on ne compte pas
changer de thème de temps en temps, on peut aussi placer
static
et templates
dans le dossier themes
, voire directement à
la racine du répertoire de développement.
On a rarement un thème qui marche du premier coup, il y a
plusieurs essais, donc un truc utile est la commande
make regenerate
, qui tourne en permanence,
surveille les fichiers, et regénère automatiquement et
immédiatement les fichiers HTML en cas de changement. Une autre
commande utile est make serve
qui lance un
serveur Web servant le contenu créé, le site étant désormais
accessible en http://localhost:8000/
(personnellement, x-www-browser
output/index.html
me suffit).
Si les fonctions de base ne suffisent pas, Pelican peut ensuite être étendu de plusieurs façons différentes. Notez d'abord que Jinja fournit beaucoup de possibilités (cf. sa documentation). Ensuite, imaginons par exemple qu'on veuille inclure des données CSV dans ses articles ou pages. On peut écrire un plugin (c'est bien documenté) mais il existe aussi plein de plugins tout faits, n'hésitez pas à chercher d'abord si l'un d'eux vous convient (ici, peut-être Load CSV). Mais on peut aussi envisager un programme dans le langage de son choix, qui lise le CSV et produise le Markdown. Ou bien, puisque les fichiers de configuration sont du Python, on peut y mettre du code Python, produisant des variables qu'on utilisera ensuite dans son thème (notez qu'on peut définir ses propres métadonnées).
Dernière solution, étendre Markdown avec une extension au paquetage
Python markdown
, qu'utilise Pelican. Ces
extensions sont bien
documentées, et il existe un tutoriel. On
peut alors programmer dans l'extension tout ce qu'on veut, et
produire le HTML résultant, avec Element
Tree. C'est personnellement ce que j'utilise le plus
souvent.
Pour terminer avec Pelican, quelques bonnes lectures :
Voici pour Pelican. Et les autres générateurs de sites statiques, du moins les quelques-uns que j'ai testés, parmi la grande variété disponible ? Actuellement, Hugo semble le plus à la mode. Il est programmé en Go. Comme Pelican, il est très nettement orienté vers la réalisation de blogs chronologiques. Le paquetage Debian est très ancien par rapport à la syntaxe toujours changeante, et je n'ai pas réussi à traiter un seul des thèmes existants, n'obtenant que des messages incompréhensibles. Je ne suis pas allé plus loin, je ne sais notamment pas si Hugo peut être utilisé pour des sites qui sont des ensembles de pages plutôt que des blogs.
Au contraire d'Hugo, tout beau et tout neuf, Jekyll est stable et fait du
bon travail. Un coup de jekyll build
et on a
son site dans le répertoire _site
. On peut
aussi faire un site
non-blog. Jekyll
est lui, écrit en Ruby. Par contre, je
n'ai pas bien compris comment on créait son thème, et c'est une
des raisons pour lesquelles j'ai choisi Pelican.
Au contraire de Jekyll, Gutenberg est récent, et développé dans un langage récent, Rust. Trop nouveau pour moi, il nécessite le gestionnaire de paquetages Cargo qui n'existe apparemment pas sur Debian stable.
Écrit dans un langage bien moins commun, Hakyll est en Haskell, et même le fichier de configuration est un programme Haskell. Mais il est inutilisable sur Debian stable, en raison d'une bogue qui affiche un message très clair :
AesonException "Error in $.packages.cassava.constraints.flags: failed to parse field packages: failed to parse field constraints: failed to parse field flags: Invalid flag name: \"bytestring--lt-0_10_4\""
Enfin, j'ai regardé du côté de PyBlosxom mais j'ai renoncé, trouvant la documentation peu claire pour moi.
Les solutions les plus simples étant souvent les meilleures, il
faut se rappeler qu'on peut tout simplement faire un site statique
avec pandoc. pandoc prend des fichiers
Markdown (et bien d'autres formats) et un
coup de pandoc --standalone --to html5 -o index.html
index.md
(qu'on peut automatiser avec
make) produit de l'HTML. Si on veut donner une
apparence cohérente à ses pages Web, pandoc a égakement un système
de gabarits
(mais, la plupart du temps, il n'est même pas nécessaire, utiliser
le gabarit par défaut et définir
quelques variables sur la ligne de commande de pandoc peut suffire).
Comme je l'ai dit au début, il y a vraiment beaucoup de générateurs de sites statiques et je suis très loin de les avoir tous testés. Rien que dans les paquetages Debian, il y a encore staticsite et blogofile.
Vu le grand nombre de générateurs de sites Web statiques, on ne s'étonne pas qu'il existe plusieurs articles de comparaison :
Et, évidemment, il existe toujours la solution bien geek consistant à développer son propre outil, comme je l'avais fait pour ce blog.
Auteur(s) du livre : Bruce Schneier
Éditeur : Norton
978-0393-60888-5
Publié en 2018
Première rédaction de cet article le 6 octobre 2018
D'accord, le titre est vraiment putaclic mais il résume bien le livre. Bruce Schneier se pose la question de la sécurité de l'Internet des Objets, faisant notamment remarquer que le conséquences d'une panne ou d'une attaque changent. Contrairement à la sécurité informatique classique, avec l'Internet des Objets, il peut y avoir des conséquences dans le monde physique, y compris des conséquences mortelles.
Schneier est l'auteur de nombreux livres sur la sécurité (pas forcément uniquement la sécurité informatique). Il explique toujours bien et synthétise avec talent les questions de sécurité. C'est d'autant plus méritoire que la sécurité est un sujet hautement politisé, où il est difficile de parler sérieusement. Pensons par exemple aux mesures adoptées pour lutter contre l'ennemi djihadiste. Dès qu'on fait entendre un point de vue critique, ou simplement nuancé, on se fait accuser d'être « trop mou face au terrorisme » voire « complice des terroristes ». Schneier appelle au contraire à envisager la sécurité comme un sujet sérieux, et donc à s'abstenir de ce genre d'accusations tranchantes. Dans ses livres (comme « Beyond Fear ») et sur son blog, il remet sans cesse en cause les certitudes, critique le « show sécuritaire », demande qu'on évalue les mesures de sécurité, leur efficacité et leur coût, au lieu de simplement dire « il faut faire quelque chose, peu importe quoi ».
Le sujet de ce livre (plutôt un essai relativement court) est l'Internet des Objets. C'est un terme marketing, flou et mal défini. Schneier lui préfère celui d'« Internet+ », dont il reconnait qu'il n'est pas meilleur mais qu'il a l'avantage de forcer à reconsidérer de quoi on parle. En gros, il y a aujourd'hui énormément d'« objets » connectés à l'Internet. Ils ont en commun d'être des ordinateurs, mais de ne pas être perçus comme tels. Ce sont des ordinateurs, car ils en ont le matériel et surtout le logiciel, avec ses bogues et ses failles de sécurité. (Pour paraphraser l'auteur, « Un grille-pain moderne est un ordinateur avec des résistances chauffantes en plus ».) Mais ils ne sont pas perçus comme tels, donc le logiciel ne fait l'objet d'aucune analyse de sécurité, le problème de la mise à jour n'est pas envisagé, et les sociétés qui produisent ces objets n'ont aucune culture de sécurité, et refont en 2018 les erreurs que l'industrie informatique faisait il y a 20 ans (mots de passe par défaut, menaces judiciaires contre ceux qui signalent des failles de sécurité, tentative d'empêcher la rétro-ingénierie, affirmations grotesques du genre « notre système est parfaitement sécurisé »). La sécurité des objets connectés, de l'« Internet+ » est donc abyssalement basse. À chaque conférence de sécurité, on a de nombreux exposés montrant la facilité avec laquelle ces objets peuvent être piratés. Schneier cite une classe de politique du monde numérique où, au cours d'un travail pratique, la moitié des étudiants ont réussi à pirater une poupée connectée, alors même qu'ils et elles sont des juristes ou des étudiants en sciences politiques, pas des pentesteurs.
Tant que l'object connecté est une brosse à dents, et que le piratage a pour seule conséquence d'empêcher cette brosse de fonctionner, ce n'est pas trop grave. Mais beaucoup d'objets ont des capacités bien plus étendues, et qui touchent le monde physique (d'où le titre sensationnaliste du livre). Si l'objet est une voiture, ou un dispositif de sécurité d'une usine, ou un appareil électrique potentiellement dangereux, les conséquences peuvent être bien plus graves. On est loin des problèmes de sécurité de WordPress, où la seule conséquence en cas de piratage est l'affichage d'un message moqueur sur la page d'accueil du site Web !
(Je rajoute, à titre personnel - ce n'est pas dans le livre, qu'il est scandaleux que, pour beaucoup d'objets, l'acheteur n'ait plus le choix. Aujourd'hui, acheter une télévision ou une voiture qui ne soit pas connectée, est devenu difficile, et demain, ce sera impossible. Un changement aussi crucial dans nos vies a été décidé sans que le citoyen ait eu son mot à dire.)
Schneier explique en détail les raisons techniques, pratiques et financières derrière l'insécurité informatique mais il note que cette insécurité ne déplait pas à tout le monde. Des services étatiques comme la NSA (dont la mission est justement de pirater des systèmes informatiques) aux entreprises qui gagnent de l'argent en exploitant des données personnelles, des tas d'organisations profitent de cette insécurité, ce qui est une des raisons pour laquelle elle ne se réduit guère. (Pour la NSA, Schneier préconise de la séparer en deux organisations radicalement distinctes, une chargée de l'attaque et une de la défense. Actuellement, la NSA est censée faire les deux, et, en pratique, l'attaque est toujours jugée plus importante. Cela amène la NSA, par exemple, à ne pas transmettre aux auteurs de logiciels les failles de sécurité détectées, de façon à pouvoir les exploiter. Le système français a aussi ses défauts mais, au moins, l'attaque - armée et DGSE - et la défense - ANSSI - sont clairement séparées, et la défense ne dépend pas de l'armée ou de la police, qui sont intéressées à conserver l'insécurité informatique.)
Notez que le livre est clairement écrit d'un point de vue états-unien et parle surtout de la situation dans ce pays.
Et les solutions ? Parce que ce n'est pas tout de faire peur aux gens, avec des scénarios qui semblent sortis tout droit des séries télé « Black Mirror » ou « Mr Robot ». Il faut chercher des solutions. L'auteur expose successivement le quoi, le comment et le qui. Le quoi, c'est le paysage que nous voudrions voir émerger, celui d'un « Internet+ » dont la sécurité ne soit pas risible, comme elle l'est actuellement. Les solutions ne vont pas de soi, car elles auront forcément un coût, et pas uniquement en argent, mais aussi en facilité d'usage et en générativité (pour reprendre le terme de Jonathan Zittrain, qui désigne ainsi la capacité d'une technique à faire des choses non prévues par ses concepteurs). Un exemple d'un choix difficile : le logiciel de l'objet doit-il être mis à jour automatiquement et à distance ? Du point de vue de la sécurité, c'est clairement oui, mais cela ouvre des tas de problèmes, comme la possibilité pour le vendeur de garder un contrôle sur l'objet vendu (cf. RFC 8240 pour les détails). Autre point qui sera difficile à avaler (et l'auteur n'en parle d'ailleurs que très peu) : il ne faudra pas tout connecter. Connecter des frigos et des télés à l'Internet est peut-être pratique et sexy mais c'est dangereusement irresponsable.
Le comment, ce sont les moyens d'y arriver. Et le qui, c'est la question brûlante de savoir quelle organisation va devoir agir.
Schneier ne croit pas au marché, qui a largement démontré son incapacité à résoudre les problèmes de sécurité. Cela semble une évidence mais il ne faut pas oublier que Schneier écrit pour un public états-unien, pour qui le marché est sacré, et toute suggestion comme quoi le marché n'est pas parfait est vite assimilée au communisme. Bruce Schneier suggère donc un rôle essentiel pour l'État, une position courageuse quand on écrit aux États-Unis. Il ne se fait pas d'illusions sur l'État (il décrit plusieurs cas où l'État, ses lois, ses règles et ses pratiques ont contribué à aggraver le problème, comme par exemple la loi DMCA) mais il ne voit pas d'autre option réaliste, en tout cas certainement pas l'« auto-régulation » (autrement dit le laisser-faire) chère à la Silicon Valley.
Bruce Schneier est bien conscient qu'il n'y a pas de solution idéale, et que la sécurisation de l'Internet+ sera douloureuse. Si vous lisez ce livre, ce que je vous recommande fortement, vous ne serez certainement pas d'accord avec tout, comme moi. (Par exemple, la proposition de faire du FAI le responsable de la sécurité des réseaux des utilisateurs à la maison m'inquiète. Et sa suggestion d'ajouter encore des règles et des processus, alors qu'au contraire cela sert en général à encourager l'irresponsabilité n'est pas idéale non plus.) Mais ne nous faisons pas d'illusion : on n'aura pas de solution parfaite. Et, si nous ne faisons rien, nous aurons peut-être des « solutions » catastrophiques, par exemple des règles ultra-liberticides imposées en mode panique par des politiciens affolés, après une grosse crise due à un objet connecté.
Vous serez peut-être également intéressé·e par cet exposé de l'auteur au sujet de ce livre.
Première rédaction de cet article le 30 septembre 2018
Le 28 septembre, au Centre Social des Abeilles à Quimper, j'ai participé à un apéro/discussion sur le thème « Web et vie privée ». Je faisais l'introduction à la discussion
Voici les supports de cette introduction :
La vidéo est en ligne. La longue discussion qui a suivi ne l'est pas, pour respecter la vie privée des participants. (Une autre copie de la vidéo est sur le site original.)
Merci à Brigitte pour l'idée et l'organisation, à Salim pour l'accueil, à René pour la vidéo et à tou·te·s les participant·e·s, nombreu·x·ses et acti·f·ve·s. Un compte-rendu de cet apéro-discussion, avec plans pour le futur a été écrit par Brigitte. (Il y a aussi mon interview à France Bleu mais le titre choisi par la rédaction est trompeur.)
Première rédaction de cet article le 23 septembre 2018
Un problème courant que rencontrent les techniciens débutant en DNS est « je voudrais mettre un enregistrement CNAME - un alias - à l'apex de ma zone DNS mais l'ordinateur ne veut pas ». Pourquoi est-ce refusé ? Comment l'autoriser sans casser tout l'Internet ? La discussion dure depuis de nombreuses années et, je vous révèle tout de suite la conclusion de cet article, n'est pas près de se terminer.
Commençons par une description concrète du problème. Alice,
technicienne DNS, a été informée par le
webmestre de sa boîte (nommée Michu SA et ayant le nom
de domaine michu.example
) que le serveur Web de ladite boîte est
désormais hébergé par un CDN nommé Example
et qu'il est accessible par le nom
michu-sa.example-cdn.net
. Et le webmestre
voudrait que les visiteurs puissent juste taper
https://michu.example/
. Alice connait assez
le DNS pour savoir qu'il y a des alias (un type d'enregistrement
nommé CNAME) et elle met donc dans le fichier de zone :
michu.example. IN CNAME michu-sa.example-cdn.net.
Ça devrait contenter tout le monde, pense-t-elle. Mais, si elle connait assez le DNS pour savoir que le type d'enregistrement CNAME existe, elle ne le connait pas assez pour avoir lu le RFC 1034, section 3.6.2 : If a CNAME RR is present at a node [a node in the domain name tree, so a domain name], no other data should be present. Et c'est le drame, au chargement de la zone, NSD dit error: /etc/nsd/michu.example:19: CNAME and other data at the same name. Si Alice avait utilisé BIND, elle aurait eu une erreur similaire : dns_master_load: michu.example:19: michu.example: CNAME and other data. L'enregistrement CNAME rentre en conflit avec les enregistrements qu'on trouve à l'apex d'une zone, comme le SOA et les NS. La solution simple ne marche donc pas.
www.michu.example. IN CNAME michu-sa.example-cdn.net.
aurait marché mais le service communication voudrait un
URL sans www
devant.
Au passage, pourquoi est-ce que c'est interdit de mettre un alias et d'autres données au même nom ? La principale raison est qu'un enregistrement CNAME est censé créer un alias, un synonyme. Si on pouvait écrire :
michu.example. IN AAAA 2001:db8::ff michu.example. IN CNAME michu-sa.example-cdn.net.
Et qu'un client DNS demande l'enregistrement de type AAAA pour
michu.example
, que faudrait-il lui répondre ?
2001:db8::ff
, ou bien l'adresse IPv6 de
michu-sa.example-cdn.net
? Avec
l'interdiction de coexistence du CNAME et d'autres données, le
problème est réglé.
Bon, se dit Alice, ça ne marche pas, mais on peut essayer
autrement : cherchons l'adresse IP correspondant au nom
michu-sa.example-cdn.net
et mettons-là dans
le fichier de zone :
% dig +short AAAA michu-sa.example-cdn.net 2001:db8:1000:21::21:4
michu.example. IN AAAA 2001:db8:1000:21::21:4
Cette fois, ça marche, mais il y a plusieurs inconvénients :
Bref, que faire ? Plusieurs sociétés ont développé une solution non-standard ne marchant que chez eux. L'IETF, dont c'est le rôle de développer des solutions standards, s'est penchée à de nombreuses reprises sur la question, et d'innombrables brouillons ont été produits, sans qu'un consensus ne se dégage. Déjà, il n'y a pas d'accord clair sur le cahier des charges. (Le scénario d'usage présenté plus haut n'est qu'un des scénarios possibles.) Je ne vais pas présenter tous ces brouillons, juste dégager les pistes de solution. Mais, comme vous le verrez, aucune n'est parfaite. Une des contraintes fortes est qu'on sait bien que, quelle que soit la décision prise par l'IETF, le nouveau logiciel, mettant en œuvre la décision, ne sera pas déployé immédiatement : il faudra des années, voire davantage, pour qu'une part significative des clients et serveurs DNS soient à jour. Il faudra donc, non seulement modifier les règles du DNS, mais également spécifier ce qu'il faudra faire pendant la très longue période de transition. (Et, s'il vous plait, pas de yakafokon du genre « les gens n'ont qu'à mettre à jour leur logiciel plus souvent ». Cela n'arrivera pas.)
Voici maintenant les diverses pistes envisagées. Avant de dire « ah, celle-ci a l'air cool », prudence. Rappelez-vous qu'il existe de nombreux cas (minimisation de la requête - RFC 9156 - ou pas, résolveur chaud - ayant déjà des informations dans sa mémoire - ou pas), et que la période de transition va être très longue, période pendant laquelle il faut que cela marche pour les anciens et pour les modernes.
Première idée, décider qu'il n'y a pas de problème. On laisse le DNS comme il est et le problème doit être entièrement traité côté avitaillement (le type qui édite le fichier de zone, ou bien le logiciel qui le produit). C'est l'idée de base du hack utilisé par Alice plus haut. Cela peut se faire avec un script shell du genre :
#!/bin/sh zonefile=$1 while : do target=$(awk '/ALIAS/ {print $3}' $zonefile) ttl=$(dig A $target | awk "/^$target.*IN\s+A/ {print \$2}" | head -n 1) ip=$(dig A $target | awk "/^$target.*IN\s+A/ {print \$5}" | head -n 1) sed "s/IN.*ALIAS.*/ IN $ttl A $ip/" $zonefile > ${zonefile}-patched echo "Patched with IP address $ip" sleep $ttl done
(En production, on voudra probablement quelque chose de plus propre, notamment en gestion d'erreurs, et de traitement des réponses multiples.)
Comme indiqué plus haut, cela marche, mais cela ne permet pas de tirer profit des caractéristiques du CDN, par exemple de la réponse différente selon le client. On peut voir cette variation de la réponse, en demandant à cent sondes RIPE Atlas :
% blaeu-resolve --requested 100 --type A www.elysee.fr [208.178.167.254 4.26.226.126 4.27.28.126 8.27.4.254] : 1 occurrences [8.254.28.126 8.254.45.254 8.27.151.253 8.27.226.126] : 1 occurrences [205.128.73.126 206.33.35.125 209.84.20.126 8.27.243.253] : 1 occurrences [207.123.56.252 4.26.228.254 4.27.28.126 8.26.223.254] : 1 occurrences [205.128.90.126 209.84.9.126 8.254.214.254 8.254.94.254] : 1 occurrences [8.254.164.126 8.254.209.126 8.254.210.126 8.27.9.254] : 1 occurrences [4.23.62.126 4.26.227.126 8.254.173.254 8.254.95.126] : 1 occurrences [207.123.39.254 8.254.196.126 8.254.219.254 8.27.5.254] : 2 occurrences [120.28.42.254 36.66.10.126] : 1 occurrences ...
Deuxième idée, relâcher la contrainte donnée dans le RFC 1034 et autoriser le CNAME à l'apex (note au passage : beaucoup de gens sont nuls en arbrologie et appellent incorrectement l'apex la racine, ce qui a un tout autre sens dans le DNS). L'expérience a été tentée par Ondřej Surý au hackathon de l'IETF à Montréal en juillet 2018 (les résultats complets de l'équipe DNS sont dans cette présentation). Une fois le serveur faisant autorité modifié pour autoriser le CNAME à l'apex, on l'interroge via un résolveur. En gros, dans la plupart des cas, le CNAME masque les autres enregistrements (ce qui est logique puisqu'il est censé être seul). Ainsi, si on a :
michu.example. IN CNAME foobar.example.com. IN MX 10 gimmedata.gafa.example.
Un client DNS qui demande le MX de
michu.example
pour lui envoyer du courrier
récupérera le MX de foobar.example.com
, le
vrai MX étant masqué.
Plus ennuyeux est le fait que cela dépend : dans certains cas, un autre enregistrement que celui du CNAME est récupéré. On ne peut rien reprocher aux logiciels qui font cela : ils sont conformes aux RFC actuels. Cette variabilité rend difficile de simplement autoriser le CNAME à l'apex.
Troisième possibilité : on peut aussi décider que le résolveur fera l'essentiel du boulot. On crée un nouveau type d'enregistrement, mettons SEEALSO, qui peut coexister avec les types existants :
michu.example. IN SEEALSO michu-sa.example-cdn.net. michu.example. IN MX 10 gimmedata.gafa.example.
Le serveur faisant autorité n'aurait rien de particulier à faire, il renvoie juste le SEEALSO au résolveur (en terminologie DNS, on dit « il n'y a pas de traitement additionnel »). Le résolveur va alors, recevant le SEEALSO, le suivre. Le principal problème de cette approche est qu'initialement, peu de résolveurs auront le nouveau code, ce qui ne motivera pas les gens qui gèrent les zones à ajouter ce SEEALSO.
Quatrième idée, toujours avec un nouveau type d'enregistrement (et donc avec les problèmes de déploiement que cela pose dans un Internet non centralisé), généralement appelé ANAME ou ALIAS. L'idée est qu'on mettra dans la zone :
michu.example. IN ANAME michu-sa.example-cdn.net. michu.example. IN MX 10 gimmedata.gafa.example.
Le ANAME, contrairement au CNAME, a le droit de coexister avec
d'autres enregistrements, ici un MX. L'idée est que le serveur
faisant autorité, chargeant la zone, va résoudre la cible (la
partie droite du ANAME) et répondre avec l'adresse IP de la cible
lorsqu'on l'interrogera. Le résolveur ne voit donc pas le CDN, si
l'adresse au CDN est 2001:db8::ff
, le résolveur
recevra :
michu.example. 3600 IN AAAA 2001:db8::ff
Le serveur faisant autorité, ayant chargé la zone, sera responsable de changer cette valeur lorsque le TTL expirera.
On voit que cette solution nécessite que le serveur faisant autorité soit également résolveur. C'est considéré comme une mauvaise pratique, car cela complique sérieusement le débogage : on ne sait plus d'où viennent les données, et celles du résolveur peuvent potentiellement masquer celles qui font autorité. D'ailleurs, les meilleurs logiciels serveur faisant autorité, comme NSD, n'ont pas du tout de code pour faire de la résolution (cette simplicité améliore grandement la sécurité).
D'autre part, introduire un nouveau type de données DNS n'est jamais évident, cela nécessite de modifier les serveurs faisant autorité (les résolveurs, eux, n'ont pas besoin d'être modifiés, pour ce ANAME), mais également les logiciels d'avitaillement (interfaces web chez l'hébergeur DNS permettant de gérer sa zone).
Cette idée de ANAME pose également des problèmes à DNSSEC. Comme le serveur faisant autorité va devoir modifier le contenu de la zone fréquemment (les TTL des CDN sont souvent courts), il faudra qu'il signe les enregistrements créés, ce qui obligera à avoir la clé privée disponible (on préfère parfois la garder hors-ligne, pour des raisons de sécurité, ce qui est opérationnellement faisable si on ne modifie pas la zone trop souvent). Et cela nécessitera un serveur qui peut signer dynamiquement, ou bien des bricolages particuliers.
On peut avoir des tas de variantes sur cette idée. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle le débat est compliqué. Chaque idée a des sous-idées. Par exemple, puisque dans ce cas, le serveur faisant autorité est également résolveur, on pourrait renvoyer le ANAME au client DNS, avec l'adresse IP du CDN, pour gagner du temps. La réponse serait :
;; ANSWER SECTION: michu.example. 3600 IN ANAME michu-sa.example-cdn.net. ;; ADDITIONAL SECTION: michu-sa.example-cdn.net. 600 IN AAAA 2001:db8::ff
Plus de problèmes avec DNSSEC cette fois, puisqu'on n'importerait
plus de données extérieures dans la zone
michu.example
. Le principal problème de cette
variante est que l'optimisation serait probablement inutile : un
résolveur DNS raisonnablement paranoïaque, craignant une attaque
par empoisonnement, ignorerait la section additionnelle, puisque le
serveur interrogé ne fait autorité que pour
michu.example
, pas pour
example-cdn.net
. On serait donc ramené à la
troisième idée (le résolveur fait tout).
Le projet ANAME avait fait l'objet d'un Internet
Draft, draft-ietf-dnsop-aname
, mais
qui n'a finalement mené nulle part.
Cinquième idée, résoudre le problème côté client, comme dans la troisième, mais en modifiant les applications et non plus les résolveurs. Après tout, le principal scénario d'usage est pour HTTP. Ce sont les gens du Web qui se plaignent de ne pas pouvoir mettre des CNAME à l'apex. Les gens de SMTP ou de XMPP ne se plaignent pas, car ils ont un système d'indirection. On indique dans le DNS le nom du serveur pour un domaine donné (enregistrement MX pour SMTP et les plus généraux enregistrements SRV pour XMPP). HTTP est hélas le seul protocole normalisé qui a « oublié » de faire une indirection entre domaine et serveur. C'est une de ses plus graves fautes de conception. (Un protocole comme SSH est un cas à part puisque son but est de se connecter à une machine spécifique.) Donc, la meilleure solution, du point de vue de l'architecture de l'Internet, est de modifier HTTP pour que les clients HTTP utilisent SRV. La zone serait alors :
michu.example. IN SRV 0 1 80 michu-sa.example-cdn.net. ; Autres types michu.example. IN MX 10 gimmedata.gafa.example.
SRV, normalisé dans le RFC 2782, a plein d'autres possibilités très pratiques, comme d'indiquer plusieurs serveurs, avec des poids différents (fournissant ainsi un système non centralisé de répartition de charge) et des priorités différentes (les serveurs de faible priorité n'étant sollicité qu'en cas de panne des autres).
Tout cela pose évidemment un réel problème de déploiement puisqu'il
faudrait modifier tous les clients HTTP (rappelez-vous qu'il n'y a
pas que les navigateurs !) Tant qu'il n'y
aura pas de déploiement significatif, les titulaires de noms de
domaine devront avoir le SRV et les
enregistrements classiques. D'autre part, HTTP ayant évolué sans
les enregistrements SRV, il y a quelques points d'accrochage. Par
exemple, SRV permet d'indiquer le port et
cela peut rentrer en conflit avec le concept d'origine du Web, qui
est essentiel pour sa sécurité (http://example.com/
et
http://example.com:3000/
sont des origines
différentes, cf. RFC 6454). Il y a aussi
quelques pièges liés au SRV (voir mes notes à ce
sujet et, cette
discussion au sujet des SRV dans Mastodon.)
Et je n'ai pas cité toutes les idées, comme la possibilité d'utiliser Alt-Svc (RFC 7838).
Conclusion ? Le problème est bien sûr réel et se pose à beaucoup d'acteurs de l'Internet. Mais il n'y a pas de solution idéale. Il faudra, soit continuer comme actuellement si l'IETF n'arrive pas à un accord, soit adopter une solution qui, de toute façon, créera ses propres problèmes. Personnellement, je pense que la solution la plus propre serait de modifier HTTP, pour utiliser une indirection, comme tous les autres protocoles. Si cela n'est pas possible, il vaut encore mieux ne rien faire : le dromadaire est assez chargé comme cela.
Auteur(s) du livre : Mariannig Le Béchec, Dominique
Boullier, Maxime Crépel
Éditeur : C & F Éditions
978-2-915825-76-3
Publié en 2018
Première rédaction de cet article le 30 août 2018
Le livre, sous ses deux formes, papier ou numérique, est un objet de passion depuis longtemps. Ce ne sont pas juste des lettres qu'on lit. Les lecteurices ont des usages, des pratiques, ils et elles se prêtent les livres, les annotent, les commentent, les échangent, en parlent sur leur blog…
Ce livre est une étude de ces pratiques. Que font les lecteurs de leur livre ? Pour chaque pratique, des lecteurices sont interrogé·e·s, des experts commentent parfois. On ne parle pas du texte, uniquement des usages que les lecteurices font du livre.
Les usages du livre sur papier forment l'essentiel de cet ouvrage, qui note que le livre numérique fait apparemment peu l'objet de ces diverses formes d'échange. On le lit, mais c'est tout.
Les usages du livre papier sont très variés (sans compter, dirait le cynique, celui de caler les meubles). Et les avis des lecteurices sont également divers. L'annotation, par exemple, est sans doute le chapitre où les avis sont les plus tranchés, entre celles et ceux qui considèrent le livre comme « sacré », et qui ne se permettraient pas d'y ajouter la moindre marque, et ceux et celles qui griffonnent, corrigent, et ajoutent des commentaires au stylo rouge. Le livre n'est clairement pas un objet comme les autres. À propos de l'achat de livres d'occasion, une lectrice explique qu'elle n'y recourt pas, car elle lit au lit et qu'elle ne veut pas faire rentrer dans son lit, espace intime, des livres déjà manipulés par un inconnu…
En résumé, un bel hommage à l'abondance de pratiques sociales autour du livre.
Déclaration de conflit d'intérêt : j'ai reçu un exemplaire de ce livre gratuitement.
Sur ce livre, on peut aussi lire :
Date de publication du RFC : Août 2018
Auteur(s) du RFC : E. Rescorla (RTFM)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF tls
Première rédaction de cet article le 11 août 2018
Après un très long processus, et d'innombrables polémiques, la nouvelle version du protocole de cryptographie TLS, la 1.3, est enfin publiée. Les changements sont nombreux et, à bien des égards, il s'agit d'un nouveau protocole (l'ancien était décrit dans le RFC 5246, que notre nouveau RFC remplace).
Vous pouvez voir l'histoire de ce RFC sur la Datatracker de l'IETF. Le premier brouillon a été publié en avril 2014, plus de trois années avant le RFC. C'est en partie pour des raisons techniques (TLS 1.3 est très différent de ses prédécesseurs) et en partie pour des raisons politiques. C'est que c'est important, la sécurité ! Cinq ans après les révélations de Snowden, on sait désormais que des acteurs puissants et sans scrupules, par exemple les États, espionnent massivement le trafic Internet. Il est donc crucial de protéger ce trafic, entre autres par la cryptographie. Mais dire « cryptographie » ne suffit pas ! Il existe des tas d'attaques contre les protocoles de cryptographie, et beaucoup ont réussi contre les prédécesseurs de TLS 1.3. Il était donc nécessaire de durcir le protocole TLS, pour le rendre moins vulnérable. Et c'est là que les ennuis ont commencé. Car tout le monde ne veut pas de la sécurité. Les États veulent continuer à espionner (le GCHQ britannique s'était clairement opposé à TLS 1.3 sur ce point). Les entreprises veulent espionner leurs employés (et ont pratiqué un lobbying intense contre TLS 1.3). Bref, derrière le désir de « sécurité », partagé par tout le monde, il y avait un désaccord de fond sur la surveillance. À chaque réunion de l'IETF, une proposition d'affaiblir TLS pour faciliter la surveillance apparaissait, à chaque fois, elle était rejetée et, tel le zombie des films d'horreur, elle réapparaissait, sous un nom et une forme différente, à la réunion suivante. Par exemple, à la réunion IETF de Prague en juillet 2017, l'affrontement a été particulièrement vif, alors que le groupe de travail TLS espérait avoir presque fini la version 1.3. Des gens se présentant comme enterprise networks ont critiqué les choix de TLS 1.3, notant qu'il rendait la surveillance plus difficile (c'était un peu le but…) gênant notamment leur débogage. Ils réclamaient un retour aux algorithmes n'ayant pas de sécurité persistante. Le début a suivi le schéma classique à l'IETF : « vous réclamez un affaiblissement de la sécurité » vs. « mais si on ne le fait pas à l'IETF, d'autres le feront en moins bien », mais, au final, l'IETF est restée ferme et n'a pas accepté de compromissions sur la sécurité de TLS. (Un résumé du débat est dans « TLS 1.3 in enterprise networks ».)
Pour comprendre les détails de ces propositions et de ces rejets, il faut regarder un peu en détail le protocole TLS 1.3.
Revenons d'abord sur les fondamentaux : TLS est un mécanisme permettant aux applications client/serveur de communiquer au travers d'un réseau non sûr (par exemple l'Internet) tout en empêchant l'écoute et la modification des messages. TLS suppose un mécanisme sous-jacent pour acheminer les bits dans l'ordre, et sans perte. En général, ce mécanisme est TCP. Avec ce mécanisme de transport, et les techniques cryptographiques mises en œuvre par dessus, TLS garantit :
Ces propriétés sont vraies même si l'attaquant contrôle complètement le réseau entre le client et le serveur (le modèle de menace est détaillé dans la section 3 - surtout la 3.3 - du RFC 3552, et dans l'annexe E de notre RFC).
TLS est un protocole gros et compliqué (ce qui n'est pas forcément optimum pour la sécurité). Le RFC fait 147 pages. Pour dompter cette complexité, TLS est séparé en deux composants :
Pour comprendre le rôle de ces deux protocoles, imaginons un protocole fictif simple, qui n'aurait qu'un seul algorithme de cryptographie symétrique, et qu'une seule clé, connue des deux parties (par exemple dans leur fichier de configuration). Avec un tel protocole, on pourrait se passer du protocole de salutation, et n'avoir qu'un protocole des enregistrements, indiquant comment encoder les données chiffrées. Le client et le serveur pourraient se mettre à communiquer immédiatement, sans salutation, poignée de mains et négociation, réduisant ainsi la latence. Un tel protocole serait très simple, donc sa sécurité serait bien plus facile à analyser, ce qui est une bonne chose. Mais il n'est pas du tout réaliste : changer la clé utilisée serait complexe (il faudrait synchroniser exactement les deux parties), remplacer l'algorithme si la cryptanalyse en venait à bout (comme c'est arrivé à RC4, cf. RFC 7465) créerait un nouveau protocole incompatible avec l'ancien, communiquer avec un serveur qu'on n'a jamais vu serait impossible (puisque on ne partagerait pas de clé commune), etc. D'où la nécessité du protocole de salutation, où les partenaires :
Notez que TLS n'est en général pas utilisé tel quel mais via un protocole de haut niveau, comme HTTPS pour sécuriser HTTP. TLS ne suppose pas un usage particulier : on peut s'en servir pour HTTP, pour SMTP (RFC 7672), pour le DNS (RFC 7858), etc. Cette intégration dans un protocole de plus haut niveau pose parfois elle-même des surprises en matière de sécurité, par exemple si l'application utilisatrice ne fait pas attention à la sécurité (Voir mon exposé à Devoxx, et ses transparents.)
TLS 1.3 est plutôt un nouveau protocole qu'une nouvelle version, et il n'est pas directement compatible avec son prédécesseur, TLS 1.2 (une application qui ne connait que 1.3 ne peut pas parler avec une application qui ne connait que 1.2.) En pratique, les bibliothèques qui mettent en œuvre TLS incluent en général les différentes versions, et un mécanisme de négociation de la version utilisée permet normalement de découvrir la version maximum que les deux parties acceptent (historiquement, plusieurs failles sont venues de ce point, avec des pare-feux stupidement configurés qui interféraient avec la négociation).
La section 1.3 de notre RFC liste les différences importantes entre TLS 1.2 (qui était normalisé dans le RFC 5246) et 1.3 :
https://datatracker.ietf.org/doc/draft-ietf-tls-esni/
et son cahier des charges dans le RFC 8744.)Un bon résumé de ce nouveau protocole est dans l'article de Mark Nottingham.
Ce RFC concerne TLS 1.3 mais il contient aussi quelques changements pour la version 1.2 (section 1.4 du RFC), comme un mécanisme pour limiter les attaques par repli portant sur le numéro de version, et des mécanismes de la 1.3 « portés » vers la 1.2 sous forme d'extensions TLS.
La section 2 du RFC est un survol général de TLS 1.3 (le RFC fait 147 pages, et peu de gens le liront intégralement). Au début d'une session TLS, les deux parties, avec le protocole de salutation, négocient les paramètres (version de TLS, algorithmes cryptographiques) et définissent les clés qui seront utilisées pour le chiffrement de la session. En simplifiant, il y a trois phases dans l'établissement d'une session TLS :
ClientHello
, le serveur répond avec un ServerHello
,CertificateRequest
d'un certificat client), cette partie est
chiffrée, contrairement à la précédente,Certificate
(qui ne contient pas
forcément un certificat, cela peut être une clé brute - RFC 7250 ou une clé d'une session précédente -
RFC 7924).
Un message Finished
termine cette ouverture
de session.
(Si vous êtes fana de futurisme, notez que seule la première étape
pourrait être remplacée par la distribution quantique
de clés, les autres resteraient
indispensables. Contrairement à ce que promettent ses promoteurs,
la QKD ne dispense pas d'utiliser les protocoles existants.)
Comment les deux parties se mettent-elles d'accord sur les clés ? Trois méthodes :
Si vous connaissez la cryptographie, vous savez que les PSK, les clés partagées, sont difficiles à gérer, puisque devant être transmises de manière sûre avant l'établissement de la connexion. Mais, dans TLS, une autre possibilité existe : si une session a été ouverte sans PSK, en n'utilisant que de la cryptographie asymétrique, elle peut être enregistrée, et resservir, afin d'ouvrir les futures discussions plus rapidement. TLS 1.3 utilise le même mécanisme pour des « vraies » PSK, et pour celles issues de cette reprise de sessions précédentes (contrairement aux précédentes versions de TLS, qui utilisaient un mécanisme séparé, celui du RFC 5077, désormais abandonné).
Si on a une PSK (gérée manuellement, ou bien via la reprise de session), on peut même avoir un dialogue TLS dit « 0-RTT ». Le premier paquet du client peut contenir des données, qui seront acceptées et traitées par le serveur. Cela permet une importante diminution de la latence, dont il faut rappeler qu'elle est souvent le facteur limitant des performances. Par contre, comme rien n'est idéal dans cette vallée de larmes, cela se fait au détriment de la sécurité :
La section 8 du RFC et l'annexe E.5 détaillent ces limites, et les mesures qui peuvent être prises.
Le protocole TLS est décrit avec un langage spécifique, décrit de manière relativement informelle dans la section 3 du RFC. Ce langage manipule des types de données classiques :
uint8
, uint16
),Datum[3]
ou
variable, avec indication de la longueur au début -
uint16 longer<0..800>
,enum { red(3), blue(5), white(7) }
Color;
),Par exemple, tirés de la section 4 (l'annexe B fournit la liste complète), voici, dans ce langage, la liste des types de messages pendant les salutations, une énumération :
enum { client_hello(1), server_hello(2), new_session_ticket(4), end_of_early_data(5), encrypted_extensions(8), certificate(11), certificate_request(13), certificate_verify(15), finished(20), key_update(24), message_hash(254), (255) } HandshakeType;
Et le format de base d'un message du protocole de salutation :
struct { HandshakeType msg_type; /* handshake type */ uint24 length; /* bytes in message */ select (Handshake.msg_type) { case client_hello: ClientHello; case server_hello: ServerHello; case end_of_early_data: EndOfEarlyData; case encrypted_extensions: EncryptedExtensions; case certificate_request: CertificateRequest; case certificate: Certificate; case certificate_verify: CertificateVerify; case finished: Finished; case new_session_ticket: NewSessionTicket; case key_update: KeyUpdate; }; } Handshake;
La section 4 fournit tous les détails sur le protocole de
salutation, notamment sur la délicate négociation des paramètres
cryptographiques. Notez que la renégociation en cours de session a
disparu, donc un ClientHello
ne peut
désormais plus être envoyé qu'au début.
Un problème auquel a toujours dû faire face TLS est celui de la
négociation de version, en présence de mises en œuvre boguées, et,
surtout, en présence de boitiers
intermédiaires encore plus bogués
(pare-feux ignorants, par exemple, que des
DSI ignorantes placent un peu partout). Le
modèle original de TLS pour un client était d'annoncer dans le
ClientHello
le plus grand numéro de version
qu'on gère, et de voir dans ServerHello
le
maximum imposé par le serveur. Ainsi, un client TLS 1.2 parlant à
un serveur qui ne gère que 1.1 envoyait
ClientHello(client_version=1.2)
et, en
recevant ServerHello(server_version=1.1)
, se
repliait sur TLS 1.1, la version la plus élevée que les deux
parties gèraient. En pratique, cela ne marche pas aussi bien. On
voyait par exemple des serveurs (ou, plus vraisemblablement, des
pare-feux bogués) qui raccrochaient brutalement en
présence d'un numéro de version plus élevé, au lieu de suggérer un
repli. Le client n'avait alors que le choix de renoncer, ou bien
de se lancer dans une série d'essais/erreurs (qui peut être
longue, si le serveur ou le pare-feu bogué ne répond pas).
TLS 1.3 change donc complètement le mécanisme de
négociation. Le client annonce toujours la version 1.2 (en fait
0x303, pour des raisons historiques), et la vraie version est mise
dans une extension, supported_versions
(section 4.2.1), dont
on espère qu'elle sera ignorée par les serveurs mal
gérés. (L'annexe D du RFC détaille ce problème de la négociation
de version.) Dans la réponse ServerHello
, un
serveur 1.3 doit inclure cette extension, autrement, il faut se
rabattre sur TLS 1.2.
En parlant d'extensions, concept qui avait été introduit
originellement dans le RFC 4366, notre RFC
reprend des extensions déjà normalisées, comme le SNI
(Server Name Indication) du RFC 6066, le battement de cœur du RFC 6520, le remplissage du ClientHello
du RFC 7685,
et en ajoute dix, dont
supported_versions
. Certaines de ces
extensions doivent être présentes dans les messages
Hello
, car la sélection des paramètres
cryptographiques en dépend, d'autres peuvent être uniquement dans
les messages EncryptedExtensions
, une
nouveauté de TLS 1.3, pour les extensions qu'on n'enverra qu'une
fois le chiffrement commencé. Le RFC en profite pour rappeler que
les messages Hello
ne sont pas protégés
cryptographiquement, et peuvent donc être modifiés (le message
Finished
résume les décisions prises et peut
donc protéger contre ce genre d'attaques).
Autrement, parmi les autres nouvelles extensions :
La section 5 décrit le protocole des enregistrements (record protocol). C'est ce sous-protocole qui va prendre un flux d'octets, le découper en enregistrements, les protéger par le chiffrement puis, à l'autre bout, déchiffrer et reconstituer le flux… Notez que « protégé » signifie à la fois confidentialité et intégrité puisque TLS 1.3, contrairement à ses prédécesseurs, impose AEAD (RFC 5116).
Les enregistrements sont typés et marqués handshake (la salutation, vue dans la section précédente), change cipher spec, alert (pour signaler un problème) et application data (les données elle-mêmes) :
enum { invalid(0), change_cipher_spec(20), alert(21), handshake(22), application_data(23), (255) } ContentType;
Le contenu des données est évidemment incompréhensible, en raison du chiffrement (voici un enregistrement de type 23, données, vu par tshark) :
TLSv1.3 Record Layer: Application Data Protocol: http-over-tls Opaque Type: Application Data (23) Version: TLS 1.2 (0x0303) Length: 6316 Encrypted Application Data: eb0e21f124f82eee0b7a37a1d6d866b075d0476e6f00cae7...
Et décrite par la norme dans son langage formel :
struct { ContentType opaque_type = application_data; /* 23 */ ProtocolVersion legacy_record_version = 0x0303; /* TLS v1.2 */ uint16 length; opaque encrypted_record[TLSCiphertext.length]; } TLSCiphertext;
(Oui, le numéro de version reste à TLS 1.2 pour éviter d'énerver les stupides middleboxes.) Notez que des extensions à TLS peuvent introduire d'autres types d'enregistrements.
Une faiblesse classique de TLS est que la taille des données chiffrées n'est pas dissimulée. Si on veut savoir à quelle page d'un site Web un client HTTP a accédé, on peut parfois le déduire de l'observation de cette taille. D'où la possibilité de faire du remplissage pour dissimuler cette taille (section 5.4 du RFC). Notez que le RFC ne suggère pas de politique de remplissage spécifique (ajouter un nombre aléatoire ? Tout remplir jusqu'à la taille maximale ?), c'est un choix compliqué. Il note aussi que certaines applications font leur propre remplissage, et qu'il n'est alors pas nécessaire que TLS le fasse.
La section 6 du RFC est dédiée au cas des alertes. C'est un des types d'enregistrements possibles, et, comme les autres, il est chiffré, et les alertes sont donc confidentielles. Une alerte a un niveau et une description :
struct { AlertLevel level; AlertDescription description; } Alert;
Le niveau indiquait si l'alerte est fatale mais n'est plus utilisé en TLS 1.2, où il faut se fier uniquement à la description, une énumération des problèmes possibles (message de type inconnu, mauvais certificat, enregistrement non décodable - rappelez-vous que TLS 1.3 n'utilise que du chiffrement intègre, problème interne au client ou au serveur, extension non acceptée, etc). La section 6.2 donne une liste des erreurs fatales, qui doivent mener à terminer immédiatement la session TLS.
La section 8 du RFC est entièrement consacrée à une nouveauté délicate, le « 0-RTT ». Ce terme désigne la possibilité d'envoyer des données dès le premier paquet, sans les nombreux échanges de paquets qui sont normalement nécessaires pour établir une session TLS. C'est très bien du point de vue des performances, mais pas forcément du point de vue de la sécurité puisque, sans échanges, on ne peut plus vérifier à qui on parle. Un attaquant peut réaliser une attaque par rejeu en envoyant à nouveau un paquet qu'il a intercepté. Un serveur doit donc se défendre en se souvenant des données déjà envoyées et en ne les acceptant pas deux fois. (Ce qui peut être plus facile à dire qu'à faire ; le RFC contient une bonne discussion très détaillée des techniques possibles, et de leurs limites. Il y en a des subtiles, comme d'utiliser des systèmes de mémorisation ayant des faux positifs, comme les filtres de Bloom, parce qu'ils ne produiraient pas d'erreurs, ils rejetteraient juste certains essais 0-RTT légitimes, cela ne serait donc qu'une légère perte de performance.)
La section 9 de notre RFC se penche sur un problème difficile,
la conformité des mises en œuvres de TLS. D'abord, les algorithmes
obligatoires. Afin de permettre l'interopérabilité,
toute mise en œuvre de TLS doit avoir la
suite de chiffrement TLS_AES_128_GCM_SHA256
(AES en
mode GCM
avec SHA-256). D'autres suites sont
recommandées (cf. annexe B.4). Pour l'authentification,
RSA avec SHA-256 et
ECDSA sont obligatoires. Ainsi, deux
programmes différents sont sûrs de pouvoir trouver des algorithmes
communs. La possibilité
d'authentification par certificats PGP du RFC 6091 a été retirée.
De plus, certaines extensions à TLS sont obligatoires, un pair TLS 1.3 ne peut pas les refuser :
supported_versions
, nécessaire pour
annoncer TLS 1.3,cookie
,signature_algorithms
,
signature_algorithms_cert
,
supported_groups
et
key_share
,server_name
, c'est à dire SNI
(Server Name Indication), souvent nécessaire
pour pouvoir choisir le bon certificat (cf. section 3 du RFC 6066).La section 9 précise aussi le comportement attendu des équipements intermédiaires. Ces dispositifs (pare-feux, par exemple, mais pas uniquement) ont toujours été une plaie pour TLS. Alors que TLS vise à fournir une communication sûre, à l'abri des équipements intermédiaires, ceux-ci passent leur temps à essayer de s'insérer dans la communication, et souvent la cassent. Normalement, TLS 1.3 est conçu pour que ces interférences ne puissent pas mener à un repli (le repli est l'utilisation de paramètres moins sûrs que ce que les deux machines auraient choisi en l'absence d'interférence).
Il y a deux grandes catégories d'intermédiaires, ceux qui tripotent la session TLS sans être le client ou le serveur, et ceux qui terminent la session TLS de leur côté. Attention, dans ce contexte, « terminer » ne veut pas dire « y mettre fin », mais « la sécurité TLS se termine ici, de manière à ce que l'intermédiaire puisse accéder au contenu de la communication ». Typiquement, une middlebox qui « termine » une session TLS va être serveur TLS pour le client et client TLS pour le serveur, s'insérant complètement dans la conversation. Normalement, l'authentification vise à empêcher ce genre de pratiques, et l'intermédiaire ne sera donc accepté que s'il a un certificat valable. C'est pour cela qu'en entreprise, les machines officielles sont souvent installées avec une AC contrôlée par le vendeur du boitier intermédiaire, de manière à permettre l'interception.
Le RFC ne se penche pas sur la légitimité de ces pratiques, uniquement sur leurs caractéristiques techniques. (Les boitiers intermédiaires sont souvent programmés avec les pieds, et ouvrent de nombreuses failles.) Le RFC rappelle notamment que l'intermédiaire qui termine une session doit suivre le RFC à la lettre (ce qui devrait aller sans dire…)
Depuis le RFC 4346, il existe plusieurs registres IANA pour TLS, décrits en section 11, avec leurs nouveautés. En effet, plusieurs choix pour TLS ne sont pas « câblés en dur » dans le RFC mais peuvent évoluer indépendamment. Par exemple, le registre de suites cryptographiques a une politique d'enregistrement « spécification nécessaire » (cf. RFC 8126, sur les politiques d'enregistrement). La cryptographie fait régulièrement des progrès, et il faut donc pouvoir modifier la liste des suites acceptées (par exemple lorsqu'il faudra y ajouter les algorithmes post-quantiques) sans avoir à toucher au RFC (l'annexe B.4 donne la liste actuelle). Le registre des types de contenu, lui, a une politique d'enregistrement bien plus stricte, « action de normalisation ». On crée moins souvent des types que des suites cryptographiques. Même chose pour le registre des alertes ou pour celui des salutations.
L'annexe C du RFC plaira aux programmeurs, elle donne plusieurs conseils pour une mise en œuvre correcte de TLS 1.3 (ce n'est pas tout d'avoir un protocole correct, il faut encore qu'il soit programmé correctement). Pour aider les développeurs à déterminer s'ils ont correctement fait le travail, un futur RFC fournira des vecteurs de test.
Un des conseils les plus importants est évidemment de faire
attention au générateur de nombres
aléatoires, source de tant de failles de sécurité en
cryptographie. TLS utilise des nombres qui doivent être
imprévisibles à un attaquant pour générer des clés de session. Si
ces nombres sont prévisibles, toute la cryptographie s'effondre. Le RFC conseille fortement d'utiliser un générateur
existant (comme /dev/urandom
sur les systèmes
Unix) plutôt que d'écrire le sien, ce qui
est bien plus difficile qu'il ne semble. (Si on tient quand même à
le faire, le RFC 4086 est une lecture
indispensable.)
Le RFC conseille également de vérifier le certificat du partenaire par défaut (quitte à fournir un moyen de débrayer cette vérification). Si ce n'est pas le cas, beaucoup d'utilisateurs du programme ou de la bibliothèque oublieront de le faire. Il suggère aussi de ne pas accepter certains certificats trop faibles (clé RSA de seulement 1 024 bits, par exemple).
Il existe plusieurs moyens avec TLS de ne pas avoir d'authentification du serveur : les clés brutes du RFC 7250 (à la place des certificats), ou bien les certificats auto-signés. Dans ces conditions, une attaque de l'homme du milieu est parfaitement possibe, et il faut donc prendre des précautions supplémentaires (par exemple DANE, normalisé dans le RFC 6698, que le RFC oublie malheureusement de citer).
Autre bon conseil de cryptographie, se méfier des attaques fondées sur la mesure du temps de calcul, et prendre des mesures appropriées (par exemple en vérifiant que le temps de calcul est le même pour des données correctes et incorrectes).
Il n'y a aucune bonne raison d'utiliser certains algorithmes faibles (comme RC4, abandonné depuis le RFC 7465), et le RFC demande que le code pour ces algorithmes ne soit pas présent, afin d'éviter une attaque par repli (annexes C.3 et D.5 du RFC). De la même façon, il demande de ne jamais accepter SSL v3 (RFC 7568).
L'expérience a prouvé que beaucoup de mises en œuvre de TLS ne réagissaient pas correctement à des options inattendues, et le RFC rappelle donc qu'il faut ignorer les suites cryptographiques inconnues (autrement, on ne pourrait jamais introduire une nouvelle suite, puisqu'elle casserait les programmes), et ignorer les extensions inconnues (pour la même raison).
L'annexe D, elle, est consacrée au problème de la communication
avec un vieux partenaire, qui ne connait pas TLS 1.3. Le mécanisme
de négociation de la version du protocole à utiliser a
complètement changé en 1.3. Dans la 1.3, le champ
version
du ClientHello
contient 1.2, la vraie version étant dans l'extension
supported_versions
. Si un client 1.3 parle
avec un serveur <= 1.2, le serveur ne connaitra pas cette
extension et répondra sans l'extension, avertissant ainsi le
client qu'il faudra parler en 1.2 (ou plus vieux). Ça, c'est si le
serveur est correct. S'il ne l'est pas ou, plus vraisemblablement,
s'il est derrière une
middlebox boguée, on
verra des problèmes comme par exemple le refus de répondre aux
clients utilisant des extensions inconnues (ce qui sera le cas
pour supported_versions
), soit en rejettant
ouvertement la demande soit, encore pire, en l'ignorant. Arriver à gérer des
serveurs/middleboxes incorrects est un problème
complexe. Le client peut être tenté de re-essayer avec d'autres
options (par exemple tenter du 1.2, sans l'extension
supported_versions
). Cette méthode n'est pas
conseillée. Non seulement elle peut prendre du temps (attendre
l'expiration du délai de garde, re-essayer…) mais surtout, elle
ouvre la voie à des attaques par repli :
l'attaquant bloque les ClientHello
1.3 et le
client, croyant bien faire, se replie sur une version plus
ancienne et sans doute moins sûre de TLS.
En parlant de compatibilité, le « 0-RTT » n'est évidemment pas
compatible avec les vieilles versions. Le client qui envoie du
« 0-RTT » (des données dans le ClientHello
)
doit donc savoir que, si la réponse est d'un serveur <= 1.2,
la session ne pourra pas être établie, et il faudra donc réessayer
sans 0-RTT.
Naturellement, les plus gros problèmes ne surviennent pas avec
les clients et les serveurs mais avec les
middleboxes. Plusieurs études ont montré leur
caractère néfaste (cf. présentation
à l'IETF 100, mesures
avec Chrome (qui indique également que certains serveurs
TLS sont gravement en tort, comme celui installé dans les
imprimantes Canon), mesures
avec Firefox, et encore
d'autres mesures). Le RFC suggère qu'on limite les risques
en essayant d'imiter le plus possible une salutation de TLS 1.2,
par exemple en envoyant des messages
change_cipher_spec
, qui ne sont plus utilisés
en TLS 1.3, mais qui peuvent rassurer la
middlebox (annexe D.4).
Enfin, le RFC se termine par l'annexe E, qui énumère les propriétés de sécurité de TLS 1.3 : même face à un attaquant actif (RFC 3552), le protocole de salutation de TLS garantit des clés de session communes et secrètes, une authentification du serveur (et du client si on veut), et une sécurité persistante, même en cas de compromission ultérieure des clés (sauf en cas de 0-RTT, un autre des inconvénients sérieux de ce service, avec le risque de rejeu). De nombreuses analyses détaillées de la sécurité de TLS sont listées dans l'annexe E.1.6. À lire si vous voulez travailler ce sujet.
Quant au protocole des enregistrements, celui de TLS 1.3 garantit confidentialité et intégrité (RFC 5116).
TLS 1.3 a fait l'objet de nombreuses analyses de sécurité par des chercheurs, avant même sa normalisation, ce qui est une bonne chose (et qui explique en partie les retards). Notre annexe E pointe également les limites restantes de TLS :
Le 0-RTT introduit un nouveau risque, celui de rejeu. (Et 0-RTT a sérieusement contribué aux délais qu'à connu le projet TLS 1.3, plusieurs participants à l'IETF protestant contre cette introduction risquée.) Si l'application est idempotente, ce n'est pas très grave. Si, par contre, les effets d'une requête précédentes peuvent être rejoués, c'est plus embêtant (imaginez un transfert d'argent répété…) TLS ne promet rien en ce domaine, c'est à chaque serveur de se défendre contre le rejeu (la section 8 donne des idées à ce sujet). Voilà pourquoi le RFC demande que les requêtes 0-RTT ne soient pas activées par défaut, mais uniquement quand l'application au-dessus de TLS le demande. (Cloudflare, par exemple, n'active pas le 0-RTT par défaut.)
Voilà, vous avez maintenant fait un tour complet du RFC, mais vous savez que la cryptographie est une chose difficile, et pas seulement dans les algorithmes cryptographiques (TLS n'en invente aucun, il réutilise des algorithmes existants comme AES ou ECDSA), mais aussi dans les protocoles cryptographiques, un art complexe. N'hésitez donc pas à lire le RFC en détail, et à vous méfier des résumés forcément toujours sommaires, comme cet article.
À part le 0-RTT, le plus gros débat lors de la création de TLS
1.3 avait été autour du concept que ses partisans nomment
« visibilité » et ses adversaires « surveillance ». C'est l'idée
qu'il serait bien pratique si on (on : le patron, la police, le
FAI…) pouvait accéder au contenu des
communications TLS. « Le chiffrement, c'est bien, à condition que
je puisse lire les données quand même » est l'avis des partisans
de la visibilité. Cela avait été proposé dans les
Internet-Drafts draft-green-tls-static-dh-in-tls13
et draft-rhrd-tls-tls13-visibility
. Je
ne vais pas ici pouvoir capturer la totalité
du débat, juste noter quelques points qui sont parfois oubliés
dans la discussion. Côté partisans de la visibilité :
Et du côté des adversaires de la surveillance :
Revenons maintenant aux choses sérieuses, avec les mises en
œuvre de TLS 1.3. Il y en existe au moins une dizaine à l'heure
actuelle mais, en général, pas dans les versions officiellement
publiées des logiciels. Notons quand même que
Firefox 61 sait faire du TLS 1.3. Les autres
mises en œuvre sont prêtes, même si pas forcément publiées. Prenons
l'exemple de la bibliothèque
GnuTLS. Elle dispose de TLS 1.3 depuis la
version 3.6.3. Pour l'instant, il faut compiler cette version avec
l'option ./configure --enable-tls13-support
,
qui n'est pas encore activée par défaut. Un bon
article du mainteneur de GnuTLS explique bien les nouveautés
de TLS 1.3.
Une fois GnuTLS correctement compilé, on peut utiliser le
programme en ligne de commande gnutls-cli
avec
un serveur qui accepte TLS 1.3 :
% gnutls-cli gmail.com ... - Description: (TLS1.3)-(ECDHE-X25519)-(RSA-PSS-RSAE-SHA256)-(AES-256-GCM) - Ephemeral EC Diffie-Hellman parameters - Using curve: X25519 - Curve size: 256 bits - Version: TLS1.3 - Key Exchange: ECDHE-RSA - Server Signature: RSA-PSS-RSAE-SHA256 - Cipher: AES-256-GCM - MAC: AEAD ...
Et ça marche, on fait du TLS 1.3. Si vous préférez écrire le programme
vous-même, regardez ce petit
programme. Si
GnuTLS est en /local
, il se compilera avec
cc -I/local/include -Wall -Wextra -o test-tls13 test-tls13.c
-L/local/lib -lgnutls
et s'utilisera avec :
% ./test-tls13 www.ietf.org TLS connection using "TLS1.3 AES-256-GCM" % ./test-tls13 gmail.com TLS connection using "TLS1.3 AES-256-GCM" % ./test-tls13 mastodon.gougere.fr TLS connection using "TLS1.2 AES-256-GCM" % ./test-tls13 www.bortzmeyer.org TLS connection using "TLS1.2 AES-256-GCM" % ./test-tls13 blog.cloudflare.com TLS connection using "TLS1.3 AES-256-GCM"
Cela vous donne une petite idée des serveurs qui acceptent TLS 1.3.
Un pcap d'une session TLS 1.3 est disponible
en tls13.pcap
. Notez que le numéro de version n'est pas encore
celui du RFC (0x304). Ici, 0x7f1c désigne
l'Internet-Draft numéro 28. Voici la session
vue par tshark :
1 0.000000 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TCP 94 36866 → https(443) [SYN] Seq=0 Win=28800 Len=0 MSS=1440 SACK_PERM=1 TSval=3528788861 TSecr=0 WS=128 2 0.003052 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TCP 86 https(443) → 36866 [SYN, ACK] Seq=0 Ack=1 Win=24400 Len=0 MSS=1220 SACK_PERM=1 WS=1024 3 0.003070 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TCP 74 36866 → https(443) [ACK] Seq=1 Ack=1 Win=28800 Len=0 4 0.003354 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TLSv1 403 Client Hello 5 0.006777 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TCP 74 https(443) → 36866 [ACK] Seq=1 Ack=330 Win=25600 Len=0 6 0.011393 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TLSv1.3 6496 Server Hello, Change Cipher Spec, Application Data 7 0.011413 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TCP 74 36866 → https(443) [ACK] Seq=330 Ack=6423 Win=41728 Len=0 8 0.011650 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TLSv1.3 80 Change Cipher Spec 9 0.012685 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TLSv1.3 148 Application Data 10 0.015693 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TCP 74 https(443) → 36866 [ACK] Seq=6423 Ack=411 Win=25600 Len=0 11 0.015742 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TLSv1.3 524 Application Data 12 0.015770 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TCP 74 36866 → https(443) [RST] Seq=411 Win=0 Len=0 13 0.015788 2400:cb00:2048:1::6814:55 → 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d TCP 74 https(443) → 36866 [FIN, ACK] Seq=6873 Ack=411 Win=25600 Len=0 14 0.015793 2001:67c:370:1998:9819:4f92:d0c0:e94d → 2400:cb00:2048:1::6814:55 TCP 74 36866 → https(443) [RST] Seq=411 Win=0 Len=0
Et, complètement décodée par tshark :
Secure Sockets Layer [sic] TLSv1 Record Layer: Handshake Protocol: Client Hello Content Type: Handshake (22) Version: TLS 1.0 (0x0301) Handshake Protocol: Client Hello Handshake Type: Client Hello (1) Version: TLS 1.2 (0x0303) ... Extension: supported_versions (len=9) Type: supported_versions (43) Length: 9 Supported Versions length: 8 Supported Version: Unknown (0x7f1c) Supported Version: TLS 1.2 (0x0303) Supported Version: TLS 1.1 (0x0302) Supported Version: TLS 1.0 (0x0301)
Le texte complet est en tls13.txt
. Notez bien que la négociation est
en clair. D'autres exemples de traces TLS 1.3 figurent dans le RFC 8448.
Quelques autres articles à lire :
Date de publication du RFC : Août 2018
Auteur(s) du RFC : Y. Nir (Check Point), S. Josefsson
(SJD AB), M. Pegourie-Gonnard (Independent /
PolarSSL)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF tls
Première rédaction de cet article le 7 août 2018
Ce RFC décrit les algorithmes cryptographiques à base de courbes elliptiques utilisés dans TLS. Il remplace le RFC 4492.
Plus exactement, il normalise les algorithmes utilisés dans les versions de TLS allant jusqu'à 1.2 incluse. L'utilisation des courbes elliptiques par TLS 1.3 est décrite dans le RFC sur TLS 1.3, le RFC 8446. Les deux points importants de ce nouveau RFC sont :
Commençons par l'échange de clés de session (section 2). TLS nécessite que les deux pairs se mettent d'accord sur une clé de chiffrement symétrique qui sera ensuite utilisée pendant toute la session, avec des algorithmes comme AES. Une des façons de synchroniser cette clé de session est qu'un des pairs la génère aléatoirement, puis la chiffre avec la clé publique (chiffrement asymétrique) de son pair avant de lui transmettre (cela marche avec RSA mais je n'ai pas l'impression qu'il y ait un moyen normalisé de faire cela avec les courbes elliptiques). Une autre façon est d'utiliser un échange Diffie-Hellman. Contrairement à l'échange Diffie-Hellman originel, celui présenté dans ce RFC, ECDHE, utilise la cryptographie sur courbes elliptiques. (J'ai simplifié pas mal : par exemple, l'échange ECDHE ne donnera pas directement la clé de session, celle-ci sera en fait dérivée de la clé obtenue en ECDHE.) Le principal avantage de Diffie-Hellman est de fournir de la sécurité même en cas de compromission ultérieure de la clé privée.
Notre RFC présente trois variantes d'ECDHE, selon la manière dont l'échange est authentifié, l'une utilisant ECDSA ou EdDSA, l'autre utilisant le traditionnel RSA, et la troisième n'authentifiant pas du tout, et étant donc vulnérable aux attaques de l'Homme du Milieu, sauf si une authentification a lieu en dehors de TLS. (Attention, dans le cas de ECDHE_RSA, RSA n'est utilisé que pour authentifier l'échange, la génération de la clé se fait bien en utilisant les courbes elliptiques.)
Lorsque l'échange est authentifié (ECDHE_ECDSA
- qui, en dépit de son nom, inclut EdDSA -
ou bien ECDHE_RSA
), les paramètres
ECDH (Diffie-Hellman avec courbes elliptiques)
sont signés par la
clé privée (ECDSA, EdDSA ou RSA). S'il n'est pas authentifié
(ECDH_anon
, mais notez que le nom est trompeur,
bien que le E final - ephemeral - manque, la clé
est éphémère), on n'envoie évidemment pas de certificat, ou de demande
de certificat.
Voilà, avec cette section 2, on a pu générer une clé de session
avec Diffie-Hellman, tout en authentifiant le serveur avec des courbes
elliptiques. Et pour l'authentification du client ? C'est la section 3
de notre RFC. Elle décrit un mécanisme ECDSA_sign
(là encore, en dépit du nom du mécanisme, il fonctionne aussi bien
pour EdDSA), où le client s'authentifie en signant ses messages avec
un algorithme à courbes elliptiques.
Les courbes elliptiques ont quelques particularités qui justifient
deux extensions à TLS que présente la section 4 du RFC. Il y a
Supported Elliptic Curves Extension et Supported Point
Formats Extension, qui permettent de décrire les
caractéristiques de la courbe elliptique utilisée (on verra plus loin
que la deuxième extension ne sert plus guère). Voici, vue par
tshark, l'utilisation de ces extensions dans un
ClientHello
TLS envoyé par OpenSSL :
Extension: elliptic_curves Type: elliptic_curves (0x000a) Length: 28 Elliptic Curves Length: 26 Elliptic curves (13 curves) Elliptic curve: secp256r1 (0x0017) Elliptic curve: secp521r1 (0x0019) Elliptic curve: brainpoolP512r1 (0x001c) Elliptic curve: brainpoolP384r1 (0x001b) Elliptic curve: secp384r1 (0x0018) Elliptic curve: brainpoolP256r1 (0x001a) Elliptic curve: secp256k1 (0x0016) ... Extension: ec_point_formats Type: ec_point_formats (0x000b) Length: 4 EC point formats Length: 3 Elliptic curves point formats (3) EC point format: uncompressed (0) EC point format: ansiX962_compressed_prime (1) EC point format: ansiX962_compressed_char2 (2)
La section 5 du RFC donne les détails concrets. Par exemple, les deux extensions citées plus haut s'écrivent, dans le langage de TLS (cf. section 4 du RFC 5246) :
enum { elliptic_curves(10), ec_point_formats(11) } ExtensionType;
La première extension permet d'indiquer les courbes utilisées. Avec celles du RFC 7748, cela donne, comme possibilités :
enum { deprecated(1..22), secp256r1 (23), secp384r1 (24), secp521r1 (25), x25519(29), x448(30), reserved (0xFE00..0xFEFF), deprecated(0xFF01..0xFF02), (0xFFFF) } NamedCurve;
secp256r1
est la courbe P-256 du
NIST, x25519
est la
Curve-25519 de Bernstein. Notez que beaucoup
des courbes de l'ancien RFC 4492, jamais très utilisées, ont
été abandonnées. (Les courbes se trouvent dans un
registre IANA.)
Normalement, dans TLS, on peut choisir séparément l'algorithme de
signature et celui de condensation (cf. section
7.4.1.4.1 du RFC 5246). Avec certains
algorithmes comme EdDSA dans sa forme « pure », il n'y a pas de
condensation séparée et un « algorithme » bidon,
Intrinsic
(valeur 8) a été créé pour mettre
dans le champ « algorithme de condensation » de l'extension signature_algorithms
.
Voici une négociation TLS complète, vue par curl :
% curl -v https://www.nextinpact.com ... * Connected to www.nextinpact.com (2400:cb00:2048:1::6819:f815) port 443 (#0) ... * Cipher selection: ALL:!EXPORT:!EXPORT40:!EXPORT56:!aNULL:!LOW:!RC4:@STRENGTH ... * SSL connection using TLSv1.2 / ECDHE-ECDSA-AES128-GCM-SHA256 * ALPN, server accepted to use h2 * Server certificate: * subject: C=US; ST=CA; L=San Francisco; O=CloudFlare, Inc.; CN=nextinpact.com ... > GET / HTTP/1.1 > Host: www.nextinpact.com > User-Agent: curl/7.52.1 > Accept: */*
On voit que l'algorithme utilisé par TLS est
ECDHE-ECDSA-AES128-GCM-SHA256
, ce qui indique
ECDHE avec ECDSA. Le certificat du serveur doit donc inclure une clé
« courbe elliptique ». Regardons ledit certificat :
% openssl s_client -connect www.nextinpact.com:443 -showcerts | openssl x509 -text Certificate: ... Signature Algorithm: ecdsa-with-SHA256 Issuer: C = GB, ST = Greater Manchester, L = Salford, O = COMODO CA Limited, CN = COMODO ECC Domain Validation Secure Server CA 2 ... Subject: OU = Domain Control Validated, OU = PositiveSSL Multi-Domain, CN = ssl378410.cloudflaressl.com Subject Public Key Info: Public Key Algorithm: id-ecPublicKey Public-Key: (256 bit) ... ASN1 OID: prime256v1 NIST CURVE: P-256 ... X509v3 Subject Alternative Name: DNS:ssl378410.cloudflaressl.com, DNS:*.baseballwarehouse.com, DNS:*.campusgroups.com, DNS:*.cretedoc.gr, DNS:*.groupment.com, DNS:*.icstage.com, DNS:*.ideacouture.com, DNS:*.industrialtour-deloitte.com, DNS:*.jonessnowboards.com, DNS:*.nextinpact.com, DNS:*.pcinpact.com, DNS:*.pinkapple.com, DNS:*.softballrampage.com, DNS:*.undercovercondoms.co.uk, DNS:baseballwarehouse.com, DNS:campusgroups.com, DNS:cretedoc.gr, DNS:groupment.com, DNS:icstage.com, DNS:ideacouture.com, DNS:industrialtour-deloitte.com, DNS:jonessnowboards.com, DNS:nextinpact.com, DNS:pcinpact.com, DNS:pinkapple.com, DNS:softballrampage.com, DNS:undercovercondoms.co.uk Signature Algorithm: ecdsa-with-SHA256
On a bien une clé sur la courbe P-256.
Quel est l'état des mises en œuvre de ces algorithmes dans les bibliothèques TLS existantes ? ECDHE et ECDSA avec les courbes NIST sont très répandus. ECDHE avec la courbe Curve25519 est également dans plusieurs bibliothèques TLS. Par contre, EdDSA, ou ECDHE avec la courbe Curve448, sont certes implémentés mais pas encore largement déployés.
Les changements depuis le RFC 4492 sont résumés dans l'annexe B. Souvent, une norme récente ajoute beaucoup de choses par rapport à l'ancienne mais, ici, pas mal de chose ont au contraire été retirées :
Parmi les ajouts, le plus important est évidemment l'intégration des « courbes Bernstein », Curve25519 et Curve448, introduites par le RFC 7748. Et il y avait également plusieurs erreurs techniques dans le RFC 4492, qui sont corrigées par notre nouveau RFC.
Et, pendant que j'y suis, si vous voulez générer un certificat avec les courbes elliptiques, voici comment faire avec OpenSSL :
% openssl ecparam -out ec_key.pem -name prime256v1 -genkey % openssl req -new -key ec_key.pem -nodes -days 1000 -out cert.csr
J'ai utilisé ici la courbe P-256 (prime256v1
est encore un autre identificateur pour la courbe
NIST P-256, chaque organisme qui normalise dans ce domaine ayant ses
propres identificateurs). Si vous voulez la liste des courbes que
connait OpenSSL :
% openssl ecparam -list_curves
Ce blog est accessible en TLS mais pas avec des courbes elliptiques. En effet, l'AC que j'utilise, CAcert, ne les accepte hélas pas (« The keys you supplied use an unrecognized algorithm. For security reasons these keys can not be signed by CAcert. ») Il y a des raisons pour cela mais c'est quand même déplorable. (Enfin, j'accepte quand même ECDHE.)
Enfin, un échange TLS complet vu par tshark est visible ici.
Merci à Manuel Pégourié-Gonnard pour sa relecture vigilante.
Date de publication du RFC : Mai 2018
Auteur(s) du RFC : R. Housley (Vigil Security)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF lamps
Première rédaction de cet article le 30 juillet 2018
Ce court RFC ajoute aux certificats PKIX du RFC 5280 la possibilité de contenir des adresses de courrier électronique dont la partie locale est en Unicode. Et il modifie légèrement les règles pour les noms de domaine en Unicode dans les certificats. Il a par la suite été remplacé par le RFC 9549.
Les certificats sur
l'Internet sont normalisés dans le RFC 5280, qui décrit un profil de
X.509 nommé PKIX
(définir un profil était nécessaire car la norme X.509 est bien
trop riche et complexe). Ce RFC 5280
permettait des noms de domaine en
Unicode (sections 4.2.1.10 et 7 du RFC 5280) mais il suivait l'ancienne norme
IDN, celle des RFC 3490 et suivants. Depuis, les IDN sont normalisés dans
le RFC 5890 et suivants, et notre nouveau
RFC 8399 modifie très légèrement le RFC 5280 pour s'adapter à cette nouvelle norme de noms de
domaines en Unicode. Les noms de domaine dans un
certificat peuvent être présents dans les champs Sujet (titulaire
du certificat) et
Émetteur (AC ayant signé le certificat) mais aussi dans les contraintes sur le nom (une
autorité de certification peut être
limitée à des noms se terminant en
example.com
, par exemple).
Notez que, comme avant, ces noms sont
exprimés dans le certificat en Punycode
(RFC 3492, xn--caf-dma.fr
au lieu de
café.fr
). C'est un bon exemple du fait que
les limites qui rendaient difficiles d'utiliser des noms de
domaine en Unicode n'avaient rien à voir avec le DNS
(qui n'a jamais
été limité à ASCII, contrairement à ce qu'affirme une
légende courante). En fait, le problème venait des applications
(comme PKIX), qui ne s'attendaient pas à
des noms en Unicode. Un logiciel qui traite des certificats
aurait été bien étonné de voir des noms de domaines
non-ASCII, et aurait peut-être
planté. D'où ce choix du Punycode.
Nouveauté plus importante de notre RFC 8399, les adresses de courrier électronique en Unicode (EAI pour Email Address Internationalization). Elles étaient déjà permises par la section 7.5 du RFC 5280, mais seulement pour la partie domaine (à droite du @). Désormais, elles sont également possibles dans la partie locale (à gauche du @). Le RFC 8398 donne tous les détails sur ce sujet.
Reste à savoir quelles AC vont accepter
Unicode. J'ai testé avec Let's
encrypt (avec le client Dehydrated, en mettant le
Punycode dans domains.txt
) et ça marche, regardez le certificat de
. Le
voici, affiché par GnuTLS :
https://www.potamochère.fr/
% gnutls-cli www.potamochère.fr ... - subject `CN=www.xn--potamochre-66a.fr', issuer `CN=Let's Encrypt Authority X3,O=Let's Encrypt,C=US', serial 0x03ed9617bb88bab3ad5b236675d1dd6e5d27, ...
D'autres AC acceptent ces noms en Unicode :
Gandi le fait aussi, regardez le certificat
de
. On
notera que le célèbre service de test de la qualité des
configurations TLS, SSLlabs, gère bien les IDN :
https://réussir-en.fr
Enfin, le registre du
.ru
a participé au
développement
de logiciels pour traiter l'Unicode dans les certificats.
First publication of this article on 18 July 2018
The RIPE Atlas probes can now perform DNS-over-TLS measurements, following RFC 7858. Several DNS-over-TLS servers exist. This article shows rapidly a few measurements.
To ask the RIPE Atlas
probes to perform
DNS-over-TLS tests,
we will use the Blaeu
software. Blaeu is made for one-off measurements, so the
results here are not long-term measurements of the evolution of
DNS-over-TLS servers. To do a DNS test with Blaeu, you use
blaeu-resolve
:
% blaeu-resolve mamot.fr [2001:67c:288::14] : 5 occurrences Test #15279055 done at 2018-07-18T21:06:14Z
By default, the Atlas probes will use the locally configured
resolver. But we can direct the probes to a specific resolver,
with --nameserver
:
% blaeu-resolve --nameserver dns.quad9.net www.france-ix.net Nameserver dns.quad9.net [2a00:a4c0:1:1::69] : 5 occurrences Test #15279064 done at 2018-07-18T21:09:11Z
By default, this will use the usual DNS, in clear
text, over UDP. But you can now
ask for DNS over TLS, with --tls
:
% blaeu-resolve --nameserver dns.quad9.net --tls www.bortzmeyer.org Nameserver dns.quad9.net [2001:4b98:dc0:41:216:3eff:fe27:3d3f 2605:4500:2:245b::42] : 5 occurrences Test #15279068 done at 2018-07-18T21:10:29Z
The --tls
option will instruct the Atlas probes
to use TLS, here is the entire JSON request
which has been sent:
% blaeu-resolve --nameserver dnsovertls.sinodun.com --verbose --tls signal.eu.org {'is_oneoff': True, 'definitions': [{'description': 'DNS resolution of signal.eu.org/AAAA via nameserver dnsovertls.sinodun.com', 'af': 6, 'type': 'dns', 'query_argument': 'signal.eu.org', 'query_class': 'IN', 'query_type': 'AAAA', 'set_rd_bit': True, 'tls': True, 'protocol': 'TCP', 'use_probe_resolver': False, 'target': 'dnsovertls.sinodun.com'}], 'probes': [{'requested': 5, 'type': 'area', 'value': 'WW', 'tags': {'include': ['system-ipv6-works']}}]} ...
The 'tls': True
is the part that triggers DNS-over-TLS.
Now that we have this tool, what can we do? First, let's check if DNS-over-TLS works from everywhere. Some people voiced concerns that port 853, used by DNS-over-TLS, may be blocked on some networks. Let's try:
% blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver getdnsapi.net --tls femen.org Nameserver getdnsapi.net [2607:5300:60:9fb5::2] : 126 occurrences [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 845 occurrences [TIMEOUT] : 20 occurrences Test #15279078 done at 2018-07-18T21:13:45Z
First problem, a lot of TLS negotiation errors. That's because most
Atlas probes have old TLS code, and this specific server requires very recent
TLS options and ciphers (we have the same problem with
Cloudflare's 1.1.1.1
server and, indeed, with many servers).
The probes are currently being upgraded but
it is far from complete. Let's move to a server which is may be more lax:
% blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver ns0.ldn-fai.net --tls femen.org Nameserver ns0.ldn-fai.net [TIMEOUT] : 970 occurrences [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 12 occurrences [2607:5300:60:9fb5::2] : 10 occurrences Test #15279106 done at 2018-07-18T21:21:59Z
OK, way too many timeouts. It could be because the small server cannot handle all the Atlas probes banging at the same time (Atlas has an option to add jitter but it is not used here). Let's try with another server:
% blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver unicast.censurfridns.dk --tls gitlab.isc.org Nameserver unicast.censurfridns.dk [2001:4f8:3:d::126] : 937 occurrences [TIMEOUT] : 32 occurrences [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 12 occurrences Test #15279169 done at 2018-07-18T21:42:11Z
OK, this is better, 3 % timeouts only. But it is still too much. Is it
because of TLS? Let's try with regular DNS over
TCP, without TLS, using the same set of probes
(option --old_measurement
):
% blaeu-resolve --requested 1000 --old_measurement 15279169 --nameserver unicast.censurfridns.dk --tcp gitlab.isc.org Warning: --requested=1000 ignored since a list of probes was requested Nameserver unicast.censurfridns.dk [2001:4f8:3:d::126] : 482 occurrences [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 6 occurrences [TIMEOUT] : 5 occurrences Test #15279208 done at 2018-07-18T21:51:15Z
This time, we have 1.0 % of timeouts, so it seems TLS has indeed problems. (The error message "may be a TLS negotiation error" is spurious. The problems are instead connections refused by the server, or by a middlebox on the path.)
OK, may be the problem of timeouts is because the server unicast.censurfridns.dk
is
not well connected? Let's try with a well managed and powerful
server, Quad9 :
% blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver 9.9.9.9 --tls www.ietf.org Nameserver 9.9.9.9 [TIMEOUT] : 106 occurrences [2400:cb00:2048:1::6814:155 2400:cb00:2048:1::6814:55] : 872 occurrences [ERROR: SERVFAIL] : 1 occurrences [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 11 occurrences Test #15277228 done at 2018-07-18T17:44:54Z
10 % of timeouts, that's certainly too much, and it proves that the 3 % problems before were not because the server was too weak. (Note there are also TLS negotiation errors, that shouldn't happen, but may have been triggered by middleboxes.) Again, let's try with ordinary DNS, using the same set of probes (unfortunately, many were not available for this comparison, so we have less results):
% blaeu-resolve --nameserver 9.9.9.9 --old_measurement 15277228 www.ietf.org Nameserver 9.9.9.9 [2400:cb00:2048:1::6814:155 2400:cb00:2048:1::6814:55] : 474 occurrences [ERROR: SERVFAIL] : 2 occurrences [TIMEOUT] : 19 occurrences Test #15277243 done at 2018-07-18T17:53:42Z
Only 3.8 % of timeouts, that's better. So, it seems there is indeed a problem specific to port 853, but it seems quite server-specific. (A routing problem would have give the same results on port 53 and 853.) Remember to take these results with a serious grain of salt: it's one measurement, on a specific day and hour, and the Internet is always changing. Serious measurements would require doing it again at different times.
And, even when it works, is DNS-over-TLS much slower? Let's display the RTT of the requests. First with TLS:
% blaeu-resolve --nameserver dns.quad9.net --requested 1000 --tls --displayrtt www.afnic.fr Nameserver dns.quad9.net [2001:67c:2218:30::24] : 849 occurrences Average RTT 2235 ms [TIMEOUT] : 129 occurrences Average RTT 0 ms [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 15 occurrences Average RTT 0 ms Test #15279140 done at 2018-07-18T21:34:30Z
Then with ordinary TCP:
% blaeu-resolve --nameserver dns.quad9.net --old_measurement 15279140 --tcp --displayrtt www.afnic.fr Nameserver dns.quad9.net [2001:67c:2218:30::24] : 473 occurrences Average RTT 142 ms [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 10 occurrences Average RTT 0 ms [TIMEOUT] : 9 occurrences Average RTT 0 ms ... Test #15279164 done at 2018-07-18T21:41:37Z
And finally with good old UDP:
% blaeu-resolve --nameserver dns.quad9.net --old_measurement 15279140 --displayrtt www.afnic.fr Nameserver dns.quad9.net [2001:67c:2218:30::24] : 471 occurrences Average RTT 237 ms [TIMEOUT] : 24 occurrences Average RTT 0 ms [NETWORK PROBLEM WITH RESOLVER] : 1 occurrences Average RTT 0 ms Test #15279176 done at 2018-07-18T21:45:42Z
Clearly, TLS is much slower, because we have to establish a TLS session first (in real-world use, DNS-over-TLS relies on session reuse.) Note also that TCP seems faster than UDP, which will require more investigation, may be the Atlas is not taking into account the time to establish a TCP connection.
Note that another public resolver show a different picture:
% blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver 1.1.1.1 --tls www.ietf.org Nameserver 1.1.1.1 [TUCONNECT (may be a TLS negotiation error)] : 907 occurrences [TIMEOUT] : 35 occurrences [2400:cb00:2048:1::6814:155 2400:cb00:2048:1::6814:55] : 49 occurrences Test #15277231 done at 2018-07-18T17:47:12Z % blaeu-resolve --requested 1000 --nameserver 1.1.1.1 --old_measurement 15277231 www.ietf.org Warning: --requested=1000 ignored since a list of probes was requested Nameserver 1.1.1.1 [2400:cb00:2048:1::6814:155 2400:cb00:2048:1::6814:55] : 465 occurrences [TIMEOUT] : 29 occurrences [] : 1 occurrences Test #15277240 done at 2018-07-18T17:53:30Z
Here, we have more timeouts with UDP than with TLS+TCP.
Première rédaction de cet article le 30 juin 2018
Dernière mise à jour le 7 juillet 2018
Le 29 juin, au festival Pas Sage en Seine , j'ai eu le plaisir de faire un exposé technique sur la cryptographie post-quantique. Vu les progrès des calculateurs quantiques, faut-il jeter tout de suite les algorithmes classiques comme RSA ?
Voici les supports de l'exposé :
La vidéo est en ligne, format WebM (et sur PeerTube).
Les calculateurs quantiques utilisés, simulés ou réels :
shor
utilisé sur un
des transparents,Les logiciels post-quantiques utilisés :
Il y avait plein d'autres trucs géniaux (comme d'habitude) à Pas Sage en Seine, n'hésitez pas à regarder le programme. Mes préférés (c'est complètement subjectif) : celui de Luckylex sur les lanceurs d'alerte, dénonçant la répression dont ils sont victimes, celui très concret de Nanar DeNanardon sur les innombrables traces numériques que nous laissons, avec plein de détails peu connus, comme le rôle de DHCP (cf. RFC 7819 pour l'exposé du problème, et RFC 7844 pour une solution), l'exposé de David Legrand (Next Inpact) sur « 20 ans d’évolution du numérique et de Next INpact », retraçant l'aventure d'un fanzine devenu un pilier de l'information libre sur le numérique (cf. leur dernier projet, La presse libre), celui de Shaft « Un panda roux peut-il avoir une vie privée ? » montrant que Firefox a de sérieuses failles en matière de protection de la vie privée (mais les autres navigateurs sont pires), en partie parce que la Fondation Mozilla est trop proche des GAFA. Mais le meilleur exposé était celui de Suzanne Vergnolle et Benoît Piédallu sur leur projet « GDPRBookClub », un très intéressant projet de travail en commun sur le RGPD.
Sinon, sur les phénomènes quantiques, et notamment sur l'intrication, Marc Kaplan m'a fait découvrir cette excellente BD qui l'explique très bien, et avec humour.
Première rédaction de cet article le 7 juin 2018
Le déploiement du protocole IPv6 continue, mais à un rythme très réduit par rapport à ce qui était prévu et espéré. À cette vitesse, on aura encore de l'IPv4 dans 20 ou 30 ans. Face à cette lenteur exaspérante, on entend souvent des Monsieur Jesaistout affirmer que c'est la conséquence d'une erreur fondamentale au début de la conception du protocole IPv6 : il aurait fallu le faire « compatible avec IPv4 ». Qu'est-ce que cela veut dire, et est-ce que cela aurait été possible ?
On trouve par exemple ce regret d'une absence de compatibilité dans le livre de Milton Mueller, « Will the Internet Fragment?: Sovereignty, Globalization and Cyberspace ». Cet auteur, quoique non-technicien, fait en général très attention à être rigoureux sur les questions techniques et à ne pas écrire de bêtises. Pourtant, là, il en a fait une belle (« in a fateful blunder, [...] the IETF did not make it backwards compatible with the old one »). Pour comprendre en quoi, voyons d'abord en quoi IPv6 est incompatible avec IPv4. Cela concerne notamment les routeurs et les applications. En effet, le format de l'en-tête des paquets IPv6 est très différent de celui de l'en-tête des paquets IPv4. Un routeur ne connaissant qu'IPv4 ne peut rien faire d'un paquet IPv6, il ne peut même pas l'analyser. IPv6 imposait donc une mise à jour de tous les routeurs (aujourd'hui largement faite, même sur le bas de gamme). Et les applications ? Normalement, une bonne partie des applications n'a pas besoin de connaitre les détails de la couche réseau. Après tout, c'est un des buts du modèle en couches que d'isoler les applications des particularités du réseau. Mais il y a des exceptions (application serveur ayant des ACL et devant donc manipuler des adresses IP, par exemple), et, surtout, beaucoup d'applications ne sont pas écrites avec une API de haut niveau : le programmeur ou la programmeuse a utilisé, par exemple, l'API socket, qui expose des tas de détails inutiles, comme la taille des adresses IP, liant ainsi l'application à un protocole réseau particulier. IPv6 impose donc de mettre à jour pas mal d'applications, ce qui est fait depuis longtemps pour les grands logiciels libres connus (Apache, Unbound, Postfix, etc) mais pas forcément pour les petits logiciels locaux développés par l'ESN du coin.
Aurait-on pu s'en tirer en concevant IPv6 différemment ? En gros, non. Pour voir pourquoi, il faut repartir du cahier des charges d'IPv6 : le principal problème était l'épuisement des adresses IPv4. Il fallait donc des adresses plus longues (elles font 128 bits pour IPv6 contre 32 pour IPv4). Même si cela avait été le seul changement dans le format de l'en-tête des paquets, cela aurait suffit à le rendre incompatible, et donc à obliger à changer les routeurs, ainsi que les applications dépendant d'IPv4. Regretter que l'IETF ait changé d'autres aspects de l'en-tête, qu'on aurait pu laisser tranquilles, n'a pas de sens : rien que le changement de taille des adresses invalide tout le code IPv4. Cela ne serait pas le cas si les en-têtes des paquets IP étaient encodés en TLV, ou bien dans un autre format avec des champs de taille variable. Mais, pour des raisons de performance (un routeur peut avoir à traiter des centaines de millions de paquets par seconde), les paquets IP ont un encodage en binaire, avec des champs de taille fixe. Toute modification de la taille d'un de ces champs nécessite donc de changer tout le code de traitement des paquets, tous les ASIC des routeurs.
Même en l'absence de ce problème d'encodage « sur le câble », il n'est pas sûr
que tous les programmes existants supporteraient le changement de
taille des adresses. Combien d'applications anciennes tiennent
pour acquis que les adresses IP ont une taille de seulement 32
bits et, si elles sont écrites en C, les
mettent dans des int
(entier qui fait en
général 32 bits) ?
Néanmoins, malgré ces faits connus depuis longtemps, on croise relativement souvent des affirmations du genre « l'IETF aurait juste dû rajouter des bits aux adresses mais sans changer le format ». Comme on l'a vu, tout changement de taille des adresses change le format. Et, si on ne change pas la taille des adresses, pourquoi utiliser un nouveau protocole ? À moins que, malgré Shannon, on ne croit à la possibilité de mettre 128 bits dans 32 bits ?
Cela ne veut pas dire qu'IPv4 et IPv6 doivent être incapables de se parler, comme « des navires qui se croisent dans la nuit ». On peut penser qu'une solution de traduction d'adresses permettrait au moins certains échanges. Mais attention à ne pas copier simplement le NAT d'IPv4 : IPv4 utilise les ports de TCP et UDP pour identifier une session particulière et savoir où envoyer les paquets. Il n'y a que 16 bits pour stocker les ports, et cela ne suffirait donc pas pour permettre de représenter toutes les adresses IPv6 dans des adresses IPv4 (il manquerait encore 80 bits à trouver…) Il y a bien des solutions avec traduction d'adresses, comme NAT64 (RFC 6146) mais elles ne peuvent s'utiliser que dans des cas limités (pour NAT64, entre un client purement IPv6 et un serveur purement IPv4), et entrainent des dépendances supplémentaires (pour NAT64, la nécessité de disposer d'un résolveur DNS spécial, cf. RFC 6147). Bref, enfonçons le clou : il n'existe pas et il ne peut pas exister de mécanisme permettant une compatibilité complète entre un protocole qui utilise des adresses de 32 bits et un protocole qui utilise des adresses de 128 bits. Il y a des solutions partielles (la plus simple, qu'on oublie souvent, est d'avoir un relais applicatif), mais pas de solution complète.
Bien sûr, c'est en supposant qu'on veut garder la compatibilité avec les anciennes machines et logiciels. Si on repartait de zéro, on pourrait faire un protocole de couche 3 aux adresses de taille variable, mais ce ne serait plus IP, et un tel protocole serait encore plus difficile et coûteux à déployer qu'une nouvelle version d'IP, comme IPv6.
Est-ce simplement moi qui ne vois pas de solution, ou bien est-ce vraiment un problème de fond ? Jusqu'à présent, plein de gens ont râlé « il aurait fallu faire un IPv6 compatible avec IPv4 » mais je n'ai encore vu aucune proposition détaillée indiquant comment faire cela. Il y a plein d'idées « dos de l'enveloppe », de ces idées griffonnées en deux minutes mais qui n'iront jamais plus loin. Écrire un tweet, c'est une chose. Spécifier, même partiellement, un protocole, c'est autre chose. On voit par exemple quelqu'un qui sort de son domaine de compétence (la cryptographie) écrire « they designed the IPv6 address space as an alternative to the IPv4 address space, rather than an extension to the IPv4 address space »). Mais il n'est pas allé plus loin. Au moins, l'auteur du ridicule projet baptisé IPv10 avait fait l'effort de détailler un peu sa proposition (le même auteur avait commis un projet de connecter les satellites par des fibres optiques). C'est d'ailleurs le fait que sa proposition soit relativement détaillée qui permet de voir qu'elle ne tient pas la route : le format des paquets (la seule chose qu'il spécifie de manière un peu précise) étant différent, son déploiement serait au moins aussi lent que celui d'IPv6. Le cryptographe cité plus haut, lui, ne s'est même pas donné cette peine.
Si vous n'êtes pas convaincus par mon raisonnement, je vous propose d'essayer de spécifier un « IPv4 bis » qui serait compatible avec IPv4 tout en offrant davantage d'adresses. Vous pouvez écrire cette spécification sous forme d'un Internet-Draft, d'un article scientifique, ou d'un article sur votre blog. Mettre en œuvre n'est pas obligatoire. Envoyez-moi l'URL ensuite, je suis curieux de voir les résultats. (Rappel : les vagues propositions, trop vagues pour être réfutées, ne sont pas acceptées, il faut une vraie spécification, qu'on puisse soumettre à une analyse technique.) Quelques exemples :
Première rédaction de cet article le 6 juin 2018
Aujourd'hui 6 juin, la nouvelle version d'Unicode est sortie, la 11.0. Une description officielle des principaux changements est disponible mais voici ceux qui m'ont intéressé particulièrement. (Il n'y a pas de changement radical.)
Pour explorer plus facilement la grande base Unicode, j'utilise un programme qui la convertit en SQL et permet ensuite de faire des analyses variées. Faisons quelques requêtes SQL :
ucd=> SELECT count(*) AS Total FROM Characters; total -------- 137439
Combien de caractères sont arrivés avec la version 11 ?
ucd=> SELECT version,count(version) FROM Characters GROUP BY version ORDER BY version::float; ... 9.0 | 7500 10.0 | 8518 11.0 | 684
684 nouveaux, bien moins que dans les versions précédentes. Quels sont ces nouveaux caractères ?
ucd=> SELECT To_U(codepoint) AS Codepoint, name FROM Characters WHERE version='11.0'; codepoint | name -----------+---------------------------------------------------------------------------- ... U+1F9B8 | SUPERHERO U+1F9B9 | SUPERVILLAIN U+1F9C1 | CUPCAKE ... U+10D00 | HANIFI ROHINGYA LETTER A ... U+16E60 | MEDEFAIDRIN SMALL LETTER M ... U+1D2E0 | MAYAN NUMERAL ZERO ... U+1F12F | COPYLEFT SYMBOL ... U+1F99D | RACCOON U+1F99E | LOBSTER U+1F99F | MOSQUITO ... U+1F9B0 | EMOJI COMPONENT RED HAIR
Outre les habituels emojis plus ou moins utiles, et le symbole du copyleft (enfin !) qui plaira aux libristes, on trouve aussi six écritures plus ou moins nouvelles comme le medefaidrin, les chiffres mayas ou comme le hanifi. Les Rohingyas se font massacrer mais au moins leur écriture est désormais dans Unicode.
Toujours dans les emojis, on notera que la norme a précisé que les emojis n'ont pas forcément de genre. Et elle a ajouté des modificateurs permettant de faire varier l'image comme le U+1F9B0 pour mettre des cheveux roux à un personnage, ou comme les changements de direction. Une des erreurs les plus souvent commises à propos des emojis (et d'ailleurs à propos d'Unicode en général) est de croire que l'image proposée par Unicode est normative : ce n'est qu'un exemple, et chaque auteur de police peut l'adapter (comme l'a récemment montré l'affaire de la salade Google). Ainsi, si l'image proposée d'un coureur est un homme aux cheveux sombres, rien n'empêche une police Unicode d'utiliser une femme aux cheveux blonds. Pour les cas où il faut préciser, Unicode offre des mécanismes de modification d'un emoji comme les séquences ZWJ. Si elles sont gérées par votre logiciel (cela semble rare aujourd'hui dans le monde Unix libre mais ça marche, par exemple, chez Apple), vous devriez voir ici un coureur et une coureuse : 🏃♂ 🏃♀. Si vous voyez au contraire un personnage puis le symbole mâle ou femelle, c'est que votre logiciel ne traite pas ces séquences ZWJ. Voici ce que cela donne avec un Safari sur Mac :
Tiens, d'ailleurs, combien de caractères Unicode sont des symboles (il n'y a pas que les emojis parmi eux, mais Unicode n'a pas de catégorie « emoji ») :
ucd=> SELECT count(*) FROM Characters WHERE category IN ('Sm', 'Sc', 'Sk', 'So'); count ------- 7110
Ou, en plus détaillé, et avec les noms longs des catégories :
ucd=> SELECT description,count(category) FROM Characters,Categories WHERE Categories.name = Characters.category AND category IN ('Sm', 'Sc', 'Sk', 'So') GROUP BY category, description; description | count -----------------+------- Other_Symbol | 5984 Math_Symbol | 948 Modifier_Symbol | 121 Currency_Symbol | 57 (4 rows)
Date de publication du RFC : Mai 2018
Auteur(s) du RFC : R. Gellens (Core Technology Consulting)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF slim
Première rédaction de cet article le 26 mai 2018
Le groupe de travail SLIM de l'IETF s'occupe de définir des mécanismes pour le choix d'une langue lors de la communication. Son premier RFC, le RFC 8255, concernait le courrier électronique. Ce nouveau RFC concerne, lui, les communications « en temps réel », comme la téléphonie sur IP.
Un scénario d'usage typique est celui d'un client qui appelle le support d'une société internationale. Mettons que le client a pour langue maternelle l'ourdou mais peut se débrouiller en anglais. On veut qu'il puisse préciser cet ordre de préférences, et, idéalement, que le logiciel utilisé dans le call center le route automatiquement vers un employé qui parle ourdou ou, si aucun n'est disponible, vers un employé qui parle anglais. Plus vital, le scénario d'un appel d'urgence où un touriste danois en vacances en Italie appelle le 112 et où il faut trouver très vite quelqu'un qui peut parler une langue qu'il comprend (sachant qu'en situation d'urgence, on est moins à l'aise avec les langues étrangères). Comme le dit avec euphémisme le RFC « avoir une langue en commun est utile pour la communication ». Pour gérer tous ces scénarios, notre RFC va utiliser les attributs de SDP (RFC 4566, SDP est un format - pas un protocole, en dépit de son nom - déjà très utilisé dans les protocoles de communication instantanée pour transmettre des métadonnées au sujet d'une communication).
Parfois, on a déjà l'information disponible (si on appelle une personne qu'on connait et qui nous connait), et déjà choisi une langue (par exemple une audioconférence dans une entreprise où la règle est que tout se fasse en anglais). Notre RFC traite le cas où on n'a pas cette information, et il faut donc une négociation au début de la communication. Cela implique que le logiciel des deux côtés ait été configuré avec les préférences et capacités linguistiques des deux parties (une question d'interface utilisateur, non spécifiée par ce RFC).
Notez qu'il peut y avoir plusieurs langues différentes utilisées, une pour chaque flux de données. Par exemple, l'appelant peut parler dans une langue que son interlocuteur comprend, mais qu'il a du mal à parler, et il utilisera donc une autre langue pour la réponse. Notez aussi que la communication n'est pas uniquement orale, elle peut être écrite, par exemple pour les malentendants. Le RFC rappelle à juste titre qu'un sourd n'est pas forcément muet et qu'il ou elle peut donc choisir l'oral dans une direction et le texte dans une autre. (Au passage, la synchronisation des lèvres, pour la lecture sur les lèvres, est traitée dans le RFC 5888.)
La solution choisie est décrite en détail dans la section 5 de
notre RFC. Elle consiste en deux attributs SDP,
hlang-send
et
hlang-recv
(hlang
=
human language). Leur valeur est évidemment une
étiquette de langue, telles qu'elles sont
normalisées dans le RFC 5646. Dans une offre
SDP, hlang-send
est une liste (pas une langue
unique) de langues que l'offreur sait parler, séparées par des
espaces, donnée dans l'ordre de
préférence décroissante, et
hlang-recv
une liste de langues qu'elle ou
lui comprend. Notez qu'il est de la responsabilité de l'offreur
(typiquement celui ou celle qui appelle) de proposer des choix
réalistes (le RFC donne le contre-exemple d'un offreur qui demanderait à
parler en hongrois et à avoir la réponse en
portugais…) D'autre part, notre RFC
recommande de bien lire la section 4.1 du RFC 5646, qui indique d'étiqueter intelligement, et
notamment de ne pas être trop spécifique : si on est australien et qu'on comprend bien
l'anglais, indiquer comme langue en
est
suffisant, préciser (ce qui serait une étiquette légale)
en-AU
est inutile et même dangereux si le
répondant se dit « je ne sais pas parler avec l'accent australien,
tant pis, je raccroche ».
La langue choisie par le répondant est indiquée dans la
réponse. hlang-send
et
hlang-recv
sont cette fois des langues
uniques. Attention, ce qui est envoi pour l'une des parties est
réception pour l'autre : hlang-send
dans la
réponse est donc un choix parmi les
hlang-recv
de l'offre. L'offreur (l'appelant) est ainsi prévenu du choix qui a
été effectué et peut se préparer à parler la langue indiquée par
le hlang-recv
du répondant, et à comprendre
celle indiquée par le hlang-send
.
Voici un exemple simple d'un bloc SDP (on n'en montre qu'une partie), où seul l'anglais est proposé ou accepté (cet exemple peut être une requête ou une réponse) :
m=audio 49170 RTP/AVP 0 a=hlang-send:en a=hlang-recv:en
Le cas où hlang-send
et
hlang-recv
ont la même valeur sera sans doute
fréquent. Il avait même été envisagé de permettre un seul
attribut (par exemple hlang
) dans ce cas
courant mais cela avait été écarté, au profit de la solution
actuelle, plus générale.
Un exemple un peu plus compliqué où la demande propose trois langues (espagnol, basque et anglais dans l'ordre des préférences décroissantes) :
m=audio 49250 RTP/AVP 20 a=hlang-send:es eu en a=hlang-recv:es eu en
Avec une réponse où l'espagnol est utilisé :
m=audio 49250 RTP/AVP 20 a=hlang-send:es a=hlang-recv:es
Et si ça rate ? S'il n'y a aucune langue en commun ? Deux choix sont possibles, se résigner à utiliser une langue qu'on n'avait pas choisi, ou bien raccrocher. Le RFC laisse aux deux parties la liberté du choix. En cas de raccrochage, le code d'erreur SIP à utiliser est 488 (Not acceptable here) ou bien 606 (Not acceptable), accompagné d'un en-tête d'avertissement avec le code 308, par exemple :
Warning: 308 code proxy.example.com "Incompatible language specification: Requested languages "fr zh" not supported. Supported languages are: "es en".
Si la langue indiquée est une langue des signes, elle peut être utilisée dans un canal vidéo, mais évidemment pas dans un canal audio. (Le cas d'un canal texte est laissé à l'imagination des lecteurs. Le cas des sous-titres, ou autres textes affichés dans une vidéo, n'est pas traité par notre RFC.)
Voici un exemple bien plus riche, avec plusieurs médias. La vidéo en langue des signes argentine, le texte en espagnol (ou à la rigueur en portugais), et un canal audio, mêmes préférences que le texte :
m=video 51372 RTP/AVP 31 32 a=hlang-send:aed m=text 45020 RTP/AVP 103 104 a=hlang-send:es pt m=audio 49250 RTP/AVP 20 a=hlang-recv:es pt
Voici une réponse possible à cette requête, avec de l'espagnol pour le canal texte et pour la voix. Aucune vidéo n'est proposée, sans doute car aucune n'était disponible dans la langue demandée :
m=video 0 RTP/AVP 31 32 m=text 45020 RTP/AVP 103 104 a=hlang-recv:es m=audio 49250 RTP/AVP 20 a=hlang-send:es
Notez que ce RFC ne fournit pas de mécanisme pour exprimer des préférences entre les différents canaux (texte et audio, par exempe), uniquement entre langues pour un même canal.
Les deux attributs hlang-recv
et
hlang-send
ont été ajoutés au registre
IANA des attributs SDP.
Notons que la section 8 du RFC, sur la protection de la vie privée, rappelle qu'indiquer les préférences linguistiques peut permettre d'apprendre des choses sur l'utilisateur, par exemple sa nationalité. Une section Privacy considerations, quoique non obligatoire, est de plus en plus fréquente dans les RFC.
Enfin, question alternatives, le RFC note aussi (section 4) qu'on aurait pu utiliser
l'attribut existant lang
, qui existe déjà
dans SDP (RFC 4566, section 6). Mais il n'est pas
mentionné dans le RFC 3264, ne semble pas
utilisé à l'heure actuelle, et ne permet pas de spécifier une
langue différente par direction de communication.
À ma connaissance, il n'y a pas encore de mise en œuvre de ce RFC mais comme il est cité dans des documents normatifs, par exemple dans le NENA 08-01 de la North American Emergency Number Association, il est possible qu'elles apparaissent bientôt.
Date de publication du RFC : Mai 2018
Auteur(s) du RFC : P. Pfister (Cisco Systems), T. Lemon
(Nominum)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF homenet
Première rédaction de cet article le 18 mai 2018
Ce nouveau RFC a l'air compliqué comme
cela, mais en fait il ne fait qu'une chose : remplacer, dans le
protocole Homenet/HNCP (Home Networking Control Protocol), le
nom de domaine .home
par home.arpa
.
home.arpa
est désormais enregistré
dans la liste officielle des noms de domaine
spéciaux, ceux qui ne passent pas par les mécanismes
habituels d'enregistrement de noms de domaine, et/ou les mécanismes habituels
de résolution DNS. (Cette liste a été créée
par le RFC 6761, et critiquée par le RFC 8244. home.arpa
n'étant
pas un TLD, il pose moins de problèmes politiciens.)
Quelle est l'utilité de ce nom home.arpa
?
La série de protocoles Homenet
(l'architecture de Homenet est décrite dans le RFC 7368)
vise à doter la maison de l'utilisateur normal (pas participant à
l'IETF) d'un ensemble de réseaux
IPv6 qui marchent automatiquement, sans
intervention humaine. Parmi les protocoles Homenet,
HNCP, normalisé dans le protocole RFC 7788 est le protocole de configuration.
Il utilise un suffixe pour les noms de domaines
comme nas.SUFFIXE
ou
printer.SUFFIX
. C'est ce
home.arpa
qui va désormais servir de
suffixe.
Mais quel était le problème avec le suffixe
.home
du RFC 7788 ?
D'abord, le RFC 7788 avait commis une grosse
erreur, enregistrée sous le numéro
4677 : il ne tenait pas compte des règles du RFC 6761, et réservait ce TLD
.home
sans suivre les procédures du RFC 6761. Notamment, il ne listait pas les
particularités qui font que ce domaine est spécial (pour
home.arpa
, notre nouveau RFC 8375 le fait dans sa section 5), et il ne demandait pas à
l'IANA de le mettre dans le registre
des noms de domaine spéciaux. Cela avait des conséquences
pratiques comme le fait que ce .home
ne
pouvait pas marcher à travers un résolveur DNS validant (puisque ce nom n'existait pas
du tout dans la racine). Un bon article sur ce choix et sur les
problèmes qu'il posait était « Homenet, and the hunt for a name ».
On peut aussi ajouter que le risque de « collision » entre deux
noms de domaine était élevé puisque pas mal de réseaux locaux sont
nommés sous .home
et que ce nom est un de
ceux qui « fuitent » souvent vers les serveurs
racines (voir par exemple les statistiques
du serveur racine L.). On peut consulter à ce sujet les
documents de l'ICANN « New
gTLD Collision Risk Mitigation » et
« New
gTLD Collision Occurence Management ». Notons
qu'il y avait eu plusieurs
candidatures
(finalement rejetées en
février 2018) pour un .home
en cours auprès de l'ICANN. Exit, donc,
.home
, plus convivial mais trop
convoité. Demander à l'ICANN de déléguer un
.home
pour l'IETF (ce qui aurait été
nécessaire pour faire une délégation DNSSEC
non signée, cf. RFC 4035, section 4.3)
aurait pris dix ou quinze ans.
À la place, voici home.arpa
, qui profite
du RFC 3172, et du caractère décentralisé
du DNS, qui permet de déléguer des
noms sous .arpa
.
L'utilisation de home.arpa
n'est pas
limitée à HNCP, tous les protocoles visant le même genre d'usage
domestique peuvent s'en servir. Il n'a évidemment qu'une
signification locale.
La section 3 décrit le comportement général attendu avec
home.arpa
. Ce n'est pas un nom de domaine comme les
autres. Sa signification est purement
locale. printer.home.arpa
désignera une
machine à un endroit et une autre machine dans une autre
maison. Les serveurs DNS globaux ne peuvent
pas être utilisés pour résoudre les noms sous home.arpa
. Tous les
noms se terminant par ce suffixe doivent être traités uniquement
par les résolveurs locaux, et jamais transmis à l'extérieur.
Notez que, la plupart du temps, les utilisateurs ne verront pas
le suffixe home.arpa
, l'interface des
applications « Homenet » leur masquera cette
partie du nom. Néanmoins, dans certains cas, le nom sera sans
doute visible, et il déroutera sans doute certains utilisateurs,
soit à cause du suffixe arpa
qui n'a pas de
signification pour eux, soit parce qu'ils ne sont pas anglophones et qu'ils ne comprennent
pas le home
. Il n'y a pas de solution miracle
à ce problème.
La section 4 est le formulaire d'enregistrement dans le registre des noms spéciaux, suivant les formalités du RFC 6761, section 5. (Ce sont ces formalités qui manquaient au RFC 7788 et qui expliquent l'errata.) Prenons-les dans l'ordre (relisez bien la section 5 du RFC 6761) :
home.arpa
. Elles devraient passer
par le mécanisme de résolution normal. Une exception : si la
machine a été configurée pour utiliser un autre résolveur DNS
que celui de la maison (un résolveur public, par
exemple, qui ne connaîtra pas votre home.arpa
), il peut être nécessaire de mettre une règle
particulière pour faire résoudre ces noms par un résolveur local..arpa
retournent une délégation normale.Voici la délégation :
% dig @a.root-servers.net ANY home.arpa ; <<>> DiG 9.10.3-P4-Debian <<>> @a.root-servers.net ANY home.arpa ; (2 servers found) ;; global options: +cmd ;; Got answer: ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 48503 ;; flags: qr rd; QUERY: 1, ANSWER: 0, AUTHORITY: 4, ADDITIONAL: 1 ;; WARNING: recursion requested but not available ;; OPT PSEUDOSECTION: ; EDNS: version: 0, flags: do; udp: 4096 ;; QUESTION SECTION: ;home.arpa. IN ANY ;; AUTHORITY SECTION: home.arpa. 172800 IN NS blackhole-1.iana.org. home.arpa. 172800 IN NS blackhole-2.iana.org. home.arpa. 86400 IN NSEC in-addr.arpa. NS RRSIG NSEC home.arpa. 86400 IN RRSIG NSEC 8 2 86400 ( 20180429000000 20180415230000 56191 arpa. K4+fNoY6SXQ+VtHsO5/F0oYrRjZdNSG0MSMaeDSQ78aC NHko4uqNAzoQzoM8a2joFeP4wOL6kVQ72UJ5zqd/iZJD 0ZSh/57lCUVxjYK8sL0dWy/3xr7kbaqi58tNVTLkp8GD TfyQf5pW1rtRB/1pGzbmTZkK1jXw4ThG3e9kLHk= ) ;; Query time: 24 msec ;; SERVER: 2001:503:ba3e::2:30#53(2001:503:ba3e::2:30) ;; WHEN: Mon Apr 16 09:35:35 CEST 2018 ;; MSG SIZE rcvd: 296
La section 5 rassemble les changements dans la norme HNCP (RFC 7788. C'est juste un remplacement de
.home
par home.arpa
.
Quelques petits trucs de sécurité (section 6). D'abord, il ne
faut pas s'imaginer que ces noms locaux en
home.arpa
sont plus sûrs que n'importe quel
autre nom. Ce n'est pas parce qu'il y a home
dedans qu'on peut leur faire confiance. D'autant plus qu'il y a,
par construction, plusieurs home.arpa
, et
aucun moyen, lorsqu'on se déplace de l'un à l'autre, de les
différencier. (Des travaux ont lieu pour concevoir un mécanisme
qui pourrait permettre d'avertir l'utilisateur « ce n'est pas le
home.arpa
que vous pensez » mais ils n'ont
pas encore abouti.)
home.arpa
n'est pas sécurisé par
DNSSEC. Il ne serait pas possible de mettre
un enregistrement DS dans
.arpa
puisqu'un tel
enregistrement est un condensat de la clé
publique de la zone et que chaque home.arpa
qui serait signé aurait sa propre clé. Une solution possible aurait été
de ne pas déléguer
home.arpa
. .arpa
étant
signé, une telle non-délégation aurait pu être validée par DNSSEC
(« denial of existence »). La réponse DNS
aurait été (commande tapée avant la délégation de home.arpa
) :
% dig A printer.home.arpa ... ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NXDOMAIN, id: 37887 ;; flags: qr rd ra ad; QUERY: 1, ANSWER: 0, AUTHORITY: 6, ADDITIONAL: 1 ... ;; AUTHORITY SECTION: arpa. 10800 IN SOA a.root-servers.net. nstld.verisign-grs.com. ( 2017112001 ; serial 1800 ; refresh (30 minutes) 900 ; retry (15 minutes) 604800 ; expire (1 week) 86400 ; minimum (1 day) ) arpa. 10800 IN RRSIG SOA 8 1 86400 ( 20171203120000 20171120110000 36264 arpa. QqiRv85fb6YO/79ZdtQ8Ke5FmZHF2asjLrNejjcivAAo... arpa. 10800 IN RRSIG NSEC 8 1 86400 ( 20171203120000 20171120110000 36264 arpa. dci8Yr95yQtL9nEBFL3dpdMVTK3Z2cOq+xCujeLsUm+W... arpa. 10800 IN NSEC as112.arpa. NS SOA RRSIG NSEC DNSKEY e164.arpa. 10800 IN RRSIG NSEC 8 2 86400 ( 20171203120000 20171120110000 36264 arpa. jfJS6QuBEFHWgc4hhtvdfR0Q7FCCgvGNIoc6169lsxz7... e164.arpa. 10800 IN NSEC in-addr.arpa. NS DS RRSIG NSEC ;; Query time: 187 msec ;; SERVER: 127.0.0.1#53(127.0.0.1) ;; WHEN: Mon Nov 20 20:28:27 CET 2017 ;; MSG SIZE rcvd: 686
Ici, on reçoit un NXDOMAIN (ce domaine n'existe pas), et les
enregistrements NSEC qui prouvent que
home.arpa
n'existe pas non plus (rien entre
e164.arpa
et in-addr.arpa
).
Mais cela
aurait nécessité un traitement spécial de
home.arpa
par le résolveur validant (par
exemple, sur Unbound,
domain-insecure: "home.arpa"
). Finalement, le
choix fait a été celui d'une délégation non sécurisée (section 7
du RFC), vers les
serveurs blackhole-1.iana.org
et blackhole-2.iana.org
:
% dig NS home.arpa ; <<>> DiG 9.10.3-P4-Debian <<>> NS home.arpa ;; global options: +cmd ;; Got answer: ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 64059 ;; flags: qr rd ra; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 ;; OPT PSEUDOSECTION: ; EDNS: version: 0, flags: do; udp: 4096 ;; QUESTION SECTION: ;home.arpa. IN NS ;; ANSWER SECTION: home.arpa. 190 IN NS blackhole-1.iana.org. home.arpa. 190 IN NS blackhole-2.iana.org. ;; Query time: 0 msec ;; SERVER: 127.0.0.1#53(127.0.0.1) ;; WHEN: Mon Apr 16 09:36:25 CEST 2018 ;; MSG SIZE rcvd: 98
Cette délégation a été faite le 15 mars 2018.
Le domaine home.arpa
a été ajouté dans
le registre des noms de domaine spéciaux
ainsi que dans celui
des noms servis localement.
En testant avec les
sondes RIPE Atlas, on voit que tous les résolveurs ne
voient pas la même chose, ce qui est normal, chaque maison pouvant
avoir son home.arpa
local :
% blaeu-resolve -r 1000 -q SOA home.arpa [prisoner.iana.org. hostmaster.root-servers.org. 1 604800 60 604800 604800] : 548 occurrences [prisoner.iana.org. hostmaster.root-servers.org. 1 1800 900 604800 604800] : 11 occurrences [prisoner.iana.org. hostmaster.root-servers.org. 1 1800 900 604800 15] : 33 occurrences [prisoner.iana.org. hostmaster.root-servers.org. 2002040800 1800 900 604800 60480] : 229 occurrences [ERROR: FORMERR] : 1 occurrences [ERROR: SERVFAIL] : 132 occurrences [] : 4 occurrences [prisoner.iana.org. hostmaster.root-servers.org. 1 604800 60 604800 3600] : 11 occurrences [prisoner.iana.org. hostmaster.trex.fi. 1 604800 86400 2419200 86400] : 4 occurrences [prisoner.iana.org. ops.inx.net.za. 1513082668 10800 3600 604800 3600] : 2 occurrences [TIMEOUT(S)] : 19 occurrences Test #12177308 done at 2018-04-16T07:38:32Z
On voit sur ce premier test que la grande majorité des sondes
voient le vrai SOA (numéro de série 1 ou 2002040800 ; curieusement,
les serveurs faisant autorité envoient des numéros
différents). Certaines voient un tout autre SOA (par exemple celle
où l'adresse du responsable est en Afrique du
Sud ou bien en Finlande), et le
numéro de série très différent. Ce n'est pas un problème ou un
piratage : le principe de home.arpa
est que
chacun peut avoir le sien.
Pour une autre description de ce home.arpa
,
voyez l'article de
John Shaft (où il utilise Unbound) et
(en anglais), regardez celui
de Daniel Aleksandersen.
À l'heure actuelle, toutes les mises en œuvre en logiciel libre
que j'ai regardées utilisent encore .home
, mais
elles semblent souvent non maintenues.
Date de publication du RFC : Avril 2018
Auteur(s) du RFC : K. Sriram (USA NIST)
Pour information
Première rédaction de cet article le 1 mai 2018
Ce RFC est un peu spécial : il ne normalise pas un protocole, ni des procédures internes à l'IETF, et il n'est pas non plus la description d'un problème à résoudre, ou un cahier des charges d'une solution à développer. Non, ce RFC est la documentation a posteriori des choix qui ont été effectués lors du développement de BGPsec, une solution de sécurisation du routage Internet. C'est donc un document utile si vous lisez les RFC sur BGPsec, comme le RFC 8205 et que vous vous demandez « mais pourquoi diable ont-ils choisi cette approche et pas cette autre, qui me semble bien meilleure ? »
Un petit rappel du contexte : le protocole de
routage BGP
fonctionne en échangeant des informations entre pairs, sur les
routes que chaque pair sait joindre. Par défaut, un pair peut
raconter n'importe quoi, dire qu'il a une route vers
2001:db8::/32
alors qu'il n'est pas le
titulaire de ce préfixe et n'a pas non plus appris cette route
d'un de ses pairs. Cela rend donc le routage Internet assez
vulnérable. Pour le sécuriser, il existe plusieurs mécanismes qui
font que, en pratique, ça ne marche pas trop
mal. L'IETF a développé une solution
technique, qui a deux couches : une infrastructure à clés publiques, la
RPKI, normalisée dans les RFC 6480 et RFC 6481, et une seconde
couche, les services qui utilisent la RPKI pour authentifier tel
ou tel aspect du routage. Deux de ces services sont normalisés,
les ROA (Route Origin Authorization) des RFC 6482
et RFC 6811, qui servent à authentifier
l'AS d'origine d'un préfixe, et
BGPsec (RFC 8205),
qui sert à authentifier le chemin d'AS, la
liste des AS empruntés par une annonce de
route (cf. section 2.1.1 de notre RFC). Sans BGPsec, les ROA,
utilisés seuls, ne peuvent pas arrêter certaines attaques
(cf. RFC 7132, qui explique quelles menaces
traite BGPsec, et RFC 7353, cahier des
charges de BGPsec). Par exemple, si l'AS 64641, malhonnête, veut
tromper son pair, l'AS 64642, à propos du préfixe
2001:db8::/32
, et que ce préfixe a un ROA
n'autorisant que 64643 à être à l'origine, le malhonnête peut
fabriquer une annonce avec le chemin d'AS 64641
[éventuellement d'autres AS] 64643
(rappelez-vous que
les chemins d'AS se lisent de droite à gauche) et l'envoyer à
64641. Si celui-ci vérifie le ROA, il aura l'impression que tout
est normal, l'AS 64643 étant bien indiqué comme l'origine. Et cela
marchera même si les annonces de l'AS 64643 ne sont jamais passées
par ce chemin ! BGPsec répare ce problème en transportant un
chemin d'AS signé,
authentifiant toutes les étapes.
Lors du développement de BGPsec, un document avait été rédigé pour documenter tous les choix effectués, mais n'avait pas été publié. C'est désormais chose faite avec ce RFC, qui documente les choix, les justifie, et explique les différences entre ces choix initiaux et le protocole final, modifié après un long développement. Parmi les points importants du cahier des charges (RFC 7353) :
Finie, l'introduction, passons tout de suite à certains des choix qui ont été effectués. (Il est évidemment recommandé de lire le RFC 8205 avant, puis de lire notre RFC 8374 après, si on veut tous les choix documentés.) D'abord, à quoi ressemblent les signatures, et les nouveaux messages BGP (section 2 de notre RFC). Les signatures BGPsec signent le préfixe IP, l'AS signataire, et l'AS suivant à qui on va transmettre l'annonce. Le premier point important est qu'on signe l'AS suivant, de manière à créer une chaîne de signatures vérifiables. Autrement, un attaquant pourrait fabriquer un faux chemin à partir de signatures correctes.
Si on utilise le prepending d'AS, la
première version de BGPsec prévoyait une signature à chaque fois,
mais on peut finalement mettre une seule signature pour la
répétition d'AS, avec une variable pCount
qui indique leur nombre (RFC 8205, section 3.1), afin
de diminuer le nombre de signatures (les signatures peuvent
représenter la grande majorité des octets d'une annonce BGP).
Le second point important est que certains attributs ne sont
pas pas signés, comme par exemple la
préférence locale (RFC 4271, section 5.1.5)
ou les communautés (cf. RFC 1997). Ces
attributs pourront donc être modifiés par un attaquant à sa
guise. Ce n'est pas si grave que ça en a l'air car la plupart de
ces attributs n'ont de sens qu'entre deux AS (c'est le cas de la
communauté NO_EXPORT
) ou sont internes à un
AS (la
préférence locale). Sur ces courtes distances, on espère de toute
façon que la session BGP sera protégée, par exemple par AO (RFC 5925).
La signature est transportée dans un attribut BGP optionnel et non-transitif (qui n'est pas transmis tel quel aux routeurs suivants). Optionnel car, sinon, il ne serait pas possible de déployer BGPsec progressivement. Et non-transitif car un routeur BGPsec n'envoie les signatures que si le routeur suivant lui a dit qu'il savait gérer BGPsec.
Dans le message BGP signé, le routeur qui signe est identifié par sa clé publique, pas par le certificat entier. Cela veut dire qu'on ne peut valider les signatures que si on a accès à une dépôt de la RPKI, avec les certificats.
La section 3 de notre RFC traite le cas des retraits de route : contrairement aux annonces, ils ne sont pas signés. Un AS est toujours libre de retirer une route qu'il a annoncée (BGP n'accepte pas un retrait venant d'un autre pair). Si on a accepté l'annonce, il est logique d'accepter le retrait (en supposant évidemment que la session entre les deux routeurs soit raisonnablement sécurisée).
La section 4, elle, parle des algorithmes de signature. Le RFC 8208 impose ECDSA avec la courbe P-256 (cf. RFC 6090). RSA avait été envisagé mais ECDSA avait l'avantage de signatures bien plus petites (cf. l'étude du NIST sur les conséquences de ce choix).
Une autre décision importante dans cette section est la possibilité d'avoir une clé par routeur et pas par AS (cf. RFC 8207). Cela évite de révoquer un certificat global à l'AS si un seul routeur a été piraté. (Par contre, il me semble que c'est indiscret, permettant de savoir quel routeur de l'AS a relayé l'annonce, une information qu'on n'a pas forcément actuellement.)
Décision plus anecdotique, en revanche, celle comme quoi le nom
dans le certificat (Subject) sera la chaîne
router
suivie du numéro d'AS (cf. RFC 5396) puis de
l'identité BGP du routeur. Les détails figurent dans le RFC 8209.
Voyons maintenant les problèmes de performance (section 5). Par exemple, BGPsec ne permet pas de regrouper plusieurs préfixes dans une annonce, comme on peut le faire traditionnellement avec BGP. C'est pour simplifier le protocole, dans des cas où un routeur recevrait une annonce avec plusieurs préfixes et n'en transmettrait que certains. Actuellement, il y a en moyenne quatre préfixes par annonce (cf. l'étude faite par l'auteur du RFC). Si tout le monde adoptait BGPsec, on aurait donc quatre fois plus d'annonces, et il faudra peut-être dans le futur optimiser ce cas.
On l'a vu plus haut, il n'est pas envisageable de déployer BGPsec partout du jour au lendemain. Il faut donc envisager les problèmes de coexistence entre BGPsec et BGP pas sécurisé (section 6 de notre RFC). Dès que deux versions d'un protocole, une sécurisée et une qui ne l'est pas, coexistent, il y a le potentiel d'une attaque par repli, où l'attaquant va essayer de convaindre une des parties de choisir la solution la moins sécurisée. Actuellement, BGPsec ne dispose pas d'une protection contre cette attaque. Ainsi, il n'y a pas de moyen de savoir si un routeur qui envoie des annonces non-signées le fait parce qu'il ne connait pas BGPsec, ou simplement parce qu'un attaquant a modifié le trafic.
La possibilité de faire du BGPsec est négociée à l'établissement de la session BGP. Notez qu'elle est asymétrique. Par exemple, il est raisonnable qu'un routeur de bordure signe ses propres annonces mais accepte tout de la part de ses transitaires, et ne lui demande donc pas d'envoyer les signatures. Pendant un certain temps (probablement plusieurs années), nous aurons donc des ilots BGPsec au milieu d'un océan de routeurs qui font du BGP traditionnel. On peut espérer qu'au fur et à mesure du déploiement, ces ilots se rejoindront et formeront des iles, puis des continents.
La question de permettre des chemins d'AS partiellement signés avait été discutée mais cela avait été rejeté : il faut signer tout le chemin, ou pas du tout. Des signatures partielles auraient aidé au déploiement progressif mais auraient été dangereuses : elle aurait permis aux attaquants de fabriquer des chemins valides en collant des bouts de chemins signés - et donc authentiques - avec des bouts de chemins non-signés et mensongers.
La section 7 de notre RFC est consacrée aux interactions entre BGPsec et les fonctions habituelles de BGP, qui peuvent ne pas bien s'entendre avec la nouvelle sécurité. Par exemple, les très utiles communautés BGP (RFC 1997 et RFC 8092). On a vu plus haut qu'elles n'étaient pas signées du tout et donc pas protégées. La raison est que les auteurs de BGPsec considèrent les communautés comme mal fichues, question sécurité. Certaines sont utilisées pour des décisions effectives par les routeurs, d'autres sont juste pour le débogage, d'autres encore purement pour information. Certaines sont transitives, d'autres utilisées seulement entre pairs se parlant directement. Et elles sont routinement modifiées en route. Le RFC conseille, pour celles qui ne sont utilisées qu'entre pairs directs, de plutôt sécuriser la session BGP.
Pour les communautés qu'on veut voir transmises transitivement, il avait été envisagé d'utiliser un bit libre pour indiquer que la communauté était transitive et donc devait être incluse dans la signature. Mais la solution n'a pas été retenue. Conseil pratique, dans la situation actuelle : attention à ne pas utiliser des communautés transmises transitivement pour des décisions de routage.
Autre cas pratique d'interaction avec un service très utile, les serveurs de route. Un point d'échange peut fonctionner de trois façons :
NEXT_HOP
, c'est un serveur de routes, pas
un routeur). Cette méthode est de loin la plus rare des
trois. Là aussi, BGPsec n'a rien de particulier à faire.pCount
à 0 (sa valeur normale est 1, ou
davantage si on utilise le prepending) pour
indiquer qu'il ne faut pas en tenir compte pour les décisions de
routage (fondées sur la longueur du chemin), seulement pour la validaton.Un point de transition intéressant est celui des numéros d'AS de quatre octets, dans le RFC 4893. La technique pour que les AS ayant un tel numéro puisse communiquer avec les vieux routeurs qui ne comprennent pas ces AS est un bricolage utilisant un AS spécial (23456), bricolage incompatible avec BGPsec, qui, d'ailleurs, exige que les AS de quatre octets soient acceptés. En pratique, on peut espérer que les derniers routeurs ne gérant pas les AS de quatre octets auront disparu bien avant que BGPsec soit massivement déployé.
La section 8 du RFC discute de la validation des chemins d'AS signés. Par exemple, le RFC 8205 demande qu'un routeur transmette les annonces ayant des signatures invalides. Pourquoi ? Parce que la RPKI n'est que modérement synchrone : il est parfaitement possible qu'un nouveau certificat ne soit arrivé que sur certains routeurs et que, donc, certains acceptent la signature et d'autres pas. Il ne faut donc pas préjuger de ce que pourront valider les copains.
Une question qui revient souvent avec les techniques de sécurité (pas seulement BGPsec mais aussi des choses comme DNSSEC) est « et si la validation échoue, que doit-on faire des données invalides ? » Vous ne trouverez pas de réponse dans le RFC : c'est une décision locale. Pour BGPsec, chaque routeur, ou plus exactement son administrateur, va décider de ce qu'il faut faire avec les annonces dont le chemin d'AS signé pose un problème. Contrairement à DNSSEC, où la validation peut donner trois résultats (oui, en fait, quatre, mais je simplifie, cf. RFC 4035), « sûr », « non sûr », et « invalide », BGPsec n'a que deux résultats possibles, « valide » et « invalide ». L'état « invalide » regroupe aussi bien les cas où le chemin d'AS n'est pas signé (par exemple parce qu'un routeur non-BGPsec se trouvait sur le trajet) que le cas où une signature ne correspond pas aux données (les deux états « non sûr » et « invalide » de DNSSEC se réduisent donc à un seul ici). Il avait été discuté de faire une division plus fine entre les différents cas d'invalidité mais il avait semblé trop complexe de rendre en compte tous les cas possibles. Notez que « invalide » couvre même le cas où un ROA valide l'origine (un cas particulier des chemins partiellement signés, déjà traités).
Donc, si une annonce est invalide, que doit faire le routeur ? D'abord, la décision d'accepter ou pas une route dépend de plusieurs facteurs, la validation BGPsec n'en étant qu'un seul. Ensuite, il n'est pas évident de traiter tous les cas. D'où la décision de laisser le problème à l'administrateur réseaux.
Ah, et si vous utilisez iBGP, notez que la validation BGPsec ne se fait qu'en bord d'AS. Vous pouvez transporter l'information comme quoi une annonce était valide ou invalide comme vous voulez (une communauté à vous ?), il n'existe pas de mécanisme standard dans iBGP pour cela.
Enfin, la section 9 de notre RFC traite de quelques problèmes d'ordre opérationnel. Mais pensez à lire le RFC 8207 avant. Par exemple, elle estime que BGPsec, contrairement à la validation avec les ROA seuls, nécessitera sans doute du nouveau matériel dans les routeurs, comme un coprocesseur cryptographique, et davantage de RAM. C'est une des raisons pour lesquelles on ne verra certainement pas de déploiement significatif de BGPsec avant des années. Ceci dit, au début, les routeurs BGPsec auront peu de travail supplémentaire, précisément puisqu'il y aura peu d'annonces signées, donc pourront retarder les mises à jour matérielles. D'ici que BGPsec devienne banal, des optimisations comme celles décrites dans cet exposé ou celui-ci, ou encore dans l'article « Design and analysis of optimization algorithms to minimize cryptographic processing in BGP security protocols » aideront peut-être.
First publication of this article on 25 April 2018
Last update on of 3 May 2018
I created a bot to answer DNS queries over the fediverse (decentralized social network, best known implementation being Mastodon). What for? Well, mostly for the fun, a bit to learn about Mastodon bots, and a bit because, in these times of censorship, filtering, lying DNS resolvers and so on, offering to the users a way to make DNS requests to the outside can be useful. This article is to document this project.
First, how to use it. Once you have a
Fediverse account (for
Mastodon, see
), you write to
https://joinmastodon.org/
@DNSresolver@botsin.space
. You just tell it
the domain name you want to resolve. Here is an example, with the
answer:
If you want, you can specify the DNS query type after the name (the defaut is A, for IPv4 adresses):
The bot replies with the same level of confidentiality as the query. So, if you want the request to be private, use the "direct" mode. Note that the bot itself is very indiscreet: it logs everything, and I read it. So, it will be only privacy against third parties.
And, yes IDN do work. This is 2018, we now know that not everyone on Earth use the latin alphabet:
Last, but not least, when the bot sees an IP address, it automatically does a "reverse" query:
If you are a command-line fan, you can use the madonctl tool to send the query to the bot:
% madonctl toot "@DNSresolver@botsin.space framapiaf.org"
You can even make a shell function:
# Function definition dnsfediverse() { madonctl toot --visibility direct "@DNSresolver@botsin.space $1" } # Function usages % dnsfediverse www.face-cachee-internet.fr % dnsfediverse societegenerale.com\ NS
There is at least a second public bot using this code,
@ResolverCN@mastodon.xyz
, which uses a
chinese DNS resolver so you can see a (part of)
the chinese censorship. To do DNS when normal access is blocked or otherwise
unavailable, you have other solutions. You can use DNS looking glasses, public DNS resolver over the
Web, the Twitter bot @1111Resolver,
email auto-responder resolver@lookup.email
…
Now, the implementation. (You can get all the files at
.)
Mastodon
provides a documented API. (Note that it is the
client-to-server API, and it is not
standard in any way, unlike the ActivityPub protocol
used for the server-to-server communication. Not all fediverse
programs use this API, for instance GNU Social
has a different one.) You can write your own client over the raw
API but it is a bit harsh, so I wanted to use an existing library.
There were two techniques to write a
bot that I considered, madonctl with the
shell and Mastodon.py with Python. I choosed the second one because a
lof of nice people recommended it, and because madonctl required
more text parsing, with the associated risks when you get data
from unknown actors.https://framagit.org/bortzmeyer/mastodon-DNS-bot/
Mastodon.py has a very good
documentation. I first create two files with the
credentials to connect to the Mastodon instance of the bot. I
choosed the Mastodon instance
because it is dedicated to bots. I
created the account https://botsin.space
DNSresolver
. Then, first
file to create, DNSresolver_clientcred.secret
is to register the application, with this Python code:
Mastodon.create_app( 'DNSresolverapp', api_base_url = 'https://botsin.space/', to_file = 'DNSresolver_clientcred.secret' )
Second file, DNSresolver_usercred.secret
, is
after you logged in:
mastodon = Mastodon( client_id = 'DNSresolver_clientcred.secret', api_base_url = 'https://botsin.space/' ) mastodon.log_in( 'the-email-address@the-domain', 'the secret password', to_file = 'DNSresolver_usercred.secret' )
Then we can connect to the instance of the bot and listen to incoming requests with the streaming API:
mastodon = Mastodon( client_id = 'DNSresolver_clientcred.secret', access_token = 'DNSresolver_usercred.secret', api_base_url = 'https://botsin.space') listener = myListener() mastodon.stream_user(listener)
And everything else is event-based. When an incoming request comes
in, the program will "immediately" call
listener
. Use of the streaming API (instead
of polling) makes the bot very responsive.
But what is listener
? It has to be an
instance of the class
StreamListener
from Mastodon.py, and to
provide routines to act when a given event takes place. Here, I'm
only interested in notifications (when people mention the bot in a
message, a toot):
class myListener(StreamListener): def on_notification(self, notification): if notification['type'] == 'mention': # Parse the request, find out domain name and possibly query type # Perform the DNS query # Post the result on the fediverse
The routine on_notification
will receive the
toot as a dictionary in the parameter
notification
. The fields of this dictionary
are
documented.
For the first step, parsing the request, Mastodon unfortunately returns the content of the toot in HTML. We have to extract the text with lxml:
doc = html.document_fromstring(notification['status']['content']) body = doc.text_content()
We can then get the parameters of the query with a
regular expression (remember all the files
are at
).https://framagit.org/bortzmeyer/mastodon-DNS-bot/
Second thing to do, perform the actual DNS query. We use dnspython which is very simple to use, sending the request to the local resolver (an Unbound) with just one function call:
msg = self.resolver.query(qname, qtype) for data in msg: answers = answers + str(data) + "\n"
Finally, we send the reply through the Mastodon API:
id = notification['status']['id'] visibility = notification['status']['visibility'] mastodon.status_post(answers, in_reply_to_id = id, visibility = visibility)
We retrieve the visibility (public/private/etc) from the original message, and we mention the original identifier of the toot, to let Mastodon keep both query and reply in the same thread.
That's it, you now have a Mastodon bot! Of course, the real code is more complicated. You have to guard against code injection (for instance, using a call to the shell to call dig for DNS resolution would be dangerous if there were semicolons in the domain name), that's why we keep only the text from the HTML. And, of course, because the sender of the original message can be wrong (or malicious), you have to consider many possible failures and guard accordingly. The exception handlers are therefore longer than the "real" code. Remember the Internet is a jungle!
One last problem: when you open a streaming connection to Mastodon, sometimes the network is down, or the server restarted, or closed the connection violently, and you won't be notified. (A bit like a TCP connection with no traffic: you have no way of knowing if it is broken or simply idle, besides sending a message.) The streaming API solves this problem by sending "heartbeats" every fifteen seconds. You need to handle these heartbeats, and do something if they stop arriving. Here, we record the time of the last heartbeat in a file:
def handle_heartbeat(self): self.heartbeat_file = open(self.hb_filename, 'w') print(time.time(), file=self.heartbeat_file) self.heartbeat_file.close()
We run the Mastodon listener in a separate process, with Python's
multiprocessing
module:
proc = multiprocessing.Process(target=driver, args=(log, tmp_hb_filename[1],tmp_pid_filename[1])) proc.start()
And we have a timer that checks the timestamps written in the heartbeats file, and kills the listener process if the last heartbeat is too old:
h = open(tmp_hb_filename[1], 'r') last_heartbeat = float(h.read(128)) if time.time() - last_heartbeat > MAXIMUM_HEARTBEAT_DELAY: log.error("No more heartbeats, kill %s" % proc.pid) proc.terminate()
We use multiprocessing
and not threading
because threads in Python have some annoying
limitations. For instance, there is no way to kill them (no
equivalent of the terminate()
we use. Here is
the log file when running with "debug" verbosity. Note the times:
2018-05-02 18:01:25,745 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:01:40,746 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:01:55,758 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:02:10,757 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:02:25,770 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:02:40,769 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:03:38,473 - ERROR - No more heartbeats, kill 28070 2018-05-02 18:03:38,482 - DEBUG - Done, it exited with code -15 2018-05-02 18:03:38,484 - DEBUG - Creating a new process 2018-05-02 18:03:38,659 - INFO - Driver/listener starts, PID 20396 2018-05-02 18:03:53,838 - DEBUG - HEARTBEAT 2018-05-02 18:04:08,837 - DEBUG - HEARTBEAT
The second possibility that I considered for writing the bot, but discarded, is the use of madonctl. It is a very powerful command-line tool. You can listen to the stream of toots:
% madonctl stream --command "command.sh"
Where command.sh
is a program that will parse the
message (the toot) and act. A more detailed example is:
% madonctl stream --notifications-only --notification-types mentions --command "dosomething.sh"
where dosomething.sh
has the content:
#!/bin/sh echo "A notification !!!" echo Args: $* cat echo ""
If you write to the account used by madonctl, the script
dosomething.sh
will display:
Command output: A notification !!! Args: - Notification ID: 3907 Type: mention Timestamp: 2018-04-09 13:43:34.746 +0200 CEST - Account: (8) @bortzmeyer@mastodon.gougere.fr - S. Bortzmeyer ✅ - Status ID: 99829298934602015 From: bortzmeyer@mastodon.gougere.fr (S. Bortzmeyer ✅) Timestamp: 2018-04-09 13:43:34.704 +0200 CEST Contents: @DNSresolver Test 1 Test 2 URL: https://mastodon.gougere.fr/@bortzmeyer/99829297476510997
You then have to parse it. For my DNS bot, it was not ideal, that's why I choosed Mastodon.py.
Other resources about bot implementation on the fediverse:
Thanks a lot to Alarig for the initial server (now down) and the good ideas.
Première rédaction de cet article le 8 avril 2018
Dans Libération daté du 5 avril 2018, on a pu lire une tribune d'« un collectif d'enseignants » s'opposant vigoureusement au numérique à l'école. Quels étaient leurs arguments ?
Ils étaient variés. On y trouvait une critique de la pression qui pousse à acheter toujours plus d'équipements numériques, une inquiétude face aux conséquences « psychologiques et cognitives » qu'aurait le numérique, un reproche fait à Facebook de chercher délibérement à rendre ses utilisateurs « accros », un scepticisme vis-à-vis du numérique présenté comme solution magique à tous les problèmes…
On le voit dans cette liste, il y a plein d'arguments auxquels je suis sensible. En effet, les vendeurs comme Apple font tout leur possible pour vendre leurs produits, y compris avec la complicité de l'Éducation Nationale. En effet, Facebook joue un rôle très néfaste de plein de façons. Et, c'est sûr, le numérique ne résout pas tous les problèmes : on n'en finit pas avec l'échec scolaire juste en distribuant des tablettes, comme c'est pourtant souvent affirmé dans les discours ministériels. Mais le problème est que leur liste est vraiment fourre-tout.
Bien sûr, les vendeurs… vendent. Mais ils n'existent pas que dans le numérique ! Dans le domaine du livre, est-ce que Gallimard ou Hachette sont moins des entreprises capitalistes que Microsoft ou Samsung ? Les auteurs dénoncent « une boulimie consumériste » mais elle est une conséquence du capitalisme, pas une spécificité du numérique.
Ensuite, je ne suis pas moi-même un utilisateur de Facebook donc je ne vais pas défendre ce service, mais, ici, quel rapport avec le numérique ? De même que le numérique ne se réduit pas à l'Internet, l'Internet ne se réduit pas au Web, et le Web ne se réduit pas à Facebook. Ces nuances sont trop compliquées ? Pas pour des enseignants, j'espère, qui doivent justement apprendre aux enfants des points délicats et subtils. Commencer par leur expliquer que le Web est bien plus riche que Facebook et offre bien d'autres possibilités serait un bon départ.
Et l'affirmation comme quoi le numérique n'est pas la solution miracle ? Clairement, il ne l'est pas. Mais cela veut-il dire qu'il est complètement inutile, et peut être ignoré complètement ? Une bonne partie du corps enseignant avait déjà suivi ce raisonnement pour le cinéma, la bande dessinée et la télévision, avec le résultat qu'on sait. On retrouve ici une démarche classique des conservateurs : protester contre chaque nouveauté, refuser de considérer son utilisation, puis s'y mettre quand cette nouveauté a été remplacée par une autre. J'ai entendu lors d'une réunion au lycée un enseignant d'économie se plaindre de ce que les enfants ne regardaient pas assez la télévision, « par la faute d'Internet » et ne connaissaient pas assez l'actualité. Quand on sait quelle fut la réaction de ces conservateurs à la télévision, on ne peut qu'être assez étonné de cet amour tardif pour le petit écran.
Plus grave, la tribune publiée dans Libération reprend une légende urbaine, celle comme quoi « les cadres de la Silicon Valley [protègent] leurs propres enfants des écrans, dans et en dehors de l’école ». Cette légende a pourtant été réfutée plusieurs fois (voir par exemple l'article d'Emmanuel Davidenkoff ou bien la chronique de Xavier de la Porte). Mais elle continue à circuler, sans tenir compte des faits. C'est inquiétant pour des enseignants qui ont à former l'esprit critique des enfants, à leur apprendre à se méfier des fake news, à leur montrer l'indispensable questionnement devant les légendes répétées en boucle.
Pourtant, il y aurait des tas de choses à critiquer dans l'Éducation Nationale, à propos du numérique. C'est le cas par exemple du scandaleux accord entre Microsoft et l'Éducation Nationale (accord ancien mais régulièrement reconduit fièrement par le gouvernement), qui sous-traite l'éducation au numérique à une entreprise de logiciels privateurs. Mais les auteurs n'en parlent pas. Je soupçonne que c'est parce qu'ils ne suivent pas tellement ce qui se passe dans le monde du numérique et de l'éducation…
J'aurais bien envoyé ce texte au « collectif d'enseignants » mais je n'ai pas trouvé leur adresse.
Date de publication du RFC : Avril 2018
Auteur(s) du RFC : C. Gomez (UPC), M. Kovatsch (ETH Zurich), H. Tian (China Academy of Telecommunication Research), Z. Cao (Huawei Technologies)
Pour information
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF lwig
Première rédaction de cet article le 7 avril 2018
Les objets contraints, engins connectés ayant peu de capacités (un capteur de température dans la nature, par exemple), ont en général une réserve d'énergie électrique très limitée, fournie par des piles ou batteries à la capacité réduite. L'usage des protocoles de communication traditionnels, souvent très bavards, épuiserait rapidement ces réserves. Ce RFC étudie les mécanismes utilisables pour limiter la consommation électrique, et faire ainsi durer ces objets plus longtemps.
La plupart des protocoles de couche 2 utilisés pour ces « objets contraints » disposent de fonctions pour diminuer la consommation électrique. Notre RFC décrit ces fonctions, et explique comment les protocoles de couches supérieures, comme IP peuvent en tirer profit. Si vous ne connaissez pas le monde des objets contraints, et les problèmes posés par leur connexion à l'Internet, je recommande fortement la lecture des RFC 6574, RFC 7228, et RFC 7102. Le but des techniques présentées dans ce RFC est bien de faire durer plus longtemps la batterie, ce n'est pas un but écologique. Si l'objet est alimenté en permanence (une télévision connectée, ou bien un grille-pain connecté), ce n'est pas considéré comme problème.
Des tas de travaux ont déjà eu lieu sur ce problème de la diminution de la consommation électrique de ces objets. Il y a eu moins d'efforts sur celle des protocoles réseau, et ce sont ces efforts que résume ce RFC. Les protocoles traditionnels étaient conçus pour des machines alimentées en permanence et pour qui la consommation électrique n'était pas un problème. Diffuser très fréquemment une information, même inutile, n'était pas perçu comme du gaspillage, contrairement à ce qui se passe avec l'Internet des Objets. (Voir le RFC 7772 pour une solution à un tel problème.)
L'IETF a déjà développé un certain nombre de protocoles qui sont spécifiques à cet « Internet des Objets ». Ce sont par exemple 6LoWPAN (RFC 6282, RFC 6775 et RFC 4944), ou bien le protocole de routage RPL (RFC 6550) ou encore l'alternative à HTTP CoAP (RFC 7252). En gros, l'application fait tourner du CoAP sur IPv6 qui est lui-même au-dessus de 6LoWPAN, couche d'adaptation d'IP à des protocoles comme IEEE 802.15.4. Mais l'angle « économiser l'énergie » n'était pas toujours clairement mis en avant, ce que corrige notre nouveau RFC.
Qu'est ce qui coûte cher à un engin connecté (cher en terme d'énergie, la ressource rare) ? En général, faire travailler le CPU est bien moins coûteux que de faire travailler la radio, ce qui justifie une compression énergique. Et, question réseau, la réception n'est pas forcément moins coûteuse que la transmission. L'étude Powertrace est une bonne source de mesures dans ce domaine mais on peut également lire « Measuring Power Consumption of CC2530 With Z-Stack ». Le RFC contient aussi (section 2) des chiffres typiques, mesurés sur Contiki et publiés dans « The ContikiMAC Radio Duty Cycling Protocol » :
Une technique courante quand on veut réduire la consommation électrique lors de la transmission est de réduire la puissance d'émission. Mais cela réduit la portée, donc peut nécessiter d'introduire du routage, ce qui augmenterait la consommation.
On a vu que la simple écoute pouvait consommer beaucoup d'énergie. Il faut donc trouver des techniques pour qu'on puisse couper l'écoute (éteindre complètement la radio), tout en gardant la possibilité de parler à l'objet si nécessaire. Sans ce duty-cycling (couper la partie radio de l'objet, cf. RFC 7228, section 4.3), la batterie ne durerait que quelques jours, voire quelques heures, alors que certains objets doivent pouvoir fonctionner sans entretien pendant des années. Comment couper la réception tout en étant capable de recevoir des communications ? Il existe trois grandes techniques de RDC (Radio Duty-Cycling, section 3 de notre RFC) :
Dans les trois cas, la latence va évidemment en souffrir. On doit faire un compromis entre réduire la consommation électrique et augmenter la latence. On va également diminuer la capacité du canal puisqu'il ne pourra pas être utilisé en permanence. Ce n'est pas forcément trop grave, un capteur a peu à transmettre, en général.
Il existe plein de méthodes pour gagner quelques μJ, comme le regroupement de plusieurs paquets en un seul (il y a un coût fixe par paquet, indépendamment de leur taille). Normalement, le RDC est quelque part dans la couche 2 et les protocoles IETF, situés plus haut, ne devraient pas avoir à s'en soucier. Mais une réduction sérieuse de la consommation électrique nécessite que tout le monde participe, et que les couches hautes fassent un effort, et connaissent ce que font les couches basses, pour s'adapter.
La section 3.6 de notre RFC détaille quelques services que fournissent les protocoles de couche 2 de la famille IEEE 802.11. Une station (un objet ou un ordinateur) peut indiquer au point d'accès (AP, pour access point) qu'il va s'endormir. L'AP peut alors mémoriser les trames qui lui étaient destinées, pour les envoyer plus tard. IEEE 802.11v va plus loin en incluant des mécanismes comme le proxy ARP (répondre aux requêtes ARP à la place de l'objet endormi).
Bluetooth a un ensemble de services pour la faible consommation, nommés Bluetooth LE (pour Low Energy). 6LoWPAN peut d'ailleurs en tirer profit (cf. RFC 7668).
IEEE 802.15.4 a aussi des solutions. Il permet par exemple d'avoir deux types de réseaux, avec ou sans annonces périodiques (beacons). Dans un réseau avec annonces, des machines nommés les coordinateurs envoient régulièrement des annonces qui indiquent quand on peut émettre et quand on ne peut pas, ces dernières périodes étant le bon moment pour s'endormir afin de diminuer la consommation : on est sûr de ne rien rater. Les durées de ces périodes sont configurables par l'administrateur réseaux. Dans les réseaux sans annonces, les différentes machines connectées n'ont pas d'informations et transmettent quand elles veulent, en suivant CSMA/CA.
Enfin, DECT a aussi un mode à basse consommation, DECT ULE. Elle est également utilisable avec 6LoWPAN (RFC 8105). DECT est très asymétrique, il y a le FP (Fixed Part, la base), et le PP (Portable Part, l'objet). DECT ULE permet au FP de prévenir quand il parlera (et le PP peut dormir jusque là). À noter que si la « sieste » est trop longue (plus de dix secondes), le PP devra refaire une séquence de synchronisation avec le FP, qui peut être coûteuse en énergie. Il faut donc bien calculer son coup : si on s'endort souvent pour des périodes d'un peu plus de dix secondes, le bilan global sera sans doute négatif.
La section 4 de notre RFC couvre justement ce que devrait faire IP, en supposant qu'on utilisera 6LoWPAN. Il y a trois services importants de 6LoWPAN pour la consommation électrique :
Il y a aussi des optimisations qui ne changent pas le protocole. Par exemple, Contiki ne suit pas, dans sa mise en œuvre, une stricte séparation des couches, afin de pouvoir optimiser l'activité réseau.
De même, les protocoles de routage doivent tenir compte des contraintes de consommation électrique (section 5 du RFC). Le protocole « officiel » de l'IETF pour le routage dans les réseaux contraints est RPL (RFC 6550). L'étude Powertrace déjà citée étudie également la consommation de RPL et montre qu'il est en effet assez efficace, si le réseau est stable (s'il ne l'est pas, on consommera évidemment du courant à envoyer et recevoir les mises à jours des routes). On peut adapter les paramètres de RPL, via l'algorithme Trickle (RFC 6206, rien à voir avec le protocole de transfert de fichiers de BitNet), pour le rendre encore plus économe, mais au prix d'une convergence plus lente lorsque le réseau change.
À noter que le RFC ne parle que de RPL, et pas des autres protocoles de routage utilisables par les objets, comme Babel (RFC 8966).
Et les applications ? La section 6 du RFC leur donne du boulot, à elles aussi. Bien sûr, il est recommandé d'utiliser CoAP (RFC 7252) plutôt que HTTP, entre autre en raison de son en-tête plus court, et de taille fixe. D'autre part, CoAP a un mode de pure observation, où le client indique son intérêt pour certaines ressources, que le serveur lui enverra automatiquement par la suite, lorsqu'elles changeront, économisant ainsi une requête. Comme HTTP, CoAP peut utiliser des relais qui mémorisent la ressource demandée, ce qui permet de récupérer des ressources sans réveiller le serveur, si l'information était dans le cache. D'autres protocoles étaient à l'étude, reprenant les principes de CoAP, pour mieux gérer les serveurs endormis. (Mais la plupart de ces projets semblent… endormis à l'heure actuelle.)
Enfin, la section 7 de notre RFC résume les points importants :
Date de publication du RFC : Avril 2018
Auteur(s) du RFC : G. Huston (APNIC), G. Michaelson
(APNIC), C. Martinez
(LACNIC), T. Bruijnzeels (RIPE
NCC), A. Newton (ARIN), D. Shaw
(AFRINIC)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF sidr
Première rédaction de cet article le 6 avril 2018
La RPKI est un ensemble de formats et de règles pour certifier qui est le titulaire d'une ressource Internet, une ressource étant un préfixe d'adresses IP, un numéro de système autonome, etc. La RPKI est utilisée dans les mécanismes de sécurisation de BGP, par exemple pour vérifier qu'un AS est bien autorisé à être à l'origine d'un préfixe donné. Les règles initiales de la RPKI pour valider un certificat était trop strictes et ce RFC les assouplit légèrement (normalement, en gardant le même niveau de sécurité).
La RPKI est normalisée dans le RFC 6480. Elle prévoit notamment un système de certificats par lequel une autorité affirme qu'une autorité de niveau inférieur a bien reçu une délégation pour un groupe de ressources Internet. (On appelle ces ressources les INR, pour Internet Number Resource.) La validation des certificats est décrite dans le RFC 6487. L'ancienne règle était que le certificat de l'autorité inférieure ne devait lister que des ressources qui étaient dans le certificat de l'autorité qui signait (RFC 6487, section 7.2, notamment la condition 6 de la seconde énumération). En pratique, cette règle s'est avérée trop rigide, et la nouvelle, décrite dans notre RFC 8360 est que le certificat de l'autorité inférieure n'est accepté que pour des ressources qui étaient dans le certificat de l'autorité qui signait. S'il y a d'autres ressources, le certificat n'est plus invalide, simplement, ces ressources sont ignorées. Dit autrement, l'ensemble des ressources dont la « possession » est certifiée, est l'intersection des ressources du certificat de l'autorité parente et de celui de l'autorité fille. Cette intersection se nomme VRS, pour Verified Resource Set.
Voici d'abord une chaîne de certificats qui était valide avec l'ancienne règle, et qui l'est toujours :
Certificate 1 (trust anchor): Issuer TA, Subject TA, Resources 192.0.2.0/24, 198.51.100.0/24, 2001:db8::/32, AS64496-AS64500 Certificate 2: Issuer TA, Subject CA1, Resources 192.0.2.0/24, 198.51.100.0/24, 2001:db8::/32 Certificate 3: Issuer CA1, Subject CA2, Resources 192.0.2.0/24, 198.51.100.0/24, 2001:db8::/32 ROA 1: Embedded Certificate 4 (EE certificate): Issuer CA2, Subject R1, Resources 192.0.2.0/24
La chaîne part d'un certificat (TA, pour Trust Anchor, le point de départ de la validation). Elle aboutit à un ROA (Route Origin Authorization, cf. RFC 6482). Chaque certificat est valide puisque chacun certifie un jeu de ressources qui est un sous-ensemble du jeu de ressources de l'autorité du dessus. Idem pour le ROA.
Et voici par contre une chaîne de certificats qui était invalide selon les anciennes règles, et est désormais valide avec les règles de notre RFC 8360 :
Certificate 1 (trust anchor): Issuer TA, Subject TA, Resources 192.0.2.0/24, 198.51.100.0/24, 2001:db8::/32, AS64496-AS64500 Certificate 2: Issuer TA, Subject CA1, Resources 192.0.2.0/24, 2001:db8::/32 Certificate 3 (invalid before, now valid): Issuer CA1, Subject CA2, Resources 192.0.2.0/24, 198.51.100.0/24, 2001:db8::/32 ROA 1 (invalid before, now valid): Embedded Certificate 4 (EE certificate, invalid before, now valid): Issuer CA2, Subject R1, Resources 192.0.2.0/24
La chaîne était invalide car le troisième certificat ajoutait
198.51.100.0/24
, qui n'était pas couvert par
le certificat supérieur. Désormais, elle est valide mais vous
noterez que seuls les préfixes 192.0.2.0/24
et
2001:db8::/32
sont
couverts, comme précédemment (198.51.100.0/24
est ignoré). Avec les règles de notre nouveau RFC, le ROA final
est désormais valide (il n'utilise pas
198.51.100.0/24
). Notez que les nouvelles
règles, comme les anciennes, n'autoriseront jamais l'acceptation
d'un ROA pour des ressources dont l'émetteur du certificat n'est
pas titulaire (c'est bien le but de la RPKI). Ce point est
important car l'idée derrière ce nouveau RFC de rendre plus
tolérante la validation n'est pas passée toute seule à l'IETF.
Un cas comme celui des deux chaînes ci-dessus est probablement rare. Mais il pourrait avoir des conséquences sérieuses si une ressource, par exemple un préfixe IP, était supprimée d'un préfixe situé très haut dans la hiérarchie : plein de certificats seraient alors invalidés avec les règles d'avant.
La section 4 de notre RFC détaille la procédure de validation. Les anciens certificats sont toujours validés avec
l'ancienne politique, celle du RFC 6487. Pour avoir la nouvelle politique, il faut de
nouveaux certificats, identifiés par un OID
différent. La section 1.2 du RFC 6484
définissait id-cp-ipAddr-asNumber / 1.3.6.1.5.5.7.14.2
comme OID pour
l'ancienne politique. La nouvelle politique est
id-cp-ipAddr-asNumber-v2 / 1.3.6.1.5.5.7.14.3
et c'est elle qui doit
être indiquée dans un certificat pour que lui soient appliquées
les nouvelles règles. (Ces OID sont dans un
registre IANA.) Comme les logiciels existants rejetteront
les certificats avec ces nouveaux OID, il faut adapter les
logiciels avant que les AC ne se mettent à
utiliser les nouveaux OID (cf. section 6 du RFC). Les changements
du RFC n'étant pas dans le protocole mais uniquement dans les
règles de validation, le déploiement devrait être relativement facile.
Le cœur des nouvelles règles est dans la
section 4.2.4.4 de notre RFC, qui remplace la section 7.2 du RFC 6487. Un nouveau concept est introduit, le
VRS (Verified Resource Set). C'est
l'intersection des ressources d'un certificat
et de son certificat supérieur. Dans le deuxième exemple plus
haut, le VRS du troisième certificat est
{192.0.2.0/24
,
2001:db8::/32
}, intersection de
{192.0.2.0/24
,
2001:db8::/32
} et
{192.0.2.0/24
,
198.51.100.0/24
,
2001:db8::/32
}. Si le VRS est vide, le
certificat est invalide (mais on ne le rejette pas, cela peut être
un cas temporaire puisque la RPKI n'est pas cohérente en permanence).
Un ROA est valide si les ressources qu'il contient sont un sous-ensemble du VRS du certificat qui l'a signé (si, rappelons-le, ce certificat déclare la nouvelle politique). La règle exacte est un peu plus compliquée, je vous laisse lire le RFC pour les détails. Notez qu'il y a également des règles pour les AS, pas seulement pour les préfixes IP.
La section 5 du RFC contient davantage d'exemples, illustrant les nouvelles règles.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : J. Brzozowski, J. Leddy
(Comcast), C. Filsfils, R. Maglione, M. Townsley
(Cisco)
Pour information
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF spring
Première rédaction de cet article le 29 mars 2018
Le sigle SPRING signifie « Source Packet Routing In NetworkinG ». C'est quoi, le routage par la source (source routing) ? Normalement, la transmission de paquets IP se fait uniquement en fonction de l'adresse de destination, chaque routeur sur le trajet prenant sa décision indépendemment des autres, et sans que l'émetteur original du paquet n'ait son mot à dire. L'idée du routage par la source est de permettre à cet émetteur d'indiquer par où il souhaite que son paquet passe. L'idée est ancienne, et resurgit de temps en temps sur l'Internet. Ce nouveau RFC décrit les cas où une solution de routage par la source serait utile.
L'idée date des débuts de l'Internet. Par exemple, la norme IPv4, le RFC 791, spécifie, dans sa section 3.1, deux mécanismes de routage par la source, « Loose Source Routing » et « Strict Source Routing ». Mais ces mécanismes sont peu déployés et vous n'avez guère de chance, si vous mettez ces options dans un paquet IP, de voir un effet. En effet, le routage par la source est dangereux, il permet des attaques variées, et il complique beaucoup le travail des routeurs. Le but du projet SPRING, dont c'est le deuxième RFC, est de faire mieux. Le cahier des charges du projet est dans le RFC 7855.
L'architecture technique de SPRING est dans le RFC 8402. Ce segment routing est déjà mis en œuvre dans le noyau Linux depuis la version 4.14 (cf. le site du projet). Notre nouveau RFC 8354 ne contient, lui, que les scénarios d'usage. (Certains étaient déjà dans la section 3 du RFC 7855.) Seul IPv6 est pris en compte.
D'abord, le cas du SOHO connecté à
plusieurs fournisseurs
d'accès. Comme chacun de ces fournisseurs n'acceptera
que des paquets dont l'adresse IP source est dans un préfixe qu'il
a alloué au client, il est essentiel de pouvoir router en fonction
de la source, afin d'envoyer les paquets ayant une adresse source
du FAI A vers le FAI A et seulement celui-ci. Voici par exemple
comment faire sur Linux, quand on veut
envoyer les paquets ayant l'adresse IP source
2001:db8:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b
vers un
routeur différent de l'habituel (le RFC 3178
peut être une bonne lecture, quoique daté, notamment sa section 5) :
#!/bin/sh DEVICE=eth1 SERVICE=2001:db8:dc2:45:216:3eff:fe4b:8c5b TABLE=CustomTable ROUTER=2001:db8:dc2:45:1 echo 200 ${TABLE} >> /etc/iproute2/rt_tables ip -6 rule add from ${SERVICE} table ${TABLE} ip -6 route add default via ${ROUTER} dev ${DEVICE} table ${TABLE} ip -6 route flush cache
Notez que la décision correcte peut être prise par la machine terminale, comme dans l'exemple ci-dessus, ou bien par un routeur situé plus loin sur le trajet (dans le projet SPRING, la source n'est pas forcément la machine terminale initiale).
Outre le fait que le FAI B rejetterait probablement les paquets ayant une adresse source qui n'est pas à lui (RFC 3704), il peut y avoir d'autres raisons pour envoyer les paquets sur une interface de sortie particulière :
Autre cas où un routage par la source peut être utile, le FAI peut s'en servir pour servir certains utilisateurs ou certains usages dans des conditions différentes, par exemple avec des prix à la tête du client. Cela viole sans doute la neutralité du réseau mais c'est peut-être un scénario qui en tentera certains (sections 2.2 et 2.5 du RFC). Cela concerne le réseau d'accès (de M. Michu au FAI) et aussi le cœur de réseau ; « l'opérateur peut vouloir configurer un chemin spécial pour les applications sensibles à la latence ».
De plus haute technologie est le scénario présenté dans la section 2.3. Ici, il s'agit d'un centre de données entièrement IPv6. Cela simplifie considérablement la gestion du réseau, et cela permet d'avoir autant d'adresses qu'on veut, sans se soucier de la pénurie d'adresses IPv4. Certains opérateurs travaillent déjà à de telles configurations. Dans ce cas, le routage par la source serait un outil puissant pour, par exemple, isoler différents types de trafic et les acheminer sur des chemins spécifiques.
Si le routage par la source, une très vieille idée, n'a jamais vraiment pris, c'est en grande partie pour des raisons de sécurité. La section 4 rappelle les risques associés, qui avaient mené à l'abandon de la solution « Type 0 Routing Header » (cf. RFC 5095).
Première rédaction de cet article le 26 mars 2018
Dernière mise à jour le 22 août 2019
Samedi 24 mars 2018, aux JDLL (Journées du Logiciel Libre) à Lyon, j'ai fait un exposé sur la question de La vie privée sur l’Internet à l’ère du RGPD.
Je sais, le RGPD est un sujet à la mode. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas en parler. Les supports de l'exposé :
Et voici aussi des jolies photos de l'évènement.
First publication of this article on 23 March 2018
The weekend of 17-18 March 2018, I participated to the IETF 101 hackathon in London. The project was DoH, aka DNS-over-HTTPS, and the idea was to develop clients, servers, and to test that they interoperate.
DoH (
DNS-over-HTTPS) is
not yet published as a RFC. One of the goals
of IETF
hackathons is precisely to test
Internet-Drafts before they become RFC, to
be reasonably sure they are not wrong, too complicated, or
useless. DoH is developed in the DoH working
group and currently has one Internet-Draft, the
specification of DNS-over-HTTPS, draft-ietf-doh-dns-over-https
. Why
creating DoH? DNS privacy is the main factor
behind this project. Issues with DNS privacy are documented in
RFC 7626. One of them is that traffic is sent in
clear and therefore can be read by any
sniffer. To prevent that, there is a
standard, in RFC 7858, to run DNS over
TLS, using a dedicated
port, 853. But this port may be easily
blocked by an hostile middlebox. The only
port which is always open is 443, because it's used by
HTTPS. Of course, DNS-over-TLS could use
port 443 but you may have DPI devices
checking that it is actually HTTPS running (yes, the trafic is
encrypted but think of things like TLS'
ALPN). And HTTPS gives us other things: proxies, caching, availability from
JavaScript code…
So, DNS-over-HTTPS. This technique allows a stub resolver to talk to a DNS resolver over a secure transport. Let's see if we can implement the draft and make this implementation work with other implementations. My personal idea was to modify the excellent getdns library to add DoH as a possible transport (DNS-over-TLS is already there). But it was too complicated for me and, moreover, Willem Toorop decided to refactor the code, to make easier to add new transports, so getdns was too "in flux" for me. (Willem worked on it during the hackathon.) Instead, I developed first a server in Python, then developed a client in Python to test my server, then tested them against other clients and servers, then developed a second client in C. Let's see the issues.
DoH requires (I know, the actual rules are more complicated
than a simple requirement) HTTP/2 (RFC 7540). One of
the reasons is that DNS requests can take a very variable
time. You don't want your requests for
datatracker.ietf.org
to be delayed by a
previous request for
brokendomain.allserversdown.example
, standing
in the queue. HTTP/2,
with its streams, allow requests to be run in parallel. But HTTP/2
is recent, and many libraries and servers don't support it yet,
specially on stable releases of operating systems. For the
Python server, I choose the Quart framework,
which relies itself on hyper, an
implementation of HTTP/2 in Python. Because these were recent
libraries, not always available as a package for
Ubuntu, I created a
LXC container with
the "unstable" (very recent) version of
Debian. I installed Quart with
pip, as well as dnspython. dnspython is required because
DoH uses the DNS wire format, a binary
format (other systems running DNS over HTTPS, not yet
standardized, use JSON). So, I needed to
pack DNS packets from data and to unpack them at the other end,
hence dnspython.
Like many HTTP development frameworks for Python, Quart allows you to define code to be run in response to some HTTP methods, for a given path in the URI. For instance:
@app.route('/hello') async def hello(): return 'Hello\n'
The decorator
@app.route
routes requests to
https://YOURDOMAIN/hello
to the
hello
routine, which executes asynchronously
(people used to Flask will recognize the
syntax; those who don't know Flask should learn it, in order to be
able to use Quart). More complicated:
@app.route('/dns', methods=['POST']) async def index(): ct = request.headers.get('content-type') if ct != "application/dns-udpwireformat": abort(415) data = await request.get_data() r = bytes(data) message = dns.message.from_wire(r) # get the DNS response from the DNS message, see later… return (response {'Content-Type': 'application/dns-udpwireformat'})
Here, we handle only POST requests, we check the
Content-Type:
HTTP header, we parse the body
of the request with dnspython
(dns.message.from_wire(…)
) and we return a
response with the proper content type.
How do we get the answer to a specific DNS request? We simply give it to our local resolver, with dnspython:
resolver = "::1" raw = dns.query.udp(message, resolver) response = raw.to_wire()
The biggest goal of DoH is privacy, so we need to activate encryption:
tls_context = ssl.create_default_context(ssl.Purpose.CLIENT_AUTH) tls_context.options |= ssl.OP_NO_TLSv1 | ssl.OP_NO_TLSv1_1 | ssl.OP_NO_COMPRESSION tls_context.set_alpn_protocols(['h2', 'http/1.1']) app.run(host=bind, port=port, ssl=tls_context)
(We accept HTTP/1.1, also, because we're tolerant.)
To get a certificate (because,
unfortunately, few programs and libraries support
DANE), we use Let's
Encrypt. The server I wrote cannot handle the
ACME challenge. But one call to certbot
certonly
, choosing the option "Spin up a temporary
webserver" (with my own server stopped, of course) was enough to get a nice certificate.
I then load it:
tls_context.load_cert_chain(certfile='le-cert.pem', keyfile='le-key.pem')
Putting every together, we have the complete code
. You run it with simply:
quart-doh.py
% ./quart-doh.py -c -r ::1
Obviously, this is not a successful hackathon if you don't discover at least one bug in the library. Note it was fixed by the author even before the end of the event.
Having a server is nice but there were not many DoH clients to test it (some were developed during the hackathon). I then developed a client in Python, still with dnspython for the DNS part, but using pycurl for HTTP/2. The DNS request is built from a name entered by the user (note that the DNS query type, here, is fixed and set to ANY):
message = dns.message.make_query(queryname, dns.rdatatype.ANY) message.id = 0 # DoH requests that
We use pycurl to establish a HTTP/2 connection:
c = pycurl.Curl() c.setopt(c.URL, url) # url is the URL of the DoH server data = message.to_wire() c.setopt(pycurl.POST, True) c.setopt(pycurl.POSTFIELDS, data) c.setopt(pycurl.HTTPHEADER, ["Content-type: application/dns-udpwireformat"]) c.setopt(c.WRITEDATA, buffer) c.setopt(pycurl.HTTP_VERSION, pycurl.CURL_HTTP_VERSION_2) c.perform()
The c.setopt(pycurl.HTTP_VERSION
, where we
require HTTP/2, works only if the libcurl library used by
pycurl has been linked with the nghttp2 library. Otherwise, you
get a pycurl.error: (1, '')
which is not very helpful (error 1 is CURL_UNSUPPORTED_PROTOCOL
). Again, you need
recent versions of everything.
We then get the answer in the buffer
variable, we can parse it and do something with it:
body = buffer.getvalue() response = dns.message.from_wire(body)
The complete code is
. You can run it this way (here
using one of the public DoH servers):
doh-client.py
% ./doh-client.py https://dns.dnsoverhttps.net/dns-query gitlab.com ... ;ANSWER gitlab.com. 300 IN A 52.167.219.168 ...
I also developed a C client. Because parallel programming in C
is very difficult (unlike Go, where it is a
pleasure), I wanted an asynchronous HTTP/2 library, in order to
make it usable in the future in getdns, which is
asynchronous. I use nghttp2, already mentioned, and
getdns for the DNS packing and unpacking (parsing). The HTTP/2
code was shamelessly copied from a nghttp2 example, so let's focus
on the DNS part. getdns provides
getdns_convert_fqdn_to_dns_name
to put names
in DNS wire format (if you don't know the DNS, remember the wire
format is different from the presentation format
www.foobar.example
; for instance, the wire
format do not use dots) and routines like
getdns_dict_set_bindata
to create getdns messages :
getdns_convert_fqdn_to_dns_name (session_data->qname, dns_name_wire_fmt); getdns_dict_set_bindata (dict, "qname", *dns_name_wire_fmt); getdns_dict_set_int (dict, "qtype", GETDNS_RRTYPE_A); getdns_dict_set_dict (qdict, "question", dict); getdns_dict_set_int (rdict, "rd", 1); getdns_dict_set_dict (qdict, "header", rdict);
Yes, building getdns data structures is a pain. In the end, all
that was necessary was (as displayed by
getdns_pretty_print_dict(qdict)
):
{ "header": { "rd": 1 }, "question": { "qname": <bindata for gitlab.com.>, "qtype": GETDNS_RRTYPE_A } }
We then put it in DNS wire format with getdns_msg_dict2wire
(qdict, buffer, &size);
and give it to nghttp2. At
this time, it works only for GET requests, there is something
wrong in the code I used for sending the body in POST requests.
When getting the answer, getdns allows us to search info with the JSON pointer (RFC 6901) syntax (getdns does not use JSON but the data model is the same):
getdns_dict_get_int (msg_dict, "/header/rcode", &this_error); getdns_dict_get_bindata (msg_dict, "/answer/0/rdata/ipv4_address", &this_address_data); char *this_address_str = getdns_display_ip_address (this_address_data); fprintf (stdout, "The address is %s\n", this_address_str);
The complete code is doh-nghttp.c
and can be used
this way:
% ./doh-nghttp https://dns.dnsoverhttps.net/dns-query gitlab.com The address is 52.167.219.168
The -v
option will display a lot more details.
What were the lessons learned during the hackathon? I let you see that in the presentation I gave at the DoH working group afterwards. For the other code developed during the hackathon, see the notes taken during the hackathon.
Other reports:
Many thanks to Charles Eckel for organising this wonderful event, to the other people working on DoH at the same time, making this both a fun and useful experience, and to the authors of the very good libraries I used, Quart, nghttp2, getdns and pycurl.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : S. Dickinson (Sinodun), D. Gillmor (ACLU), T. Reddy (McAfee)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF dprive
Première rédaction de cet article le 22 mars 2018
Afin de mieux protéger la vie privée des utilisateurs du DNS, le RFC 7858 normalise comment faire du DNS sur TLS, le chiffrement empêchant la lecture des requêtes et réponses DNS. Mais le chiffrement sans authentification n'a qu'un intérêt limité. Notamment, il ne protège pas contre un attaquant actif, qui joue les hommes du milieu. Le RFC 7858 ne proposait qu'un seul mécanisme d'authentification, peu pratique, les clés publiques configurées statiquement dans le client DNS. Ce nouveau RFC décrit d'autres mécanismes d'authentification, classés selon deux profils, un Strict (sécurité maximum) et un Opportuniste (disponibilité maximum).
Le problème de la protection de la vie privée quand on utilise le DNS est décrit dans le RFC 7626. Les solutions, comme toujours quand il s'agit de vie privée, se répartissent en deux catégories, la minimisation des données (RFC 9156) et le chiffrement (RFC 7858 et RFC 8094). Le chiffrement protège bien contre un attaquant purement passif. Mais si celui qui veut écouter les échanges DNS est capable de lancer des attaques actives (ARP spoofing, par exemple), le chiffrement ne suffit pas, il faut le doubler d'une authentification du serveur. Par exemple, en mars 2014, en Turquie, l'attaquant (le gouvernement) a pu détourner le trafic avec Google Public DNS. Même si Google Public DNS avait permis le chiffrement, il n'aurait pas servi, lors de cette attaque active. Sans l'authentification, on risque de parler en chiffré… à l'attaquant.
Le problème de l'authentification, c'est que si elle échoue, que faut-il faire ? Renoncer à envoyer des requêtes DNS ? Cela revient à se couper d'Internet. Notre nouveau RFC, considérant qu'il n'y a pas une solution qui conviendra à tous les cas, propose deux profils :
Notez bien qu'un profil spécifie des propriétés, une fin et pas un moyen. Un profil est défini par ces propriétés, qu'on implémente ensuite avec des mécanismes, décrits en section 6. Le RFC 7858 spécifiait déjà, dans sa section 4.2, un mécanisme d'authentification, fondé sur la connaissance préalable, par le client DNS, de la clé publique du serveur (SPKI, pour Subject Public Key Info, une solution analogue à celle du RFC 7469 pour HTTP). Mais beaucoup de détails manquaient. Ce nouveau RFC 8310 :
À propos de ces « informations nécessaires à
l'authentification », il est temps d'introduire un acronyme
important (section 2 du RFC), ADN (Authentication
Domain Name), le nom du serveur qu'on veut
authentifier. Par exemple, pour Quad9,
ce sera dns.quad9.net
. Autres termes
importants :
Note importante, la section 3 du RFC pointe le fait que les
mécanismes d'authentification présentés ici ne traitent que
l'authentification d'un résolveur DNS par son
client. L'éventuelle future authentification d'un serveur faisant
autorité par le résolveur est hors-sujet, tout comme
l'authentification du client DNS par le serveur. Sont également
exclus les idées d'authentifier le nom de l'organisation qui gère
le serveur ou son pays : on authentifie uniquement l'ADN, « cette
machine est bien dns-resolver.yeti.eu.org
»,
c'est tout.
La section 5 présente les deux profils normalisés. Un profil est une politique choisie par le client DNS, exprimant ses exigences, et les compromis qu'il est éventuellement prêt à accepter si nécessaire. Un profil n'est pas un mécanisme d'authentification, ceux-ci sont dans la section suivante, la section 6. La section 5 présente deux profils :
Les discussions à l'IETF (par exemple pendant la réunion de Séoul en novembre 2016) avaient été vives, notamment sur l'utilité d'avoir un profil strict, qui peut mener à ne plus avoir de résolution DNS du tout, ce qui n'encouragerait pas son usage.
Une petite nuance s'impose ici : pour les deux profils, il faudra, dans certains cas, effectuer une requête DNS au tout début pour trouver certaines informations nécessaires pour se connecter au serveur DNS (par exemple son adresse IP si on n'a que son nom). Cette « méta-requête » peut se faire en clair, et non protégée contre l'écoute, même dans le cas du profil strict. Autrement, le déploiement de ce profil serait très difficile (il faudrait avoir toutes les informations stockées en dur dans le client).
Le profil strict peut être complètement inutilisable si les requêtes DNS sont interceptées et redirigées, par exemple dans le cas d'un portail captif. Dans ce cas, la seule solution est d'avoir un mode « connexion » pendant lequel on n'essaie pas de protéger la confidentialité des requêtes DNS, le temps de passer le portail captif, avant de passer en mode « accès Internet ». C'est ce que fait DNSSEC-trigger (cf. section 6.6).
Le tableau 1 du RFC résume les possibilités de ces deux profils, face à un attaquant actif et à un passif. Dans tous les cas, le profil strict donnera une connexion DNS chiffrée et authentifiée, ou bien pas de connexion du tout. Dans le meilleur cas, le profil opportuniste donnera la même chose que le strict (connexion chiffrée et authentifiée). Si le serveur est mal configuré ou si le client n'a pas les informations nécessaires pour authentifier, ou encore si un Homme du Milieu intervient, la session ne sera que chiffrée, et, dans le pire des cas, le profil opportuniste donnera une connexion en clair. On aurait pu envisager d'autres profils (par exemple un qui impose le chiffrement, mais pas l'authentification) mais le groupe de travail à l'IETF a estimé qu'ils n'auraient pas eu un grand intérêt, pour la complexité qu'ils auraient apporté.
Un mot sur la détection des problèmes. Le profil opportuniste peut permettre la détection d'un problème, même si le client continue ensuite malgré les risques. Par exemple, si un résolveur DNS acceptait DNS-sur-TLS avant, que le client avait enregistré cette information, mais que, ce matin, les connexions vers le port 853 sont refusées, avec le profil opportuniste, le client va quand même continuer sur le port 53 (en clair, donc) mais peut noter qu'il y a un problème. Il peut même (mais ce n'est pas une obligation) prévenir l'utilisateur. Cette possibilité de détection est le « D » dans le tableau 1, et est détaillée dans la section 6.5. La détection permet d'éventuellement prévenir l'utilisateur d'une attaque potentielle, mais elle est aussi utile pour le débogage.
Évidemment, seul le profil strict protège réellement l'utilisateur contre l'écoute et toute mise en œuvre de DNS-sur-TLS devrait donc permettre au moins ce profil. Le profil opportuniste est là par réalisme : parfois, il vaut mieux une connexion DNS écoutée que pas de DNS du tout.
Les deux profils vont nécessiter un peu de configuration (le nom ou l'adresse du résolveur) mais le profil strict en nécessite davantage (par exemple la clé du résolveur).
Maintenant qu'on a bien décrit les profils, quels sont les mécanismes d'authentification disponibles ? La section 6 les décrit rapidement, et le tableau 2 les résume, il y en a six en tout, caractérisés par l'information de configuration nécessaire côté client (ils seront détaillés en section 8) :
subjectAltName
._853._tcp.ADN
. Cela nécessite
un client capable de faire de la validation
DNSSEC (à l'heure actuelle, le
résolveur sur la machine cliente est en général un logiciel
minimal, incapable de valider). Et les requêtes DANE (demande
de l'enregistrement TLSA) peuvent passer en clair.Cela fait beaucoup de mécanismes d'authentification ! Comment se combinent-ils ? Lesquels essayer et que faire s'ils donnent des résultats différents ? La méthode recommandée, si on a un ADN et une clé, est de tester les deux et d'exiger que les deux fonctionnent.
On a parlé à plusieurs reprises de l'ADN
(Authentication Domain Name). Mais comment
on obtient son ADN ? La section 7 du RFC détaille les sources
d'ADN. La première est évidemment le cas où l'ADN est
configuré manuellement. On pourrait imaginer, sur
Unix, un
/etc/resolv.conf
avec une nouvelle
syntaxe :
nameserver 2001:db8:53::1 adn resolver.example.net
Ici, on a configuré manuellement l'adresse IP et le nom
(l'ADN) du résolveur. Cela convient au cas de résolveurs
publics comme Quad9. Mais on pourrait imaginer des cas où seul
l'ADN serait configuré quelque part, le résolveur dans
/etc/resolv.conf
étant rempli par
DHCP, et n'étant utilisé que pour
les méta-requêtes. Par exemple un (mythique, pour l'instant) /etc/tls-resolver.conf
:
adn resolver.example.net # IP address will be found via the "DHCP" DNS resolver, and checked # with DNSSEC and/or TLS authentication
Troisième possibilité, l'ADN et l'adresse IP pourraient être découverts dynamiquement. Il n'existe à l'heure actuelle aucune méthode normalisée pour cela. Si on veut utiliser le profil strict, cette future méthode normalisée devra être raisonnablement sécurisée, ce qui n'est typiquement pas le cas de DHCP. On peut toujours normaliser une nouvelle option DHCP pour indiquer l'ADN mais elle ne serait, dans l'état actuel des choses, utilisable qu'avec le profil opportuniste. Bon, si vous voulez vous lancer dans ce travail, lisez bien la section 8 du RFC 7227 et la section 22 du RFC 8415 avant.
La section 11 du RFC décrit les mesures à mettre en œuvre contre deux attaques qui pourraient affaiblir la confidentialité, même si on chiffre. La première est l'analyse des tailles des requêtes et des réponses. L'accès au DNS étant public, un espion peut facilement récolter l'information sur la taille des réponses et, puisque TLS ne fait rien pour dissimuler cette taille, déduire les questions à partir des tailles. La solution recommandée contre l'attaque est le remplissage, décrit dans le RFC 7830.
Seconde attaque possible, un résolveur peut inclure l'adresse IP de son client dans ses requêtes au serveur faisant autorité (RFC 7871). Cela ne révèle pas le contenu des requêtes et des réponses, mais c'est quand même dommage pour la vie privée. Le client DNS-sur-TLS doit donc penser à mettre l'option indiquant qu'il ne veut pas qu'on fasse cela (RFC 7871, section 7.1.2).
Enfin, l'annexe A de notre RFC rappelle les dures réalités de l'Internet d'aujourd'hui : même si votre résolveur favori permet DNS-sur-TLS (c'est le cas par exemple de Quad9), le port 853 peut être bloqué par un pare-feu fasciste. Le client DNS-sur-TLS a donc intérêt à mémoriser quels résolveurs permettent DNS-sur-TLS, et depuis quels réseaux.
Pour l'instant, les nouveaux mécanismes d'authentification, et la possibilité de configurer le profil souhaité, ne semblent pas encore présents dans les logiciels, il va falloir patienter (ou programmer soi-même).
Merci à Willem Toorop pour son aide.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : M. Nottingham, E. Nygren
(Akamai)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF httpbis
Première rédaction de cet article le 22 mars 2018
Le concept d'origine est crucial pour la
sécurité de HTTP. L'idée est d'empêcher du
contenu actif (code JavaScript, par
exemple) d'interagir avec des serveurs autres que ceux de
l'origine, de l'endroit où on a chargé ce contenu actif. Dans la
version 1 de HTTP, cela ne posait pas (trop) de problèmes. Mais la
version 2 de HTTP permet d'avoir, dans une même connexion HTTP
vers un serveur donné, accès à des ressources d'origines
différentes (par exemple parce qu'hébergées sur des
Virtual Hosts
différents). Ce nouveau RFC ajoute donc au protocole HTTP/2 un
nouveau type de trame, ORIGIN
, qui permet de
spécifier les origines utilisées dans une connexion.
L'origine est un concept ancien, mais sa description formelle n'est venue au'avec le RFC 6454, dont la lecture est fortement recommandée, avant de lire ce nouveau RFC 8336. Son application à HTTP/2, normalisé dans le RFC 7540, a posé quelques problèmes (sections 9.1.1 et 9.1.2 du RFC 7540). En effet, avec HTTP/2, des origines différentes peuvent coexister sur la même connexion HTTP. Si le serveur ne peut pas produire une réponse, par exemple parce qu'il sépare le traitement des requêtes entre des machines différentes, il va envoyer un code de retour 421, indiquant à un client HTTP de re-tenter, avec une connexion différente. Pour lui faire gagner du temps, notre nouveau RFC 8336 va indiquer préalablement les origines acceptables sur cette connexion. Le client n'aura donc pas à essayer, il saura d'avance si ça marchera ou pas. Cette méthode évite également au client HTTP de se faire des nœuds au cerveau pour déterminer si une requête pour une origine différente a des chances de réussir ou pas, processus compliqué, et qui ne marche pas toujours.
Ce n'est pas clair ? Voici un exemple concret. Le client, un
navigateur Web,
vient de démarrer et on lui demande de se connecter à
https://www.toto.example/
. Il établit une
connexion TCP, puis lance
TLS, et enfin fait du HTTP/2. Dans la phase
d'établissement de la connexion TLS, il a récupéré un
certificat qui liste des noms possibles
(subjectAltName
),
www.toto.example
mais aussi
foobar.example
. Et, justement, quelques
secondes plus tard, l'utilisateur demande à visiter
https://foobar.example/ToU/TLDR/
. Un point
central de HTTP/2 est la réutilisation des connexions, pour
diminuer la latence, due entre autres
à l'établissement de connexion, qui peut être
long avec TCP et, surtout TLS. Notre navigateur va donc se dire
« chic, je garde la même connexion puisque c'est la même
adresse IP et que ce serveur m'a dit
qu'il gérait aussi foobar.example
, c'était
dans son certificat » (et la section 9.1.1 du RFC 7540 le lui permet explicitement). Mais patatras,
l'adresse IP est en fait celle d'un répartiteur de
charge qui envoie les requêtes pour
www.toto.example
et
foobar.example
à des machines différentes. La
machine qui gère foobar.example
va alors
renvoyer 421 Misdirected Request
au navigateur
qui sera fort marri, et aura perdu du temps pour rien. Alors
qu'avec la trame ORIGIN
de notre RFC 8336, le serveur de
www.toto.example
aurait dès le début envoyé
une trame ORIGIN
disant « sur cette
connexion, c'est www.toto.example
et rien
d'autre ». Le navigateur aurait alors été prévenu.
La section 2 du RFC décrit en détail ce nouveau type de trame
(RFC 7540, section 4, pour le concept de
trame). Le type de la trame est 12 (cf. le registre des types), et elle contient une liste
d'origines, chacune sous forme d'un doublet longueur-valeur. Une
origine est identifiée par un nom de
domaine (RFC 6454, sections 3 et
8). Il n'y a pas de limite de taille à la liste, programmeurs,
faites attention aux débordements de
tableau. Un nom de la liste ne peut pas inclure de jokers (donc, pas d'origine
*.example.com
, donc attention si vous avez
des certificats utilisant des jokers). Ce type de trames doit être envoyée sur le ruisseau HTTP/2 de
numéro 0 (celui
de contrôle).
Comme toutes les trames d'un type inconnu du récepteur, elles
sont ignorées par le destinataire. Donc, en pratique, le serveur
peut envoyer ces trames sans inquiétude, le client HTTP trop
vieux pour les connaitre les ignorera. Ces trames
ORIGIN
n'ont de sens qu'en cas de liaison
directe, les relais
doivent les ignorer, et ne pas les transmettre.
Au démarrage, le client HTTP/2 a un jeu d'origines qui est
déterminé par les anciennes règles (section 9.1.1 du RFC 7540). S'il reçoit une trame
ORIGIN
, celle-ci remplace complètement ce
jeu, sauf pour la première origine vue (le serveur auquel on s'est
connecté, identifié par son adresse IP et, si on utilise
HTTPS, par le nom indiqué dans l'extension
TLS SNI, cf. RFC 6066) qui, elle, reste
toujours en place. Ensuite, les
éventuelles réponses 421 (Misdirected request)
supprimeront des entrées du jeu d'origines.
Notez bien que la trame ORIGIN
ne fait
qu'indiquer qu'on peut utiliser cette connexion HTTP/2 pour cette
origine. Elle n'authentifie pas le serveur. Pour cela, il faut
toujours compter sur le certificat
(cf. section 4 du RFC).
En parlant de sécurité, notez que le RFC 7540, section
9.1.1 obligeait le client HTTP/2 à vérifier le
DNS et le nom dans le
certificat, avant d'ajouter une origine. Notre nouveau RFC est
plus laxiste, on ne vérifie que le certificat quand on reçoit une
nouvelle origine dans une trame ORIGIN
envoyée sur HTTPS (cela avait suscité des réactions diverses lors
de la discussion à l'IETF). Cela veut dire qu'un méchant qui a pu avoir un
certificat valable pour un nom, via une des nombreuses
AC du magasin, n'a plus besoin de faire une
attaque de l'Homme du Milieu (avec, par
exemple, un détournement DNS). Il lui
suffit, lorsqu'un autre nom qu'il contrôle est visité, d'envoyer
une trame ORIGIN
et de présenter le
certificat. Pour éviter cela, le RFC conseille au client de
vérifier le certificat plus soigneusement, par exemple avec les
journaux publics du RFC 6962, ou bien avec
une réponse OCSP (RFC 6960 montrant que le certificat n'a pas été révoqué, en
espérant qu'un certificat « pirate » sera détecté et révoqué…)
Les développeurs regarderont avec intérêt l'annexe B, qui donne
des conseils pratiques. Par exemple, si un serveur a une très
longue liste d'origines possibles, il n'est pas forcément bon de
l'envoyer dès le début de la connexion, au moment où la latence
est critique. Il vaut mieux envoyer une liste réduite, et attendre
un moment où la connexion est tranquille pour envoyer la liste
complète. (La liste des origines, dans une trame
ORIGIN
, ne s'ajoute pas aux origines
précédentes, elle les remplace. Pour retirer une origine, on
envoie une nouvelle liste, sans cette origine, ou bien on compte
sur les 421. Ce point avait
suscité beaucoup de discussions au sein du groupe de travail.)
Pour l'instant, la gestion de ce nouveau type de trames ne semble se trouver que dans Firefox, et n'est dans aucun serveur, mais des programmeurs ont annoncé qu'ils allaient s'y mettre.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : D. Bider (Bitvise)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF curdle
Première rédaction de cet article le 21 mars 2018
Les RFC normalisant le protocole SSH mentionnaient la possibilité pour le serveur d'avoir une clé publique RSA, mais uniquement avec l'algorithme de condensation SHA-1. Celui-ci a subi plusieurs attaques et n'est plus du tout conseillé aujourd'hui. Ce nouveau RFC est la description officielle de l'utilisation de RSA avec SHA-2 dans SSH.
Le RFC officiel du protocole
SSH, le RFC 4253,
définit l'algorithme ssh-rsa
comme utilisant
the SHA-1 hash pour la signature et la vérification. Ce n'est plus cohérent avec ce
qu'on sait aujourd'hui des faiblesses de
SHA-1. Par exemple, le NIST
(dont les règles s'imposent aux organismes gouvernementaux
états-uniens), interdit
SHA-1 (voir aussi la section 5.1 du RFC).
(Petit point au passage, dans SSH, le format de la clé ne
désigne que la clé elle-même, alors que l'algorithme désigne un
format de clé et des procédures de signature et de vérification,
qui impliquent un algorithme de
condensation. Ainsi, ssh-keygen
-t rsa
va générer une clé RSA, indépendamment de
l'algorithme qui sera utilisé lors d'une session SSH. Le registre IANA indique désormais séparement le
format et l'algorithme.)
Notre nouveau RFC définit donc deux nouveaux algorithmes :
rsa-sha2-256
, qui utilise
SHA-256 pour la condensation, et dont la
mise en œuvre est recommandée pour tout programme ayant
SSH,rsa-sha2-512
, qui utilise
SHA-512 et dont la mise en œuvre est facultative.
Les deux algorithmes sont maintenant dans le
registre IANA. Le format, lui, ne change pas, et est toujours qualifié de
ssh-rsa
(RFC 4253,
section 3.) Il n'est donc pas nécessaire de
changer ses clés RSA. (Si vous utilisez RSA : SSH permet d'autres
algorithmes de cryptographie
asymétrique, voir également la section 5.1 du RFC.)
Les deux « nouveaux » (ils sont déjà présents dans plusieurs
programmes SSH) algorithmes peuvent être utilisés aussi bien pour
l'authentification du client que pour celle du serveur. Ici, par
exemple, un serveur OpenSSH version 7.6p1
annonce les algorithme qu'il connait (section 3.1 de notre RFC), affichés par un client
OpenSSH utilisant l'option -v
:
debug1: kex_input_ext_info: server-sig-algs=<ssh-ed25519,ssh-rsa,rsa-sha2-256,rsa-sha2-512,ssh-dss,ecdsa-sha2-nistp256,ecdsa-sha2-nistp384,ecdsa-sha2-nistp521>
On y voit la présence des deux nouveaux
algorithmes. ssh-rsa
est celui du RFC 4253, avec SHA-1 (non explicitement indiqué).
En parlant d'OpenSSH, la version 7.2
avait une bogue (corrigée en 7.2p2), qui faisait que la signature
était étiquetée ssh-rsa
quand elle aurait dû
l'être avec rsa-sha2-256
ou
rsa-sha2-512
. Pour compenser cette bogue, le
RFC autorise les programmes à accepter ces signatures quand même.
Autre petit piège pratique (et qui a suscité les discussions
les plus vives dans le groupe de travail), certains serveurs SSH « punissent »
les clients qui essaient de s'authentifier avec des algorithmes que le serveur ne sait
pas gèrer, pour diminuer l'efficacité d'éventuelles
attaques par repli. Pour éviter d'être
pénalisé (serveur qui raccroche brutalement, voire qui vous met en
liste noire), le RFC recommande que les serveurs déploient
le protocole qui permet de négocier des extensions,
protocole normalisé dans le RFC 8308. (L'extension intéressante est server-sig-algs
.) Le
client prudent peut éviter d'essayer les nouveaux
algorithmes utilisant SHA-2, si le serveur n'annonce pas cette
extension. L'ancien algorithme, utilisant SHA-1, devrait
normalement être abandonné au fur et à mesure que tout le monde migre.
Les nouveaux algorithmes de ce RFC sont présents dans :
Vous pouvez aussi regarder le
tableau de comparaison des versions de SSH. Voici encore un
ssh -v
vers un serveur dont la clé de machine
est RSA et qui utilise l'algorithme RSA-avec-SHA512 :
... debug1: kex: host key algorithm: rsa-sha2-512 ... debug1: Server host key: ssh-rsa SHA256:yiol3GPr1dgVo/SNXPvtFqftLw4UF+nL+ECa1yXAtG0 ...
Par comparaison avec les SSH récents, voici un ssh -v
OpenSSH vers un serveur un peu vieux :
debug1: kex_input_ext_info: server-sig-algs=<ssh-ed25519,ssh-rsa,ssh-dss,ecdsa-sha2-nistp256,ecdsa-sha2-nistp384,ecdsa-sha2-nistp521>
On voit que les nouveaux algorithmes manquent (pour RSA ; SHA-2 est utilisable pour ECDSA). Et pour sa clé de machine :
... debug1: kex: host key algorithm: ssh-rsa ... debug1: Server host key: ssh-rsa SHA256:a6cLkwFRGuEorbmN0oRjvKrXELhIVXdgHRCcbQOM2w8
Le serveur utilise le vieil algorithme,
ssh-rsa
, ce qui veut dire SHA-1 (le
SHA256
qui apparait a été généré par le client).
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : D. Bider (Bitvise Limited)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF curdle
Première rédaction de cet article le 21 mars 2018
Dernière mise à jour le 28 mars 2018
Le protocole SSH n'avait pas de mécanisme propre pour négocier des extensions au protocole de base (comme celle du RFC 4335). En outre, une partie de la négociation, par exemple des algorithmes cryptographiques, se déroulait avant le début du chiffrement et n'était donc pas protégée. Ce nouveau RFC ajoute à SSH un mécanisme pour négocier les extensions après l'échange de clés et le début de la communication sécurisée, une fois que tout est confidentiel.
Un mécanisme de négociation pour un protocole cryptographique est toujours délicat (comme TLS s'en est aperçu à plusieurs reprises). Si on n'en a pas, le client et le serveur perdent beaucoup de temps à faire des essais/erreurs « tiens, il vient de déconnecter brusquement, c'est peut-être qu'il n'aime pas SHA-512, réessayons avec SHA-1 ». Et ces deux mécanismes (négociation explicite et essai/erreur) ouvrent une nouvelle voie d'attaque, celle des attaques par repli, où l'Homme du Milieu va essayer de forcer les deux parties à utiliser des algorithmes de qualité inférieure. (La seule protection serait de ne pas discuter, de choisir des algorithmes forts et de refuser tout repli. En sécurité, ça peut aider d'être obtus.)
Notez aussi que la méthode essais/erreurs a un danger spécifique, car bien des machines SSH mettent en œuvre des mécanismes de limitation du trafic, voire de mise en liste noire, si la machine en face fait trop d'essais, ceci afin d'empêcher des attaques par force brute. D'où l'intérêt d'un vrai mécanisme de négociation (qui peut en outre permettre de détecter certaines manipulations par l'Homme du Milieu).
Vue par tshark, voici
le début d'une négociation SSH, le message
SSH_MSG_KEXINIT
, normalisé dans le RFC 4253, section 7.1 :
SSH Protocol SSH Version 2 Packet Length: 1332 Padding Length: 5 Key Exchange Message Code: Key Exchange Init (20) Algorithms Cookie: 139228cb5cfbf6c97d6b74f6ae99453d kex_algorithms length: 196 kex_algorithms string: curve25519-sha256@libssh.org,ecdh-sha2-nistp256,ecdh-sha2-nistp384,ecdh-sha2-nistp521,diffie-hellman-group-exchange-sha256,diffie-hellman-group-exchange-sha1,diffie-hellman-group14-sha1,ext-info-c server_host_key_algorithms length: 290 server_host_key_algorithms string [truncated]: ecdsa-sha2-nistp256-cert-v01@openssh.com,ecdsa-sha2-nistp384-cert-v01@openssh.com,ecdsa-sha2-nistp521-cert-v01@openssh.com,ssh-ed25519-cert-v01@openssh.com,ssh-rsa-cert-v01@openssh.com,ecdsa-s encryption_algorithms_client_to_server length: 150 encryption_algorithms_client_to_server string: chacha20-poly1305@openssh.com,aes128-ctr,aes192-ctr,aes256-ctr,aes128-gcm@openssh.com,aes256-gcm@openssh.com,aes128-cbc,aes192-cbc,aes256-cbc,3des-cbc encryption_algorithms_server_to_client length: 150 encryption_algorithms_server_to_client string: chacha20-poly1305@openssh.com,aes128-ctr,aes192-ctr,aes256-ctr,aes128-gcm@openssh.com,aes256-gcm@openssh.com,aes128-cbc,aes192-cbc,aes256-cbc,3des-cbc mac_algorithms_client_to_server length: 213 mac_algorithms_client_to_server string [truncated]: umac-64-etm@openssh.com,umac-128-etm@openssh.com,hmac-sha2-256-etm@openssh.com,hmac-sha2-512-etm@openssh.com,hmac-sha1-etm@openssh.com,umac-64@openssh.com,umac-128@openssh.com,hmac-sha2-2 mac_algorithms_server_to_client length: 213 mac_algorithms_server_to_client string [truncated]: umac-64-etm@openssh.com,umac-128-etm@openssh.com,hmac-sha2-256-etm@openssh.com,hmac-sha2-512-etm@openssh.com,hmac-sha1-etm@openssh.com,umac-64@openssh.com,umac-128@openssh.com,hmac-sha2-2 compression_algorithms_client_to_server length: 26 compression_algorithms_client_to_server string: none,zlib@openssh.com,zlib compression_algorithms_server_to_client length: 26 compression_algorithms_server_to_client string: none,zlib@openssh.com,zlib languages_client_to_server length: 0 languages_client_to_server string: [Empty] languages_server_to_client length: 0 languages_server_to_client string: [Empty] KEX First Packet Follows: 0 Reserved: 00000000 Padding String: 0000000000
Le message était en clair (c'est pour cela que tshark a pu le décoder). L'autre machine envoie un message équivalent. Suite à cet échange, les deux machines sauront quels algorithmes sont disponibles.
Notre RFC 8308 (section 2.1) ajoute à ce message le nouveau
mécanisme d'extension. Pour préserver la compatibilité avec les
anciennes mises en œuvre de SSH, et comme il n'y a pas de place
« propre » disponible dans le message, le nouveau mécanisme se
place dans la liste des algorithmes cryptographiques (champ
kex_algorithms
, celui qui commence par
curve25519-sha256@libssh.org,ecdh-sha2-nistp256…
). On
ajoute à cette liste ext-info-c
si on est
client et ext-info-s
si on est serveur. (Le
nom est différent dans chaque direction, pour éviter que les deux
parties ne se disent « cool, cet algorithme est commun,
utilisons-le ».) Vous
pouvez donc savoir si votre SSH gère le nouveau mécanisme en
capturant ce premier paquet SSH et en examinant la liste des
algorithmes d'échange de clé. (C'était le cas ici, avec
OpenSSH 7.2. Vous l'aviez repéré ?)
Une fois qu'on a proposé à son pair d'utiliser le nouveau
mécanisme de ce RFC 8308, on peut s'attendre, si le pair
est d'accord, à recevoir un message SSH d'un nouveau type,
SSH_MSG_EXT_INFO
, qui sera, lui, chiffré. Il contient la liste des
extensions gérées avec ce mécanisme. Notez qu'il peut être envoyé
plusieurs fois, par exemple avant et après l'authentification du
client, pour le cas d'un serveur timide qui ne voulait pas révéler
sa liste d'extensions avant l'authentification. Ce nouveau type de
message figure désormais dans le
registre des types de message, avec le numéro 7.
La section 3 définit les quatre extensions actuelles (un registre accueillera les extensions futures) :
server-sig-algs
donne la
liste des algorithmes de signature acceptés
par le serveur.delay-compression
indique les
algorithmes de compression acceptés. Il y
en a deux, un du client vers le serveur et un en sens
inverse. Ils étaient déjà indiqués dans le message
SSH_MSG_KEXINIT
, dans les champs
compression_algorithms_client_to_server
et
compression_algorithms_server_to_client
mais, cette fois, ils sont transmis dans un canal sécurisé
(confidentiel et authentifié).no-flow-control
, dont le nom indique
bien la fonction.elevation
sert aux
systèmes d'exploitation qui ont un
mécanisme d'élévation des privilèges (c'est le cas de
Windows, comme documenté dans le
blog de Microsoft).Les futures extensions, après ces quatre-là, nécessiteront un examen par l'IETF, via un RFC IETF (cf. RFC 8126, politique « IETF review »). Elle seront placées dans le registre des extensions.
Quelques petits problèmes de déploiement et d'incompatibilité
ont été notés avec ce nouveau
mécanisme d'extensions. Par exemple OpenSSH 7.3 et 7.4 gérait
l'extension server-sig-algs
mais n'envoyait
pas la liste complète des algorithmes acceptés. Un client qui
considérait cette liste comme ferme et définitive pouvait donc
renoncer à utiliser certains algorithmes qui auraient pourtant
marché. Voir ce
message pour une explication détaillée.
Autre gag, les valeurs des extensions peuvent contenir des octets nuls et un logiciel maladroit qui les lirait comme si c'était des chaînes de caractères en C aurait des problèmes. C'est justement ce qui est arrivé à OpenSSH, jusqu'à la version 7.5 incluse, ce qui cassait brutalement la connexion. Le RFC conseille de tester la version du pair, et de ne pas utiliser les extensions en cause si on parle à un OpenSSH ≤ 7.5.
Aujourd'hui, ce mécanisme d'extension est mis en œuvre dans OpenSSH, Bitvise SSH, AsyncSSH et SmartFTP. (Cf. ce tableau de comparaison, mais qui n'est pas forcément à jour.)
Merci à Manuel Pégourié-Gonnard pour avoir détecté une erreur dans la première version.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : R. Housley (Vigil Security)
Pour information
Première rédaction de cet article le 13 mars 2018
Dernière mise à jour le 5 avril 2018
Les Internet-Drafts sont signés suivant les règles du RFC 5485, afin qu'une lectrice ou un lecteur puissent vérifier qu'un Internet-Draft n'a pas été modifié en cours de route. Ce nouveau RFC modifie légèrement le RFC 5485 sur un seul point : la signature d'Internet-Drafts qui sont écrits en Unicode.
En effet, depuis le RFC 7997, les RFC ne sont plus forcément en ASCII, ils peuvent intégrer des caractères Unicode. Le premier RFC publié avec ces caractères a été le RFC 8187, en septembre 2017. Bientôt, cela sera également possible pour les Internet-Drafts. Cela affecte forcément les règles de signature, d'où cette légère mise à jour.
Le RFC 5485 normalisait l'utilisation de CMS (RFC 5652) pour le format des signatures. Vous pouvez télécharger ces signatures sur n'importe lequel des sites miroirs. CMS utilise ASN.1, avec l'obligation d'utiliser l'encodage DER, le seul encodage d'ASN.1 qui ne soit pas ambigu (une seule façon de représenter un texte).
Les Internet-Drafts sont actuellement tous en texte
brut, limité à ASCII. Mais cela
ne va pas durer (RFC 7990). Les signatures des
Internet-Drafts sont détachées de l'Internet-Draft (section 2 de notre RFC), dans un fichier portant le même
nom auquel on ajoute l'extension .p7s
(RFC 5751). Par exemple avec wget, pour
récupérer un Internet-Draft et sa signature :
% wget https://www.ietf.org/id/draft-bortzmeyer-dname-root-05.txt % wget https://www.ietf.org/id/draft-bortzmeyer-dname-root-05.txt.p7s
(Ne le faites pas avec un Internet-Draft trop récent, les signatures n'apparaissent qu'au bout de quelques jours, la clé privée n'est pas en ligne.)
La signature est au format CMS (RFC 5652). Son adaptation aux RFC et Internet-Drafts est
normalisée dans le RFC 5485. Le champ
SignedData.SignerInfo.EncapsulatedContentInfo.eContentType
du CMS identifie le type d'Internet-Draft signé. Les valeurs
possibles figurent dans un registre
IANA. Il y avait déjà des valeurs comme
id-ct-asciiTextWithCRLF
qui identifiait
l'Internet-Draft classique en texte brut en ASCII, notre RFC ajoute (section
5) id-ct-utf8TextWithCRLF
(texte brut en
UTF-8),
id-ct-htmlWithCRLF
(HTML) et id-ct-epub
(EPUB). Chacun de ces types a un
OID, par exemple le texte brut en UTF-8
sera 1.2.840.113549.1.9.16.1.37
.
Maintenant, passons à un morceau délicat, la canonicalisation des Internet-Drafts. Signer nécessite de canonicaliser, autrement, deux textes identiques aux yeux de la lectrice pourraient avoir des signatures différentes. Pour le texte brut en ASCII, le principal problème est celui des fins de ligne, qui peuvent être représentées différemment selon le système d'exploitation. Nous utilisons donc la canonicalisation traditionnelle des fichiers texte sur l'Internet, celle de FTP : le saut de ligne est représenté par deux caractères, CR et LF. Cette forme est souvent connue sous le nom de NVT (Network Virtual Terminal) mais, bien que très ancienne, n'avait été formellement décrite qu'en 2008, dans l'annexe B du RFC 5198, qui traitait pourtant un autre sujet.
Pour les Internet-Drafts au format XML, notre RFC
renvoie simplement au W3C et à sa norme
XML, section 2.11 de la cinquième
édition, qui dit qu'il faut translating both the
two-character sequence #xD #xA and any #xD that is not followed by
#xA to a single #xA character. La canonicalisation
XML (telle que faite par xmllint
--c14n
) n'est pas prévue.
Les autres formats ne subissent aucune opération particulière de canonicalisation. Un fichier EPUB, par exemple, est considéré comme une simple suite d'octets. On notera que le texte brut en Unicode ne subit pas de normalisation Unicode. C'est sans doute à cause du fait que le RFC 7997, dans sa section 4, considère que c'est hors-sujet. (Ce qui m'a toujours semblé une drôle d'idée, d'autant plus qu'il existe une norme Internet sur la canonicalisation du texte brut en Unicode, RFC 5198, qui impose la normalisation NFC.)
À l'heure actuelle, les Internet-Drafts sont signés, les outils doivent encore être adaptés aux nouvelles règles de ce RFC, mais elles sont simples et ça ne devrait pas être trop dur. Pour vérifier les signatures, la procédure (qui est documentée) consiste d'abord à installer le logiciel de canonicalisation :
% wget https://www.ietf.org/id-info/canon.c % make canon
Puis à télécharger les certificats racine :
% wget https://www.ietf.org/id-info/verifybundle.pem
Vous pouvez examiner ce groupe de certificats avec :
% openssl crl2pkcs7 -nocrl -certfile verifybundle.pem | openssl pkcs7 -print_certs -text
Téléchargez ensuite des Internet-Drafts par exemple en
https://www.ietf.org/id/
:
% wget https://www.ietf.org/id/draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt % wget https://www.ietf.org/id/draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt.p7s
On doit ensuite canonicaliser l'Internet-Draft :
% ./canon draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt.canon
On peut alors vérifier les signatures :
% openssl cms -binary -verify -CAfile verifybundle.pem -content draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt.canon -inform DER -in draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt.p7s -out /dev/null Verification successful
Si vous avez à la place :
Verification failure 139818719196416:error:2E09A09E:CMS routines:CMS_SignerInfo_verify_content:verification failure:../crypto/cms/cms_sd.c:819: 139818719196416:error:2E09D06D:CMS routines:CMS_verify:content verify error:../crypto/cms/cms_smime.c:393:
c'est sans doute que vous avez oublié l'option -binary
.
Si vous trouvez la procédure compliquée, il y a un script qui
automatise tout ça idsigcheck
:
% ./idsigcheck --setup % ./idsigcheck draft-ietf-isis-sr-yang-03.txt
Si ça vous fait bad interpreter: /bin/bash^M
,
il faut recoder les sauts de ligne :
% dos2unix idsigcheck dos2unix: converting file idsigcheck to Unix format...
Ce script appelle OpenSSL mais pas avec les bonnes options à l'heure actuelle, vous risquez donc d'avoir la même erreur que ci-dessus.
Auteur(s) du livre : Adli Takkal Bataille, Jacques
Favier
Éditeur : CNRS Éditions
978-2-271-11554-6
Publié en 2017
Première rédaction de cet article le 11 mars 2018
Le succès du Bitcoin puis, plus récemment, celui du concept de chaîne de blocs, ont entrainé l'apparition de nombreux ouvrages sur le sujet. Ce dernier livre a un point de vue résolument « pieds dans le plat », en démolissant pas mal de vaches sacrées de la littérature économique.
Bitcoin dérange, c'est sûr, et les attaques contre lui n'ont pas manqué. Il a été accusé d'être une « monnaie virtuelle » (comme si l'euro ou le dollar avaient plus de réalité), d'être une monnaie de la délinquance (comme si la majorité des transactions illégales n'était pas en dollars), d'être une pyramide de Ponzi (sans doute l'accusation la plus ridicule)… Ce livre va donc tenter de redresser la barre, avec talent, et sans prendre de gants.
Dès la page 17, les discours des ignorants anti-Bitcoin se font étriller : « Ponzi, en matière d'argent, est un peu le point Godwin de l'invective » De nombreux autres clichés vont être remis en cause dans ce livre, qui aime les phrases-choc et, la plupart du temps, parfaitement justes.
Même quand une idée reçue est répétée en boucle par beaucoup de messieurs sérieux, les auteurs n'hésitent pas à lui tordre le cou. Ils exécutent ainsi les chaînes privées (« à permission ») p. 56, sans aucun respect pour tous les consultants qui vendent des rapports expliquant que c'est l'avenir.
Bon, la légende de la pyramide de Ponzi et les chaînes privées étaient des cibles faciles, aisées à réfuter. Mais ce livre ne recule pas non plus devant les critiques plus sérieuses, comme le problème écologique que posent les calculs (la « preuve de travail ») nécessaires pour protéger la chaîne Bitcoin. De même, les problèmes parfois « violents » agitant la « communauté » Bitcoin sont largement exposés et remis dans le contexte. On trouve par exemple une bonne analyse de la question du « pouvoir des mineurs ».
Les auteurs sont très à l'aise aussi bien avec l'informatique
qu'avec l'économie, mais dérapent parfois sur des sujets
« vendeurs » mais sur lesquels ils manquent de sens critique,
comme l'Internet des Objets ou le
vote électronique. De même, la présentation
de Namecoin est très sommaire, et comprend
d'ailleurs une erreur amusante lorsqu'ils disent que le
TLD utilisé pour les noms de domaine Namecoin est
.name
(c'est en fait .bit
).
Malgré ces défauts, c'est un livre que je recommande très fortement. Son titre à lui seul résume la bonne connaissance du Bitcoin par les auteurs : des tas d'adjectifs ont été utilisés pour le Bitcoin (« virtuel », « cryptographique », « décentralisé »…) mais je trouve qu'aucun ne résume aussi bien le Bitcoin que celui qu'ils ont choisi, « acéphale ».
Première rédaction de cet article le 7 mars 2018
Voilà, après des années de discussions et quelques essais ratés, je suis connecté à la maison avec une fibre optique via Free. C'est plus compliqué que ça n'en a l'air, notamment en raison de la multiplicité des acteurs, qui ne communiquent pas, ou guère.
L'immeuble est récent, avec un mur porteur pas évident à percer, mais, en théorie, il y avait des fourreaux pour passer la fibre. Mais il n'y avait pas de plan correct de ces fourreaux, il a fallu procéder par essai/erreur. On glisse l'aiguille dans les fourreaux. Si elle ressort, c'est que ça passe, on crie « c'est bon, je la vois », on y attache la fibre et on la fait passer. À noter que deux aiguilles ont été testées, l'une, trop rigide, n'allant pas assez loin. Il a fallu utiliser le fourreau du câble téléphonique en cuivre, le seul un peu libre, et il ne restait pas beaucoup de place. L'aiguille passait seule, mais pas quand elle tirait la fibre. Les techniciens de Free m'ont demandé « vous avez du liquide vaisselle ? » Je leur ai donné du Mir, ils ont enduit l'aiguille et la fibre avec… et c'est passé. On oublie souvent que les solutions de haute technologie ne sont pas forcément les meilleures.
J'ai été sympa, le fourreau où passait le câble TV inutilisé a été laissé intact, au cas où le locataire suivant veuille l'utiliser…
Après, il a fallu connecter en bas, dans le sous-sol. La fibre était bien là, illuminée par le laser installé dans l'appartement, mais était cassée. Un coup de soudure, pas mal de recâblage (elle n'était apparemment pas à l'endroit indiqué) et c'est reparti.
Dans l'appartement, la sortie en cuivre du boitier fourni par
Free arrive directement dans la
Freebox. Comme ma Freebox est simplement
configurée en pont
(mode bridge), j'aurais peut-être pu essayer de
brancher le câble directement dans le
routeur, un Turris
Omnia. Mais je n'ai pas osé. Cela semble
possible, mais pas forcément trivial. Il semble notamment
que le trafic soit sur un VLAN (835 pour les données, et 836 pour la
télévision, apparemment). D'après un témoignage sur
proxad.free.ftth
, il faut un
media converter (comme le TP-Link MC220L) ou bien demander à Free de
couper la négociation de vitesse.
Le passage de l'ADSL à la fibre entraine un changement d'adresses IP. En IPv4, le Turris apprend la nouvelle adresse automatiquement en DHCP, en IPv6, il faut refaire la configuration manuellement. L'adresse IPv4 ne semble pas partagée (en tout cas, je peux mettre des serveurs sur la Turris, ou sur des machines du réseau interne, et ils fonctionnent). Avantage, par rapport à l'ADSL, plus de tunnel, je peux utiliser une MTU normale.
Et pour finir, j'ai changé les user tags de ma sonde RIPE Atlas pour remplacer « ADSL » par « fibre ».
Notez que cela ne se passe pas toujours aussi bien !
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : P. Francois, B. Decraene (Orange), C. Pelsser (Strasbourg University), K. Patel (Arrcus), C. Filsfils (Cisco Systems)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF grow
Première rédaction de cet article le 7 mars 2018
Voici une nouvelle communauté BGP,
GRACEFUL_SHUTDOWN
, qui va permettre
d'annoncer une route à son pair BGP, tout en l'avertissant que le
lien par lequel elle passe va être bientôt coupé pour
une maintenance prévue. Le pair pourra alors automatiquement limiter l'usage de cette route
et chercher tout de suite des alternatives. Cela évitera les
pertes de paquets qui se produisent quand
on arrête un lien ou un
routeur.
Le protocole BGP (RFC 4271) qui assure le routage entre
les AS qui composent
l'Internet permet aux routeurs d'échanger des informations
entre eux « pour aller vers
2001:db8:bc9::/48
, passe donc par moi ». Avec
ces informations, chaque routeur calcule les routes à suivre pour
chaque destination. Une fois que c'est fait, tout le monde se
repose ? Non, parce qu'il y a tout le temps des
changements. Certains peuvent être imprévus et accidentels (la
fameuse pelleteuse), d'autres sont planifiés à
l'avance : ce sont les opérations de maintenance « le 7 février à
2300 UTC, nous allons remplacer une
line card du routeur, coupant
toutes les sessions BGP de cette carte ». Voici par exemple un
message reçu sur la liste de diffusion des
opérateurs connectés au France-IX :
Date: Wed, 31 Jan 2018 15:57:34 +0000 From: Quelqu'un <quelquun@opérateur> To: "paris@members.franceix.net" <paris@members.franceix.net> Subject: [FranceIX members] [Paris] [OPÉRATEUR/ASXXXXX] - France-IX port maintenance Dear peers, Tomorrow morning CEST, we will be conducting a maintenance that will impact one of our connection to France-IX (IPs: x.y.z.t/2001:x:y:z::t). All sessions will be shut down before and brought back up once the maintenance will be over. Please note that our MAC address will change as the link will be migrated to a new router. Cheers
Lorsqu'une telle opération est effectuée, le résultat est le
même que pour une coupure imprévue : les sessions BGP sont
coupées, les routeurs retirent les routes apprises via ces
sessions, et vont chercher d'autres routes dans les annonces
qu'ils ont reçues. Ils propagent ensuite ces changements à leurs
voisins, jusqu'à ce que tout l'Internet soit au courant. Le
problème est que cela prend du temps (quelques secondes au moins,
des dizaines de secondes, parfois, à moins que les routeurs
n'utilisent le RFC 7911 mais ce n'est pas
toujours le cas). Et pendant ce temps, les paquets continuent à
arriver à des routeurs qui ne savent plus les traiter (section 3
du RFC). Ces paquets seront jetés, et devront être réémis (pour le
cas de TCP). Ce n'est pas
satisfaisant. Bien sûr, quand la coupure est imprévue, il n'y a
pas le choix. Mais quand elle est planifiée, on devrait pouvoir
faire mieux, avertir les routeurs qu'ils devraient cesser
d'utiliser cette route. C'est justement ce que permet la nouvelle
communauté GRACEFUL_SHUTDOWN
. (Les
communautés BGP sont décrites dans le RFC 1997.) Elle s'utilise avant la
coupure, indiquant aux pairs qu'ils devraient commencer le
recalcul des routes, mais qu'ils peuvent continuer à utiliser les
anciennes routes pendant ce temps. (Notez qu'un cahier des charges
avait été établi pour ce problème, le RFC 6198. Et que ce projet d'une communauté pour les arrêts
planifiés est ancien, au moins dix ans.)
Ce RFC décrit donc deux choses, la
nouvelle communauté normalisée,
GRACEFUL_SHUTDOWN
(section 5), et la procédure à utiliser
pour s'en servir proprement (section 4). L'idée est que les routes
qui vont bientôt être coupées pour maintenance restent utilisées,
mais avec une préférence locale très faible (la valeur 0 est
recommandée, la plus petite valeur possible). La notion de
préférence locale est décrite dans le RFC 4271, section 5.1.5. Comme son nom l'indique, elle est
locale à un AS, et représente sa préférence
(décidée unilatéralement) pour une route plutôt que pour une
autre. Lors du choix d'une route par BGP, c'est le premier critère
consulté.
Pour mettre en œuvre cette idée, chaque routeur au bord des
AS (ASBR, pour Autonomous System
Border Router) doit avoir une règle qui, lorsqu'une
annonce de route arrive avec la communauté
GRACEFUL_SHUTDOWN
, applique une préférence
locale de 0. Notez que cela peut se faire avec les routeurs
actuels, aucun code nouveau n'est nécessaire, ce RFC ne décrit
qu'une procédure. Une fois que cette règle est en place, tout le
reste sera automatique, chez les pairs de l'AS qui coupe un lien
ou un routeur.
Et l'AS qui procéde à une opération de maintenance, que doit-il faire ? Dans l'ordre :
GRACEFUL_SHUTDOWN
aux routes qu'on annonce
(outbound policy),GRACEFUL_SHUTDOWN
aux routes qu'on reçoit
(inbound policy), et
mettre leur préférence locale à zéro,J'ai dit plus haut qu'il n'était pas nécessaire de modifier le
logiciel des routeurs BGP mais évidemment tout est plus simple
s'ils connaissent la communauté
GRACEFUL_SHUTDOWN
et simplifient ainsi la
tâche de l'administrateur réseaux. Cette communauté est « bien
connue » (elle n'est pas spécifique à un
AS), décrite
dans la section 5 du RFC, enregistrée à
l'IANA et sa valeur est 0xFFFF0000 (qui peut aussi s'écrire
65535:0, dans la notation habituelle des communautés).
La section 6 du RFC fait le tour de la sécurité de ce
système. Comme il permet d'influencer le routage chez les pairs
(on annonce une route avec la communauté
GRACEFUL_SHUTDOWN
et paf, le pair met une
très faible préférence à ces routes), il ouvre la porte à de
l'ingénierie du trafic pas toujours
bienveillante. Il est donc prudent de regarder ce qu'annoncent ses
pairs, et d'engueuler ou de dépairer ceux et celles qui abusent de
ce mécanisme.
Pour les amateurs de solutions alternatives, l'annexe A
explique les autres techniques qui auraient pu être utilisées lors
de la réception des routes marquées avec GRACEFUL_SHUTDOWN
. Au
lieu d'influencer la préférence locale, on aurait par exemple pu utiliser le
MED (multi-exit discriminator, RFC 4271, section 5.1.4) mais il n'est considéré par les
pairs qu'après d'autres critères, et il ne garantit donc pas que
le lien bientôt coupé ne sera plus utilisé.
L'annexe B donne des exemples de configuration pour différents types de routeurs. (Configurations pour l'AS qui reçoit la notification d'un arrêt proche, pas pour ceux qui émettent.) Ainsi, pour IOS XR :
! 65535:0 = 0xFFFF0000 community-set comm-graceful-shutdown 65535:0 end-set route-policy AS64497-ebgp-inbound ! Règles appliquées aux annonces reçues du pair, l'AS 64497. Bien ! sûr, en vrai, il y aurait plein d'autres règles, par exemple de filtrage. if community matches-any comm-graceful-shutdown then set local-preference 0 endif ! On a appliqué la règle du RFC : mettre la plus faible ! préférence locale possible end-policy ! La configuration de la session BGP avec le pair router bgp 64496 neighbor 2001:db8:1:2::1 remote-as 64497 address-family ipv6 unicast send-community-ebgp route-policy AS64497-ebgp-inbound in
Pour BIRD, cela sera :
# (65535, 0) = 0xFFFF0000 function honor_graceful_shutdown() { if (65535, 0) ~ bgp_community then { bgp_local_pref = 0; } } filter AS64497_ebgp_inbound { # Règles appliquées aux annonces reçues du pair, l'AS 64497. Bien # sûr, en vrai, il y aurait plein d'autres règles, par # exemple de filtrage. honor_graceful_shutdown(); } protocol bgp peer_64497_1 { neighbor 2001:db8:1:2::1 as 64497; local as 64496; import keep filtered; import filter AS64497_ebgp_inbound; }
Et sur OpenBGPD (on voit qu'il connait
GRACEFUL_SHUTDOWN
, il n'y a pas besoin de
donner sa valeur) :
AS 64496 router-id 192.0.2.1 neighbor 2001:db8:1:2::1 { remote-as 64497 } # Règles appliquées aux annonces reçues du pair, l'AS 64497. Bien # sûr, en vrai, il y aurait plein d'autres règles, par exemple de filtrage. match from any community GRACEFUL_SHUTDOWN set { localpref 0 }
Enfin, l'annexe C du RFC décrit quelques détails supplémentaires, par exemple pour IBGP (BGP interne à un AS).
Notez que ce nouveau RFC est prévu pour le cas où la transmission des paquets (forwarding plane) est affectée. Si c'est uniquement la session BGP (control plane) qui est touchée, la solution du RFC 4724, Graceful Restart, est plus appropriée.
Date de publication du RFC : Mars 2018
Auteur(s) du RFC : J. Gould (VeriSign), W. Tan (Cloud Registry), G. Brown (CentralNic)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF regext
Première rédaction de cet article le 5 mars 2018
Les registres de noms de domaine ont parfois des périodes d'enregistrement spéciales, par exemple lors de la phase de lancement d'un nouveau domaine d'enregistrement, ou bien lorsque les règles d'enregistrement changent. Pendant ces périodes, les conditions d'enregistrement ne sont pas les mêmes que pendant les périodes « standards ». Les registres qui utilisent le protocole EPP pour l'enregistrement peuvent alors utiliser les extensions EPP de ce nouveau RFC pour gérer ces périodes spéciales.
Un exemple de période spéciale est l'ouverture d'un tout nouveau TLD à l'enregistrement. Un autre exemple est une libéralisation de l'enregistrement, passant par exemple de vérifications a priori strictes à un modèle plus ouvert. Dans les deux cas, on peut voir des conflits se faire jour, par exemple entre le titulaire le plus rapide à enregistrer un nom, et un détenteur de propriété intellectuelle qui voudrait reprendre le nom. Les périodes spéciales sont donc définies par des privilèges particuliers pour certains utilisateurs, permettant par exemple aux titulaires d'une marque déposée d'avoir un avantage pour le nom de domaine correspondant à cette marque. La période spéciale est qualifiée de « phase de lancement » (launch phase). Les extensions à EPP décrites dans ce nouveau RFC permettent de mettre en œuvre ces privilèges.
La classe (mapping) décrivant les domaines en EPP figure dans le RFC 5731. Elle est prévue pour le fonctionnement standard du registre, sans intégrer les périodes spéciales. Par exemple, en fonctionnement standard, une fois que quelqu'un a enregistré un nom, c'est fini, personne d'autre ne peut le faire. Mais dans les phases de lancement, il arrive qu'on accepte plusieurs candidatures pour un même nom, qui sera ensuite attribué en fonction de divers critères (y compris parfois une mise aux enchères). Ou bien il peut y avoir des vérifications supplémentaires pendant une phase de lancement. Par exemple, certaines phases peuvent être réservées aux titulaires de propriété intellectuelle, et cela est vérifié via un organisme de validation, comme la TMCH (RFC 7848).
D'où ce RFC qui étend la classe domain
du RFC 5731. La section 2 du RFC décrit les
nouveaux attributs et éléments des domaines, la section 3 la façon de les
utiliser dans les commandes EPP et la
section 4 donne le schéma XML. Voyons
d'abord les nouveaux éléments et attributs.
D'abord, comme il peut y avoir plusieurs candidatures pour un
même nom, il faut un moyen de les distinguer. C'est le but de
l'identificateur de candidature (application
identifier). Lorsque le serveur EPP reçoit une commande
<domain:create>
pour un nom, il attribue un
identificateur de candidature, qu'il renvoie au client, dans un
élément <launch:applicationID>
, tout en
indiquant que le domaine est en état
pendingCreate
(RFC 5731, section 2.3) puisque le domaine n'a pas encore été
créé.
Au passage, launch
dans
<launch:applicationID>
est une
abréviation pour l'espace de noms XML
urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0
. Un
processeur XML correct ne doit évidemment pas tenir compte de
l'abréviation (qui peut être ce qu'on veut) mais uniquement de
l'espace de noms associé. Cet espace est désormais enregistré
à l'IANA (cf. RFC 3688).
Autre nouveauté, comme un serveur peut utiliser plusieurs
organismes de validation d'une marque
déposée, il existe désormais un attribut
validatorID
qui indique l'organisme. Par
défaut, c'est la TMCH (identificateur
tmch
). On pourra utiliser cet attribut
lorsqu'on indiquera un identificateur de marque, par exemple
lorsqu'on se sert de l'élément
<mark:mark>
du RFC 7848.
Les périodes spéciales ont souvent plusieurs phases, et notre
RFC en définit plusieurs (dans une ouverture réelle, toutes ne
sont pas forcément utilisées), qui seront utilisées dans l'élément
<launch:phase>
:
draft-ietf-regext-tmch-func-spec
),
et on peut alors renoncer ou continuer (si on est d'humeur à
affronter les avocats de la propriété intellectuelle), en
annonçant, si on continue « oui, j'ai vu, j'y vais quand même »,La section 2 définit aussi les états d'une candidature. Notamment :
pendingValidation
(validation en
attente),validated
(c'est bon, mais voyez plus
loin),invalid
(raté, vous n'avez pas de
droits sur ce nom),pendingAllocation
(une fois qu'on est
validé, tout n'est pas fini, il peut y avoir plusieurs
candidatures, avec un mécanisme de sélection, par exemple fondé
sur une enchère),allocated
(c'est vraiment
bon),rejected
(c'est fichu…)Les changements d'état ne sont pas forcément synchrones. Parfois, il faut attendre une validation manuelle, par exemple. Dans cas, il faut notifier le client EPP, ce qui se fait avec le mécanisme des messages asynchrones (poll message) du RFC 5730, section 2.9.2.3.
Comme toutes les extensions EPP, elle n'est utilisée par le client que si le serveur l'indique à l'ouverture de la session, en listant les espaces de noms XML des extensions qu'il accepte, par exemple :
<?xml version="1.0" encoding="UTF-8" standalone="no"?> <epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> <greeting><svID>EPP beautiful server for .example</svID> <svDate>2018-02-20T15:37:20.0Z</svDate> <svcMenu><version>1.0</version><lang>en</lang> <objURI>urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0</objURI> <objURI>urn:ietf:params:xml:ns:contact-1.0</objURI> <svcExtension> <extURI>urn:ietf:params:xml:ns:rgp-1.0</extURI> <extURI>urn:ietf:params:xml:ns:secDNS-1.1</extURI> <extURI>urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0</extURI> </svcExtension> </svcMenu> </greeting> </epp>
Maintenant qu'on a défini les données, la section 3 du RFC
explique comment les utiliser. (Dans tous les exemples ci-dessous,
C:
identifie ce qui est envoyé par le client
EPP et S:
ce que le serveur répond.) Par exemple, la commande EPP
<check>
(RFC 5730,
section 2.9.2.1) sert à vérifier si on peut enregistrer un objet
(ici, un nom de domaine). Elle prend ici des éléments
supplémentaires, par exemple pour tester si un nom correspond à
une marque. Ici, on demande si une marque existe (notez
l'extension <launch:check>
) :
C:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> C: <command> C: <check> C: <domain:check C: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> C: <domain:name>domain1.example</domain:name> C: </domain:check> C: </check> C: <extension> C: <launch:check C: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0" C: type="trademark"/> C: </extension> C: </command> C:</epp>
Et on a la réponse (oui, la marque existe dans la TMCH) :
S:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> S: <response> S: <result code="1000"> S: <msg>Command completed successfully</msg> S: </result> S: <extension> S: <launch:chkData S: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> S: <launch:cd> S: <launch:name exists="1">domain1.example</launch:name> S: <launch:claimKey validatorID="tmch"> S: 2013041500/2/6/9/rJ1NrDO92vDsAzf7EQzgjX4R0000000001 S: </launch:claimKey> S: </launch:cd> S: </launch:chkData> S: </extension> S: </response> S:</epp>
Avec la commande EPP <info>
, qui
sert à récupérer des informations sur un nom, on voit ici qu'un
nom est en attente (pendingCreate
), et on a
l'affichage de la phase actuelle du lancement, dans l'élément
<launch:phase>
:
C:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> C: <command> C: <info> C: <domain:info C: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> C: <domain:name>domain.example</domain:name> C: </domain:info> C: </info> C: <extension> C: <launch:info C: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0" C: includeMark="true"> C: <launch:phase>sunrise</launch:phase> C: </launch:info> C: </extension> C: </command> C:</epp>
Et le résultat, avec entre autre l'identificateur de candidature :
S:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> S: <response> S: <result code="1000"> S: <msg>Command completed successfully</msg> S: </result> S: <resData> S: <domain:infData S: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> S: <domain:name>domain.example</domain:name> S: <domain:status s="pendingCreate"/> S: <domain:registrant>jd1234</domain:registrant> S: <domain:contact type="admin">sh8013</domain:contact> S: <domain:crDate>2012-04-03T22:00:00.0Z</domain:crDate> ... S: </domain:infData> S: </resData> S: <extension> S: <launch:infData S: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> S: <launch:phase>sunrise</launch:phase> S: <launch:applicationID>abc123</launch:applicationID> S: <launch:status s="pendingValidation"/> S: <mark:mark S: xmlns:mark="urn:ietf:params:xml:ns:mark-1.0"> S: ... S: </mark:mark> S: </launch:infData> S: </extension> S: </response> S:</epp>
C'est bien joli d'avoir des informations mais, maintenant, on
voudrait créer des noms de domaine. La commande EPP
<create>
(RFC 5730, section 2.9.3.1) sert à cela. Selon la phase de
lancement, il faut lui passer des extensions différentes. Pendant
le lever de soleil (sunrise), il faut indiquer
la marque déposée sur laquelle on s'appuie, dans
<launch:codeMark>
(il y a d'autres
moyens de l'indiquer, cf. section 2.6) :
C:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> C: <command> C: <create> C: <domain:create C: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> C: <domain:name>domain.example</domain:name> C: <domain:registrant>jd1234</domain:registrant> ... C: </domain:create> C: </create> C: <extension> C: <launch:create C: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> C: <launch:phase>sunrise</launch:phase> C: <launch:codeMark> C: <launch:code validatorID="sample1"> C: 49FD46E6C4B45C55D4AC</launch:code> C: </launch:codeMark> C: </launch:create> C: </extension> C: </command> C:</epp>
On reçoit une réponse qui dit que le domaine n'est pas encore
créé, mais on a un identificateur de candidature (un numéro de
ticket, quoi) en <launch:applicationID>
. Notez le code de retour 1001 (j'ai
compris mais je ne vais pas le faire tout de suite) et non pas
1000, comme ce serait le cas en régime de croisière :
S:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> S: <response> S: <result code="1001"> S: <msg>Command completed successfully; action pending</msg> S: </result> S: <resData> S: <domain:creData S: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> S: <domain:name>domain.example</domain:name> S: <domain:crDate>2010-08-10T15:38:26.623854Z</domain:crDate> S: </domain:creData> S: </resData> S: <extension> S: <launch:creData S: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> S: <launch:phase>sunrise</launch:phase> S: <launch:applicationID>2393-9323-E08C-03B1 S: </launch:applicationID> S: </launch:creData> S: </extension> S: </response> S:</epp>
De même, des extensions permettent de créer un domaine pendant la phase où il faut indiquer qu'on a vu les prétentions qu'avait un titulaire de marque sur ce nom. Le RFC décrit aussi l'extension à utiliser dans la phase de ruée (landrush), mais j'avoue n'avoir pas compris son usage (puisque, pendant la ruée, les règles habituelles s'appliquent).
On peut également retirer une candidature, avec la commande EPP
<delete>
qui, en mode standard, sert à
supprimer un domaine. Il faut alors indiquer l'identifiant de la
candidature qu'on retire :
C:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> C: <command> C: <delete> C: <domain:delete C: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> C: <domain:name>domain.example</domain:name> C: </domain:delete> C: </delete> C: <extension> C: <launch:delete C: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> C: <launch:phase>sunrise</launch:phase> C: <launch:applicationID>abc123</launch:applicationID> C: </launch:delete> C: </extension> C: </command> C:</epp>
Et les messages non sollicités (poll), envoyés de manière asynchrone par le serveur ? Voici un exemple, où le serveur indique que la candidature a été jugée valide (le mécanisme par lequel on passe d'un état à un autre dépend de la politique du serveur) :
S:<epp xmlns="urn:ietf:params:xml:ns:epp-1.0"> S: <response> S: <result code="1301"> S: <msg>Command completed successfully; ack to dequeue</msg> S: </result> S: <msgQ count="5" id="12345"> S: <qDate>2013-04-04T22:01:00.0Z</qDate> S: <msg>Application pendingAllocation.</msg> S: </msgQ> S: <resData> S: <domain:infData S: xmlns:domain="urn:ietf:params:xml:ns:domain-1.0"> S: <domain:name>domain.example</domain:name> S: ... S: </domain:infData> S: </resData> S: <extension> S: <launch:infData S: xmlns:launch="urn:ietf:params:xml:ns:launch-1.0"> S: <launch:phase>sunrise</launch:phase> S: <launch:applicationID>abc123</launch:applicationID> S: <launch:status s="pendingAllocation"/> S: </launch:infData> S: </extension> S: </response> S:</epp>
Voilà, vous savez l'essentiel, si vous voulez tous les détails, il faudra lire la section 3 complète, ainsi que la section 4, qui contient le schéma XML des extensions pour les phases de lancement. Comme toutes les extensions à EPP, celle de ce RFC est désormais dans le registre des extensions EPP, décrit dans le RFC 7451.
Notez que ce RFC ne fournit pas de moyen pour indiquer au client EPP quelle est la politique d'enregistrement pendant la période spéciale. Cela doit être fait par un mécanisme externe (page Web du registre, par exemple).
Quelles sont les mises en œuvre de ce RFC ? L'extension pour les phases de lancement est ancienne (première description en 2011) et de nombreux registres offrent désormais cette possibilité. C'est d'autant plus vrai que l'ICANN impose aux registres de ses nouveaux TLD de gérer les phases de lancement avec cette extension. Ainsi :
.com
et
.net
(mais également
pour bien d'autres TLD) gère cette
extension (code non libre et non public, cette fois)..za
a
aussi cette extension..nl
) fait partie de
ceux qui ont mis en œuvre ce RFC.tdw
, pas dans le logiciel originel de
Patrick Mevzek),
cf. LaunchPhase.pm
.Date de publication du RFC : Février 2018
Auteur(s) du RFC : J. Klensin
Pour information
Première rédaction de cet article le 28 février 2018
Le DNS est une infrastructure essentielle
de l'Internet. S'il est en panne, rien ne marche (sauf si vous
faites partie de la minorité qui fait uniquement des ping
-n
et des traceroute -n
). S'il est
lent, tout rame. Comme le DNS, heureusement, marche très bien, et
s'est montré efficace, fiable et rapide, il souffre aujourd'hui de
la malédiction des techniques à succès : on essaie de charger la
barque, de lui faire faire plein de choses pour lesquelles il
n'était pas prévu. D'un côté, c'est un signe de succès. De l'autre,
c'est parfois fragilisant. Dans ce RFC
individuel (qui exprime juste le point de vue d'un individu, et
n'est pas du tout une norme
IETF), John Klensin, qui ne participe plus
activement au développement du DNS depuis des années, revient sur
certaines de ces choses qu'on essaie de faire faire au DNS et se
demande si ce n'est pas trop, et à partir de quel point il faudrait
arrêter de « perfectionner » le DNS et plutôt passer à « autre
chose » (« quand le seul outil qu'on a est un marteau, tous les
problèmes ressemblent à des clous… »). Une bonne lecture pour
celleszetceux qui ne veulent pas seulement faire marcher le DNS mais
aussi se demander « pourquoi c'est comme ça ? » et « est-ce que ça
pourrait être différent ? »
Améliorer le système petit à petit ou bien le remplacer complètement ? C'est une question que se posent régulièrement les ingénieurs, à propos d'un logiciel, d'un langage de programmation, d'un protocole réseau. À l'extrême, il y a l'ultra-conservateur qui ne voit que des inconvénients aux solutions radicales, à l'autre il y a l'ultra-optimiste qui en a marre des rustines et qui voudrait jeter le vieux système, pour le remplacer par un système forcément meilleur, car plus récent. Entre les deux, beaucoup d'informaticiens hésitent. L'ultra-conservateur oublie que les rustines successives ont transformé l'ancien système en un monstre ingérable et difficile à maintenir, l'ultra-optimiste croit naïvement qu'un système nouveau, rationnellement conçu (par lui…) sera à coup sûr plus efficace et moins bogué. Mais les deux camps, et tout celleszetceux qui sont entre les deux peuvent tirer profit de ce RFC, pour approfondir leur réflexion.
Klensin note d'abord que le DNS est vieux. La première réflexion à ce sujet était le RFC 799 en 1981, et le premier RFC décrivant le DNS est le RFC 882, en novembre 1983. (Paul Mockapetris a raconté le développement du DNS dans « Development of the Domain Name System », j'ai fait un résumé des articles d'histoire du DNS.) Le DNS remplaçait l'ancien système fondé sur un fichier centralisé de noms de machines (RFC 810, RFC 952, et peut-être aussi RFC 953). Tout n'est pas écrit : le DNS n'a pas aujourd'hui une spécification unique et à jour, aux RFC de base (RFC 1034 et RFC 1035, il faut ajouter des dizaines de RFC qui complètent ou modifient ces deux-ci, ainsi que pas mal de culture orale. (Un exemple de cette difficulté était que, pendant le développement du RFC 7816, son auteur s'est aperçu que personne ne se souvenait pourquoi les résolveurs envoyaient le FQDN complet dans les requêtes.) Plusieurs techniques ont même été supprimées comme les requêtes inverses (RFC 3425) ou comme les types d'enregistrement WKS, MD, MF et MG.
D'autres auraient dû être supprimées, car inutilisables en pratique, comme les classes (que prétendait utiliser le projet Net4D), et qui ont fait l'objet de l'Internet-Draft « The DNS Is Not Classy: DNS Classes Considered Useless », malheureusement jamais adopté dans une IETF parfois paralysée par la règle du consensus.
D'autres évolutions ont eu lieu : le DNS original ne proposait aucun mécanisme d'options, tous les clients et tous les serveurs avaient exactement les mêmes capacités. Cela a changé avec l'introduction d'EDNS, dans le RFC 2671 en 1999.
Beaucoup d'articles ont été écrits sur les systèmes de nommage. (Le RFC recommande l'article de V. Cerf, « Desirable Properties of Internet Identifiers », ou bien le livre « Signposts in Cyberspace: The Domain Name System and Internet Navigation ». Je me permets de rajouter mes articles, « Inventer un meilleur système de nommage : pas si facile », « Un DNS en pair-à-pair ? » et « Mon premier nom Namecoin enregistré ».)
Pourquoi est-ce que les gens ne sont pas contents du DNS actuel et veulent le changer (section 4 du RFC, la plus longue du RFC) ? Il y a des tas de raisons. Certaines, dit l'auteur, peuvent mener à des évolutions raisonnables du DNS actuel. Certaines nécessiteraient un protocole complètement nouveau, incompatible avec le DNS. D'autres enfin seraient irréalistes, quel que soit le système utilisé. La section 4 les passe en revue (rappelez-vous que ce RFC est une initiative individuelle, pas une opinion consensuelle à l'IETF).
Premier problème, les requêtes « multi-types ». À l'heure actuelle, une requête DNS est essentiellement composée d'un nom (QNAME, Query Name) et d'un type (QTYPE, Query Type, par exemple AAAA pour une adresse IP, TLSA pour une clé publique, etc). Or, on aurait parfois besoin de plusieurs types. L'exemple classique est celui d'une machine double-pile (IPv6 et le vieil IPv4), qui ne sait pas quelle version d'IP est acceptée en face et qui demande donc l'adresse IPv6 et l'adresse IPv4 du pair. Il n'y a actuellement pas de solution pour ce problème, il faut faire deux requêtes DNS. (Et, non, ANY ne résout pas ce problème, notamment en raison de l'interaction avec les caches : que doit faire un cache qui ne connait qu'une seule des deux adresses ?)
Deuxième problème, la sensibilité à la casse. La norme originale prévoyait des requêtes insensibles à la casse (RFC 1034, section 3.1), ce qui semble logique aux utilisateurs de l'alphabet latin. Mais c'est plutôt une source d'ennuis pour les autres écritures (et c'est une des raisons pour lesquelles accepter l'Unicode dans les noms de domaine nécessite des méthodes particulières). Avec ASCII, l'insensibilité à la casse est facile (juste un bit à changer pour passer de majuscule en minuscule et réciproquement) mais ce n'est pas le cas pour le reste d'Unicode. En outre, il n'est pas toujours évident de connaitre la correspondance majuscule-minuscule (cf. les débats entre germanophones sur la majuscule de ß). Actuellement, les noms de domaine en ASCII sont insensibles à la casse et ceux dans le reste du jeu de caractères Unicode sont forcément en minuscules (cf. RFC 5890), libre à l'application de mettre ses propres règles d'insensibilité à la casse si elle veut, lorsque l'utilisateur utilise un nom en majuscules comme RÉUSSIR-EN.FR. On referait le DNS en partant de zéro, peut-être adopterait-on UTF-8 comme encodage obligatoire, avec normalisation NFC dans les serveurs de noms, mais c'est trop tard pour le faire.
En parlant d'IDN, d'ailleurs, ce sujet a été à l'origine de nombreuses discussions, incluant pas mal de malentendus (pour lesquels, à mon humble avis, l'auteur de RFC a une sérieuse responsabilité). Unicode a une particularité que n'a pas ASCII : le même caractère peut être représenté de plusieurs façons. L'exemple classique est le É qui peut être représenté par un point de code, U+00C9 (LATIN CAPITAL LETTER E WITH ACUTE), ou par deux, U+0045 (LATIN CAPITAL LETTER E) et U+0301 (COMBINING ACUTE ACCENT). Je parle bien de la représentation en points de code, pas de celle en bits sur le réseau, qui est une autre affaire ; notez que la plupart des gens qui s'expriment à propos d'Unicode sur les forums ne connaissent pas Unicode. La normalisation Unicode vise justement à n'avoir qu'une forme (celle à un point de code si on utilise NFC) mais elle ne traite pas tous les cas gênants. Par exemple, dans certains cas, la fonction de changement de casse dépend de la langue (que le DNS ne connait évidemment pas). Le cas le plus célèbre est celui du i sans point U+0131, qui a une règle spécifique en turc. Il ne sert à rien de râler contre les langues humaines (elles sont comme ça, point), ou contre Unicode (dont la complexité ne fait que refléter celles des langues humaines et de leurs écritures). Le point important est qu'on n'arrivera pas à faire en sorte que le DNS se comporte comme M. Toutlemonde s'y attend, sauf si on se limite à un M. Toutlemonde étatsunien (et encore).
Les IDN ont souvent été accusés, y compris dans ce RFC, de
permettre, ou en tout cas de faciliter, le
hameçonnage par la confusion possible entre
deux caractères visuellement proches. En fait, le problème n'est pas
spécifique aux IDN (regardez google.com
et
goog1e.com
) et les études montrent que les
utilisateurs ne vérifient pas les noms, de toute façon. Bref,
il s'agit de simple propagande de la part de ceux qui n'ont jamais
vraiment accepté Unicode.
Les IDN nous amènent à un problème proche,
celui des synonymes. Les noms de domaine
color.example
et
colour.example
sont différents alors que, pour
tout anglophone, color
et colour
sont « équivalents ». J'ai mis le mot « équivalent » entre
guillemets car sa définition même est floue. Est-ce que
« Saint-Martin » est équivalent à « St-Martin » ? Et est-ce que
« Dupont » est équivalent à « Dupond » ? Sans même aller chercher des
exemples comme l'équivalence entre sinogrammes simplifiés et sinogrammes
traditionnels, on voit que l'équivalence est un concept
difficile à cerner. Souvent, M. Michu s'agace « je tape
st-quentin.fr
, pourquoi est-ce que ça n'est pas
la même chose que
saint-quentin-en-yvelines.fr
? »
Fondamentalement, la réponse est que le DNS ne gère pas les requêtes
approximatives, et qu'il n'est pas évident que tout le monde soit
d'accord sur l'équivalence de deux noms. Les humains se débrouillent
avec des requêtes floues car ils ont un
contexte. Si on est dans les
Yvelines, je sais que « St-Quentin » est
celui-ci
alors que, si on est dans l'Aisne, mon interlocuteur parle
probablement de celui-là. Mais le DNS n'a pas ce
contexte.
Plusieurs RFC ont été écrit à ce sujet, RFC 3743, RFC 4290, RFC 6927 ou RFC 7940, sans résultats convaincants. Le DNS a bien sûr des mécanismes permettant de dire que deux noms sont équivalents, comme les alias (enregistrements CNAME) ou comme les DNAME du RFC 6672. Mais :
Même écrire un cahier des charges des « variantes » n'a jamais été possible. (C'est également un sujet sur lequel j'avais écrit un article.)
Passons maintenant aux questions de protection de la vie privée. L'auteur du RFC note que la question suscite davantage de préoccupations aujourd'hui mais ne rappelle pas que ces préoccupations ne sont pas irrationnnelles, elles viennent en grande partie de la révélation de programmes de surveillance massive comme MoreCowBell. Et il « oublie » d'ailleurs de citer le RFC 7626, qui décrit en détail le problème de la vie privée lors de l'utilisation du DNS.
J'ai parlé plus haut du problème des classes dans le DNS, ce
paramètre supplémentaire des enregistrements DNS (un enregistrement
est identifié par trois choses, le nom, la classe et le
type). L'idée au début (RFC 1034, section 3.6)
était de gérer depuis le DNS plusieurs protocoles très différents
(IP, bien sûr, mais aussi
CHAOS et d'autres futurs), à l'époque où le
débat faisait rage entre partisans d'un réseau à protocole unique
(le futur Internet) et ceux et celles qui
préféraient un catenet, fondé sur
l'interconnexion de réseaux techniquement différents. Mais,
aujourd'hui, la seule classe qui sert réellement est IN (Internet)
et, en pratique, il y a peu de chances que les autres soient jamais
utilisées. Il a parfois été suggéré d'utiliser les classes pour
partitionner l'espace de noms (une classe IN pour
l'ICANN et créer une classe UN afin de la donner à
l'UIT pour qu'elle puisse jouer à la gouvernance ?) mais le fait que les
classes aient été
très mal normalisées laisse peu d'espoir. (Est-ce que IN
example
, CH example
et UN example
sont la même
zone ? Ont-ils les mêmes serveurs de noms ? Cela n'a jamais été
précisé.)
Une particularité du DNS qui déroute souvent les nouveaux administrateurs système est le fait que les données ne soient que faiblement synchronisées : à un moment donné, il est parfaitement normal que plusieurs valeurs coexistent dans l'Internet. Cela est dû à plusieurs choix, notamment :
Cela a donné naissance à la légende de la propagation du DNS et aux chiffres fantaisistes qui accompagnent cette légende comme « il faut 24 h pour que le DNS se propage ».
Ces choix ont assuré le succès du DNS, en lui permettant de passer à l'échelle, vers un Internet bien plus grand que prévu à l'origine. Un modèle à synchronisation forte aurait été plus compliqué, plus fragile et moins performant.
Mais tout choix en ingéniérie a des bonnes conséquences et des mauvaises : la synchronisation faible empêche d'utiliser le DNS pour des données changeant souvent. Des perfectionnements ont eu lieu (comme la notification non sollicitée du RFC 1996, qui permet aux serveurs secondaires d'être au courant rapidement d'un changement, mais qui ne marche que dans le cas où on connait tous les secondaires) mais n'ont pas fondamentalement changé le tableau. Bien sûr, les serveurs faisant autorité qui désireraient une réjuvénation plus rapide peuvent toujours abaisser le TTL mais, en dessous d'une certaine valeur (typiquement 30 à 60 minutes), les TTL trop bas sont parfois ignorés.
Un autre point où les demandes de beaucoup d'utilisateurs
rentrent en friction avec les concepts du DNS est celui des noms
privés, des noms qui n'existeraient qu'à l'intérieur d'une
organisation particulière, et qui ne nécessiteraient pas
d'enregistrement auprès d'un tiers. La bonne méthode pour avoir des
noms privés est d'utiliser un sous-domaine d'un domaine qu'on a
enregistré (aujourd'hui, tout le monde peut avoir son domaine assez
facilement, voir gratuitement), et de le déléguer à
des serveurs de noms qui ne sont accessibles qu'en interne. Si on
est l'association Example et qu'on est titulaire de
example.org
, on crée
priv.example.org
et on y met ensuite les noms
« privés » (je mets privé entre guillemets car, en pratique, comme
le montrent les statistiques des serveurs de noms publics, de tels
noms fuitent souvent à l'extérieur, par exemple quand un ordinateur
portable passe du réseau interne à celui d'un
FAI public).
Il faut noter que beaucoup d'organisations, au lieu d'utiliser la
bonne méthode citée ci-dessus, repèrent un
TLD actuellement inutilisé
(.home
, .lan
,
.private
…) et s'en servent. C'est une très
mauvaise idée, car, un jour, ces TLD seront peut-être délégués, avec
les risques de confusion que cela entrainera (cf. le
cas de .box et celui
de .dev).
Les administrateurs système demandent souvent « mais quel est le
TLD réservé pour les usages internes » et sont surpris d'apprendre
qu'il n'en existe pas. C'est en partie pour de bonnes raisons
(imaginez deux entreprises utilisant ce TLD et fusionnant… Ou
simplement s'interconnectant via un VPN… Un
problème qu'on voit souvent avec le RFC 1918.)
Mais c'est aussi en partie parce que les tentatives d'en créer un se
sont toujours enlisées dans les sables de la bureaucratie (personne
n'a envie de passer dix ans de sa vie professionnelle à faire du
lobbying auprès de l'ICANN pour réserver un
tel TLD). La dernière tentative était celle de .internal
mais elle n'a pas marché.
Il y a bien un registre des noms de domaines (pas uniquement des
TLD) « à usage spécial », créé par le RFC 6761. Il a malheureusement été gelé par
l'IESG et fait l'objet de contestations (RFC 8244). Aucun des noms qu'il contient ne convient vraiment
au besoin de ceux qui voudraient des noms de domaine internes (à part
.test
qui devrait logiquement être utilisé pour
les bancs de test, de développement, etc). Le RFC note qu'un des
principaux problèmes d'un tel registre est qu'il est impossible de
garder à jour tous les résolveurs de la planète quand ce registre
est modifié. On ne peut donc pas garantir qu'un nouveau TLD réservé
sera bien traité de manière spéciale par tous les résolveurs.
Une caractéristique du DNS qui a suscité beaucoup de débats, pas toujours bien informés et pas toujours honnêtes, est l'existence de la racine du DNS, et des serveurs qui la servent. Lors de la mise au point du DNS, la question s'était déjà posée, certains faisant remarquer que cette racine allait focaliser les problèmes, aussi bien techniques que politiques. L'expérience a montré qu'en fait la racine marchait bien, mais cela n'a pas évité les polémiques. Le RFC note que le sujet est très chaud : qui doit gérer un serveur racine ? Où faut-il les placer physiquement ? Si l'anycast a largement résolu la seconde question (RFC 7094), la première reste ouverte. Le RFC n'en parle pas mais, si la liste des onze (ou douze, ça dépend comment on compte) organisations qui gèrent un serveur racine n'a pas évolué depuis vingt ans, ce n'est pas pour des raisons techniques, ni parce qu'aucune organisation n'est capable de faire mieux que les gérants actuels, mais tout simplement parce qu'il n'existe aucun processus pour supprimer ou ajouter un serveur racine. Comme pour les membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, on en reste au statu quo, aussi inacceptable soit-il, simplement parce qu'on ne sait pas faire autrement.
Le problème de la gestion de la racine n'est pas uniquement celui
de la gestion des serveurs racine. Le contenu de la zone racine est
tout aussi discuté. Si les serveurs racine sont les imprimeurs du
DNS, le gérant de la zone racine en est l'éditeur. Par exemple,
combien faut-il de TLD ? Si quelqu'un veut
créer .pizza
, faut-il le permettre ? Et
.xxx
? Et .vin
, que le
gouvernement français avait vigoureusement
combattu ? Ou encore .home
, déjà
largement utilisé informellement dans beaucoup de réseaux locaux,
mais pour lequel il y avait trois candidatures à l'ICANN (rejetées peu de
temps avant la publication du RFC). Ces
questions, qui se prêtent bien aux jeux politiciens, occupent
actuellement un bon bout des réunions
ICANN.
La base technique à ces discussions est qu'il n'y a qu'une seule racine (RFC 2826). Son contrôle va donc forcément susciter des conflits. Un autre système de nommage que le DNS, si on le concevait de nos jours, pourrait éviter le problème en évitant ces points de contrôle. Les techniques à base de chaînes de blocs comme Namecoin sont évidemment des candidates possibles. Outre les problèmes pratiques (avec Namecoin, quand on perd sa clé privée, on perd son domaine), la question de fond est « quelle gouvernance souhaite-t-on ? »
La question de la sémantique dans les noms de domaines est
également délicate. L'auteur affirme que les noms de domaines sont
(ou en tout cas devraient être) de purs identificateurs techniques,
sans sémantique. Cela permet de justifier les limites des noms (RFC 1034, section 3.5) : s'ils sont de purs
identificateurs techniques, il n'est pas nécessaire de permettre les
IDN, par exemple. On peut se contenter des
lettres ASCII, des chiffres et du
tiret, la règle dite LDH, qui vient du RFC 952. Cette règle
« Letters-Digits-Hyphen » a été une première fois
remise en cause vers 1986
lorsque 3Com a voulu son nom de domaine
3com.com
(à l'époque, un nom devait commencer
par une lettre, ce qui a été changé par la norme actuelle, RFC 1123). Mais cela laisse d'autres marques sans
nom de domaine adapté, par exemple C&A
ne peut pas avoir c&a.fr
. Sans parler des
cas de ceux et celles qui n'utilisent pas l'alphabet latin.
L'argument de Klensin est que ce n'est pas grave : on demande juste aux noms de domaine d'être des identificateurs uniques et non ambigus. Qu'ils ne soient pas très « conviviaux » n'est pas un problème. Inutile de dire que ce point de vue personnel ne fait pas l'unanimité.
Bien sûr, il y a aussi un aspect technique. Si on voulait, dit l'auteur ironiquement, permettre l'utilisation de la langue naturelle dans les noms de domaine, il faudrait aussi supprimer la limite de 63 caractères par composant (255 caractères pour le nom complet). Il est certain qu'il est difficile d'avoir des identificateurs qui soient à la fois utiles pour les programmes (simples, non ambigus) et pour les humains.
Le DNS n'est pas figé, et a évolué depuis ses débuts. Notamment, beaucoup de nouveaux types (RRTYPE, pour Resource Record Type) ont été créés avec le temps (cf. RFC 6895). Ce sont, par exemple :
dig
+short URI 78100.cp.bortzmeyer.fr
va vous donner un URI
OpenStreetMap correspondant au
code postal 78100),Une observation à partir de l'étude du déploiement de tous les nouveaux types d'enregistrement est que ça se passe mal : pare-feux débiles qui bloquent les types qu'ils ne connaissent pas, interfaces de gestion du contenu des zones qui ne sont jamais mises à jour (bien des hébergeurs DNS ne permettent pas d'éditer URI ou TLSA, voir simplement SRV), bibliothèques qui ne permettent pas de manipuler ces types… Cela a entrainé bien des concepteurs de protocole à utiliser le type « fourre-tout » TXT. Le RFC 5507 explique ses avantages et (nombreux) inconvénients. (Le RFC 6686 raconte comment le type générique TXT a vaincu le type spécifique SPF.)
Aujourd'hui, tout le monde et son chien a un nom de domaine. Des
noms se créent en quantité industrielle, ce qui est facilité par
l'automatisation des procédures, et le choix de certains registres
de faire des promotions commerciales. Il n'est pas exagéré de dire
que, surtout dans les nouveaux TLD ICANN, la
majorité des noms sont créés à des fins malveillantes. Il est donc
important de pouvoir évaluer la réputation d'un nom : si
mail.enlargeyourzob.xyz
veut m'envoyer du
courrier, puis-je utiliser la réputation de ce domaine (ce qu'il a
fait précédemment) pour décider de rejeter le message ou pas ? Et si
un utilisateur clique sur
http://www.bitcoinspaschers.town/
, le
navigateur Web doit-il l'avertir que ce domaine a mauvaise
réputation ? Le RFC, souvent nostalgique, rappelle que le modèle original du DNS,
formalisé dans le RFC 1591, était que chaque
administrateur de zone était compétent, responsable et
honnête. Aujourd'hui, chacune de ces qualités est rare et leur
combinaison est encore plus rare. L'auteur du RFC regrette que les
registres ne soient pas davantage comptables du contenu des zones
qu'ils gèrent, ce qui est un point de vue personnel et très
contestable : pour un TLD qui est un service public, ce serait une
violation du principe de neutralité.
Bref, en pratique, il est clair aujourd'hui qu'on
trouve de tout dans le DNS. Il serait donc souhaitable qu'on puisse
trier le bon grain de l'ivraie mais cela présuppose qu'on connaisse
les frontières administratives. Elles ne coïncident pas forcément
avec les frontières techniques
(.fr
et
gouv.fr
sont actuellement dans la même zone
alors que le premier est sous la responsabilité de
l'AFNIC et le second sous celle du
gouvernement français). Rien dans le DNS ne les indique (le
point dans un nom de domaine indique une
frontière de domaine, pas forcément une frontière de zone, encore
moins une frontière de responsabilité). Beaucoup de légendes
circulent à ce sujet, par exemple beaucoup de gens croient à tort
que tout ce qui se trouve avant les deux derniers composants d'un
nom est sous la même autorité que le nom de deuxième niveau
(cf. mon article sur l'analyse
d'un nom). Il n'y a pas actuellement de mécanisme standard et
sérieux pour déterminer les frontières de responsabilité dans un nom
de domaine. Plusieurs efforts avaient été tentés à l'IETF mais ont
toujours échoué. La moins mauvaise
solution, aujourd'hui, est la Public Suffix
List.
Beaucoup plus technique, parmi les problèmes du DNS, est celui de la taille des paquets. Car la taille compte. Il y a très très longtemps, la taille d'une réponse DNS était limitée à 512 octets. Cette limite a été supprimée en 1999 avec le RFC 2671 (c'est d'ailleurs une excellente question pour un entretien d'embauche lorsque le candidat a mis « DNS » dans la liste de ses compétences : « quelle est la taille maximale d'une réponse DNS ? »). En théorie, les réponses peuvent désormais être plus grandes (la plupart des serveurs sont configurés pour 4 096 octets) mais on se heurte à une autre limite : la MTU de 1 500 octets tend à devenir une valeur sacrée, et les réponses plus grandes que cette taille ont du mal à passer, par exemple parce qu'un pare-feu idiot bloque les fragments IP, ou parce qu'un pare-feu tout aussi crétin bloque l'ICMP, empêchant les messages Packet Too Big de passer (cf. RFC 7872).
Bref, on ne peut plus trop compter sur la fragmentation, et les serveurs limitent parfois leur réponse en UDP (TCP n'a pas de problème) à moins de 1 500 octets pour cela.
Une section entière du RFC, la 5, est consacrée au problème de la
requête inverse, c'est-à-dire comment trouver un nom de domaine en
connaissant le contenu d'un enregistrement lié à ce nom. La norme
historique prévoyait une requête spécifique pour cela, IQUERY (RFC 1035, sections 4.1.1 et 6.4). Mais elle n'a
jamais réellement marché (essentiellement parce qu'elle suppose
qu'on connaisse déjà le serveur faisant autorité… pour un nom de
domaine qu'on ne connait pas encore) et a été retirée dans le RFC 3425. Pour permettre quand même des « requêtes
inverses » pour le cas le plus demandé, la résolution d'une adresse
IP en un nom de domaine, un truc spécifique a été développé,
l'« arbre inverse »
in-addr.arpa
(puis plus
tard ip6.arpa
pour
IPv6). Ce truc n'utilise pas les IQUERY mais
des requêtes normales, avec le type
PTR. Ainsi, l'option -x
de
dig permet à la fois de fabriquer le nom en
in-addr.arpa
ou ip6.arpa
et de faire une requête de type PTR pour lui :
% dig -x 2001:678:c::1 ... ;; ANSWER SECTION: 1.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.c.0.0.0.8.7.6.0.1.0.0.2.ip6.arpa. 172796 IN PTR d.nic.fr.
Cette technique pose des problèmes dans le cas de préfixes
IPv4 ne tenant pas sur une frontière d'octets
(cas traité par le RFC 2317). Globalement,
c'est toujours resté un truc, parfois utile, souvent surestimé, mais
ne fournissant jamais un service général. Une tentative avait été
faite à l'IETF pour décrire ce truc et son
utilisation, mais elle n'a jamais abouti (draft-ietf-dnsop-reverse-mapping-considerations
),
la question étant trop sensible (même écrire « des gens trouvent que
les enregistrements PTR sont utiles, d'autres personnes ne sont pas
d'accord », même une phrase comme cela ne rencontrait pas de
consensus).
Enfin, la section 7 du RFC est consacrée à un problème
difficile : le DNS ne permet pas de recherche floue. Il faut
connaitre le nom exact pour avoir les données. Beaucoup
d'utilisateurs voudraient quelque chose qui ressemble davantage à un
moteur de recherche. Ils n'ont pas d'idée
très précise sur comment ça devrait fonctionner mais ils voudraient
pouvoir taper « st quentin » et que ça arrive sur
www.saint-quentin-en-yvelines.fr
. Le fait qu'il
existe plusieurs villes nommées Saint-Quentin
ne les arrête pas ; ils voudraient que ça marche « tout seul ». Le
DNS a un objectif très différent : fournir une réponse exacte à une
question non ambigüe.
Peut-être aurait-on pu développer un service de recherche floue au dessus du DNS. Il y a eu quelques réflexions à ce sujet (comme le projet IRNSS ou comme le RFC 2345) mais ce n'est jamais allé très loin. En pratique, les moteurs de recherche jouent ce rôle, sans que l'utilisateur comprenne la différence. Peu d'entre eux savent qu'un nom de domaine, ce n'est pas comme un terme tapé dans un moteur de recherche. On voit aussi bien des gens taper un nom de domaine dans la boîte de saisie du terme de recherche, que des gens utiliser le moteur de recherche comme fournisseurs d'identificateurs (« pour voir notre site Web, tapez "trucmachin" dans Google »). Le dernier clou dans le cercueil de la compréhension de la différence entre identificateur et moteur de recherche a été planté quand les navigateurs ont commencé à fusionner barre d'adresses et boite de saisie de la recherche.
Date de publication du RFC : Février 2018
Auteur(s) du RFC : R. Bonica (Juniper), R. Thomas (Juniper), J. Linkova (Google), C. Lenart (Verizon), M. Boucadair (Orange)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF intarea
Première rédaction de cet article le 23 février 2018
Pour tester qu'une machine est bien joignable, vous utilisez
ping ou, plus rigoureusement, vous envoyez
un message ICMP de type
echo
, auquel la machine visée va répondre
avec un message ICMP echo reply
. Ce test
convient souvent mais il a plusieurs limites. L'une des
limites de ce test est qu'il ne teste qu'une seule interface
réseau de la machine, celle par laquelle vous lui parlez (deux
interfaces, dans certains cas de routage asymétrique). Si la
machine visée est un gros routeur avec
plein d'interfaces réseau, le test ne vous dira pas si toutes
fonctionnent. D'où cette extension aux messages ICMP permettant de
spécifier l'interface qu'on veut vérifier.
A priori, ce RFC ne s'intéresse qu'aux
routeurs, les serveurs
n'ayant souvent qu'une seule interface réseau. La nouvelle
technique, nommée PROBE
, n'a pas de vocation
générale, contrairement à ping, et
concernera surtout les administrateurs réseau. D'autant plus que,
comme elle est assez indiscrète, elle ne sera a priori pas ouverte
au public. Notez qu'elle permet non seulement de tester une autre
interface du routeur, mais également une interface d'une machine
directement connectée au routeur. Les scénarios d'usage proposés
sont exposés dans la section 5, une liste non limitative de cas où
ping ne suffit pas :
En théorie, SNMP pourrait servir au moins partiellement à ces tests mais, en pratique, c'est compliqué.
ping, la technique classique, est
très sommairement décrit dans le RFC 2151,
section 3.2, mais sans indiquer comment il fonctionne. La
méthodologie est simple : la machine de test envoie un message
ICMP Echo
(type 8
en IPv4 et 128 en
IPv6) à la machine visée (l'amer). L'amer répond avec un Echo
Reply
(type 0 en IPv4 et 129 en IPv6). La réception
de cet Echo Reply
indique que la liaison
marche bien dans les deux sens. La non-réception indique d'un
problème s'est produit, mais on n'en sait pas plus (notamment, on
ne sait pas si le problème était à l'aller ou bien au
retour). Ici, on voit le test effectué par une sonde Atlas sur l'amer
2605:4500:2:245b::42
(l'un des serveurs hébergeant ce blog), vu par tshark :
13.013422 2a02:1811:c13:1902:1ad6:c7ff:fe2a:6ac → 2605:4500:2:245b::42 ICMPv6 126 Echo (ping) request id=0x0545, seq=1, hop limit=56 13.013500 2605:4500:2:245b::42 → 2a02:1811:c13:1902:1ad6:c7ff:fe2a:6ac ICMPv6 126 Echo (ping) reply id=0x0545, seq=1, hop limit=64 (request in 11)
ICMP est normalisé dans les RFC 792 pour IPv4 et RFC 4443 pour IPv6. L'exemple ci-dessus montre un test classique, avec une requête et une réponse.
Notre RFC parle d'« interface testée » (probed interface) et d'« interface testante » (probing interface). Dans l'exemple ci-dessus, l'interface Ethernet de l'Atlas était la testante et celle du serveur était la testée. Le succès du test montre que les deux interfaces sont actives et peuvent se parler.
Au contraire de ping, PROBE
va envoyer le
message, non pas à l'interface testée mais à une interface
« relais » (proxy). Celle-ci répondra si
l'interface testée fonctionne bien (état
oper-status
, cf. RFC 7223). Si l'interface testée n'est pas sur le nœud qui
sert de relais, ce dernier détermine l'état de cette interface en
regardant la table ARP (RFC 826) ou NDP (RFC 4861). Aucun test actif n'est effectué, l'interface est
considérée comme active si on lui a parlé récemment (et donc si
l'adresse IP est dans un cache). PROBE
utilise, comme ping,
ICMP. Il se sert des messages ICMP structurés du RFC 4884. Une des parties du message structuré sert à
identifier l'interface testée.
L'extension à ICMP Extended Echo est décrite en section 2 du RFC. Le type de la requête est 42 pour IPv4 et 160 pour IPv6 (enregistré à l'IANA, pour IPv4 et IPv6). Parmi les champs qu'elle comprend (les deux premiers existent aussi pour l'ICMP Echo traditionnel) :
Cette structure suit la forme décrite dans la section 7 du RFC 4884. Elle contient un objet d'identification de l'interface. L'interface qu'on teste peut être désignée par son adresse IP (si elle n'est pas locale - bit L à zéro, c'est la seule méthode acceptée), son nom ou son index. Notez que l'adresse IP identifiant l'adresse testée n'est pas forcément de la même famille que celle du message ICMP. On peut envoyer en IPv4 un message ICMP demandant à la machine distante de tester une interface IPv6.
Plus précisément, l'objet d'identification de l'interface est composé, comme tous les objets du RFC 4884, d'un en-tête et d'une charge utile. L'en-tête contient les champs :
if-index
, et enfin 3 = par adresse),L'adresse est représentée elle-même par une structure à trois champs, la famille (4 pour IPv4 et 6 pour IPv6), la longueur et la valeur de l'adresse. Notez que le RFC 5837 a un mécanisme de description de l'interface, portant le numéro de classe 2, et utilisé dans un contexte proche.
La réponse à ces requêtes a le type 43 en IPv4 et 161 en IPv6 (section 3 du RFC). Elle comprend :